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23/05/2023 | MONACO | N°30002

Monaco | Cour d'appel, 23 mai 2023, Monsieur A. c/ Monsieur B.


COUR D'APPEL

ARRÊT DU 23 MAI 2023

En la cause de :

* Monsieur A., né le jma à Rome (Italie), de nationalité suisse, sans profession, demeurant et domicilié à Monaco (Principauté de Monaco), X ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* Monsieur B., né le jma à Rome (Italie), de nationalité suisse, sans profession, demeurant et domicilié à Monaco (Principauté de

Monaco), X ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 23 MAI 2023

En la cause de :

* Monsieur A., né le jma à Rome (Italie), de nationalité suisse, sans profession, demeurant et domicilié à Monaco (Principauté de Monaco), X ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* Monsieur B., né le jma à Rome (Italie), de nationalité suisse, sans profession, demeurant et domicilié à Monaco (Principauté de Monaco), X ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

Visa

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 3 mars 2022 (R. 2640) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 11 avril 2022 (enrôlé sous le numéro 2022/000086) ;

Vu les conclusions déposées les 12 octobre 2022 et 30 janvier 2023 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Monsieur B. ;

Vu les conclusions déposées le 13 décembre 2022 par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur A. ;

Vu l'ordonnance de clôture du 31 janvier 2023 ;

À l'audience du 7 février 2023, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Motifs

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 3 mars 2022.

Considérant les faits suivants :

C., de nationalité suisse, dont le dernier domicile était situé 17 boulevard Albert 1(er) à Monaco, est décédée ab intestat le jma à Lausanne (Suisse). Elle était veuve en uniques noces de D. et mère de deux enfants, B. et A.

La succession s'est ouverte en Principauté de Monaco, en l'étude de Maître REY, notaire.

Le 3 novembre 2015, B. a donné mandat au notaire aux fins de renoncer purement et simplement à tous droits pouvant lui profiter dans la succession de sa mère. Le 24 novembre 2015, cette renonciation a été enregistrée au Greffe général.

Le 19 février 2016, le notaire monégasque a dressé un acte de notoriété.

Suivant acte en date du 13 mars 2020, B. a fait citer son frère A. devant le Tribunal de première instance de Monaco et a sollicité, aux termes de son acte introductif d'instance et de conclusions récapitulatives :

* qu'il soit jugé que la loi applicable à la succession de C. est déterminée par les règles de conflit en vigueur à la date d'ouverture de la succession le jma et qu'en conséquence il soit dit que la loi applicable aux immeubles relevant de la succession est la loi de leur situation et que la loi applicable aux meubles est la loi de la nationalité de C.,

* qu'il soit jugé que sa renonciation à la succession de sa mère a produit ses effets à la date où l'acte est intervenu, soit le 24 novembre 2015 et que la renonciation ne produit aucun effet sur les biens immobiliers situés en dehors de Monaco et sur les comptes bancaires de la défunte,

* la condamnation de A. à lui payer une somme de 50.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il subit et le débouté des demandes reconventionnelles du défendeur,

* que la pièce n° 11 produite par le défendeur soit écartée des débats.

A. a conclu au débouté des demandes de B. et à sa condamnation reconventionnelle au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financier et moral subis. Il a également présenté une demande subsidiaire aux fins qu'il soit jugé que B. a perçu, du vivant de sa mère et après son décès, des sommes supérieures à celles auxquelles il aurait eu droit en qualité de cohéritier.

Par jugement contradictoire en date du 3 mars 2022, le Tribunal de première instance a :

* rejeté la demande de B. de voir écarter des débats la pièce n° 11 produite par A.,

* dit que la loi applicable à la succession de C. est déterminée par les règles de conflit de lois en vigueur à la date d'ouverture de la succession, soit le jma,

* dit que la loi applicable aux immeubles relevant de la succession est la loi de leur lieu de situation,

* dit que la loi applicable aux meubles est la loi suisse du fait de la nationalité suisse de C.,

* dit que la renonciation n'a produit aucun effet sur les biens immeubles situés hors de Monaco ni sur les biens meubles,

* débouté A. de sa demande visant à statuer sur les droits de B. sur la succession de C. au regard de ce qu'il aurait déjà perçu,

* dit que B. a démontré l'attitude fautive de A. à l'origine d'un préjudice moral,

* condamné A. à payer à B. une somme de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

* débouté A. de sa demande de dommages et intérêts,

* débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* condamné A. aux dépens dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI.

Pour statuer ainsi les premiers juges ont en substance retenu :

* que la pièce n° 11 produite par A. est une expertise bancaire réalisée non contradictoirement, à l'initiative de ce dernier et que la juridiction, au regard de sa saisine, n'a pas vocation à statuer à ce stade sur la liquidation de la succession, si bien que cette pièce ne présente pas d'intérêt pour le présent litige, mais qu'ayant été régulièrement produite, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats,

* s'agissant de la loi applicable à la succession, le Tribunal a retenu que les parties s'accordaient sur le fait que le décès de C. étant intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, cette loi ne s'appliquait pas à sa succession, conformément à la jurisprudence de la juridiction. Dès lors, étaient applicables les règles antérieures aux termes desquelles un régime de scission de la succession internationale prévalait, les biens immeubles étant régis par la loi du lieu de leur situation et les biens meubles par la loi de la nationalité de la défunte, en l'occurrence le droit suisse,

* le Tribunal a ajouté que le défendeur ne justifie pas de l'existence d'une disposition de la loi suisse qui opère un renvoi au droit du dernier domicile du défunt pour la partie mobilière de la succession et qu'à défaut, c'est bien le droit suisse qui s'applique aux biens meubles de la succession,

* sur la portée de la renonciation de B., le Tribunal a indiqué que dans un système scissionniste, l'héritier peut prendre des partis différents relativement aux différentes fractions de la succession relevant de lois différentes. En conséquence, la renonciation à succession énoncée par B. dans les formes de la loi monégasque ne vaut que pour la succession soumise à la loi monégasque, à savoir qu'elle ne s'applique pas aux biens immobiliers hors de Monaco ni aux biens meubles soumis à la loi suisse, le fait qu'il connaissait l'existence de biens à l'étranger n'étant pas de nature à donner à sa renonciation un caractère universel,

* sur la demande subsidiaire de A., le Tribunal a estimé qu'elle anticipait le travail de liquidation de succession,

* sur les demandes en paiement de dommages et intérêts, le Tribunal a estimé que B. démontrait que suite à sa renonciation, son frère avait engagé diverses démarches visant à s'approprier la succession mobilière de sa mère, s'agissant de comptes bancaires qu'elle détenait en Suisse, alors que les deux frères se seraient entendus sur le partage par moitié d'un solde de compte bancaire suisse. Cet empressement constituerait une attitude fautive ayant causé un préjudice moral à B.

Par acte en date du 11 avril 2022, A. a relevé appel du jugement du 3 mars 2022. Aux termes de conclusions récapitulatives du 13 décembre 2022, il sollicite :

* la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la loi applicable à la succession de la de cujus est déterminée par application de l'ancienne règle de conflit de loi monégasque, en ce compris le mécanisme du renvoi,

* l'infirmation du jugement en ce qu'il a :

* dit que la loi applicable aux immeubles relevant de la succession est la loi du lieu de leur situation,

* dit que la loi applicable aux meubles relevant de la succession est la loi suisse du fait de la nationalité suisse de la défunte,

* dit que la renonciation n'a produit aucun effet sur les biens immeubles situés hors de Monaco ni sur les biens meubles,

* dit que B. a démontré l'attitude fautive de A. à l'origine d'un préjudice moral et a condamné ce dernier à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts,

* rejeté la demande de dommages et intérêts de A. et a condamné ce dernier aux dépens,

* que la Cour, statuant à nouveau :

* juge que la loi monégasque est applicable à l'intégralité de la succession, savoir les biens meubles et immeubles situés à Monaco, en Suisse et en Italie, pour ces derniers par application du renvoi à la loi du dernier domicile,

* juge que la dévolution s'opère pour le tout conformément au droit applicable et que la renonciation à la succession est indivisible en vertu de l'article 429 alinéa 2 du Code de procédure civile en raison de l'indivisibilité du litige,

* juge en conséquence que la renonciation de B. produit ses effets sur l'intégralité de l'actif successoral où qu'il se situe et ce de manière indivisible,

* juge en conséquence que B., renonçant, est censé n'avoir jamais été héritier et qu'il ne peut donc pas participer aux opérations de liquidation-partage, A. étant le seul héritier de la succession de sa mère,

À titre subsidiaire,

* si la Cour devait appliquer les droits suisse et italien à la succession, qu'il soit jugé que le fait que la succession soit éventuellement soumise à des lois différentes ne s'oppose pas à ce qu'un même acte soit valable pour plusieurs masses et qu'il soit jugé que la renonciation effectuée à Monaco s'applique aux biens immobiliers situés à Monaco, en Suisse et en Italie et à l'ensemble des meubles successoraux et a emporté les effets prévus par le droit successoral suisse sur l'ensemble des biens meubles et a emporté les effets prévus par le droit successoral italien sur les immeubles situés en Italie,

* qu'en tout état de cause, la Cour condamne B. à lui payer une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts et à la somme de 30.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile.

À l'appui de ses demandes, l'appelant fait valoir les arguments suivants :

* 1/ Dans le domaine des faits, selon lui, l'actif successoral serait composé d'un bien immobilier à Rome (Italie), d'un bien immobilier à Lausanne (Suisse), d'actifs mobiliers constitués par des comptes bancaires ouverts dans les livres du D. à Zurich (Suisse) et à E. Bank à Genève (Suisse) d'un compte à la banque monégasque F., d'un compte ouvert auprès de la G., d'un coffre-fort loué au sein de cette dernière banque et des 180 parts (soit 90 % du capital social) d'une société civile immobilière de droit monégasque dénommée H., dont l'actif comprend un appartement et un emplacement de garage en Principauté de Monaco. Suite à l'acte de renonciation de B. du 24 novembre 2015, la H. a été liquidée le 19 février 2016, A. se voyant octroyer la totalité des parts sociales ayant appartenues à sa mère. L'appelant fait valoir que ce n'est qu'après le décès de sa mère qu'il s'était aperçu que son frère avait perçu, du vivant de celle-ci de 2002 à 2016, des montants bien supérieurs à ceux dont il aurait dû hériter dans le cadre de la succession ab intestat. Ce serait en conséquence, pour échapper à toute action en rapport ou en réduction que B. aurait renoncé à ses droits dans la succession. La version présentée par son frère (les deux frères se seraient mis d'accord pour attribuer le bien immobilier monégasque à A. et B. aurait renoncé pour éviter de payer des droits de mutation qui auraient résulté d'une donation des parts de la société) serait incohérente, puisque d'une part, il aurait fallu cibler l'objet de la renonciation et d'autre part sans renonciation mais avec un mécanisme de soulte, le but décrit aurait pu être atteint, avec un simple droit d'enregistrement de 0,5 %. Malgré sa renonciation générale, B. avait par la suite de mauvaise foi intenté de multiples procédures judiciaires en Suisse pour se voir attribuer la part d'héritage dont il prétendait qu'elle lui revenait, ainsi que la présente instance à Monaco.

* 2/ En droit, une modification législative est intervenue suite au jugement querellé du 3 mars 2022. Au sein de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022, entrée en vigueur le 12 août 2022, le législateur a inséré un article 7-1 au sein de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé énonçant que les dispositions du Titre V du Titre II du Code de droit international privé (relatives aux successions) sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 1.448. En conséquence, la loi applicable à la succession de la de cujus doit être déterminé par les règles de conflit de loi antérieures à l'entrée en vigueur du Code de droit international privé, c'est-à-dire en fonction d'un régime scissionniste et non via un régime unique fondé sur la loi du dernier domicile du défunt institué par l'article 56 du Code de droit international privé.

* 3/ Au sein de ce régime, quand la règle de conflit de loi monégasque désigne la loi étrangère, il y aurait lieu à application du mécanisme dit du renvoi, c'est-à-dire qu'il est fait référence à la loi étrangère, comprenant tant ses propres règles de conflit que son droit substantiel. Telle serait la volonté du législateur monégasque, puisque si le Code de droit international privé, en son article 24, a entendu désormais prohiber le mécanisme du renvoi en mentionnant que le droit d'un État étranger s'entendait des règles matérielles du droit de cet État à l'exclusion des règles de droit international privé, il résulterait de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 suscitée qu'il n'y avait lieu à application de ce texte que pour les successions ouvertes après le 7 juillet 2017. Il ne saurait y avoir lieu à une règle de conflit hybride, mêlant règles de conflit antérieures à l'entrée en vigueur du Code de droit international privé et exclusion du renvoi en application de ce Code.

* 4/ La compétence internationale des autorités monégasques pour connaître de la succession et celle des juridictions monégasques n'est pas contestée, dans la mesure où toutes les parties au présent litige (ainsi que la de cujus), demeurent en Principauté de Monaco. S'agissant des immeubles, en matière successorale, ils sont régis par la loi du lieu de leur situation. Le renvoi est toutefois admis par la jurisprudence monégasque en matière tant mobilière qu'immobilière (arrêt de la Cour d'appel du 17 avril 1972), dans le cas bien sûr où la règle de conflit étrangère renvoi à la loi du dernier domicile. Tel serait bien le cas en l'espèce, l'article 87 de la loi fédérale suisse sur le droit international privé ne prévoyant qu'une compétence subsidiaire des autorités suisses pour les successions, « dans la mesure où les autorités étrangères ne s'en occupent pas ».

* 5/ Pour la détermination de la loi applicable à la succession, s'agissant des biens en Suisse, il conviendrait de se référer à l'article 91 de la loi fédérale suisse, qui désigne les règles de droit international privé de l'État dans lequel le défunt avait son domicile habituel, en l'espèce le droit monégasque, renvoyant au droit suisse. Il s'agit d'une hypothèse de double renvoi, avec une nécessité de rompre la chaine des renvois. À cet égard, le juge monégasque devrait retenir la méthode adoptée en France ou en Allemagne, consistant à casser la chaine des renvois et à appliquer le droit monégasque substantiel. L'autre méthode anglo-saxonne dite « foreign court theory » arrive au demeurant au même résultat. S'agissant du bien immobilier situé en Italie, la règle de conflit italienne est constituée par l'article 21 du Règlement européen n° 650/2012 relatif aux successions, qui désigne la loi de l'État de la dernière résidence habituelle comme applicable à l'intégralité de la succession, soit en l'espèce la loi monégasque. En conséquence, le droit successoral monégasque s'appliquerait à l'intégralité de la succession, tant mobilière qu'immobilière, par le jeu du renvoi.

* 6/ Ainsi, la renonciation de B., doit s'analyser au regard du droit monégasque. Elle est valable formellement au regard des dispositions des articles 665 et suivants du Code civil. Elle n'est pas limitée dans son étendue et doit donc s'appliquer à toute la succession. Cette renonciation générale est enfin susceptible d'être reconnue valablement en Suisse et en Italie. B., intimé, a conclu les 12 octobre 2022 et 30 janvier 2023 en sollicitant la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et la condamnation de B. au paiement d'une somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'intimé fait valoir les arguments suivants :

* 1/ Dans le domaine des faits, il fait valoir qu'il n'avait été porté à la connaissance du notaire monégasque que la seule existence de biens en Principauté de Monaco et qu'un accord aurait existé entre frères pour que A. puisse conserver l'appartement situé en Principauté de Monaco et lui-même, B., perçoive une part plus conséquente des biens de la de cujus en Suisse. Ce serait d'ailleurs dans cette optique qu'ils avaient fait procéder à l'évaluation du bien immobilier à Monaco. Il avait également tenté de contrecarrer les initiatives de son frère pour s'approprier les biens situés en Suisse, en obtenant une ordonnance de séquestre de fonds des juridictions zurichoises le 19 juin 2020. Il conteste la version présentée par A., niant tout détournement ou appropriation excessive de fonds du vivant de leur mère et ajoute que la renonciation n'exclut pas une action en rapport ou en réduction, ni que soit établi un recel successoral.

* 2/ En droit, l'intimé mentionne lui aussi l'apport de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022, introduisant des dispositions transitoires au sein du Code de droit international privé. Cependant, il estime que celles-ci sont limitées au seul chapitre V du Titre II du Code, relatif aux successions. Le principe serait donc celui de l'application immédiate des autres dispositions du Code, notamment s'agissant de l'article 24, qui se situe au sein du Chapitre IV relatif aux conflits de loi. Ce texte a consacré l'exclusion du renvoi en droit monégasque, en indiquant qu'au sens du Code de droit international privé, le droit d'un État s'entend des règles matérielles du droit de celui-ci, à l'exclusion de ses règles de droit international privé, donc de ses règles de conflit. Le législateur de 2017 avait expressément indiqué qu'il en résulterait une meilleure prévisibilité des situations juridiques, notamment en matière successorale.

* 3/ À titre subsidiaire, même en application des règles de droit antérieures au Code de droit international privé, il n'est nullement certain qu'il y a lieu à application du droit matériel monégasque. S'agissant des biens en Suisse, l'article 91 de la loi fédérale suisse est ambigu et ne renvoie pas explicitement au droit matériel monégasque, si bien qu'il existe un double renvoi qui n'est pas résolu. De plus, en application de l'article 87 de la loi fédérale suisse, les autorités suisses devraient appliquer le droit suisse pour régler la succession des biens qui relèvent de leur juridiction. S'agissant de l'Italie, le règlement européen 650/2012 renvoie à la loi de l'État tiers (ce qui est le cas de la Principauté de Monaco), avec sa règle de conflit qui aurait pour effet de renvoyer à la loi italienne.

* 4/ En conséquence, il serait évident que la portée de la renonciation devrait être cantonnée à la succession soumise à la loi monégasque et ne saurait s'étendre aux biens situés hors de la Principauté. Il résulterait en outre des dispositions de l'article 96 de la loi fédérale suisse sur le droit international privé que la renonciation pourrait ne pas avoir d'effet en Suisse. De même, la renonciation pourrait être reconnue valable en Italie, mais sa portée limitée aux biens régis par le droit monégasque.

* 5/ Sur le préjudice subi, B. rappelle que son frère a tenté de s'approprier le bien immobilier situé à Lausanne, ainsi que les biens meubles et qu'il a dû engager des procédures judiciaires pour s'y opposer.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2013.

SUR CE,

Attendu que l'appel de A., relevé dans les formes et délais prescrits par le Code de procédure civile, doit être déclaré recevable ;

Attendu que la disposition du jugement relative au rejet de la demande présentée par B. de voir écarter des débats la pièce n° 11 produite par A. n'est pas critiquée par les parties et qu'elle est donc définitive ;

I/ Sur la compétence des juridictions monégasques :

Attendu que la compétence territoriale des juridictions monégasques n'est pas contestée et se trouve acquise dans la mesure où l'ensemble des parties est domicilié à Monaco et que la de cujus y résidait, ce qui confère compétence de principe aux juridictions monégasques, au sens tant de l'ancien article 2 du Code de procédure civile que de l'article 4 du Code de droit international privé ;

Que les juridictions monégasques ont également compétence d'attribution s'agissant en l'espèce d'une succession ouverte à Monaco, au sens tant de l'ancien article 3 3° du Code de procédure civile que de l'article 6.4 du Code de droit international privé ;

II/ Sur la règle de conflit applicable :

Attendu que la compétence juridictionnelle étant acquise, la juridiction du for doit appliquer la règle de conflit de son droit national pour déterminer le ou les droits matériels applicables à la succession de C. ;

* A/ Attendu à cet égard que la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 portant diverses dispositions d'ordre économique et juridique, publiée au Journal de Monaco du 12 août 2022 a disposé en son article 3 :

* « Est inséré, après l'article 7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, un article 7-1 rédigé comme suit : « Article 7-1 : Les dispositions du Chapitre V du Titre II du Code de droit international privé sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi » ;

* Que la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 a donc ajouté des dispositions transitoires spécifiques à la matière des successions au Code de droit international privé créé par la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 ;

* Attendu par ailleurs que l'article 24 du Code de droit international privé dispose : « Au sens du présent Code, le droit d'un État étranger s'entend des règles matérielles du droit de cet État, à l'exclusion de ses règles de droit international privé » ;

* Que cette dernière disposition, qui écarte le mécanisme dit du renvoi en excluant l'application des règles de conflit de lois étrangères mais en désignant uniquement les dispositions matérielles ou substantielles de la loi étrangère, se situe au sein du Chapitre IV (« conflits de lois ») du Titre I (« Dispositions générales ») du Code de droit international privé ;

* Attendu qu'en excluant l'application des dispositions du Code de droit international privé aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur (soit le lendemain de la publication de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 au Journal de Monaco, c'est-à-dire le 8 juillet 2017) le législateur a entendu que celles-ci soient régies, par souci de sécurité juridique, par les règles de conflits en vigueur auparavant ;

* Que la règle de conflit monégasque en matière de succession était fondée sur un régime scissionniste, désignant comme loi applicable à la succession des immeubles, la loi du lieu de leur situation et comme loiapplicable aux meubles, la loi de la nationalité du de cujus ;

* Attendu en conséquence, par ces motifs substitués à ceux des premiers juges, du fait de la loi nouvelle intervenue suite à la décision querellée, que le jugement sera confirmé sur ce point ;

* B/ Attendu sur l'appréciation de la loi étrangère à laquelle il est renvoyé par la règle de conflit monégasque antérieure au Code de droit international privé, que l'intimé B. estime qu'il ne peut désormais s'agir que de la loi matérielle, à l'exclusion de la règle de conflit étrangère, en application de l'article 24 suscité du Code de droit international privé ;

* Attendu que la Cour relève en premier lieu qu'en application de la règle de conflit ancienne, le mécanisme du renvoi était admis et connu en droit monégasque (cf. notamment CA, 17 avril 1972) ;

* Que la Cour note également que les travaux préparatoires de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 ne mentionnent pas la question du renvoi, les dispositions de l'article 7-1 du Code de droit international privé, introduites par voie d'amendement, ayant été sous-tendues par la volonté d'assurer une sécurité juridique excluant toute rétroactivité en matière de succession ;

* Attendu d'une part que l'article 24 mentionne expressément qu'il porte une définition « au sens du présent Code » et que justement, les dispositions du Code de droit international privé ne sont pas applicables à une succession ouverte le jma ;

* Que d'autre part, en sus de cet argument formel, la volonté du législateur étant s'assurer une sécurité juridique, celle-ci passe par l'application de la règle de conflit antérieure, reconnu et bien connue dans l'environnement juridique monégasque, prise en son intégralité et non pas amputée de l'application du mécanisme du renvoi, dans le souci de clarification et de facilité d'appréhension ressortant de la volonté du législateur ;

* Qu'au contraire, la mise en oeuvre d'une règlementation hybride et hétérogène nuirait justement à la sécurité juridique ;

* Que tel doit être d'autant plus le cas que le mécanisme du renvoi fait partie intégrante de la règle de conflit de loi et en constitue une modalité d'application et non une règle autonome ;

* Qu'il y a donc lieu à renvoi aux règles de conflit suisse et italienne ;

III/ Sur la loi applicable à la succession :

* A/ Attendu s'agissant de la Suisse, que la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 régit la matière, en particulier son Titre VI, « Successions », étant rappelé que la défunte était de nationalité suisse ;

* 1/ Qu'il faut noter en premier lieu que le droit helvétique ne réserve pas de compétence juridictionnelle exclusive pour statuer sur les immeubles situés sur son territoire, puisque l'article 86 dispose :

* « 1° Les autorités judiciaires ou administratives suisses du dernier domicile du défunt sont compétentes pour prendre les mesures nécessaires au règlement de la succession et connaître des litiges successoraux.

* 2° Est réservée la compétence exclusive revendiquée par l'État du lieu de situation des immeubles » [et la Suisse ne revendique pas une telle compétence] ;

Qu'en second lieu, pour les successions ab intestat comme en l'espèce, l'article 87 de la loi fédérale dispose :

* « 1° Les autorités judiciaires ou administratives du lieu d'origine du défunt sont compétentes pour régler la succession d'un Suisse domicilié à l'étranger à son décès dans la mesure où les autorités étrangères ne s'en occupent pas.

* 2° Les autorités du lieu d'origine sont toujours compétentes lorsque, par un testament ou un pacte successoral, un Suisse ayant eu son dernier domicile à l'étranger soumet à la compétence ou au droit suisse l'ensemble de sa succession ou la part de celle-ci se trouvant en Suisse. L'art. 86, al. 2, est réservé » ;

Que l'alinéa 2 de ce texte, relatif uniquement aux successions non ab intestat ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce et que selon l'alinéa 1er, la Suisse réserve donc sa compétence à titre subsidiaire, quand les autorités du lieu du dernier domicile du défunt ne se sont pas mobilisées, pour éviter la déshérence de biens successoraux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque la succession a été ouverte à Monaco et que les juridictions monégasques sont saisies ;

* 2/ Attendu en second lieu, que la règle de conflit suisse, en cas de dernier domicile du défunt à l'étranger, est énoncée par l'article 91 de la loi fédérale qui dispose :

* « 1° La succession d'une personne qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droit que désignent les règles de droit international privé de l'État dans lequel le défunt était domicilié.

* 2° Dans la mesure où les autorités judiciaires ou administratives suisses sont compétentes en vertu de l'art. 87, la succession d'un défunt suisse qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droit suisse à moins que, par testament ou pacte successoral, le défunt n'ait réservé expressément le droit de son dernier domicile » ;

Que l'alinéa 2 de ce texte ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce, puisque les autorités monégasques sont compétentes ;

Que s'agissant de l'alinéa 1er, son application donne lieu à une situation identifiée en doctrine comme un « chassé-croisé » ou « double renvoi », puisque les deux lois monégasque et suisse se renvoient l'une à l'autre de manière cyclique, ce que le Tribunal a omis d'analyser au sein de la décision déférée ;

Attendu qu'il convient, pour rompre le cycle sans fin, d'accepter la compétence du droit du fond monégasque et ce au nom de la coordination des systèmes, qui est le but des conflits de lois, de l'unification des droits applicables et du fait de l'effacement de l'État du lieu de situation de l'immeuble qui n'a pas réservé de compétence (ni de ses juridictions, ni de sa loi), donc sans irrespect pour la souveraineté étrangère helvétique ;

Attendu en conséquence, par voie d'infirmation, qu'il y a lieu à application de la loi monégasque s'agissant de la masse successorale située en Suisse ;

* B/ Attendu s'agissant de l'Italie, que la loi italienne pertinente en l'espèce est constituée par les dispositions du Règlement (UE) N° 650/2012 du Parlement européen et du conseil, du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen ;

* 1/ Qu'en matière de compétence juridictionnelle, dans le cas comme en l'espèce de décès d'une personne dont le dernier domicile était situé hors d'un État membre (Monaco) l'article 10, intitulé « Compétences subsidiaires » dispose :

« 1° Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où :

* a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès ; ou, à défaut,

* b) le défunt avait sa résidence habituelle antérieure dans cet État membre, pour autant que, au moment de la saisine de la juridiction, il ne se soit pas écoulé plus de cinq ans depuis le changement de cette résidence habituelle » ;

Qu'il s'agit de compétences subsidiaires qui n'excluent pas la compétence des autorités d'un État tiers, comme en l'espèce des autorités judiciaires monégasques quand la succession s'est ouverte en Principauté de Monaco, étant précisé de plus en l'espèce que la de cujus était de nationalité suisse, État non membre de l'Union européenne ;

* 2/ Qu'en matière de loi applicable à une succession, l'article 20 du Règlement intitulé « Application universelle » dispose que « Toute loi désignée par le présent règlement s'applique même si cette loi n'est pas celle d'un État membre » ;

Que l'article 21 intitulé « Règle générale » dispose :

* « 1° Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à l'ensemble d'une succession est celle de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès.

* 2° Lorsque, à titre exceptionnel, il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui dont la loi serait applicable en vertu du paragraphe 1, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État » ;

Qu'en l'espèce, il n'est pas démontré ni même allégué que la défunte aurait des liens plus fort avec l'Italie qu'avec la Principauté de Monaco où elle avait sa résidence habituelle et qu'en conséquence il y a lieu à application de la règle de principe énoncée au point 1 de l'article 21 du Règlement ;

Que l'article 34 intitulé « Renvoi » dispose :

« 1° Lorsque le présent règlement prescrit l'application de la loi d'un État tiers, il vise l'application des règles de droit en vigueur dans cet État, y compris ses règles de droit international privé, pour autant que ces règles renvoient :

* a) à la loi d'un État membre, ou

* b) à la loi d'un autre État tiers qui appliquerait sa propre loi.

2° Aucun renvoi n'est applicable pour les lois visées à l'article 21, paragraphe 2, à l'article 22, à l'article 27, à l'article 28, point b), et à l'article 30 » ;

* Attendu que la situation caractérise à nouveau la situation dite du double renvoi dont il convient, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, de sortir en appliquant le droit matériel monégasque ;

* C/ Attendu en conséquence que le droit matériel monégasque doit régir les droits et obligations de la succession, à Monaco, en Suisse et en Italie, tels qu'ils sont soumis par les parties qui ne mentionnent pas de biens meubles ou immeubles situés dans d'autres États dans le présent litige ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef ;

IV/ Sur la renonciation de B. enregistrée le 24 novembre 2015 :

* 1/ Attendu que par acte notarié du 3 novembre 2015 par devant Maître Henry REY, notaire à Monaco, B. a mandaté tous clercs de l'étude en leur donnant pouvoir pour renoncer à la succession de sa mère et que l'enregistrement au greffe général réalisé le 24 novembre 2015 mentionne que le clerc, agissant au nom de son mandant B. a déclaré : « RENONCER PUREMENT ET SIMPLEMENT à tous droits de quelque nature que ce soit pouvant lui profiter dans la succession de sa mère, C. de son vivant sans profession, domiciliée et demeurant x1, veuve de Monsieur D., de nationalité suisse, née jma, à Rome, décédée le jma, à Lausanne (Suisse), dont il est habile à se porter héritier pour partie ».

* 2/ Attendu que sur la forme, cette renonciation est valable au regard des dispositions de l'article 665 du Code civil qui dispose que la renonciation ne peut être faîte qu'au greffe général, sur un registre tenu à cet effet ;

Que sur sa portée, sa formulation est générale et non limitative, alors qu'au moment de sa réalisation B. connaissait l'existence de biens dans d'autres États que la Principauté ;

Que quand bien même des masses distinctes existeraient elles au sein de la succession, rien ne s'oppose à ce qu'un même acte ait effet sur celles-ci, notamment quand, comme en l'espèce, elles sont soumises à la même loi, monégasque ;

* 3.1/ Attendu que sur ses effets et son éventuelle reconnaissance, la Cour constate qu'en matière de renonciation, le droit suisse ne connaît pas d'actes unilatéraux au sens du droit international privé et que cette renonciation pourra y être reconnue, puisque l'article 96 de la loi fédérale suisse sur le droit international privé dispose :

* « 1° Les décisions, les mesures ou les documents relatifs à une succession, de même que les droits qui dérivent d'une succession ouverte à l'étranger, sont reconnus en Suisse :

* a) lorsqu'ils ont été rendus, pris, dressés ou constatés dans l'État du dernier domicile du défunt ou dans l'État au droit duquel le défunt a soumis sa succession ou s'ils sont reconnus dans un de ces États, ou

* b) lorsqu'ils se rapportent à des immeubles et ont été rendus, pris, dressés ou constatés dans l'État dans lequel ces biens sont situés ou s'ils sont reconnus dans cet État.

* 2° S'agissant d'un immeuble sis dans un État qui revendique une compétence exclusive, seuls les décisions, mesures ou documents émanant de cet État sont reconnus.

* 3° Les mesures conservatoires prises dans l'État du lieu de situation des biens du défunt sont reconnues en Suisse » ;

* 3.2/ Attendu que la renonciation pourra également être reconnue en Italie puisque l'article 28 du Règlement intitulé « Validité quant à la forme de la déclaration concernant l'acceptation ou la renonciation » dispose : « Une déclaration concernant l'acceptation de la succession, d'un legs ou d'une réserve héréditaire ou la renonciation à ceux-ci, ou une déclaration visant à limiter la responsabilité de la personne qui fait la déclaration est valable quant à la forme lorsqu'elle respecte les exigences :

* a) de la loi applicable à la succession en vertu de l'article 21 ou 22, ou

* b) de la loi de l'État dans lequel la personne qui fait la déclaration a sa résidence habituelle » ;

* 4/ Attendu en conséquence qu'il sera jugé que la renonciation à la succession de sa mère formulée par B. produira ses effets s'agissant des droits et obligations nés à Monaco, en Suisse et en Italie ;

V/ Sur les autres chefs de demande :

Attendu que A. triomphe en ses demandes, le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamné à payer 10.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de démarches qu'il a entreprises, hors de la Principauté, pour faire valoir sa propriété sur des actifs successoraux en Suisse et en Italie ;

Attendu sur la demande de A. aux fins de voir condamner son frère au paiement d'une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice matériel et moral subi, que la Cour constate que celle-ci n'est pas justifiée à suffisance et que B. n'a pas fait dégénérer en abus ses demandes en justice ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu que B., qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Que succombant, B. sera débouté de sa demande en paiement d'une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Qu'au cas présent, l'équité commande de condamner B., tenu aux dépens de première instance et d'appel à payer à A., la somme de 10.000 euros aux titres des honoraires et frais non compris dans les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

par mise à disposition au greffe,

Déclare recevable l'appel de A.,

Constate que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 3 mars 2022 est définitif en ce qu'il a rejeté la demande de B. de voir écarter des débats la pièce n° 11 produite par A.,

Infirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 3 mars 2022, en toutes ses dispositions déférées, sauf en ce qu'il a dit que la loi applicable à la succession de C. est déterminée par les règles de conflit de lois en vigueur à la date d'ouverture de la succession, soit le jma et rejeté la demande en paiement d'une somme de 20.000 euros de dommages et intérêts présentée par A.,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que le droit matériel monégasque doit régir les droits et obligations de la succession de C. à Monaco, en Suisse et en Italie, tels qu'ils sont soumis par les parties,

Dit que la renonciation à la succession de sa mère formulée par B., enregistrée le 24 novembre 2015 produira ses effets s'agissant des droits et obligations nés à Monaco, en Suisse et en Italie,

Rejette le surplus des demandes des parties,

Y ajoutant,

Rejette la demande en paiement d'une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile présentée par B.,

Condamne B. aux dépens de première instance,

Condamne B. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Condamne B. à payer à A. la somme de 10.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Composition

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 23 MAI 2023, par Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Sébastien BIANCHERI, Conseiller, Madame Magali GHENASSIA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Morgan RAYMOND, Procureur général adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 30002
Date de la décision : 23/05/2023

Analyses

La compétence territoriale des juridictions monégasques n'est pas contestée et se trouve acquise dans la mesure où l'ensemble des parties est domicilié à Monaco et que la de cujus y résidait, ce qui confère compétence de principe aux juridictions monégasques, au sens tant de l'ancien article 2 du Code de procédure civile que de l'article 4 du Code de droit international privé. Les juridictions monégasques ont également compétence d'attribution s'agissant en l'espèce d'une succession ouverte à Monaco, au sens tant de l'ancien article 3 3° du Code de procédure civile que de l'article 6.4 du Code de droit international privé.La compétence juridictionnelle étant acquise, la juridiction du for doit appliquer la règle de conflit de son droit national pour déterminer le ou les droits matériels applicables à la succession de C. À cet égard, la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 portant diverses dispositions d'ordre économique et juridique, publiée au Journal de Monaco du 12 août 2022 a disposé en son article 3 :• « Est inséré, après l'article 7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé, un article 7-1 rédigé comme suit : « Article 7-1 : Les dispositions du Chapitre V du Titre II du Code de droit international privé sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi » ;• La loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 a donc ajouté des dispositions transitoires spécifiques à la matière des successions au Code de droit international privé créé par la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 ;• Par ailleurs, l'article 24 du Code de droit international privé dispose : « Au sens du présent Code, le droit d'un État étranger s'entend des règles matérielles du droit de cet État, à l'exclusion de ses règles de droit international privé » ;• Cette dernière disposition, qui écarte le mécanisme dit du renvoi en excluant l'application des règles de conflit de lois étrangères mais en désignant uniquement les dispositions matérielles ou substantielles de la loi étrangère, se situe au sein du Chapitre IV (« conflits de lois ») du Titre I (« Dispositions générales ») du Code de droit international privé ;• En excluant l'application des dispositions du Code de droit international privé aux successions ouvertes avant son entrée en vigueur (soit le lendemain de la publication de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 au Journal de Monaco, c'est-à-dire le 8 juillet 2017), le législateur a entendu que celles-ci soient régies, par souci de sécurité juridique, par les règles de conflits en vigueur auparavant ;• La règle de conflit monégasque en matière de succession était fondée sur un régime scissionniste, désignant comme loi applicable à la succession des immeubles, la loi du lieu de leur situation et comme loi applicable aux meubles, la loi de la nationalité du de cujus.Sur l'appréciation de la loi étrangère à laquelle il est renvoyé par la règle de conflit monégasque antérieure au Code de droit international privé, l'intimé B. estime qu'il ne peut désormais s'agir que de la loi matérielle, à l'exclusion de la règle de conflit étrangère, en application de l'article 24 suscité du Code de droit international privé. La Cour relève en premier lieu qu'en application de la règle de conflit ancienne, le mécanisme du renvoi était admis et connu en droit monégasque (cf. notamment CA, 17 avril 1972). La Cour note également que les travaux préparatoires de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 ne mentionnent pas la question du renvoi, les dispositions de l'article 7-1 du Code de droit international privé, introduites par voie d'amendement, ayant été sous-tendues par la volonté d'assurer une sécurité juridique excluant toute rétroactivité en matière de succession. D'une part, l'article 24 mentionne expressément qu'il porte une définition « au sens du présent Code » et que justement, les dispositions du Code de droit international privé ne sont pas applicables à une succession ouverte le jma. D'autre part, en sus de cet argument formel, la volonté du législateur étant s'assurer une sécurité juridique, celle-ci passe par l'application de la règle de conflit antérieure, reconnu et bien connue dans l'environnement juridique monégasque, prise en son intégralité et non pas amputée de l'application du mécanisme du renvoi, dans le souci de clarification et de facilité d'appréhension ressortant de la volonté du législateur. Au contraire, la mise en oeuvre d'une règlementation hybride et hétérogène nuirait justement à la sécurité juridique. Tel doit être d'autant plus le cas que le mécanisme du renvoi fait partie intégrante de la règle de conflit de loi et en constitue une modalité d'application et non une règle autonome. Il y a donc lieu à renvoi aux règles de conflit suisse et italienne.La règle de conflit suisse, en cas de dernier domicile du défunt à l'étranger, est énoncée par l'article 91 de la loi fédérale qui dispose :• « 1° La succession d'une personne qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droit que désignent les règles de droit international privé de l'État dans lequel le défunt était domicilié.• 2° Dans la mesure où les autorités judiciaires ou administratives suisses sont compétentes en vertu de l'art. 87, la succession d'un défunt suisse qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droit suisse à moins que, par testament ou pacte successoral, le défunt n'ait réservé expressément le droit de son dernier domicile ».S'agissant de l'alinéa 1er, son application donne lieu à une situation identifiée en doctrine comme un « chassé-croisé » ou « double renvoi », puisque les deux lois monégasque et suisse se renvoient l'une à l'autre de manière cyclique, ce que le Tribunal a omis d'analyser au sein de la décision déférée. Il convient, pour rompre le cycle sans fin, d'accepter la compétence du droit du fond monégasque et ce au nom de la coordination des systèmes, qui est le but des conflits de lois, de l'unification des droits applicables et du fait de l'effacement de l'État du lieu de situation de l'immeuble qui n'a pas réservé de compétence (ni de ses juridictions, ni de sa loi), donc sans irrespect pour la souveraineté étrangère helvétique.S'agissant de l'Italie, la loi italienne pertinente en l'espèce est constituée par les dispositions du Règlement (UE) N° 650/2012 du Parlement européen et du conseil, du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen. La situation caractérise à nouveau la situation dite du double renvoi dont il convient, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, de sortir en appliquant le droit matériel monégasque. En conséquence, le droit matériel monégasque doit régir les droits et obligations de la succession, à Monaco, en Suisse et en Italie, tels qu'ils sont soumis par les parties qui ne mentionnent pas de biens meubles ou immeubles situés dans d'autres États dans le présent litige.

Droit des successions - Successions et libéralités  - Procédures - Général  - Droit des biens.

Succession – Conflit de juridictions – Compétence du for monégasque (oui) – Conflit de lois.


Parties
Demandeurs : Monsieur A.
Défendeurs : Monsieur B.

Références :

article 7 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
Code civil
article 7-1 du Code de droit international privé
loi n° 1.529 du 29 juillet 2022
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 56 du Code de droit international privé
article 2 du Code de procédure civile
CA, 17 avril 1972
article 429 alinéa 2 du Code de procédure civile
article 24 du Code de droit international privé
Code de droit international privé
article 3 3° du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 665 du Code civil
loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 238-1 du Code de procédure civile
article 4 du Code de droit international privé


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2023-05-23;30002 ?

Source

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