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04/10/1993 | MONACO | N°26218

Monaco | Cour de révision, 4 octobre 1993, M. c/ E., Me M., dame B.


Abstract

Partage

Jugement d'homologation - Autorité de la chose jugée : du fait qu'il tranche des difficultés contentieuses - Acte de juridiction gracieuse, dans le cas contraire

Résumé

Après avoir relevé qu'en homologuant l'acte de partage de la succession d'un de cujus par parts égales entre ses deux fils, malgré un legs particulier avantageant l'un d'entre eux mineur, le tribunal dans sa mission de protection des intérêts du mineur et de la sauvegarde de ses droits successoraux s'était prononcé sur les difficultés d'exécution du legs qui attribuait

au mineur en plus de sa part légale, celle qu'aurait dû recevoir sa mère si elle n'ét...

Abstract

Partage

Jugement d'homologation - Autorité de la chose jugée : du fait qu'il tranche des difficultés contentieuses - Acte de juridiction gracieuse, dans le cas contraire

Résumé

Après avoir relevé qu'en homologuant l'acte de partage de la succession d'un de cujus par parts égales entre ses deux fils, malgré un legs particulier avantageant l'un d'entre eux mineur, le tribunal dans sa mission de protection des intérêts du mineur et de la sauvegarde de ses droits successoraux s'était prononcé sur les difficultés d'exécution du legs qui attribuait au mineur en plus de sa part légale, celle qu'aurait dû recevoir sa mère si elle n'était prédécédée, la Cour d'appel a, à bon droit, décidé, que le jugement d'homologation avait tranché une contestation et avait dès lors autorité de chose jugée.

Motifs

La Cour,

Sur le premier moyen,

Attendu que L. M., veuf de C. T., est décédé en laissant un fils adoptif A. et un fils légitime F. alors mineur, et après avoir rédigé un testament en faveur de ce dernier ; que devenu majeur F. M. a assigné A. M., Dame B. qui avait été sa tutrice et Maître M. notaire qui avait réglé la succession de son père, en nullité du partage pour erreur dans la détermination des parts, en rescision pour lésion de celui-ci, en recel successoral de biens situés en France et en Italie et en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que F. M. fait grief à l'arrêt attaqué (26 janvier 1993) d'avoir déclaré irrecevable son action en nullité du partage en raison de l'autorité de chose jugée du jugement d'homologation de celui-ci, alors, selon le moyen, que cette autorité ne s'attache à une telle décision que lorsque celle-ci tranche une contestation sur la quotité respective des droits des copartageants, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'en homologuant l'acte de partage de la succession de L. M. par parts égales entre ses deux fils, malgré un legs particulier avantageant F., le tribunal dans le cadre de sa mission de protection des intérêts du mineur et de la sauvegarde de ses droits successoraux s'était prononcé sur les difficultés d'exécution du legs qui attribuait au mineur au plus de sa part légale, celle qu'aurait dû recevoir sa mère si elle n'était prédécédée, la Cour d'appel a, à bon droit, décidé, que le jugement d'homologation avait tranché une contestation et avait dès lors autorité de chose jugée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen,

Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir rejeté l'action en rescision pour lésion du partage, alors, selon le moyen, que l'évaluation de la lésion supposant que soit comparée la valeur du lot attribué au copartageant à celle de la part qui aurait dû lui revenir, la cour d'appel qui s'est abstenue de préciser ces valeurs n'a pas mis la Cour de révision en mesure de contrôler le respect de l'égalité des copartageants et a privé sa décision de base légale ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant souverainement estimé que l'évaluation des biens avait été réalisée de manière à assurer à F. M. la part qui lui revenait, et excluait une lésion suffisante pour entraîner la rescision, le moyen ne peut qu'être rejeté ;

Sur le troisième moyen,

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté, par un motif hypothétique, l'action en nullité du partage pour erreur dans la détermination de la masse partageable, alors, selon le moyen, que l'inclusion dans cette masse d'un bien appartenant privativement à un indivisaire détruit l'équilibre du partage et constitue une erreur sur sa cause, chacun devant recevoir une valeur égale à ses droits dans la masse ;

Mais attendu que la cour d'appel constate que la possession de certains meubles par F. M. était équivoque, et que la revendication de celui-ci a été prise en compte dans l'acte de partage puisque les meubles et objets meublants prisés à une certaine valeur lors de l'inventaire n'ont été retenus que pour une valeur moindre dans la masse partageable ; que par ces motifs non hypothétiques qui excluent l'erreur, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le quatrième moyen,

Attendu que F. M. reproche à l'arrêt d'avoir rejeté son action en recel de biens situés en France, alors, selon le moyen, que le recel successoral étant constitué par toute fraude qui a pour but de rompre l'égalité du partage, telle la dissimulation d'un bien immobilier, la cour d'appel, en se déterminant par des motifs hypothétiques qui ne permettent pas de savoir si la somme retenue pour la valeur des parts sociales comprenait ou non la valeur de l'actif immobilier, a entaché sa décision d'un défaut de motif ;

Mais attendu que par une interprétation souveraine du rapport de l'expert judiciaire, la cour d'appel décide que celui-ci a inclus les biens immobiliers abritant la société Entreprise Générale du Bâtiment L. M. dans son estimation des 188 parts de cette société ; que le moyen n'est dès lors, pas fondé ;

Sur le cinquième moyen,

Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel de s'être déclarée incompétente pour connaître de la demande en recel d'immeubles situés en Italie, alors, selon le moyen, qu'elle ne pouvait, sans contradiction, se reconnaître compétente pour les biens situés en France et incompétente pour ceux sis en Italie, tous ces immeubles étant à l'étranger ;

Mais attendu que la cour d'appel ne s'est pas contredite en appréciant la valeur des parts d'une société commerciale et non d'un immeuble, sise en France et en se déclarant incompétente pour statuer sur le recel d'immeubles en Italie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen,

Il est, enfin, fait grief à la cour d'appel d'avoir rejeté les demandes de F. M. en paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que les dispositions de l'arrêt concernant la responsabilité des trois défendeurs au pourvoi, se trouvant dans un lien de dépendance nécessaire avec les chefs du dispositif qui seront censurés, relatifs à l'erreur ou à la lésion de l'acte de partage et au recel, la censure de ces dispositions est encourue par voie de conséquence ;

Mais attendu que tous les autres moyens du pourvoi ayant été rejetés, le moyen est dépourvu de tout fondement ;

Cour d'appel

Audience du 26 janvier 1993

La Cour statue sur l'appel relevé par F. M. d'un jugement rendu par le Tribunal de première instance le 29 mars 1990 ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi par F. M., enfant légitime de L. C. M., d'une action en rescision du partage amiable de la succession de son père, décédé à Saint-Jean-Cap-Ferrat le 22 juillet 1975 ainsi que du jugement d'homologation dudit partage pour cause de lésion de plus du quart et pour erreur dans la détermination des droits héréditaires et dans la composition de la masse partageable, action dirigée à l'encontre de A. M., fils adoptif du de cujus, de Maître M. notaire rédacteur de l'acte de partage, et de M. B. tutrice, le tribunal a déclaré la demande irrecevable au regard de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'homologation susvisé, a déclaré par voie de conséquence irrecevables en l'état ses demandes d'indemnisations fondées sur l'article 1230 du Code civil et dirigées à l'encontre des trois défendeurs ainsi que sur sa demande de reddition de comptes concernant M. B., s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes subsidiaires de supplément de partage concernant des biens immobiliers situés en France et en Italie qui auraient été recelés à son détriment, a débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles et les parties du surplus des fins de leurs conclusions ;

Pour en décider ainsi et après avoir rappelé les différents actes de tutelle qui ont abouti au partage de la succession par parts égales entre les deux enfants du défunt sans égard pour les dispositions testamentaires de C. M. aux termes desquelles il entendait léguer à son fils mineur F. la part qui aurait dû revenir au conjoint survivant s'il n'était prédécédé, le tribunal relevait que le jugement d'homologation avait nécessairement examiné le contenu de l'acte de partage et considérait que ce faisant, les juges de l'homologation s'étaient non seulement prononcés positivement sur la régularité formelle de l'opération mais avaient en outre reconnu implicitement l'opportunité du partage opéré, tout comme son bien-fondé au regard de la composition des lots et des droits successoraux du mineur déterminés sur une base d'égalité ainsi que le jugement d'homologation le précisait en ses motifs ;

Il estimait dès lors qu'en entérinant un partage effectué sur ces bases, le tribunal avait rendu une décision à caractère juridictionnel qui bien qu'intervenue en matière gracieuse, devait être considérée au regard de la jurisprudence comme ayant acquis l'autorité de la chose jugée et faisait donc obstacle à l'action en nullité intentée par F. M. ;

À l'appui de son appel tendant à la réformation du jugement, F. M. fait grief aux premiers juges d'avoir déclaré sa demande irrecevable alors que d'une part, le moyen tiré par eux de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'homologation ne pouvait être relevé d'office, s'agissant d'un moyen d'ordre privé qu'aucune partie n'avait invoqué et que d'autre part le jugement d'homologation étant un acte de nature gracieuse il était dépourvu d'autorité de la chose jugée, les exceptions jurisprudentielles à ce principe visant les jugements d'homologation ayant tranché un point litigieux entre les parties ;

Sur le fond, l'appelant invoque :

* le caractère lésionnaire du partage, en se fondant sur les évaluations de la masse partageable faites à sa demande par deux consultants, desquelles il résulterait une sous-évaluation générale des biens soumis au partage en sorte que sa part aurait dû être - selon les calculs exposés dans son acte d'appel - de 3 203 584 francs au lieu de 930 000 francs ;

* l'erreur dans la détermination de ses droits héréditaires qui auraient dû être des 2/3 et non de la moitié si l'acte de partage avait respecté les volontés du défunt exprimées dans son testament olographe du 17 mai 1975 ;

* l'erreur dans la constitution de la masse partageable en ce que les meubles meublant l'appartement loué à sa mère C. T. étant présumés la propriété de celle-ci, devaient être exclus de la masse successorale de C. M. ;

* le recel de biens immobiliers situés en France et en Italie ;

* la responsabilité des intimés sur le fondement de l'article 1230 du Code civil :

F. M. demande en conséquence à la Cour :

* d'infirmer le jugement dont appel,

* de dire et juger sa demande recevable et bien fondée,

* de débouter Maître M. de sa demande en disjonction d'instance,

* de débouter les intimés de leurs demandes,

* de prononcer la rescision du partage pour lésion de plus du quart,

* de dire et juger qu'il y a lieu de procéder à un nouveau partage et d'en fixer les modalités,

Subsidiairement :

* d'annuler le partage pour erreur dans la détermination des quotes-parts des héritiers du fait du non-respect du testament de C. M. ;

* d'annuler le partage pour erreur du fait de l'inclusion dans la masse successorale, de biens appartenant en propre à l'un des copartageants,

* de lui attribuer les biens ayant fait l'objet d'un recel successoral et à défaut d'ordonner que lesdits biens feront l'objet d'un supplément en partage sur la base de l'article 755, alinéa 2, du Code civil,

* en tout état de cause, de condamner au titre des dommages-intérêts :

• Maître M. au paiement d'une somme de 500 000 francs,

• A. M. au paiement d'une somme de 1 500 000 francs,

• M. B. au paiement d'une somme de 150 000 francs, - de condamner les intimés solidairement aux dépens ;

A. M. intimé, a conclu à titre principal à la confirmation du jugement entrepris et à titre subsidiaire au débouté de l'appelant ;

Sur la confirmation du jugement, il soutient avoir invoqué en première instance l'irrecevabilité de l'action intentée par F. M., et déclare réitérer cette irrecevabilité fondée sur l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement d'homologation qui en entérinant un partage égalitaire a nécessairement tranché un point litigieux ;

Sur le fond, il fait valoir :

* que la seule valeur des 250 parts de la SCI « Société des Hauts de Saint-Jean-Cap-Ferrat » retenue pour la somme de 352 450 francs dans le partage alors qu'elles ont été vendues par F. M. pour celle de 3 375 000 francs ôterait tout caractère lésionnaire - à supposer qu'il existât - à ce partage ;

* que la volonté de C. M. de gratifier son fils mineur ne serait pas clairement exprimée dans son testament, le choix du verbe « je désire » s'analysant en un simple souhait dont l'exécution serait laissée à la conscience des héritiers ;

* qu'en outre ce vœu ne serait pas réalisable puisque la loi française, loi nationale du défunt, applicable à la succession ne reconnaissait au conjoint survivant qu'un droit d'usufruit que F. M. ne pourrait revendiquer en raison du prédécès de sa mère ;

* que les meubles et objets meublant l'appartement officiellement loué à C. T. sa mère, mais en réalité domicile conjugal des époux, ne seraient pas la propriété exclusive de l'épouse et qu'il appartiendrait à l'appelant d'établir la preuve contraire ;

* que les biens immobiliers prétendument recélés sont situés en France et en Italie ce qui rendrait les juridictions monégasques incompétentes pour connaître de cette demande ;

* que l'appelant ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute à l'encontre de l'intimé qui s'est toujours abstenu de prendre part aux discussions concernant le partage de la succession ;

Formant appel incident, A. M. sollicite la condamnation de l'appelant au paiement de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice que lui occasionnerait la procédure abusive engagée à son encontre par F. M. ;

Maître P.-M. M. autre intimé sollicite à titre principal, par voie d'appel incident la disjonction d'instance et subsidiairement au fond, le déboutement de l'appelant et la condamnation de ce dernier au paiement d'une somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice professionnel et moral que lui auraient occasionné les procédures engagées par F. M. ;

Il fait valoir :

* Sur la demande de disjonction, que n'étant pas partie à l'acte de partage il n'est pas intéressé par le résultat de l'action en nullité intentée par F. M. ;

* Au fond, qu'il suffit de se reporter au procès-verbal du conseil de famille tenu le 10 août 1976 sous la présidence du juge tutélaire pour constater que les décisions d'attribution des biens successoraux ont été mûrement réfléchies par l'ensemble de ses membres, que le notaire n'a pas participé à ces réflexions, qu'une difficulté d'interprétation du testament s'est posée, qu'elle ne pouvait être tranchée que par le conseil de famille et que le notaire avait pour devoir de faire appliquer les décisions du conseil ;

Sur le recel, l'intimé fait valoir que les immeubles qui auraient été recélés ne dépendent pas de la succession de L. M. mais constituent l'un des éléments d'actif de la SARL Entreprise Générale du Bâtiment L. M., dont 188 parts dépendent de la succession, et que ces parts auraient été incluses dans le partage pour leur valeur fixée par l'expert judiciairement commis ;

Sur les irrégularités dans l'acte de partage, l'intimé se reporte au procès-verbal du conseil de famille précité qui explique les modifications d'attributions et d'évaluations décidées par ce conseil ;

M. B. intimée déclare faire sienne l'argumentation développée par A. M. ; elle conclut à la confirmation du jugement entrepris et formant un appel incident, elle sollicite la condamnation de F. M. au paiement d'une somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et matériel que lui aurait occasionné la procédure engagée par celui-ci ;

Sur ce,

1/ Sur l'autorité de la chose jugée :

Considérant que l'appelant fait grief au jugement attaqué d'une part d'avoir soulevé d'office l'exception de chose jugée, moyen de droit privé non invoqué par les défendeurs devant le tribunal et d'autre part d'avoir attribué au jugement d'homologation de partage l'autorité de la chose jugée alors qu'un jugement de cette nature est un acte de juridiction gracieuse dès lors qu'il n'a pas été statué sur un ou plusieurs points litigieux ;

Considérant sur le premier moyen, que l'exception de chose jugée peut être proposée en tout état de cause ; qu'en demandant à la Cour la confirmation du jugement entrepris, les intimés ont entendu implicitement mais nécessairement invoquer cette exception ;

Considérant que ce moyen doit donc être rejeté ;

Considérant sur le second moyen que si un jugement d'homologation de partage est en général un acte de juridiction gracieuse, il en est autrement lorsque le tribunal a eu à statuer sur un contentieux ouvert ou latent ;

Considérant qu'en l'espèce le tribunal a, par jugement du 14 octobre 1976, homologué l'acte de liquidation et de partage amiable des biens situés dans la Principauté et en France composant la succession de C. M., décédé le 22 juillet 1975 à Saint-Jean-Cap-Ferrat, en laissant comme seuls héritiers réservataires ses deux fils dont l'un, F. M. était mineur ;

Considérant que par cette décision, le tribunal consacrait un partage par parts égales entre les deux enfants, et ce, nonobstant un legs particulier avantageant le mineur, legs contenu dans un testament olographe retranscrit in extenso à la page 3 de l'acte de partage soumis à son appréciation et dont il n'a pu de ce fait ignorer l'existence ;

Considérant qu'en approuvant les bases de ce partage, le tribunal, dans le cadre de sa mission de protection des intérêts du mineur et de la sauvegarde de ses droits successoraux s'est implicitement mais nécessairement prononcé sur les difficultés d'exécution du legs qui attribuait au mineur en plus de sa part légale, celle qu'aurait dû recevoir le conjoint survivant s'il n'était prédécédé ; qu'ayant fait sur ce point acte de juridiction contentieuse sa décision revêt de ce chef l'autorité de la chose jugée ;

Considérant que les délais de recours étant expirés, ce jugement est devenu définitif et qu'il y a lieu confirmant la décision des premiers juges sur ce point, de déclarer F. M. irrecevable en ce que son appel porte sur la nullité du partage pour cause d'erreur dans la détermination des parts héréditaires ;

Considérant que l'autorité de la chose jugée qui fait obstacle à ce que soient remis en cause les droits successoraux déterminés par le jugement d'homologation n'interdit pas à F. M., de mettre en œuvre l'action en rescision pour lésion qui lui est ouverte par l'article 755 du Code civil, s'il estime que la valeur des biens mis dans son lot est inférieure de plus du quart à la valeur de la part qui aurait dû lui revenir dans l'actif dès lors que le jugement d'homologation ne s'est pas prononcé par une décision contentieuse sur la valeur de ces biens ;

Considérant qu'il appartient à la Cour, évoquant les points non jugés par le tribunal, de donner une solution définitive au litige ;

2/ Sur la lésion

Considérant que l'appelant entend établir le caractère lésionnaire du partage par la comparaison des estimations de la masse partageable, telles que ces estimations résultent d'une part de l'expertise judiciaire sur laquelle le partage est fondé et d'autre part de l'évaluation des biens à laquelle il a fait procéder, cette comparaison faisant ressortir selon l'appelant, une sous-évaluation générale de la masse active partageable ayant conduit à limiter sa part à 930 000 francs alors qu'elle eut dû être de 3 203 584 francs ;

Considérant qu'il y a lieu pour déterminer l'existence de la lésion alléguée de s'attacher - au-delà des estimations - à la valeur réelle de tous les biens composant la masse partageable ;

Considérant qu'il ressort des documents versés aux débats et notamment de l'expertise judiciaire, des délibérations du conseil de famille et de l'acte de partage lui-même, que C. M., à la fois entrepreneur du bâtiment et agent immobilier, dont les affaires connaissaient un affaiblissement sérieux révélé par les résultats déficitaires de l'entreprise de construction et de l'agence immobilière, avait investi une part importante de son actif dans des participations parfois minoritaires à des sociétés civiles propriétaires de terrains dont certains étaient inconstructibles sauf à obtenir dans chaque cas des dérogations ou à procéder à des remembrements ;

Considérant que ces investissements à caractère spéculatif nécessitant toute liberté d'action et de décision ne pouvaient convenir à un mineur en tutelle en raison tant du formalisme que la loi impose à tout acte de disposition que de l'indispensable sécurité financière qu'il était nécessaire d'assurer à un enfant de 12 ans, orphelin de père et de mère ;

Considérant que ce souci primordial de sécurité, qui transparaît du procès-verbal de la réunion du conseil de famille tenue le 10 août 1976 sous la présidence du juge tutélaire, a conduit ledit conseil aux termes de réflexions approfondies rappelées par le procès-verbal, à proposer les attributions figurant à l'acte de partage définitif car ces attributions permettaient d'assurer au mineur un capital sûr, l'héritier majeur recevant les biens à risque, ceux grevés de charges et ceux déficitaires ;

Considérant que c'est cette préoccupation essentielle qui a conduit le conseil de famille lors de la réunion précitée à minorer l'évaluation des meubles inventoriés, la valeur ainsi dégagée par cette minoration soit 100 000 francs, ayant été compensée par l'attribution au mineur de 250 parts de la SCI Les Hauts de Saint-Jean-Cap-Ferrat en remplacement du terrain de Monaco qui lui avait été initialement attribué mais dont l'acte d'acquisition était demeuré sous seing privé, seule la commodité des opérations non préjudiciables au mineur ayant conduit à maintenir d'une manière purement formelle les évaluations figurant au projet de partage, la part du mineur n'ayant pas varié ;

Considérant ainsi que la valeur réelle des biens successoraux a été appréciée par le conseil de famille en considération de la sécurité qu'ils apportaient au mineur ; que ce paramètre déterminant constituait au regard de la valeur réelle des biens un élément essentiel dans la détermination de cette dernière ;

Considérant que les consultants auxquels F. M. s'est adressé ont évalué les biens successoraux en appliquant à la valeur actuelle un coefficient de minoration afin d'obtenir la valeur au jour du partage ;

Considérant que cette méthode d'évaluation procède d'un calcul purement théorique et ne tient pas compte du marché immobilier réel de l'époque alors que l'expertise judiciaire effectuée lors du partage avec toutes les garanties qui s'attachent à une telle mesure apparaît constituer un élément d'appréciation qui ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse ;

Considérant qu'il est ainsi établi que l'évaluation des biens compte tenu des éléments d'appréciation ci-dessus énoncés a été réalisée de manière à assurer à F. M. la part qui lui revenait et exclut de ce fait une lésion suffisante pour justifier ses demandes ;

3/ Sur l'inclusion dans la masse partageable de biens appartenant en propre à F. M.,

Considérant que l'appelant invoque la nullité du partage au motif que les meubles et objets meublants mis dans son lot seraient la propriété de sa mère C. T., locataire de l'appartement dans lequel ils se trouvaient et qu'ils auraient été inclus erronément dans la masse partageable ; qu'il invoque à l'appui de ce moyen le bénéfice de l'article 2099 du Code civil ;

Considérant cependant qu'il résulte du certificat de domicile après décès délivré par le Ministre d'État ainsi que du titre de séjour et de la carte d'identité consulaire de C. M., toutes pièces versées aux débats, que le défunt était de son vivant domicilié à la même adresse que son épouse ;

Considérant dès lors que cette domiciliation rend équivoque, au plan du droit, la possession invoquée par F. M. ;

Considérant au plan du fait, que ces meubles et objets ont été inventoriés par notaire le 18 décembre 1975 après le décès de C. M. en présence de la tutrice et du subrogé tuteur qui ont déclaré que ces meubles et objets dépendaient de la succession de C. M., à l'exception de certains d'entre eux qui ne pouvaient être précisés ;

Considérant que cette réserve visait quelques meubles et objets dépendant de la succession de C. T. pré-décédée et énumérés dans une déclaration versée aux débats, émanant de C. G., frère utérin de F. M. et membre du conseil de famille du mineur ;

Considérant qu'il apparaît que cette revendication a été prise en compte dans l'acte de partage puisque les meubles et objets meublants prisés lors de l'inventaire à 191 210 francs n'ont été retenus dans la masse partageable qu'à concurrence de 182 410 francs, la différence de valeur s'appliquant nécessairement aux objets revendiqués ;

Considérant dès lors que ce moyen n'est pas fondé ;

4/ Sur le recel successoral,

Considérant que F. M. impute à A. M. un recel successoral portant sur des biens situés tant en France qu'en Italie ;

a) Considérant pour ce qui est des biens situés en France que, s'il est de principe ainsi que le tribunal l'a relevé que les juridictions monégasques sont incompétentes pour connaître des demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger, la circonstance que le partage homologué par le tribunal de première instance ait porté sur les biens situés tant à Monaco qu'en France, jointe aux conditions particulières de la demande qui concerne une dissimulation alléguée de la valeur des parts de la SARL Entreprise Générale du Bâtiment L. M. à raison de l'existence dans l'actif de cette société de biens immobiliers, justifie la compétence de la juridiction monégasque ;

Considérant que la décision du tribunal doit être réformée sur ce point ;

Considérant sur le recel que l'appelant fait grief à A. M. d'avoir dissimulé la valeur des 188 parts de la SARL Entreprise Générale du Bâtiment L. M. mises dans son lot et évaluées par l'expert judiciaire à 35 000 francs alors que l'existence d'un actif immobilier était connue de l'intimé ;

Considérant que l'expert judiciaire a déclaré dans son rapport avoir retenu la somme de 35 000 francs en raison tant de l'exploitation largement déficitaire de l'entreprise que de la valeur des parts sociales estimées à un chiffre minimum ;

Considérant dès lors que l'expert judiciaire a nécessairement inclus dans son estimation les biens immobiliers abritant la société et consistant dans un garage et le rez-de-chaussée de l'immeuble M., à Saint-Jean-Cap-Ferrat, la valeur de 35 000 francs retenue apparaissant au demeurant correspondre à l'évaluation des autres parties de cet immeuble, incluses dans le partage ;

Considérant que ce moyen doit être rejeté ;

b) Considérant en ce qui concerne le recel allégué de biens immobiliers situés en Italie que les juridictions monégasques sont incompétentes pour en connaître, en raison de la domiciliation de ces biens à l'étranger ;

Considérant que F. M. qui a succombé en ses demandes n'est pas fondé à solliciter l'octroi de dommages-intérêts à l'encontre des intimés ;

Sur les appels incidents,

Considérant qu'en l'état du déboutement de l'appelant, la demande de disjonction présentée par Maître M. s'avère sans objet, qu'il y a lieu de l'en débouter ;

Considérant que la procédure d'appel engagée par F. M. n'est manifestement ni abusive, ni dilatoire, ni malicieuse et qu'il n'y a pas lieu de ce fait à l'allocation de dommages-intérêts ; que les intimés doivent donc être déboutés de leurs demandes ;

Considérant que F. M. doit être condamné aux dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

* Réformant le jugement entrepris et évoquant les points non jugés ;

* Déclare irrecevable la demande en nullité de partage pour cause d'erreur dans la détermination des parts héréditaires ;

* Déclare F. M. recevable mais non fondé en ses demandes de rescision du partage pour lésion de plus du quart et pour erreur dans la détermination de la masse partageable ;

* Déclare F. M. recevable mais non fondé en son action en recel successoral de biens situés en France ;

* se déclare incompétente pour connaître de la demande tendant à établir le recel successoral de biens immobiliers situés en Italie ;

* déboute l'appelant de ses demandes en paiement de dommages-intérêts ;

Sur les appels incidents,

* déboute Maître M. M. de sa demande de disjonction,

* déboute les intimés de leurs demandes respectives de dommages-intérêts,

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur à l'amende et aux dépens ;

Composition

MM. Charliac prem. prés. ; Monégier du Sorbier v. prés. rap. ; Cochard et Jouhaud cons. ; Carrasco proc. gén. ; Mes Blot, Clérissi et Sbarrato av. déf. ; Lombard av. Marseille ; Marquet av. C.E. et C. Cass.

Note

L'arrêt de la Cour de révision rejette un pourvoi formé contre un arrêt de la Cour d'appel du 26 janvier 1993 (voir ci-après) qui avait considéré que le jugement d'homologation de partage revêtait en l'espèce l'autorité de la chose jugée, du fait qu'il statuait sur des produits litigieux.

L'arrêt de la Cour d'appel est publié à la suite.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26218
Date de la décision : 04/10/1993

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : M.
Défendeurs : E., Me M., dame B.

Références :

article 755, alinéa 2, du Code civil
article 1230 du Code civil
article 2099 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.revision;arret;1993-10-04;26218 ?

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