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30/05/2023 | MONACO | N°30005

Monaco | Cour d'appel, 30 mai 2023, Monsieur A. c/ La société anonyme monégasque dénommée B.


COUR D'APPEL

ARRÊT DU 30 MAI 2023

En la cause de :

* Monsieur A., mécanicien d'entretien, demeurant x1 Nice, France ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* La société anonyme monégasque dénommée B. (B./strong, dont le siège social est x2 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice domicilié en cette qual

ité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel d...

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 30 MAI 2023

En la cause de :

* Monsieur A., mécanicien d'entretien, demeurant x1 Nice, France ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* La société anonyme monégasque dénommée B. (B./strong, dont le siège social est x2 à Monaco, prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Agnès BALLEREAU-BOYER, avocat au barreau de Grasse ;

INTIMÉE,

d'autre part,

Visa

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 28 janvier 2022 ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 24 mars 2022 (enrôlé sous le numéro 2022/000080) ;

Vu les conclusions déposées le 13 juin 2022 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée B. (B.) ;

Vu les conclusions déposées les 11 octobre 2022 et 29 novembre 2022 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur A. ;

Vu l'ordonnance de clôture du 14 février 2023 ;

À l'audience du 21 février 2023, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties et en leurs plaidoiries ;

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Monsieur A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 28 janvier 2022.

Considérant les faits suivants :

A. était embauché par contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 2005 par la société anonyme monégasque B. (ci-après B.) en qualité de chaudronnier, puis en qualité de mécanicien d'entretien à compter du 31 octobre 2012 moyennant paiement d'un salaire brut de 3.004,60 euros.

A. faisait un malaise sur son lieu de travail le 28 octobre 2014, date à compter de laquelle il était placé en arrêt-maladie le 28 octobre 2014 jusqu'à son licenciement notifié par lettre du 23 mars 2016.

Par jugement du 19 janvier 2017, le Tribunal de première instance déboutait A. de ses demandes à l'encontre de la société anonyme monégasque B., estimant que son malaise survenu sur son lieu de travail ne pouvait être qualifié d'accident du travail.

Soutenant que le motif de son licenciement n'était pas valable et que la rupture du contrat était abusive, mais également que les conditions de travail étaient intolérables, A. attrayait, ensuite d'un procès-verbal de non-conciliation en date du 8 juillet 2019, la SAM B. devant le Bureau de Jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir sa condamnation, par une décision assortie de l'exécution provisoire à :

* 16.000 euros d'indemnités de licenciement (avant déduction de l'indemnité de congédiement),

* 80.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et mauvaises conditions de travail,

* intérêts au taux légal.

Par jugement du 28 janvier 2022, le Tribunal du travail statuait en ce sens :

* prononce la nullité de la pièce n° 16 produite par la société anonyme monégasque B.,

* dit que le licenciement de A. repose sur un motif valable,

* dit que le licenciement n'a pas été mis en oeuvre de manière abusive,

* rejette la demande au titre des mauvaises conditions de travail,

* rejette l'intégralité des demandes de A.,

* condamne A. aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Le Tribunal du travail estimait que :

* les pièces versées par l'employeur attestant notamment du recours à l'intérim établissaient la nécessité de remplacer définitivement A. à son poste de travail et du bien du licenciement en découlant,

* aucun élément n'était versé aux débats établissant un motif fallacieux du licenciement, l'éventuel lien entre le harcèlement déploré par A. et la rupture de son contrat de travail ne pouvant conférer en soit au licenciement un caractère abusif,

* A. ne pouvait fonder ses prétentions sur la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement dans la mesure où cette dernière était postérieure aux faits évoqués par le salarié,

* si A. avait ressenti au cours de l'année 2014 une surcharge de travail et une pression importante de sa direction, aucun élément ne permettait de relier l'épisode dépressif et le trouble anxieux à la surcharge et aux pressions.

Le jugement du 28 janvier 2022 était signifié par la société anonyme monégasque B. à A. par acte d'huissier du 24 février 2022.

Par acte d'huissier en date du 24 mars 2022, A. interjetait appel parte in qua, sollicitant la réformation de toutes les dispositions du jugement du 28 janvier 2022 à l'exception du chef de jugement ayant prononcé la nullité de la pièce n° 16 produite par la société anonyme monégasque B..

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 29 novembre 2022, A. demandait à la Cour de :

* le recevoir en son appel parte in qua et le déclarer bien fondé,

* confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la pièce n°16 produite par la société anonyme monégasque B.,

* le réformer sur les autres chefs,

Et statuant de nouveau,

* dire que le licenciement ne repose sur aucun motif valable,

En conséquence,

* condamner la société anonyme monégasque B. à lui régler la somme de 8.961,27 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et mauvaises conditions de travail,

* condamner la société anonyme monégasque B. au paiement d'une somme de 3.500 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

* débouter la société anonyme monégasque B. de ses demandes, fins et conclusions,

* dire que la décision sera exécutoire en toutes ses dispositions et que les sommes auxquelles la société anonyme monégasque B. sera condamnée devront être payées avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice pour le rappel de salaire et à compter du jugement qui sera rendu pour les autres,

* condamner la société anonyme monégasque B. en tous les dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

A. demandait de confirmer la nullité de l'attestation de C. en l'absence de respect des conditions de l'article 324 du Code de procédure civile.

Au fond, A. soutenait que le motif de son licenciement n'était pas valable dans la mesure où aucun mécanicien d'entretien n'avait été engagé entre novembre 2014 et mai 2017 pour le remplacer, les personnes recrutées par l'employeur l'ayant été sur des postes qui n'étaient pas similaires au sien.

Il soulignait à ce titre que :

* la société anonyme monégasque B. ne produisait aucune fiche des postes remettant en cause celles qu'il évoquait pour définir les fonctions d'un mécanicien d'entretien et d'un électromécanicien,

* les éléments produits par l'employeur ne justifiaient pas de son remplacement,

* il avait versé des attestations de collègues de travail ayant explicité l'altercation qu'il avait eue avec C.,

* suite à son altercation avec C., il avait fait une crise d'angoisse en arrivant à l'entretien avec son employeur en raison de la pression subie arrivant à son paroxysme, ce qui démontrait que son état était en lien direct avec ses conditions de travail, ce qu'avait retenu un jugement du Tribunal de première instance,

* il avait versé aux débats des attestations de salariés certifiant qu'il avait fait l'objet de propos racistes et de pressions, faisant grief aux premiers juges d'avoir limité la période des faits à partir de 2014 et le jugement du Tribunal de première instance du 19 janvier 2017 ayant retenu que son syndrome anxio-dépressif était le résultat d'une action lente et répétée de son employeur ainsi que de certains collègues du fait de condition de travail devenues difficiles,

* son licenciement résultant directement du comportement de l'employeur n'était pas ainsi valable.

A. affirmait par ailleurs que ses conditions de travail s'étaient lentement dégradées jusqu'à devenir physiquement et psychologiquement intolérables, les allusions racistes dont il avait été victime étant sans lien avec sa rémunération dont se prévalait l'employeur pour contester les faits et n'ayant pu être dénoncées à son employeur dans la mesure où elles étaient le fait même du directeur général de la société anonyme monégasque B.

Il rappelait à ce propos les motifs du jugement du Tribunal de première instance du 19 janvier 2017 qui reposaient sur des éléments factuels, ne s'agissant pas d'un autre litige.

Il précisait que suite à son malaise fait en cours d'entretien avec son employeur tenu en raison de son altercation avec C., il avait été destinataire d'un courrier de la société anonyme monégasque B. qui avait aggravé son état de santé déjà extrêmement fragilisé, ayant été par la suite incapable de reprendre son travail après onze années de bons et loyaux services.

A. estimait que la société anonyme monégasque B. avait invoqué un faux motif pour justifier de son licenciement dans la mesure où elle ne rapportait pas la preuve de ce que son poste avait été pourvu.

Il précisait être actuellement pris en charge par Pôle Emploi et percevoir des indemnités de chômage inférieures de 1.423,60 euros par mois par rapport à son salaire de base de sorte qu'il justifiait d'un préjudice de 17.083,20 euros par an.

Dans la mesure où la perte de son emploi était directement liée au comportement de son employeur, il devait être indemnisé de ses préjudices matériel et moral qu'il évaluait à 80.000 euros.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 13 juin 2022, la société anonyme monégasque B. demandait à la Cour de :

* confirmer le jugement rendu entre les parties le 24 février 2022 (sic) par le Tribunal du travail en toutes ses dispositions,

En conséquence,

* constater que le licenciement de A. repose sur un motif valable,

* constater que le licenciement de A. n'a pas été mis en oeuvre de manière abusive,

* rejeter la demande au titre des mauvaises conditions de travail,

* déclarer que les demandes formulées par A. sont non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant,

En conséquence,

* débouter A. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* condamner A. au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

La société anonyme monégasque B. exposait que C. et A. avaient eu une vive altercation le 23 octobre 2014 au cours de laquelle ce dernier avait insulté et menacé de mort son collègue de travail ainsi qu'en attestaient les pièces versées aux débats.

Elle avait alors décidé de le convoquer à un entretien le 28 octobre 2014 pour s'expliquer sur les faits, lequel n'avait pas pu se dérouler en raison du malaise de A. qui avait été emmené au Centre Hospitalier Princesse Grace.

Elle avait néanmoins décidé de retranscrire factuellement le déroulé des faits dans son courrier du 30 octobre 2014 adressé à A. où elle l'avisait de sa décision de ne pas le sanctionner.

Elle soulignait à ce titre que :

* A. avait reconnu les faits dans une lettre du 19 novembre 2014,

* le salarié avait été débouté de sa demande consistant à faire prendre en charge son malaise en accident du travail.

A. n'ayant pas repris le travail suite à son malaise et n'ayant pas répondu à sa demande faite par lettre du 2 mars 2016 lui demandant s'il envisageait une reprise, elle lui avait alors notifié son licenciement par lettre du 23 mars 2016 après 17 mois d'absence pour maladie.

La société anonyme monégasque B. soutenait avoir licencié A. en raison de son absence à son poste de travail ayant gravement perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise et rendant nécessaire son remplacement définitif, indiquant avoir pallié dans un premier temps à son absence en répartissant son travail sur d'autres salariés puis avoir eu recours à des contrats précaires ainsi qu'en attestaient les pièces versées aux débats et l'avoir enfin remplacé par Monsieur D.

Elle contestait les descriptifs de poste versés par la partie adverse qui étaient dénués de force probante, s'agissant de documents extraits de vagues sites internet et en tout état de cause externes à son entreprise, soulignant produire aux débats le contrat de travail de Monsieur D. qui attestait de la similarité de leurs missions.

Si Monsieur D. avait démissionné de son poste 5 mois après le licenciement de A., cet élément était inopérant pour apprécier la validité du motif de licenciement, la désorganisation de l'entreprise devant s'apprécier au moment de la rupture du contrat de travail.

Rappelant que la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement était postérieure à l'exécution du contrat de travail, la société anonyme monégasque B. contestait toute dégradation des conditions de travail de son salarié, faisant état à l'appui de ses dires de l'article de la gazette B. le février 2014 relatant une ambiance sereine, le nombre d'heures supplémentaires entre 2012 et 2014 stables et l'absence de réclamations du salarié qui aurait pu s'ouvrir auprès du

Président délégué, Monsieur E., à un délégué du personnel ou à l'inspection du travail des prétendus faits de harcèlement, ce qu'il n'avait pas fait.

Elle soulignait à ce titre que A., qui ne pouvait se constituer une preuve à lui-même en invoquant sa correspondance du 5 janvier 2015, n'avait dénoncé à l'inspection du travail la dégradation de ses conditions de travail qu'à compter de février 2014, de sorte que les attestations de Monsieur F., licencié le 3 décembre 2011 de l'entreprise, et de Monsieur G., absent tout au long de l'année 2014, n'étaient pas probantes, ces derniers n'ayant pu constater matériellement les faits dénoncés et leurs déclarations étant en contradiction avec celles de l'appelant rapportées dans sa lettre à l'inspection du travail.

La société anonyme monégasque B. affirmait au surplus que l'entretien du 28 octobre 2014 n'avait pas eu lieu en raison du malaise de A., ce que ce dernier avait reconnu en l'écrivant à la juridiction et ainsi qu'en attestait Monsieur H.

Elle ajoutait que :

* A. ne démontrait nullement avoir subi un quelconque chantage dans le cadre de l'exercice de son mandat social, ces allégations étant au demeurant contestées par le témoignage de Monsieur I., délégué du personnel, les différents comptes rendus de réunions des délégués du personnel et l'absence de saisine de l'inspection du travail sur la période concernée,

* les différents témoignages qu'elle produisait aux débats contredisaient les accusations portées à son encontre par A. quant à un traitement déplacé ou inadéquate,

* A. n'avait jamais évoqué jusqu'au 5 janvier 2015 la moindre difficulté dans l'accomplissement de ses fonctions,

* la dégradation de l'état de santé de A. à compter d'octobre 2014 n'était pas imputable à un quelconque fait ou manquement de son employeur, ce que corroboraient les avis d'aptitude du médecin du travail,

* le préjudice financier allégué par A., à le supposer avéré, serait la conséquence de la perte d'emploi et non d'un quelconque abus de l'employeur dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, l'appelant n'actualisant pas au surplus sa situation professionnelle en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel régulièrement formé dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doit être déclaré recevable ;

Sur la nullité de la pièce 16 de la société anonyme monégasque B.

Attendu que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont déclaré nulle la pièce n° 16 produite par la SAM B. consistant en une attestation de J. aux motifs qu'elle ne comporte ni la mention relative à ses liens avec les parties ni celle relative aux sanctions encourues en cas de fausse déclaration en violation des dispositions de l'article 324 3°, 4° et 5° du Code de procédure civile ;

Sur le licenciement

Attendu qu'aux termes du certificat de travail du 25 mai 2016, A. a été engagé par la société anonyme monégasque B. en qualité de chaudronnier du 1er juin 2005 au 30 octobre 2012 puis en qualité de mécanicien d'entretien du 31 octobre 2012 au 25 mai 2016 ;

Qu'à compter du 28 octobre 2014, suite à un malaise causé par une crise d'angoisse survenue sur son lieu de travail, A. a été placé en arrêt-maladie, les arrêts de travail ayant été régulièrement prolongés jusqu'à son licenciement ;

Qu'aux termes d'une lettre du 2 mars 2016, la société anonyme monégasque B. a demandé à A. s'il envisageait de reprendre son travail prochainement, précisant dans ces termes la situation liée à l'absence du salarié : « Cette situation nous pose de sérieux problèmes dans l'organisation et le suivi de la maintenance du matériel au sein de notre Entreprise. En effet, pour pallier à votre absence, nous avons été contraints de multiplier les contrats intérimaires et les contrats à durée déterminée. Toutefois l'absence de visibilité sur la durée de votre absence ne nous a pas permis de conserver ces collaborateurs successifs, et nous souffrons quotidiennement de l'absence d'un collaborateur formé pour assurer les tâches de maintenance qui vous étaient dévolues » ;

Que A. n'a pas répondu à cette lettre ;

Que la société anonyme monégasque B. a notifié à A. son licenciement par lettre du 23 mars 2016 dans les termes suivants : « Par courrier recommandé en date du 2 Mars dernier, nous vous demandions de nous faire savoir si vous envisagiez de reprendre prochainement votre travail. Ce courrier est resté à ce jour sans réponse de votre part. Vous nous avez adressé entre temps un avis de prolongation de votre arrêt de travail jusqu'au 22 mai 2016. Dans notre précédent courrier, nous vous rappelions que votre contrat de travail était suspendu depuis le 29 octobre 2014, car vous étiez empêché de remplir vos obligations contractuelles pour cause de maladie. Nous faisions état du fait que vous nous aviez fait parvenir depuis votre arrêt de travail initial de nombreuses prolongations d'arrêts de travail dont la dernière était datée du 22 janvier 2016 et prolongeait votre arrêt de travail jusqu'au 21 mars 2016.

Comme nous vous l'avons indiqué, votre absence prolongée perturbe fortement le fonctionnement et l'organisation de notre entreprise en ce qui concerne la maintenance du matériel. Depuis votre arrêt de travail initial, nous avons été contraints de multiplier les contrats intérimaires et les contrats à durée déterminée pour pallier à votre absence. L'absence de visibilité sur la durée de votre absence ne nous a pas permis de conserver ces collaborateurs successifs qui n'ont pas souhaité multiplier des contrats temporaires. L'absence d'un collaborateur formé pour assurer les tâches de maintenance qui vous étaient dévolues nuit gravement au bon fonctionnement de l'Entreprise et nous avons pris la décision de procéder à votre remplacement définitif.

En conséquence, conformément aux dispositions prévues à l'Article 16 de la loi n° 729 du 16/03/1963, nous vous signifions par la présente votre licenciement qui prendra effet au terme d'un délai-congé de deux mois. La date de présentation de la présente lettre recommandée fixera le point de départ du délai de préavis (…) » ;

Que le licenciement a pris effet le 25 mai 2016 ;

Attendu que l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 dispose : « Le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constatés » ;

Que si la maladie ne saurait être la cause valable de la rupture du contrat de travail, l'employeur peut licencier un salarié en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié ;

Attendu qu'il ressort de la lettre du 23 mars 2016 que le licenciement a été prononcé pour absence prolongée entraînant une désorganisation de l'entreprise nécessitant un remplacement définitif ;

Attendu que la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de remplacement du salarié absent doivent être appréciés au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur ;

Attendu que l'employeur n'avait aucune visibilité sur la durée de l'absence de A., ce dernier n'ayant pas répondu à sa lettre du 2 mars 2016, la société anonyme monégasque B. indiquant dans la lettre de licenciement avoir reçu depuis l'envoi de son courrier du 2 mars 2016 un avis de prolongation de l'arrêt de travail de A. jusqu'au 22 mai 2016 ;

Attendu par ailleurs qu'aux termes de l'avenant au contrat de travail du 2 novembre 2012, A. avait les missions suivantes en sa qualité de mécanicien d'entretien :

* assurer le dépannage, l'entretien courant et la maintenance des installations de la centrale à béton et des matériels associés,

* réaliser les travaux d'installation, de modification ou d'amélioration des installations de la centrale à béton et des matériels associés conformément aux instructions du technicien de maintenance,

* s'assurer de la conformité des réparations et des travaux réalisés avec les normes en vigueur en matière de sécurité, d'environnement et de règlementation technique,

* assurer les travaux d'amélioration et de rénovation de la centrale à béton et des matériels associés (page 3) ;

Qu'il pouvait solliciter l'appui du technicien de maintenance et du responsable formation et sécurité du groupe ;

Attendu que la société anonyme monégasque B. soutient avoir réparti dans un premier temps les tâches de A. sur d'autres salariés puis avoir eu recours à des contrats précaires avant de le remplacer définitivement, versant à l'appui de ses dires un extrait de son registre du personnel ainsi que l'attestation de U. Intérim ;

Qu'il résulte de l'examen de ces pièces que l'intimée a engagé :

* Monsieur V. en qualité d'électrotechnicien du 17 novembre 2014 au 1(er) avril 2015,

* Monsieur W. en qualité d'électrotechnicien du 2 février 2015 au 31 mars 2015 puis enregistré comme électricien mécanicien à compter du 1(er) avril 2015 sur le registre du personnel au 2 janvier 2018,

* Monsieur X. en qualité d'électrotechnicien du 7 septembre 2015 au 30 octobre 2015,

* Monsieur Y. en qualité de technicien maintenance du 1(er) août 2015 au 18 septembre 2015,

* Monsieur D. en qualité d'électricien mécanicien du 27 avril 2015 au 9 septembre 2016 par contrat à durée déterminée ;

Que A. soutient que son poste de mécanicien d'entretien est différent de celui d'électromécanicien, versant à l'appui de ses dires deux fiches explicitant ces métiers ;

Que contrairement aux allégations de la société anonyme monégasque B., ces fiches de poste ne sont pas dénuées de force probante dans la mesure où elles émanent d'organismes spécialisés : l'agence internet pour l'emploi Z. et le service d'information sur les études et les professionnels, étant observé que l'intimée ne produit quant à elle aucun élément contraire démontrant l'inexactitude des renseignements fournis par ces deux sites sur la nature de ces métiers ni les contrats de travail des salariés intérimaires ayant occupé les postes d'électromécanicien ;

Qu'il n'en demeure pas moins que l'électromécanicien est défini comme un acteur polyvalent de la maintenance du matériel, participant à l'installation d'une machine ou d'une unité de production, procédant à l'entretien des machines et à leur dépannage, ce dernier ayant une formation aussi bien en mécanique qu'en électricité ;

Que les compétences de l'électromécanicien recouvrent ainsi celles qu'occupait A. au vu des missions détaillées au contrat de travail de ce dernier ci-dessus rappelées et des formations « engins de manutention » et « interventions élémentaires de remplacement et raccordement sur installations électriques » qu'il a suivies en 2013 et 2014 ;

Attendu par ailleurs qu'aux termes du contrat à durée déterminée du 27 avril 2015, Monsieur D. a été engagé en qualité d'électricien-mécanicien maintenance- ouvrier polyvalent de centrale à béton ;

Que les premiers juges ont à cet égard pertinemment relevé que Monsieur D. avait des fonctions similaires à celles qu'exerçaient A., nonobstant l'absence de production du recueil sur les compétences requises pour exercer les fonctions d'ouvrier polyvalent de centrale béton annexé au contrat de travail, dans la mesure où ses missions telles que définies à son contrat de travail consistaient en effet notamment à :

* effectuer des opérations de maintenance corrective dans une unité de production de béton prêt à l'emploi,

* effectuer des opérations de maintenance préventive dans une unité de production de béton prêt à l'emploi,

* effectuer des opérations de maintenance d'amélioration dans une unité de production de béton prêt à l'emploi,

* effectuer des opérations de rénovation/reconstruction dans une unité de production de béton prêt à l'emploi,

* effectuer des travaux neufs dans une unité de production de béton prêt à l'emploi,

* assurer le nettoyage des installations d'une centrale à béton,

* assurer le graissage des installations et des engins,

* détecter les non-conformités ;

Que la société anonyme monégasque B. démontre enfin avoir définitivement remplacé A. par Monsieur D. dans un délai proche de son licenciement, le 30 avril 2016, date de l'avenant aux termes duquel elle a conclu avec ce salarié un contrat à durée indéterminée succédant au contrat à durée déterminée ;

Attendu que A. soutient que l'absence de preuve du remplacement de Monsieur D., qui a quitté l'entreprise le 9 septembre 2016, par un autre salarié est fondamentale dans la mesure où l'embauche de ce dernier est présentée comme indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise ;

Attendu cependant que la démission effective le 9 septembre 2016 de Monsieur D. de son emploi ne saurait être un élément de nature à remettre en cause la preuve du remplacement définitif de A. à une date proche de son licenciement ;

Qu'il convient d'écarter ce moyen ;

Attendu par ailleurs que la société anonyme monégasque B. a une activité de production de béton au vu de la gazette d'B. de septembre-octobre-novembre 2014 ;

Que si l'absence de A., qui assurait la maintenance de la centrale à béton, s'est prolongée sur 17 mois, la société anonyme monégasque B. ne démontre pas toutefois en quoi cette absence a perturbé le fonctionnement de son entreprise en l'absence de production de tout élément attestant du report de sa charge de travail sur d'autres salariés et de ce que ce report a engendré des perturbations dans son fonctionnement ;

Que la Cour relève au surplus que la société anonyme monégasque B. ne verse aucune information sur le nombre de salariés qu'elle employait permettant d'apprécier l'importance ou le caractère essentiel du poste occupé par l'appelant au sein de son entreprise et des éventuelles répercussions de son absence sur son fonctionnement ;

Que si la société anonyme monégasque B. a eu recours en effet à des salariés en intérim ou en contrat à durée déterminée pouvant pourvoir aux tâches de A. en raison de leurs compétences techniques, l'emploi de salariés intérimaires, auquel elle avait manifestement recours pour tout type de profession (agent de maintenance, technicien de maintenance, métallier), n'est pas en soi un élément établissant la perturbation du fonctionnement de son entreprise ;

Qu'au surplus, si les fonctions occupées par A. nécessitaient un niveau de compétence et de technicité, la société anonyme monégasque B. a manifestement pu trouver des salariés présentant des qualifications lui permettant de pallier à l'absence de ce salarié ;

Qu'en l'absence ainsi de tout élément démontrant que l'absence prolongée de A. a perturbé le fonctionnement de son entreprise, la société anonyme monégasque B. ne justifie pas d'un motif valable du licenciement ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer la décision sur ce chef ;

Attendu que A. développe à l'appui de sa demande en paiement de l'indemnité de licenciement des moyens sur le harcèlement et la dégradation de ses conditions de travail pour asseoir l'absence de caractère valable de son licenciement ;

Que dans la mesure où la Cour retient l'absence de motif valable du licenciement faute d'éléments de preuve d'une perturbation de l'entreprise du fait de l'absence prolongée de A., ces autres moyens sont surabondants ;

Attendu que A. sollicite la condamnation de la société anonyme monégasque B. au paiement d'une somme de 8.961,27 euros au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite de son indemnité de congédiement, en l'absence de tout motif valable de licenciement ;

Attendu que l'article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968, sur les indemnités de congédiement et de licenciement en faveur des salariés énonce que dans le cas où le licenciement n'est pas justifié par un motif valable, l'employeur est tenu au paiement d'une indemnité de licenciement égale à autant de journées de salaire que le travailleur compte de mois de service chez ledit employeur ou dans son entreprise.

Le salaire journalier servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est égal au quotient du salaire correspondant au nombre de jours où l'intéressé a effectivement travaillé, le mois ayant précédé son licenciement, par ce même nombre de jours. Les avantages en nature prévus par le contrat de travail entrent dans le calcul de ladite indemnité. Le montant de l'indemnité ne peut toutefois excéder six mois de salaire ;

Qu'en application de l'article 3 de la loi n° 845, l'indemnité de congédiement ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement et doit être déduite de celle-ci ;

Attendu que A. a perçu une somme de 6.902,49 euros au titre de l'indemnité de congédiement ;

Que la société anonyme monégasque B. ne conteste pas le calcul du quantum de l'indemnité de licenciement telle qu'explicité aux conclusions de A. d'un montant total de 15.863,76 euros ;

Qu'il convient dès lors de condamner la société anonyme monégasque B. à verser à A. la somme de 8.961,27 euros (15.863,76 euros- 6.902,49 euros) au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite du montant de l'indemnité de congédiement ;

Sur le caractère abusif du licenciement

Attendu que le licenciement peut s'avérer abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, établit que l'employeur a méconnu des prescriptions légales en mettant en oeuvre la rupture ou s'il démontre que les modalités de sa notification présentent un caractère fautif, révèlent une intention de nuire, la précipitation ou la légèreté blâmable de l'employeur ;

Qu'en application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;

Attendu que A. sollicite une somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moral et matériel résultant de la dégradation de ses conditions de travail du fait des allusions racistes, des menaces de licenciement, des insultes dont il dit avoir été victime ;

Qu'il indique avoir fait un malaise en raison d'une violente crise d'angoisse le 28 octobre 2014 alors qu'il arrivait à un entretien en vue d'une sanction injustifiée ;

Que cet entretien était selon lui le point culminant de son mal être au travail ;

Qu'il fait ainsi état d'une situation de harcèlement ;

Attendu que si la notion de harcèlement moral reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment du licenciement considéré ainsi que le souligne à juste titre la société anonyme monégasque B., la responsabilité éventuelle de cette dernière ne peut en l'espèce être recherchée qu'en considération de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés si l'employeur s'est abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation dénoncée par A. ;

Qu'il convient dès lors de déterminer si A. a été victime d'une conduite abusive résultant de gestes, de paroles ou de comportements systématiques, voire répétés, visant à dégrader ses conditions de travail en portant notamment atteinte à sa personnalité, sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique ;

Attendu que les premiers juges ont écarté à juste titre l'absence de preuve rapportée par A. d'avoir été victime de chantage dans sa fonction de délégué du personnel suppléant, au vu notamment de l'attestation du délégué titulaire qui certifie : « nous pouvions nous exprimer à notre guise », « A. prenait régulièrement la parole », « en ma présence et à ma connaissance A. n'a jamais fait l 'objet de la part de la direction de brimades et d'insultes à caractère raciste » ;

Attendu par ailleurs que le 23 octobre 2014, A. a eu une vive altercation avec J. qu'il a insulté et menacé d'égorger ainsi qu'en atteste Monsieur K., lequel confirme également que les deux protagonistes se sont excusés dans les instants ayant suivi la dispute ;

Que A. a alors été convoqué par la direction de la société anonyme monégasque B. à un entretien le 28 octobre 2014 au cours duquel le salarié a fait un malaise suite à une violente crise d'angoisse, ce dernier ayant été placé à cette date en arrêt-maladie jusqu'à son licenciement ;

Que par lettre du 30 octobre 2014, la société anonyme monégasque B. a informé A. de ce qu'elle ne le sanctionnait pas pour les faits du 23 octobre 2014 en ajoutant : « toutefois nous vous informons que nous ne pouvons tolérer que vous insultiez et menaciez vos collègues sur votre lieu de travail et nous ne ferons preuve à l'avenir d'aucune tolérance si ces faits venaient à se reproduire » ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les doléances de A. quant au déroulement de son entretien le 28 octobre 2014 avec Monsieur H. au cours duquel il aurait subi des propos peu courtois, agressifs et des menaces de sanctions réitérées ne sont pas caractérisées ;

Qu'aux termes de sa déclaration d'accident du travail établie le 29 octobre 2014, A. a en effet indiqué : « À mon arrivée au bureau du 6(ème) étage, les bouffées de chaleur ont commencé. Par la suite mon directeur m'a invité à prendre l'air. Ensuite je me suis diriger à l'extérieur vers les parkings (...) J'ai fait un malaise suivi d'une crise d'angoisse » ;

Que le déroulement des faits relatés par A. coïncident avec ceux relatés par Monsieur H. qui atteste : « j'ai convoqué ce dernier (A.) à venir me rejoindre à mon bureau afin d'entendre ses explications. À son arrivée, avant même que nous puissions échanger sur les raisons de sa convocation, il m'a informé se sentir mal et ressentir des bouffées de chaleur. Je l'ai invité à prendre l'air et l'ai accompagné à l'extérieur des bureaux. Il a par la suite fait un malaise et a été évacué par les pompiers » ;

Que cette attestation est conforme aux éléments repris dans le courrier adressé à A. le 30 octobre 2014, que ce dernier n'a pas été contesté dans sa réponse du 19 novembre 2014 ;

Attendu que A. soutient que la lettre du 30 octobre 2014 qui lui est parvenue alors qu'il était en arrêt-maladie était une nouvelle estocade, qu'elle était mal venue eu égard au contexte et a aggravé son état déjà fragilisé ;

Qu'outre le fait que A. ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre une éventuelle aggravation de son état de santé et la réception de cette lettre, l'employeur n'a fait que notifier à son salarié sa décision d'absence de sanction prise à son encontre dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs disciplinaires suite à un incident caractérisé de sorte que ce comportement ne saurait revêtir un quelconque caractère fautif ;

Qu'il y a lieu d'écarter le moyen ;

Attendu toutefois qu'il résulte des attestations de salariés que A. a été victime d'insultes racistes ;

Que Monsieur F., employé en qualité de chauffeur poids lourds par la société anonyme monégasque B. du 1er octobre 1990 au 3 décembre 2011, date de son licenciement, atteste en effet : « Depuis de nombreuses années avant mon licenciement j'ai fait l'objet de chantage, humiliation, insulte, pression moi-même ainsi que divers collègues de travail qui accepte tout car ils ont peur pour leur emploie. J'ai subit de fortes pression psychologiques dans le cadre de mon activité et tentatives d'intimidation afin de me pousser à la faute ou de me pousser à démissionner. J'ai reçu de Monsieur L. et p. H. des injures à caractère raciste envers certain collègues magrebin en particulier Monsieur A. le traitant de sale Arabes lui faisant de nombreuses brimade sur son travail (tu es bon Arien) tu bosse comme une Merde (je vais te virer comme une Merde je vais te Mettre la Misère, jusqua ce tu Pete un cable ou que tu demissione. Il disaient que c'est eux dieu, qui font les lois, c'est moi le Big Boss (Mr L.). Il ma dit meme une autre fois que si ça me faisait rien de me faire prendre le boulot par un (bic) car il avait envoyer un de mes collègues faire un pompage à ma place (Monsieur M.) et pour un oui ou pour un non prenait Mr A. m. pour bouc et missere lui faisant reproche, remarque sur sont travail qu'il faisait de son mieux mais qui ne convenait surement pas (…) » ;

Que jm. G., employé en qualité de chauffeur poids lourds par la société anonyme monégasque B. du 19 janvier 1981 au 9 décembre 2015, certifie par ailleurs : « au début de l'arrivée dans la société B.u directeur M. e. L., l'ambiance et le travail ce passé plutôt bien. Des années plus tard la tension monte et les relations entre la direction et les ouvriers ce dégrade. Pour ma part, j'ai souvent subit des menaces, pression au travail, insultes et intimidation par les deux directeurs M. L. et M. H. J'ai été témoin du comportement des directeurs envers mes collègues et en particulier M. A. m., qu'il subisait aussi une pression permanente au travail, des insultes, à caractère raciale comme (sale arabe, bougnoule, macake, un bon gris et sur un air moqueur et il lui disait qu'il ne travaillait pas bien tu retournes chez toi dans ton pays (…) » ;

Que Vasile N. employé en qualité de chauffeur poids lourds depuis mai 2003 par la société anonyme monégasque B. indique : « À mon arrivé dans l'entreprise, tout allait pour le mieux. Le respect régnait et l'ambiance générale dans l'entreprise était correcte. À partir de 2007-2008 tout a basculé : en effet MR. R. e., Directeur général de l'entreprise a changé de comportement au niveau relationnel envers tout le personnel ou « presque ». Des exigences accrues de sa part au niveau psychologique. À savoir, des pressions permanentes pour faire signer certains documents ou sinon démissionner de l'entreprise ; suivi de menaces, d'insultes à caractère racial assez humiliant et ce en particulier envers M. A. Mohamed (…) » ;

Qu'au vu des bulletins de salaire versés aux débats, Monsieur N. a été en arrêt maladie du 12 février au 31 août 2014 et Monsieur G. de décembre 2013 à octobre 2014 ;

Que ces trois salariés ne précisent pas la date des faits qu'ils relatent, lesquels se sont toutefois nécessairement produits, s'agissant de Monsieur F. avant le 3 décembre 2011, date de son licenciement, s'agissant de Monsieur N. avant février 2014 et/ou en septembre et octobre 2014 en raison de son arrêt-maladie du 12 février 2014 au 31 août 2014 et s'agissant de Monsieur G. avant le 1er janvier 2014, ce dernier ayant été en arrêt-maladie de cette date jusqu'au mois d'octobre 2014 ;

Attendu enfin que J., avec lequel A. a eu une vive altercation le 23 octobre 2014, atteste : « Je certifie avoir de bon rapport de travail avec mon collègue Monsieur A.. Le 23 octobre 2014, j'ai bien eu une altercation suivie d'une dispute avec ce dernier. Nous nous sommes cependant excusé dès que la tension fut baissée. Cette situation est la conséquence d'une surcharge de travail et d'une pression permanente mis sur nous par la Direction de la société B. Monaco » ;

Attendu que les premiers juges ont estimé les attestations de Messieurs G., F. et N.en contradiction avec les réclamations de A. faites auprès de l'Inspection du Travail qui fixait la majorité de ses doléances à compter de février 2014 en indiquant : « Jusqu'à la fin de l'année 2013, malgré une intense activité au sein de l'entreprise, les conditions de travail dans notre service demeuraient acceptables. Cependant, depuis la démission du responsable de maintenance, en février 2014, un certain nombre d'événements, au sein de l'entreprise, ont dégradé les conditions de travail, ce qui s'est répercuté sur ma santé et ma vie privée (…). À partir du mois de février 2014, le directeur général, e. R. a proféré à mon encontre des propos à caractère racial, de façon ostentatoire, soutenue et fréquente. En effet, il lui arrivait, auparavant, de tenir de tel propos mais de façon suffisamment retenue et discrète qu'il ne m'était pas possible de me plaindre » ;

Attendu toutefois que les attestations de Messieurs F. et G. caractérisent de manière précise les insultes à caractère raciste tenues envers A., Vasile N. en ayant également perçu la connotation raciste quand bien même il ne les a pas précisées ;

Que si les insultes racistes envers A. telles que relatées par Jean-Paul F., nécessairement tenues avant novembre 2011, date de son licenciement et par jm. G. avant décembre 2013 n'ont rien de retenues ou discrètes

contrairement à ce qu'indiquait A. dans sa lettre adressée à l'inspection du travail, et ainsi que le soulignent à juste titre les premiers juges, leurs témoignages caractérisent néanmoins à suffisance les faits d'insultes à caractère raciste, et ce quelle que soit l'appréciation du salarié sur leur caractère ;

Qu'il en est de même des déclarations de ces quatre salariés sur l'existence d'un climat de travail particulièrement dégradé depuis plusieurs années, quand bien même que A. le qualifiait d'« acceptable »jusqu'à la fin de l'année 2013 ;

Que les attestations de Monsieur O., Monsieur P. et Monsieur I. versées par l'employeur, dont aucun élément ne permet de remettre en cause la valeur probante, ne sont pas au surplus de nature à remettre en cause les témoignages de Messieurs F., G., C. et N. quant à l'existence des insultes à connotation raciste et à la dégradation des conditions de travail quand bien même A. ne se serait jamais plaint auprès de Monsieur O. de quoi que ce soit, que Monsieur P. fait état du soutien de la direction dans les moments difficiles et de ce que A. ne lui a jamais semblé malheureux ou mal à l'aise et que Monsieur I. n'a jamais entendu de la part de la direction des brimades et des insultes à caractère raciste envers A. en sa présence ou à sa connaissance ;

Que ces éléments établissent ainsi l'existence d'insultes à caractère raciste proférées de manière répétées à l'encontre de A. ainsi que la dégradation des conditions de travail liées à des pressions exercées par Monsieur R. et Monsieur H. sur plusieurs années et dans un laps de temps proche du malaise du salarié à l'origine de son absence prolongée suivie de son licenciement ;

Que la Tribune des Délégués, rédigée conjointement par le Délégué du Personnel Titulaire et A. en sa qualité de Délégué Suppléant en février 2014, mentionnant « nous n'avons pas été sollicités par vos idées ou remarques (...) Nous en déduisons que l'ambiance est sereine » ne peut à ce titre constituer un aveu d'absence de difficultés personnelles au travail dans la mesure où cette Tribune n'a pas vocation à porter des revendications individuelles du Délégué du Personnel Suppléant, et sa rédaction même n'écarte nullement la moindre difficulté, ainsi que l'ont pertinemment relevé les premiers juges ;

Que contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société anonyme monégasque B. n'était pas cependant dans l'ignorance de ces faits dans la mesure où les insultes racistes et la dégradation des conditions de travail en raison des pressions exercées étaient le fait de Monsieur R., administrateur délégué de la société et de Monsieur H., Directeur d'exploitation qui exerçaient des pouvoirs de direction au sein de l'établissement ;

Que ces éléments caractérisent ainsi à suffisance les faits de harcèlement et de dégradations des conditions de travail de A., lesquels révèlent une intention de nuire de l'employeur à l'origine de l'arrêt-maladie du salarié faisant suite à une violente crise d'angoisse sur son lieu de travail et de son épisode dépressif majeur associé à un trouble anxieux généralisé attesté par le Docteur S. le 11 février 2015 et dont la prise en charge était toujours effective le 13 octobre 2017 au vu du certificat médical du Docteur T. ;

Que A. peut dès lors prétendre à l'indemnisation de ses préjudices matériel et moral ;

Qu'il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement n'a pas été mis en oeuvre de manière abusive, en ce qu'il a rejeté la demande au titre des mauvaises conditions de travail et l'intégralité des demandes de A. ;

Attendu que A. verse aux débats une attestation de Pôle Emploi en date du 11 juin 2019 qui certifie avoir délivré à l'appelant une allocation de 1.581 euros pour la période du 1(er) mai 2019 au 31 mai 2019 ;

Que l'appelant ne produit toutefois aucun élément sur sa situation professionnelle entre le 25 mai 2016, date de son licenciement, et cette période de chômage en mai 2019 de sorte qu'il ne justifie pas de son préjudice matériel ;

Que le contexte dans lequel est cependant intervenu le licenciement de A., qui était un salarié investi dans la société ainsi qu'en témoignent son ancienneté de quasiment de 11 ans, son évolution professionnelle grâce aux différentes formations qu'il a suivies et l'absence de sanction disciplinaire, ainsi que la nature des insultes dont il a fait l'objet de la part de ses supérieurs hiérarchiques exerçant des pouvoirs de direction lui ont toutefois causé un préjudice moral qu'il convient d'indemniser à hauteur d'une somme de 50.000 euros ; Sur les dépens et l'indemnité fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Que A. prospérant en ses demandes, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné aux entiers dépens de première instance et statuant de nouveau, de condamner la société anonyme monégasque B. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Que seuls les dépens de l'appel seront distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Que la société anonyme monégasque B. qui succombe sera condamnée à verser à A. la somme de 3.500 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile et déboutée de sa demande à ce titre ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

par mise à disposition au greffe,

Déclare l'appel recevable,

Infirme le jugement du 28 janvier 2022 rendu par le Tribunal du travail en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a prononcé la nullité de la pièce n° 16 produite par la société anonyme monégasque B.,

Et statuant de nouveau,

Dit que le licenciement de A. ne repose pas sur un motif valable,

Condamne par conséquent la société anonyme monégasque B. à verser à A. la somme de 8.961,27 euros au titre de l'indemnité de licenciement, déduction faite du montant de l'indemnité de congédiement,

Dit que le licenciement de A. est abusif,

Condamne par conséquent la société anonyme monégasque B. à verser à A. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne la société anonyme monégasque B. aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dit que seuls les dépens d'appel seront distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Déboute la société anonyme monégasque B. de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne la société anonyme monégasque B. à verser à A. la somme de 3.500 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Composition

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 30 MAI 2023, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30005
Date de la décision : 30/05/2023

Analyses

L'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 dispose : « Le contrat de travail est suspendu pendant une durée limitée à six mois en cas d'empêchement du travailleur dû à une maladie ou à un accident médicalement constatés ». Si la maladie ne saurait être la cause valable de la rupture du contrat de travail, l'employeur peut licencier un salarié en raison de la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié. Il ressort de la lettre du 23 mars 2016 que le licenciement a été prononcé pour absence prolongée entraînant une désorganisation de l'entreprise nécessitant un remplacement définitif. La perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de remplacement du salarié absent doivent être appréciés au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur. En l'absence de tout élément démontrant que l'absence prolongée de A. a perturbé le fonctionnement de son entreprise, la société anonyme monégasque B. ne justifie pas d'un motif valable du licenciement.Le licenciement peut s'avérer abusif si le salarié, auquel incombe la charge de cette preuve, établit que l'employeur a méconnu des prescriptions légales en mettant en oeuvre la rupture ou s'il démontre que les modalités de sa notification présentent un caractère fautif, révèlent une intention de nuire, la précipitation ou la légèreté blâmable de l'employeur. En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts. A. sollicite une somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moral et matériel résultant de la dégradation de ses conditions de travail du fait des allusions racistes, des menaces de licenciement, des insultes dont il dit avoir été victime. Il indique avoir fait un malaise en raison d'une violente crise d'angoisse le 28 octobre 2014 alors qu'il arrivait à un entretien en vue d'une sanction injustifiée. Cet entretien était selon lui le point culminant de son mal être au travail. Il fait ainsi état d'une situation de harcèlement. Si la notion de harcèlement moral reconnue par la loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relatif au harcèlement et à la violence au travail n'était pas consacrée par le législateur au moment du licenciement considéré ainsi que le souligne à juste titre la société anonyme monégasque B., la responsabilité éventuelle de cette dernière ne peut en l'espèce être recherchée qu'en considération de manquements graves de son fait ou du fait de ses salariés si l'employeur s'est abstenu de prendre les mesures appropriées pour faire cesser la situation dénoncée par A. Il convient dès lors de déterminer si A. a été victime d'une conduite abusive résultant de gestes, de paroles ou de comportements systématiques, voire répétés, visant à dégrader ses conditions de travail en portant notamment atteinte à sa personnalité, sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique. Outre le fait que A. ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre une éventuelle aggravation de son état de santé et la réception de cette lettre, l'employeur n'a fait que notifier à son salarié sa décision d'absence de sanction prise à son encontre dans le cadre de l'exercice de ses pouvoirs disciplinaires suite à un incident caractérisé de sorte que ce comportement ne saurait revêtir un quelconque caractère fautif. Il y a lieu d'écarter le moyen. Toutefois, il résulte des attestations de salariés que A. a été victime d'insultes racistes. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la société anonyme monégasque B. n'était pas cependant dans l'ignorance de ces faits dans la mesure où les insultes racistes et la dégradation des conditions de travail en raison des pressions exercées étaient le fait de Monsieur R., administrateur délégué de la société et de Monsieur H., Directeur d'exploitation qui exerçaient des pouvoirs de direction au sein de l'établissement. Les éléments de l'espèce caractérisent ainsi à suffisance les faits de harcèlement et de dégradations des conditions de travail de A., lesquels révèlent une intention de nuire de l'employeur à l'origine de l'arrêt-maladie du salarié faisant suite à une violente crise d'angoisse sur son lieu de travail et de son épisode dépressif majeur associé à un trouble anxieux généralisé attesté par le Docteur S. le 11 février 2015 et dont la prise en charge était toujours effective le 13 octobre 2017 au vu du certificat médical du Docteur T.

Rupture du contrat de travail.

Licenciement – Motif valable (non) – Caractère abusif (oui).


Parties
Demandeurs : Monsieur A.
Défendeurs : La société anonyme monégasque dénommée B.

Références :

Code de procédure civile
article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 2 de la loi n° 845 du 27 juin 1968
loi n° 1.457 du 12 décembre 2017
article 238-1 du Code de procédure civile
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 324 du Code de procédure civile
Article 16 de la loi n° 729 du 16/03/1963
article 324 3°, 4° et 5° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2023-05-30;30005 ?

Source

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