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08/02/2022 | MONACO | N°20323

Monaco | Cour d'appel, 8 février 2022, a. A-N. c/ Maître Y., notaire, et al.


Motifs

LA COUR,

En la cause de :

- Monsieur a. A-N., né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, exerçant la profession d'administrateur de société, demeurant en Autriche ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT, d'une part,

Contre :

1- Maître Y., notaire, demeurant chez Maître Z. sis à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près

la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Gaston CARRASCO, avocat au Barreau de Nice ;

2- Maître Z., notaire, de...

Motifs

LA COUR,

En la cause de :

- Monsieur a. A-N., né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, exerçant la profession d'administrateur de société, demeurant en Autriche ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT, d'une part,

Contre :

1- Maître Y., notaire, demeurant chez Maître Z. sis à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Gaston CARRASCO, avocat au Barreau de Nice ;

2- Maître Z., notaire, demeurant à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Gaston CARRASCO, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉS, d'autre part,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 3 octobre 2019 (R.92) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 18 décembre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000068) ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 2 mars 2021 ;

Vu les conclusions déposées le 16 avril 2021 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Maître Z. ;

Vu les conclusions déposées les 4 juin 2021 et 8 novembre 2021 par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de Maître Y. ;

Vu les conclusions déposées le 17 septembre 2021 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de Monsieur a. A-N. ;

À l'audience du 16 novembre 2021,

ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur a. A-N. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 3 octobre 2019.

Considérant les faits suivants :

Le 14 novembre 2007, c. M. et a. A-N. concluaient une promesse synallagmatique de vente et d'achat portant sur un bien immobilier situé à Monaco dans l'immeuble dénommé Sun Tower, dont le prix de vente devait évoluer en fonction de la date de signature de l'acte, entre 7 800 000 euros et 7 950 000 euros pour être payé le jour de la signature de l'acte authentique.

a. A-N. versait un acompte de 770 000 euros à valoir sur le prix de vente prévu dans les comptes de Maître Y. Notaire à Monaco.

La signature de l'acte authentique de vente prévue le 28 février 2008 faisait l'objet de plusieurs reports, le prix de vente étant augmenté à 8 300 000 euros, a. A-N. versant une somme complémentaire de 430 000 euros à titre d'acompte sur les comptes du notaire.

En dépit d'un nouveau report d'échéance au 15 mai 2008, la vente n'était pas conclue.

Aux termes d'un jugement en date du 11 mars 2010, le Tribunal de première instance de Monaco déboutait a. A-N. des fins de sa demande visant à faire reconnaître qu'il était toujours bénéficiaire de la promesse de vente et n'avait pas renoncé à la vente.

Par arrêt en date du 29 mars 2011, la Cour d'appel de Monaco déclarait a. A-N. irrecevable en son action et suivant arrêt en date du 23 mars 2012, la Cour de révision rejetait le pourvoi formé par a. A-N. contre cette décision.

Estimant avoir été mal conseillé par le notaire, a. A-N. qui perdait la totalité des acomptes versés préalablement à la vente, faisait assigner, suivant acte d'huissier en date du 29 mai 2015, Maître Z. devant le Tribunal de première instance aux fins de voir reconnaître l'existence d'une faute commise au titre d'un manquement à son devoir de conseil et d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 1 200 000 euros en réparation de son préjudice.

Aux termes d'un jugement du 28 avril 2016, le Tribunal enjoignait à a. A-N. de verser au titre de la caution judicatum solvi la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 259 du Code de procédure civile à la Caisse des dépôts et consignations.

Par acte d'huissier en date du 12 avril 2017, a. A-N. faisait également assigner Maître Y. notaire titulaire de l'Office notarial en charge du dossier à l'époque des faits, à l'effet d'obtenir la jonction de cette instance avec celle précédemment engagée à l'encontre de Maître Z. tout en formulant les mêmes demandes que celles dirigées à l'encontre de cette dernière et en demandant qu'il soit jugé que Maître Y. avait commis une discrimination à son encontre du fait de sa nationalité autrichienne et qu'il soit condamné au paiement de la somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 25 janvier 2018, le Tribunal de première instance ordonnait la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015/000617 et 2017/000464 et enjoignait à a. A-N. de verser au titre de la caution judicatum solvi la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 259 du Code de procédure civile à la Caisse des dépôts et consignations.

Aux termes du jugement du 3 octobre 2019, le Tribunal de première instance statuait en ce sens :

- déclare irrecevable l'action engagée par a. A-N. à l'encontre de Maître Z. aux termes de l'acte introductif d'instance du 29 mai 2015,

- déboute a. A-N. de sa demande visant à ce que soit écartée des débats la pièce n° 13 produite par Maître Y.

- déboute a. A-N. de l'ensemble de ses prétentions dirigées contre Maître Y.

- condamne a. A-N. à payer à Maître Y. une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamne a. A-N. à payer à Maître Z. une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- déboute Maître Y. de sa demande de publication de la décision,

- condamne a. A-N. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Didier ESCAUT et de Maître Christophe SOSSO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation.

Les premiers juges retenaient en substance qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à Maître Z. pour des faits antérieurs à sa prise de fonction. Ils considéraient par ailleurs que la preuve n'apparaissait pas rapportée que la perte de l'indemnité d'immobilisation versée par le demandeur soit imputable à un manquement de Maître Y. lequel ne pouvait pas davantage se voir reprocher une pratique discriminatoire fautive à l'occasion de l'exercice de ses fonctions.

Suivant exploit en date du 18 décembre 2019, a. A-N. interjetait appel du jugement susvisé dont il sollicitait l'infirmation en toutes ses dispositions, demandant à la Cour, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z. notaire à Monaco, a manqué à son devoir de conseil à son égard,

- constater que l'acte litigieux revêt un caractère léonin en ce qu'il déséquilibre les intérêts d'une partie au détriment de l'autre,

- dire et juger que les défendeurs ont commis une discrimination à son encontre du fait de sa nationalité autrichienne,

- dire et juger que l'Étude notariale de Maître Y. engage de ce fait sa responsabilité civile professionnelle,

- dire et juger que l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z. devra réparer le préjudice subi par a. A-N. à hauteur de 1 200 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2008,

- les condamner solidairement au paiement de cette somme, au vu de la reprise de l'Étude intervenue, avec toutes conséquences de droit,

- les condamner solidairement en outre à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de cet appel et aux termes de l'ensemble de ses écritures, a. A-N. faisait valoir en substance que :

- la promesse synallagmatique avait fait suite à une offre d'achat d'acquérir le bien pour la somme de 7 700 000 euros en date du 5 octobre 2007 qui avait été contresignée le 8 octobre,

- il s'interrogeait sur l'augmentation régulière du prix dans l'hypothèse d'une signature différée dans le temps de l'acte authentique sans explication et sans avoir attiré son attention, et ce alors qu'aucune condition suspensive n'était prévue,

- le notaire ne l'avait jamais mis en garde sur les conséquences d'un tel acte alors même que la seconde consignation supplémentaire d'un montant de 430 000 euros acquittée le 10 mars 2008 était immédiatement versée entre les mains du notaire, puis de c. M.

- tout professionnel avisé aurait normalement refusé de valider de tels engagements léonins,

- de la même façon le nouveau procès-verbal de carence du 30 avril 2008 validait un même modus operandi déséquilibré laissant le bénéfice à l'une des parties sans que l'autre soit avisée du risque encouru,

- la confusion dans l'identification du notaire en charge de l'opération litigieuse commandait la jonction des deux instances, le Tribunal ayant justement relevé qu'en matière de responsabilité notariale et dans l'hypothèse d'une cessation d'activité si le notaire cédant continuait d'être responsable des fautes commises pendant son exercice et si le successeur était personnellement tenu de ses propres actes dommageables, tous les deux pouvaient encourir également une responsabilité partagée lorsque des négligences se produisaient dans la transmission des dossiers en cours,

- s'il n'avait jamais renoncé à acquérir le bien appartenant à c. M. il n'avait pas pu débloquer les fonds à la date convenue pour des raisons indépendantes de sa volonté mais cet empêchement n'était que temporaire et il n'avait jamais refusé de payer le solde du prix et les frais d'actes,

- étant de nationalité autrichienne, il ne comprenait ni ne parlait la langue française, tous les échanges intervenus l'ayant été en allemand ou en anglais,

- à aucun moment, le notaire n'avait fait appel à un traducteur assermenté et ne s'était donc assuré que son client comprenait ce qu'il signait, ni n'avait pu évaluer la portée juridique de ses engagements, la renonciation à un droit ne se présumait pas, or la Cour d'appel avait estimé qu'il aurait expressément renoncé au droit de se prévaloir de toute action judiciaire à l'égard de c. M. ce qui n'avait pas été le cas car il n'avait pas compris la teneur de ses engagements,

- dans cette circonstance il était constant que la faute du notaire était caractérisée et sa responsabilité engagée,

- de plus, en sa qualité de rédacteur d'un acte, le notaire avait l'obligation de satisfaire à un devoir de conseil à l'égard des deux parties signataires, ce qui ne semblait pas avoir été l'exigence de Maître Y. qui aurait dû le dissuader de signer un acte dont les clauses léonines étaient manifestes,

- il était évident que Maître Y. ne l'avait jamais informé des conséquences d'une renonciation expresse à exercer quelque recours que ce soit contre c. M. dans le cas où il ne pourrait pas honorer la promesse,

- le notaire s'était par ailleurs rendu coupable d'une discrimination manifeste en faveur d'un ressortissant monégasque et au détriment d'un ressortissant autrichien en n'accomplissant pas les diligences incombant normalement à sa charge,

- Maître Y. apparaissait avoir en définitive validé un processus de vente déséquilibré, manqué à son obligation de conseil en ne traduisant pas les actes notariés dans une langue qui lui était intelligible, en n'émettant aucune réserve face à un acte manifestement disproportionné dont il aurait dû le dissuader et en ne l'éclairant pas utilement sur le contenu et les effets des engagements souscrits et en favorisant une discrimination susceptible d'être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme.

Maître Y. et Maître Z. concluaient in limine litis à l'augmentation du montant de la caution judicatum solvi ordonnée par jugement avant-dire droit du 28 avril 2016 par le Tribunal de première instance et fixée à 10 000 euros, qu'ils entendaient, au visa des dispositions de l'article 261 du Code de procédure civile, voir porter à la somme de 100 000 euros avant toute discussion au fond. Ils se réservaient par ailleurs le droit de conclure sur le fond lorsque l'appelant aura justifié s'être conformé à la décision à intervenir de la Cour.

Par arrêt du 2 mars 2021, la Cour d'appel déclarait l'appel recevable, et statuant avant-dire-droit, déboutait Maître Y. et Maître Z. des fins de leurs demandes liminaires d'augmentation de la caution judicatum solvi, renvoyait les parties à conclure au fond selon le calendrier procédural suivant :

- Maître Christophe SOSSO pour le compte des co- intimés le mardi 13 avril 2021,

- Maître Sophie LAVAGNA pour le compte de l'appelant mardi 18 mai 2021,

- Maître Christophe SOSSO pour le compte des co-intimés le 22 juin 2021 sans pièce nouvelle,

- À plaider le mardi 29 juin 2021.

Elle réservait également les dépens en fin de cause.

Par conclusions en date du 1er juin 2021 reçues au greffe le 4 juin suivant, Maître Y. demandait à la Cour de :

- déclarer irrecevables les prétentions formées par a. A-N. contre « l'Étude Y. » pour être dirigées à l'encontre d'une entité dépourvue de qualité,

À titre subsidiaire,

- déclarer non-fondées les prétentions formées par a. A-N. à son encontre et les rejeter,

Réformant sur ce point le jugement entrepris,

- condamner a. A-N. à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de ses préjudices moral et matériel,

- ordonner la publication dans le journal Nice-Matin, édition Monaco-Matin du jugement à intervenir, aux frais de a. A-N.

- condamner a. A-N. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, Maître Y. concluait à l'irrecevabilité des prétentions d'a. A-N. à l'encontre de « l'Étude Y. » en vertu des articles 278-1 et 278-2 du Code de procédure civile aux motifs qu'elles étaient dirigées contre une entité dépourvue de qualité.

À titre subsidiaire, Maître Y. contestait l'existence de raisons indépendantes de la volonté d'a. A-N. de n'avoir pu débloquer les fonds à la date convenue, soulignant qu'aux termes d'articles de presse, a. A-N. qui était présenté la tête d'un empire immobilier opaque, avait été placé en faillite avec un passif de 139 millions d'euros, qu'il aurait été condamné à la même époque à 5 ans d'emprisonnement pour escroquerie qualifiée et qu'il aurait été arrêté par la police autrichienne en septembre 2008, plusieurs banques dont la VOLKSBANK, ayant été victimes de ses agissements.

Rappelant qu'a. A-N. était un homme d'affaire expérimenté, rompu aux opérations d'achat et de vente immobilière en Autriche et à Monaco, Maître Y. indiquait que ce dernier avait donné à son agent immobilier des instructions précises pour soumettre à c. M. une offre de prorogation du délai pour signer la vente. a. A-N. connaissait ainsi parfaitement la portée juridique de sa renonciation expresse à tout recours à l'encontre de c. M. pour l'avoir lui-même prévue et imposée.

Maître Y. soulignait au surplus qu'a. A-N. qui lui reprochait de ne pas s'être adjoint les services d'un traducteur lors des dates convenues pour signer les actes, ne s'était toutefois présenté à aucun de ces rendez-vous et avait été en tout état de cause reçu des dizaines de fois à l'Étude par Maître D. clerc, qui s'était entretenu avec lui en anglais et n'avait cessé de l'informer sur la portée de ses actes.

a. A-N. avait en toute connaissance de cause accepté l'augmentation du prix de vente en cas de prorogation du délai pour signer l'acte de vente et il ne relevait nullement du devoir du notaire de le dissuader de renoncer à la vente et de perdre les 770 000 euros qu'il avait versés.

Maître Y. affirmait également :

- avoir remis la somme de 1 200 000 euros en contrepartie de la prorogation du délai pour signer l'acte de vente conformément aux instructions écrites d'a. A-N.

- avoir rédigé le procès-verbal de carence à la demande de la venderesse le 15 mai 2008 et conformément aux obligations de sa charge,

- que le projet de prorogation du 10 mars 2008, qui reprenait les instructions écrites d'a. A-N. avait été adressé à son agent immobilier, a. S. lequel lui avait traduit l'acte et l'avait retourné à l'Étude, signé d'a. A-N. et supportant quelques modifications de sa part,

- qu'il avait multiplié avec son clerc, Maître D. les diligences pour assister a. A-N. au mieux de ses intérêts de sorte que ce dernier ne pouvait valablement faire état d'une quelconque discrimination.

Maître Y. sollicitait enfin des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices aux motifs que les griefs portés à son encontre par l'appelant avait jeté le discrédit sur sa personne et que la procédure intentée l'avait obligé à régler des honoraires conséquents à ses conseils.

Aux termes de ses conclusions du 8 novembre 2021, Maître Y. soulevait l'irrecevabilité des demandes d'a. A-N. aux termes desquelles il demandait de constater le caractère léonin de l'acte litigieux et des intérêts de retard, s'agissant de demandes nouvelles en appel.

Il ajoutait que :

- a. A-N. avait été régulièrement convoqué aux réunions pour signer l'acte de vente ainsi qu'en attestaient les procès-verbaux de carence,

- il n'était nullement impliqué dans la vente ultérieure du bien par c. M. intervenue le 11 juin 2008 qui avait été établie par son notaire Maître W.

Par conclusions en date du 15 avril 2021 reçues au greffe le 16 avril suivant, Maître Z. demandait à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par a. A-N. à son encontre,

À titre subsidiaire,

- déclarer irrecevables les prétentions formées par a. A-N. contre « l'Étude Y. » pour être dirigées à l'encontre d'une entité dépourvue de qualité,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné a. A-N. à lui verser la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Et statuant de nouveau,

- condamner a. A-N. à lui payer la somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparation de ses préjudices moral et matériel,

- condamner a. A-N. à lui payer la somme de 50 000 euros pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- condamner a. A-N. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, Maître Z. sollicitait la confirmation du jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevables les demandes d'a. A-N. faites à son encontre aux motifs qu'elle n'avait été nullement en charge du dossier de l'appelant, n'ayant pris ses fonctions de notaire et les responsabilités s'y attachant qu'à compter du 8 octobre 2008.

Dans la mesure où un notaire n'avait le droit d'exercer qu'à compter du jour où il a prêté serment en vertu de l'article 56 de l'ordonnance souveraine du 4 mars 1886, a. A-N. ne disposait à son encontre d'aucun intérêt à agir de sorte que les demandes de l'appelant à son encontre étaient irrecevables en vertu des articles 278-1 et 278-2 du Code de procédure civile.

Elle soulignait au surplus qu'a. A-N. formulait des griefs à l'encontre de l'étude notariale qui était dépourvue de toute personnalité juridique de sorte que ses demandes à l'encontre de cette dernière étaient irrecevables.

Elle rappelait que :

- en raison du principe d'une responsabilité personnelle du notaire, elle n'avait pu endosser la responsabilité d'actes établis avant son entrée en fonction par Maître Y.

- l'obligation de conseil revêtant également un caractère personnel, elle ne pouvait être tenue des fautes professionnelles qu'a. A-N. imputait à Maître Y.

- la responsabilité professionnelle du notaire régie par l'article 1229 du Code civil ne pouvait être transmise passivement à l'occasion de la cession de la valeur patrimoniale de l'étude, de sorte qu'un notaire qui succédait à un autre ne pouvait être tenu responsable des fautes commises par son prédécesseur.

Elle sollicitait toutefois la réformation du jugement déféré sur le montant des dommages et intérêts qui lui avaient été alloués aux motifs que les griefs portés par l'appelant avait jeté le discrédit sur sa personne et sur son étude, lui occasionnant ainsi un préjudice moral mais également matériel, le discrédit ainsi jeté n'excluant pas qu'il mette à mal son activité et qu'il se traduise dans un proche avenir par des pertes de l'ordre de plusieurs millions d'euros.

Maître Z. estimait enfin la procédure intentée par a. A-N. abusive, ce dernier la sachant totalement étrangère aux faits mais persistant devant la Cour dans ses accusations en dépit de la motivation particulièrement claire du jugement déféré, la contraignant ainsi à exposer des frais pour assurer sa défense tant en première instance qu'en appel.

Aux termes de ses conclusions en date du 17 septembre 2021, a. A-N. demandait à la Cour de :

- déclarer son appel recevable et fondé,

- infirmer le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 3 octobre 2019,

Et statuant de nouveau,

- dire et juger que l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z. notaire à Monaco, ou à défaut Maître Y. Maître Z. ont manqué à leur devoir de conseil à son égard,

- constater que l'acte litigieux revêt un caractère léonin en ce qu'il déséquilibre manifestement les intérêts d'une partie au détriment de l'autre,

- juger que les défendeurs ont commis une discrimination à son encontre du fait de sa nationalité autrichienne,

- dire et juger que l'Étude notariale de Maître Y. engage de ce fait sa responsabilité civile professionnelle,

- dire et juger que l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z. ou Maître Y. Maître Z. devront réparer le préjudice subi par a. A-N. à hauteur de 1 200 000 euros ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2008,

- les condamner solidairement au paiement de cette somme, au vu de la reprise de l'Étude intervenue, avec toutes conséquences de droit,

- les condamner solidairement en outre à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Après un rappel des faits et de la procédure, a. A-N. soutenait avoir informé Maître Y. de son absence de la Principauté de Monaco par mail du 28 février 2008, l'empêchant de se rendre au rendez-vous pour la signature de l'acte, faisant ainsi grief au notaire :

- de l'absence de preuve de sa convocation conformément aux articles 1, 3, 5 et 6 de la Convention de la Haye alors que le notaire n'ignorait pas sa domiciliation à l'étranger,

- l'absence de précautions prises pour s'assurer de sa présence au rendez-vous du 28 février 2008,

- de l'existence de pourparlers entre c. M. et la société MONSESA SA concomitamment à la conclusion de sa propre vente et l'existence probable d'un second dossier de vente pour permettre de conclure rapidement la vente entre ces deux parties le 11 juin 2008 à son détriment, ayant été dépossédé de la somme de 1 200 000 euros au profit de la venderesse qui a par ailleurs empoché un prix de vente de 9 000 000 euros.

a. A-N. concluait par ailleurs à la faute de notaire, soulignant à l'appui de ses dires que :

- il n'avait jamais rencontré Maître Y. et Maître Z.

- il n'avait pas formalisé l'engagement signé le 10 mars 2008, ce dernier ayant été adressé par Monsieur D. par mail du 4 mars 2008 en l'état d'un soit disant courriel de sa part,

- le notaire ne lui avait pas explicité le document du 10 mars 2008 qu'il avait retourné signé sans maîtriser les conséquences de son acte,

- le notaire avait manqué à son devoir de conseil en n'insérant pas dans l'acte une condition suspensive en raison de sa situation économique fragile qu'il connaissait, en laissant des conditions léonines dans l'acte et en ne lui signalant pas qu'il s'exposait à la perte de l'intégralité des sommes déposées en sa comptabilité s'il était absent lors de la signature de l'acte,

- le notaire avait engagé sa responsabilité en remettant la somme de 1 200 000 euros à Madame c. M. sans consulter son autorité de tutelle.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels incidents régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'a. A-N. ne formule aucun grief sur le chef de jugement l'ayant débouté de sa demande visant à écarter la pièce n°13 produite par Maître Y. ;

Qu'il convient par conséquent de confirmer ce chef de jugement ;

Sur la responsabilité de l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z.

Attendu qu' a. A-N. sollicite aux termes de ses conclusions de dire et juger que l'Étude de Maître Y. reprise par Maître Z. engagé sa responsabilité civile professionnelle et de la condamner au paiement des sommes sollicitées en réparation de ses préjudices moral et matériel ;

Attendu toutefois qu' a. A-N. ne rapporte nullement la preuve que l'étude notariale est une personne morale dotée d'une personnalité juridique ;

Qu'il convient par conséquent de déclarer irrecevables les demandes faites par a. A-N. à l'encontre de l'étude notariale ;

Sur la responsabilité de Maître Z.

Attendu que les obligations du notaire, lorsqu'elles ne tendent qu'à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte, relèvent de sa responsabilité délictuelle ;

Que l'engagement de la responsabilité du notaire suppose la démonstration de l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage ;

Attendu qu'a. A-N. sollicite la condamnation de Maître Z. en vertu des articles 1229 et 1230 du Code civil ;

Attendu toutefois que Maître Z. en sa qualité de notaire successeur de Maître Y. n'a pas à répondre des fautes qui auraient été commises par ce dernier et qu'elle ne peut voir sa responsabilité recherchée que pour les fautes qu'elle a personnellement commises ;

Attendu par ailleurs qu'a. A-N. dénonce le comportement fautif du notaire de novembre 2007 à juin 2008, période pendant laquelle Maître Z. n'exerçait pas en qualité d'officier ministériel, cette dernière ayant été nommée notaire en remplacement de Maître Y. par Ordonnance Souveraine en date du 16 septembre 2008 et ayant prêté serment devant la Cour d'appel de la Principauté de Monaco le 7 octobre 2008 ;

Qu'il ne saurait ainsi lui être reprochée une quelconque faute pour des faits antérieurs à sa prise de fonction, l'établissement par Maître Z. d'un récapitulatif des écritures au nom de a. A-N. sur la période du 5 juillet 2007 au 22 juin 2015 étant insuffisant pour caractériser une quelconque intervention de cette dernière dans les différents actes relatifs au projet de vente litigieux ;

Qu'il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par a. A-N. à l'encontre de Maître Z. faute d'intérêt à agir à son encontre ;

Sur la responsabilité de Maître Y.

Attendu que le notaire, chargé de s'assurer de l'efficacité et de la régularité des actes qu'il reçoit en application de l'ordonnance du 4 mars 1886, a une obligation de conseil consistant à éclairer son client sur la portée, les conséquences et les risques des engagements et opérations juridiques auxquels il prête son concours ;

Que Maître Y. oppose à a. A-N. ses qualités professionnelles, étant à la tête d'un empire immobilier et aguerri aux affaires immobilières ;

Attendu toutefois que si l'article de journal, traduit de l'allemand par un interprète, expert auprès de la Cour d'appel de Bordeaux, fait état de ce qu'a. A-N. était en 2008 à la tête d'un empire immobilier comprenant 108 sociétés, les compétences d'un client n'exonèrent pas toutefois le notaire de son obligation de conseil ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ce moyen ;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'a. A-N. de nationalité autrichienne et d'origine iranienne, ne maîtrise pas le français ;

Qu'a. A-N. a signé une offre d'achat en date du 5 octobre 2007 rédigée en français aux termes de laquelle il se porte acquéreur d'un bien immobilier situé dans l'ensemble « SUN TOWER » à Monaco appartenant à c. M. moyennant paiement d'un prix de 7 700 000 euros, la signature de l'acte authentique devant intervenir au plus tard le 30 novembre 2007 ;

Que c. M. a accepté et signé cette offre d'achat le 8 octobre 2007 ;

Qu'aux termes d'un avenant du 10 octobre 2007, les parties ont rectifié l'offre précédente en précisant que le prix de vente du bien immobilier n'était pas de 7 700 000 euros mais de 7 800 000 euros ;

Attendu qu'a. A-N. fait grief à Maître Y. de ne pas avoir traduit les actes notariés dans une langue qu'il comprenait et de ne pas avoir pris soin de s'adjoindre les compétences d'un traducteur lors des rendez-vous de signature de sorte qu'il n'a pas été en mesure de comprendre la teneur des actes qu'il signait ni les conséquences juridiques en découlant, notamment son absence de recours à l'encontre de la venderesse ;

Qu'il « s'interroge » également sur l'augmentation du prix de vente sans explication et fait grief au notaire de ne pas avoir attiré son attention sur l'aspect dangereux et incongru de ces modalités et sur l'absence de conditions suspensives comme c'est l'usage lorsque l'acheteur ne dispose pas immédiatement des fonds ainsi qu'il en avait informé Maître Y. ;

Attendu toutefois qu'il ne relève pas de l'obligation de conseil du notaire de traduire les actes dans la langue de son client ni de faire appel à un traducteur assermenté mais d'inviter son client à se faire assister d'un interprète s'il constate que ce dernier ne maîtrise pas la langue française ;

Que Maître Y. indique par ailleurs que l'offre d'achat du 5 octobre 2007 ainsi que son avenant ont été formalisés par écrit auprès de l'agence immobilière ROYAL RIVIERA IMMOBILIER ;

Qu'il ressort en effet des pièces versées aux débats que cette agence immobilière a adressé les deux actes par lettre du 23 octobre 2007 à l'étude notariale ;

Qu'a. A-N. ne verse aucun élément établissant que Maître Y. assisté aux pourparlers qu'il a eu avec c. M. sur le montant du prix de vente de l'appartement, qu'il est le rédacteur de ces deux actes et qu'il l'a reçu en son étude notariale avant leur signature ;

Que bien qu'a. A-N. soutienne avoir informé le notaire de ce qu'il ne détenait pas immédiatement les fonds en visant la pièce N° 9, sans préciser s'il s'agit de sa pièce ou celle de la partie adverse, ces pièces n'ont aucun lien avec l'information soi-disant donnée, s'agissant de l'acte du 10 mars 2008 et d'un courriel du 4 mars 2008 de Maître D. postérieures à ladite promesse ;

Que l'appelant ne démontre pas non plus avoir informé à cette époque Maître Y. de sa situation économique fragile, les articles de presse versés par l'intimé sur la situation de l'acheteur étant tous postérieurs au 11 juin 2008 ;

Qu'en l'absence ainsi de tout élément démontrant que Maître Y. pu constater l'absence de maîtrise du français par l'appelant avant la signature de ces deux actes, qu'il en est le rédacteur et qu'il aurait dès lors pu utilement le conseiller sur l'insertion de conditions suspensives, aucun manquement à son devoir de conseil n'est établi ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ces moyens ;

Attendu que suite à l'offre d'achat du 5 octobre 2007 et à son avenant du 10 octobre 2007, a. A-N. et c. M. ont signé une promesse synallagmatique de vente et d'achat le 14 novembre 2007 en vue de l'acquisition de ce bien immobilier aux termes de laquelle :

- le prix de vente du bien a été fixé de manière évolutive en fonction de la période à laquelle sera conclu l'acte authentique de vente (7 800 000 euros si la vente la signature de l'acte authentique intervenait au plus tard le 31/12/2007 ; 7 875 000 euros si la vente la signature de l'acte authentique intervenait entre le 01/01/2008 et au plus tard le 31/01/2008 ; 7 950 000 euros si la vente la signature de l'acte authentique intervenait entre le 01/02/2008 et au plus tard le 28/02/2008),

- il est stipulé que « à l'appui de son engagement, l'acquéreur a d'ores et déjà versé la somme de SEPT CENT SOIXANTE DIX MILLE EUROS, au titre d'acompte à valoir sur le prix de vente ci-dessus prévu, au moyen d'un virement émis au profit de Me Y. » et que ce prix est définitivement acquis au vendeur et s'imputera sur le prix de vente « ou bien il restera acquis au vendeur, à titre d'indemnité d'immobilisation, forfaitairement et amiablement convenue, au cas de non réalisation de ladite vente du seul fait de l'acquéreur » ;

Que l'acte donne toute explication sur l'augmentation du prix de vente qui dépend de la date à laquelle l'acte authentique sera effectivement signé ;

Que cette promesse a été conclue suite à un rendez-vous en l'étude notariale en présence de Maître D. ainsi qu'en atteste sa télécopie en date du 16 novembre 2007 ;

Que dans la mesure où Maître D. a toujours communiqué en anglais avec a. A-N. ou sa collaboratrice, ainsi qu'en attestent les mails versés aux débats, et où l'appelant reconnaît que tous les échanges intervenus avec l'étude notariale se sont tenus en allemand ou en anglais, a. A-N. a signé cette promesse certes rédigée en français mais en étant assisté du clerc de l'étude, Maître D. parfaitement bilingue ;

Que Maître Y. justifie ainsi avoir satisfait à son devoir de conseil en faisant assister a. A-N. lors de la signature de la promesse de vente et d'achat par un clerc de son étude parfaitement bilingue ;

Que la Cour observe au demeurant qu'à aucun moment, a. A-N. n'a remis en cause la teneur de cet acte ou n'a fait part de son incompréhension sur son contenu ;

Attendu que Maître Y. justifie enfin que son étude a attiré l'attention d'a. A-N. sur les conséquences de son absence de versement des fonds à la date prévue, le 28 février 2008 ;

Que son clerc Maître D. a en effet expressément rappelé aux termes d'un courriel en anglais envoyé le 11 février 2008 à 10h49 à la collaboratrice de l'appelant en charge du dossier, a. A. la nécessité de verser le solde du prix, soit 7 895 000 euros à la date du 28 février 2008 sans quoi a. A-N. perdrait le dépôt d'acompte de 770 000 euros ;

Qu'il convient de constater que Maître Y. satisfait à son devoir de conseil ;

Attendu qu'a. A-N. ne s'est pas présenté le 28 février 2008 en l'étude de Maître Y. pour signer l'acte authentique de vente ;

Que la signature de l'acte authentique de vente a cependant été prorogée au 10 mars 2008, date à laquelle la vente n'a pas eu lieu eu égard à l'absence d'a. A-N.;

Qu'a. A-N. a néanmoins fait parvenir ce jour-là à l'étude notariale un acte sous seing privé daté du même jour, sur lequel il a apposé sa signature précédée de la mention en français « bon pour accord », et aux termes duquel il reconnaît ne pas avoir été en mesure le 28 février 2008 de payer le solde du prix ainsi que les frais d'acte, que c. M. lui a fait sommation par exploit d'huissier du 29 février 2008 de payer le prix et les frais et de signer l'acte, il s'engage à porter le prix d'acquisition à 8 300 000 euros (et non plus 7 950 000 euros), à verser la somme complémentaire de 430 000 euros au plus tard le 10 mars 2008 sur le compte de l'étude notariale, il donne ordre irrévocable au notaire de verser la totalité de ses acomptes soit la somme totale de 1 200 000 euros directement à c. M. comme preuve de sa bonne foi le 10 mars 2008 si elle signe la prorogation du délai de vente au 15 avril 2008, il s'engage à payer le solde du prix de vente nouvellement convenu et les frais avant le 30 avril 2008 et que dans l'éventualité où le 30 avril 2008, le solde du prix et les frais n'étaient pas en la comptabilité du notaire, de ce seul fait et uniquement de ce fait, la somme de 1 200 000 euros resterait automatiquement et définitivement acquise à c. M. qui serait alors dégagée de tout engagement envers lui de lui vendre les biens, et qu'il s'interdit expressément quelques recours à l'encontre de c. M. sans pouvoir la lui réclamer et exercer un recours à son encontre ;

Attendu qu'a. A-N. soutient avoir retourné l'acte signé sans avoir été conseillé avant de le signer par Maître Y. qu'il n'a jamais rencontré, rappelant à ce titre les articles suivants de l'ordonnance du 4 juin 1896 sur le notariat :

- l'article 61 11° aux termes duquel il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement de laisser intervenir leurs clercs, sans un mandat écrit, dans les actes qu'ils reçoivent,

- l'article 71 aux termes duquel le Tribunal de première instance pourra aussi, suivant les circonstances, prononcer contre les clercs de notaire et les aspirants au notariat soit l'avertissement, soit la censure même avec réprimande, soit la suppression du stage pendant un temps déterminé qui ne pourra excéder une année,

- l'article 92 aux termes duquel tous les actes faits en contravention aux dispositions mentionnées aux articles 5, 6, au paragraphe premier de l'article 12, à l'article 14, au paragraphe - l'article premier de l'article 20 et aux articles 56 et 72 sont nuls s'ils ne sont pas revêtus de la signature de toutes les parties ; et lorsque ces actes seront revêtus de la signature de toutes les parties contractantes, ils vaudront seulement comme écrits sous signatures privées et seront assimilés aux cas exceptionnels prévus par le paragraphe 2 de l'article 38 de la loi du 29 avril 1828 ;

Attendu toutefois que ces dispositions traitent de la procédure disciplinaire à l'encontre des notaires et clercs, laquelle n'a pas été mise en œuvre en l'espèce ;

Qu'a. A-N. s'abstient d'expliciter tout lien entre ces dispositions et la responsabilité du notaire fondée sur les manquements à son devoir de conseil de sorte qu'il convient de les écarter ;

Attendu par ailleurs qu'entre le 28 février 2008 et le 10 mars 2008, a. A-N. a fait parvenir par l'intermédiaire de son agent immobilier, a. S M. de nouvelles instructions sur la vente litigieuse ;

Qu'en effet, aux termes d'un courriel du 4 mars 2008, a. S M. a indiqué à Maître D. : « voici les instructions de Monsieur A. je vous prie de me faxer une lettre reprenant les termes de notre conversation de ce matin à savoir : engagement définitif et irrévocable sans possibilité de recours de Monsieur A. de payer la somme de 770 000 euros + 430 000 euros soit 1 200 000 euros à Madame M. au plus tard mardi 11 mars 2008 et le solde au plus tard le 31 mars 2008 ainsi qu'une autorisation de libérer l'acompte donner à votre étude dès acceptation de cette avenant par Madame M. » ;

Que sont joints au mail d'a. S M. deux courriels du même jour d'a. A. en anglais et d'a. A-N. en allemand, dont il n'est pas contesté qu'ils mentionnent les instructions telles que rapportées par cet agent immobilier ;

Que Maître D. a alors envoyé à a. S M. un projet d'acte en français reprenant les instructions d'a. A-N. que ce dernier a retourné signé le 10 mars 2008 avec quelques modifications ;

Qu'a. S M. atteste à ce titre : « (...) en 2008, j'étais le mandataire d'a. A-N. que je communiquais avec lui en anglais et en farsi (langue natale), qu'a. A-N. connaissait parfaitement le contenu de l'engagement du 10 mars 2008, pour lui avoir traduit en anglais et en farsi, et pour en avoir discuté tout deux sur chacun des termes (...) » ;

Qu'il résulte de ces éléments que l'acte du 10 mars 2008 signé par a. A-N. n'a fait que concrétiser par écrit ses propres instructions et que Maître Y. s'est assuré que l'appelant en comprenait bien la portée et les conséquences en l'adressant à a. S M. qui le lui a traduit non seulement en anglais mais aussi sans sa langue natale le farsi ;

Que si Maître Y. n'a pas été l'interlocuteur direct d'a. A-N. il a toutefois chargé du dossier son clerc en raison de sa maîtrise parfaite de l'anglais, seule langue permettant de communiquer avec a. A-N. ;

Qu'en chargeant ainsi un clerc de son étude parfaitement bilingue en anglais de suivre le dossier de vente litigieux, lequel s'est entretenu et a échangé par écrit en anglais avec a. A-N. sa collaboratrice et a. S M. sur les termes des accords passés, attirant expressément l'attention de l'acheteur sur les conséquences en cas de défaillance dans le versement du solde du prix, Maître Y. a satisfait à son obligation consistant à s'assurer que le vendeur comprenait les actes qu'il signait ;

Qu'a. A-N. ne peut valablement soutenir ne pas avoir compris les conséquences juridiques de sa renonciation à tout recours à l'encontre de la venderesse dans la mesure où il avait déjà pris cet engagement aux termes de la promesse synallagmatique de vente et d'achat du 14 novembre 2007 et où c'est lui-même qui a de nouveau proposé d'y renoncer afin que c. M. accepte de proroger la date de signature de l'acte de vente ;

Qu'a. A-N. était informé des risques qu'il encourait dans la mesure où il avait déjà été alerté par courriel du 11 février 2007 de Maître D. de la perte de son acompte en cas de non-paiement du prix du bien à la date convenue ;

Qu'il ne peut non plus valablement reprocher à Maître Y. de ne pas l'avoir incité à agir en toute connaissance de cause ou de ne pas l'avoir éclairé sur l'opportunité de ses choix alors même qu'il a décidé seul d'augmenter le prix de vente et l'acompte pour ne pas perdre celui de 770 000 euros et la possibilité d'acquérir l'appartement ;

Attendu qu'a. A-N. soutient qu'il relevait du devoir de conseil du notaire de le dissuader de signer un acte dont les clauses léonines étaient manifestes ;

Attendu toutefois qu'une clause léonine est une clause privant un associé de tout droit aux profits de la société ou lui attribuant la totalité des profits, mettant à sa charge la totalité des pertes et l'exonérant de toute contribution au passif de la société ;

Qu'a. A-N. ne peut dès lors invoquer le caractère léonin des clauses de la promesse de vente et d'achat du 10 novembre 2007 et de l'acte du 10 mars 2008 qui ne sont pas des contrats de société ;

Que le devoir de conseil du notaire ne comprend pas au surplus l'obligation de dissuader a. A-N. de signer l'acte du 10 mars 2008, lequel aurait alors perdu son acompte de 770 000 euros ;

Attendu qu'a. A-N. fait grief à Maître Y. de s'être « empressé » de remettre à c. M. l'acompte de 1 200 000 euros sans son accord, sans aucune formalité, sans consulter son autorité de tutelle ni saisir le Tribunal de première instance de la liquidation de l'indemnité d'immobilisation ;

Attendu toutefois qu'aux termes de ses instructions données le 4 mars 2008, a. A-N. a expressément autorisé Maître Y. à libérer l'acompte donné à son étude dès l'acceptation de l'avenant par c. M. ;

Qu'aux termes de l'acte du 10 mars 2008 qui lui a été traduit par a. S M. en anglais et dans sa langue natale, a. A-N. a expressément indiqué : « Dans l'éventualité où le 30 avril 2008, le solde du prix nouvellement convenu et des frais la vente n'était pas en comptabilité de Maître Y. et de ce seul fait et uniquement de ce fait, une somme de UN MILLION DEUX CENTS MILLE EUROS (1 200 000 euros) resterait automatiquement et définitivement acquise à Madame M. sans aucune formalité ni mise en demeure de sa part. Cette dernière serait alors dégagée alors de tout engagement envers moi de me vendre les biens susvisés. (...)Je donne ordre irrévocablement (...) à Maître Y. et sur ma seule responsabilité, mais seulement si Madame M. signe la prorogation du délai de vente au 15 avril 2008, de verser à cette dernière la somme totale de UN MILLION DEUX CENTS MILLE EUROS (1 200 000 euros) qu'il doit détenir sur le compte en son Étude en mon nom, le 10 mars 2008 » ;

Qu'a. A-N. n'a nullement soumis l'obligation du notaire de remettre les acomptes à Madame c. M. à la saisine d'une juridiction pour statuer sur le sort de cette indemnité et après en avoir référé à une quelconque autorité ;

Que la venderesse ayant accepté l'avenant du 10 mars 2008 d'a. A-N. et la prorogation de la vente, le notaire s'est ainsi conformé aux instructions de l'appelant en versant l'acompte à c. M. ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ce moyen ;

Attendu qu'a. A-N. reproche à Maître Y. de s'être abstenu :

- de demander à sa banque une nouvelle attestation sur la réalisation prochaine du versement des fonds,

- de suggérer aux parties un délai complémentaire pour la réitération de la vente,

- de s'engager en qualité de mandataire porteur de deniers pour le compte de son client ;

Attendu toutefois que la banque a informé Maître D. par lettre du 24 avril 2008 que les fonds pour régler le solde du prix et les frais de la vente arriveraient sur le compte de l'étude notariale entre les 10 et 12 mai 2008 ;

Que dans la mesure où Maître Y. avait l'assurance du versement des fonds par la banque, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir demandé une nouvelle attestation, la signature de l'acte authentique ayant dès lors été prorogée au 15 mai 2008 ;

Qu'il ne relève pas au surplus du devoir de conseil du notaire de s'engager en qualité de mandataire porteur de deniers pour le compte de son client ;

Qu'il convient d'écarter ces moyens ;

Attendu qu'a. A-N. fait état au titre des fautes du notaire de la vente du bien litigieux par acte notarié du 11 juin 2008 de Maître W. à la société MONSESA SA pour la somme de 9 millions d'euros ;

Qu'il soutient ainsi que concomitamment à son opération, des pourparlers étaient également en cours entre c. M. et la société MONSESA SA et qu'un second dossier de vente avait dû être préparé pour permettre la rapidité de l'acte de vente du 11 juin 2008 à son détriment ;

Attendu toutefois qu'a. A-N. ne démontre nullement que Maître Y. serait impliqué dans ces pourparlers et qu'il aurait pris part de quelque manière que ce soit à cet acte, de sorte qu'il ne caractérise aucune faute de l'officier ministériel ni aucun lien de causalité avec son préjudice ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter ce moyen ;

Attendu enfin qu'a. A-N. ne peut faire grief à Maître Y. de ne pas s'être adjoint les compétences d'un traducteur lors des rendez-vous successifs fixés pour signer l'acte authentique de vente dans la mesure où il ne s'est jamais présenté à ces rendez-vous ;

Que ces éléments établissent que Maître Y. a respecté son obligation de conseil envers a. A-N. lors de la conclusion de l'acte du 10 mars 2008 ;

Attendu qu'a. A-N. conteste avoir été averti du rendez-vous du 28 février 2008, soulignant que Maître Y. ne verse pas de convocations adressées dans les formes prévues par la Convention de la Haye dont il ne précise toutefois pas la date ;

Qu'il conclut que toutes les convocations qui lui ont été adressées se révèleront irrégulières au visa des textes précités dès lors que le notaire n'ignorait pas sa domiciliation étrangère et qu'il n'a à aucun moment vérifié qu'il avait été touché préalablement aux rendez-vous fixés en son étude ;

Qu'il souligne enfin avoir été convoqué au rendez-vous du 10 mars 2008 alors qu'il avait indiqué le 28 février 2008 au notaire ne pas être disponible avant le 26 mars 2008 ;

Attendu que les articles 1, 3, 5 et 6, dont a. A-N. rappelle de manière exhaustive la teneur dans ses conclusions, sont ceux de la Convention de La Haye du 1er mars 1954 relative à la procédure civile, laquelle a toutefois été remplacée par la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale rendue exécutoire par Ordonnance souveraine n° 1.059 du 13 avril 2007 ;

Attendu par ailleurs que l'offre d'achat du 5 octobre 2007, son avenant du 10 octobre 2007, la promesse synallagmatique de vente et d'achat du 10 novembre 2007 et l'acte du 10 mars 2008 mentionnent tous qu'a. A-N. est domicilié à Monaco, les Floralies, 1 avenue de Grande-Bretagne ;

Que l'appelant ne justifie pas au surplus avoir communiqué à Maître Y. son adresse en Autriche ;

Qu'il ne peut dès lors lui faire grief de ne pas l'avoir convoqué en Autriche dans les formes prévues par la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 ;

Que la Cour observe en tout état de cause qu'a. A-N. ne démontre pas en quoi son absence de convocation dans les formes de ladite convention a un lien de causalité avec son préjudice consistant en la perte de son acompte, seul important le fait qu'il soit effectivement informé de la date de signature de l'acte authentique de vente ;

Que la Cour observe au surplus que si dans son mail du 28 février 2008, a. A-N. affirme n'avoir été avisé que le 27 février 2008 de la date de signature de l'acte le 28 février 2008 à 11 heures et qu'il n'était pas disponible avant le 26 mars 2008, la promesse synallagmatique de vente et d'achat du 14 novembre 2007 qu'il a signée à l'étude notariale avec l'assistance de Maître D. stipule toutefois expressément que les accords seront réitérés au plus tard le 28 février 2008 par acte à recevoir par Maître Y. ;

Qu'aux termes du procès-verbal de déclarations de c. M. le 28 février 2008, Maître Y. a au surplus indiqué en page 4 : « que tous les intervenants dans le cadre de la promesse sont présents ce jour à l'heure fixée en l'étude de Maître Y. l'un des notaires soussignés, et qu'ils confirment avoir bien insisté auprès d'a. A-N. afin qu'il respecte cette date limite de signature, et notamment les agences immobilières Wentz Immobilier et Royal Riveria Immobilier et Maître Y. ainsi qu'il résulte notamment d'un courrier électronique très explicite, adressé en langue anglaise à l'assistance d'a. A-N. dont une copie demeurera jointe et annexée à la minute des présentes restant en la possession de Maître Y. l'un des notaires soussignés » ;

Qu'il résulte de cet acte, à l'encontre duquel a. A-N. ne justifie pas avoir engagé une procédure pour faux, que ce dernier était bien informé de la date de la signature de la vente par les autres intervenants qu'étaient les deux agences immobilières ;

Qu'en tout état de cause, quand bien même a. A-N. n'a eu connaissance de la date de la signature que le 27 février 2008, son absence le 28 février 2008 n'a eu aucune conséquence dans la mesure où c. M. a accepté de proroger la signature de l'acte authentique de vente suite aux instructions données par l'appelant et transmises par l'agent immobilier a. S M. ;

Attendu que Maître Y. ne verse toutefois aucun élément établissant la convocation d'a. A-N. au rendez-vous du 10 mars 2008 à 17 heures ;

Qu'il ne peut se prévaloir de la sommation du 29 février 2008 enjoignant à a. A-N. de se présenter à ce rendez-vous dans la mesure où il ne justifie pas avoir porté à la connaissance de l'appelant cet acte qui avait été signifié en son étude notariale, où l'appelant avait élu domicile, et remis à une de ses employées ayant déclaré se charger de le remettre ;

Que la Cour observe néanmoins que l'absence de convocation d'a. A-N. le 10 mars 2008 n'a pas été à l'origine de la perte de son acompte de 1 200 000 euros dans la mesure où à cette date, c. M. a de nouveau accepté de proroger la signature de l'acte de vente au 30 avril 2008 ;

Que s'agissant des rendez-vous des 30 avril 2008 et 15 mai 2008, Maître Y. ne peut également pas se prévaloir des sommations des 15 avril 2008 et 6 mai 2008 enjoignant à a. A-N. de se présenter respectivement aux rendez-vous du 10 mars 2008 à 17 heures, du 30 avril 2008 à 16 heures et du 15 mai 2008 à 16 heures dans la mesure où il ne justifie pas non plus que son employée, à qui les actes d'huissier ont été remis, en raison de l'élection de domicile de l'appelant en l'étude du notaire, les a bien portés à la connaissance de son destinataire ;

Qu'a. A-N. a cependant nécessairement eu connaissance du rendez-vous du 30 avril 2008 à 16 h 00 dans la mesure où il a adressé le même jour à 10h17 à Maître D. un courriel (annexé au procès-verbal de carence du 30 avril 2008) aux termes duquel il l'autorisait à représenter ses intérêts dans la transaction portant sur l'appartement ;

Qu'aux termes de son acte d'appel (page 7 dernier paragraphe), a. A-N. indique enfin qu'il n'a pas pu se présenter au rendez-vous fixé le 15 mai 2018 pour la signature pour des raisons indépendantes de sa volonté ;

Qu'il ne fait nullement état de ce qu'il n'a pas eu connaissance de la date de ce rendez-vous ;

Qu'il résulte ainsi de ces éléments qu'a. A-N. a bien été avisé des dates de signature de l'acte authentique les 30 avril 2008 et 15 mai 2008 ;

Qu'il convient par conséquent d'écarter son moyen ;

Sur la discrimination

Attendu que l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ;

Attendu que le fait qu'a. A-N. ait perdu selon ses dires 5 ans en ayant assigné dans un premier temps c. M. et qu'il ait dû attendre 2015 pour qu'un Tribunal lui désigne un avocat-défenseur ne peut être reproché aux notaires qui sont totalement étrangers à ces choix de procédure et aux difficultés que l'appelant évoque pour obtenir l'assistance d'un avocat ;

Attendu qu'a. A-N. soutient que les exceptions judicatum solvi et autres ont été soulevées de manière dilatoire par Maître Z. laquelle a attendu sa condamnation au paiement du cautionnement pour finalement faire valoir qu'elle n'était pas en charge du dossier ;

Qu'il estime que cette situation est contraire au principe du délai raisonnable édicté par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés Fondamentales et lui a été préjudiciable, n'ayant pu ni acheter le bien convoité ni disposer de la somme de 1,2 millions d'euros ;

Attendu toutefois que l'exception judicatum solvi, à laquelle il a été fait droit, a été soulevée par Maître Z. dans ses premières conclusions du 11 novembre 2015 suite à son assignation du 29 mai 2015 de sorte qu'elle ne procède d'aucune intention dilatoire ;

Que Maître Z. conclu à l'irrecevabilité de l'action d'a. A-N. le 5 octobre 2016 suite au jugement du 28 avril 2016 ayant ordonné la consignation de la somme au titre de l'exception judicatum solvi ;

Que ce délai pour conclure est raisonnable et conforme à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales ;

Qu'il convient d'écarter le moyen ;

Attendu que l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;

Qu'a. A-N. soutient que Maître Y. a opéré en faveur d'un ressortissant monégasque à son détriment ;

Qu'il résulte de l'absence de diligences du notaire en sa faveur une volonté manifeste de déséquilibrer la relation contractuelle à son détriment, ce qui constitue une discrimination susceptible d'être sanctionnée ;

Attendu toutefois que la promesse synallagmatique de vente et d'achat du 14 novembre 2007 stipule que c. M. est de nationalité française de sorte que le moyen fondé sur la volonté du notaire de favoriser un ressortissant monégasque est inopérant ;

Qu'a. A-N. ne procède au surplus que par voie d'allégations sans rapporter la preuve d'une quelconque discrimination à son égard de Maître Y. qui a satisfait à son devoir de conseil ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination ;

Sur la demande de dommages et intérêts d'a. A-N.

Attendu qu'a. A-N. sollicite la condamnation solidaire des notaires au paiement de la somme de 30 000 euros eu égard à l'obligation dans laquelle il a été placé de s'adresser à justice pour faire valoir ses droits ;

Que l'appelant succombant en ses demandes, il convient de le débouter de cette prétention ;

Sur les demandes de dommages et intérêts des notaires

Attendu que si l'exercice des voies de droit constitue un droit fondamental, il n'en est pas pour autant absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé notamment lorsque la procédure est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ;

Attendu que les premiers juges ont condamné a. A-N. à verser à Maître Z. une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en raison de l'engagement d'une action manifestement irrecevable et susceptible de porter atteinte à sa réputation ;

Qu'a. A-N. sollicite l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions ;

Que Maître Z. demande de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné a. A-N. au paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral dont elle sollicite toutefois la fixation à la somme de 400 000 euros ;

Qu'elle sollicite au surplus une somme de 50 000 euros pour procédure abusive ;

Attendu cependant que l'irrecevabilité d'une action n'est pas de nature à établir une faute d'a. A-N. faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice, faute de preuve notamment d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, de la multiplication de procédures, de l'intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente ;

Que Maître Z. n'établit au surplus aucune publicité de la procédure susceptible d'avoir jeté le discrédit sur sa personne ou son étude notariale ni aucune répercussion économique ou pertes « de l'ordre de plusieurs millions » ;

Qu'il convient par conséquent d'infirmer la décision en ce qu'elle a condamné a. A-N. au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en première instance ;

Attendu toutefois qu'aux termes du jugement déféré, le Tribunal de première instance a pris soin de rappeler l'absence de toute faute de Maître Z. dans la mesure où les faits reprochés dataient d'une période où cet officier ministériel n'exerçait pas ses fonctions de notaire ;

Qu'en appel, a. A-N. a persisté à formuler ses demandes à l'encontre de Maître Z. sans toutefois caractériser à son encontre une faute à l'origine de son préjudice et notamment lors de la transmission du dossier, obligeant cette dernière à constituer un avocat pour se défendre ;

Que ce comportement démontre ainsi le caractère téméraire de la procédure entreprise en appel à l'encontre de Maître Z. par a. A-N. de sorte qu'une somme de 8 000 euros constituera une juste indemnisation du préjudice ;

Attendu que les premiers juges ont condamné a. A-N. à verser à Maître Y. la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts aux motifs que l'action engagée par a. A-N. à l'encontre du notaire, fondée notamment sur des allégations de discrimination sans aucune démonstration utile portait atteinte à sa réputation professionnelle ;

Qu'a. A-N. sollicite l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions, ce à quoi s'oppose Maître Y. qui demande d'augmenter la somme allouée à ce titre à 100 000 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel, outre la publication de l'arrêt à intervenir ;

Attendu toutefois que Maître Y. ne justifie pas d'un discrédit porté sur sa personne par la présente procédure en l'absence de tout élément établissant qu'elle a fait l'objet d'une quelconque publicité ;

Qu'au surplus, si a. A-N. n'a pas été en mesure de démontrer l'existence d'une quelconque discrimination à son encontre, cet élément est insuffisant pour caractériser une faute de l'appelant faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice, faute de preuve notamment d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, de la multiplication de procédures, de l'intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente ;

Qu'il convient dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné a. A-N. au paiement de dommages et intérêts ;

Que Maître Y. ne justifiant pas du bien-fondé de sa demande de publication du jugement, il convient de l'en débouter ;

Sur les dépens

Qu'a. A-N. qui succombe est condamné aux dépens de l'appel dont distractions au profit de Maître Christophe SOSSO et Maître Régis BERGONZI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, le jugement déféré étant confirmé en ce qu'il a condamné a. A-N. aux entiers dépens de première instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Déclare recevables les appels incidents,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 3 octobre 2019 sauf en ce qu'il a condamné a. A-N. à verser à Maître Y. et à Maître Z. respectivement les sommes de 15 000 euros et 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Et statuant de nouveau sur ces deux chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute a. A-N. de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

Déboute Maître Y. de sa demande de dommages et intérêts,

Déboute Maître Z. de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

Condamne a. A-N. à verser à Maître Z. une somme de 8 000 euros pour appel abusif,

Condamne a. A-N. aux dépens d'appel, y compris ceux réservés par arrêt du 2 mars 2021, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO et Maître Régis BERGONZI, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Après débats en audience de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, et qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement,

Composition

Ainsi jugé et rendu au Palais de Justice, à Monaco, le 8 FÉVRIER 2022, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20323
Date de la décision : 08/02/2022

Analyses

L'appelant sollicite que soit reconnue la responsabilité civile professionnelle de l'étude de Maître Y., notaire, reprise par Maître Z. et par suite, que ladite étude soit condamnée au paiement des sommes sollicitées en réparation de ses préjudices moral et matériel. Toutefois, il n'est pas rapporté la preuve que l'étude notariale est une personne morale dotée d'une personnalité juridique. Il convient par conséquent de déclarer irrecevables les demandes faites par l'appelant à l'encontre de l'étude notariale.Les obligations du notaire, lorsqu'elles ne tendent qu'à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et ne constituent que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte, relèvent de sa responsabilité délictuelle. L'engagement de la responsabilité du notaire suppose la démonstration de l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.Le notaire successeur d'un autre notaire n'a pas à répondre des fautes qui auraient été commises par ce dernier et qu'elle ne peut voir sa responsabilité recherchée que pour les fautes qu'elle a personnellement commises.Le notaire, chargé de s'assurer de l'efficacité et de la régularité des actes qu'il reçoit en application de l'ordonnance du 4 mars 1886, a une obligation de conseil consistant à éclairer son client sur la portée, les conséquences et les risques des engagements et opérations juridiques auxquels il prête son concours. Les compétences d'un client en matière immobilière n'exonèrent pas toutefois le notaire de son obligation de conseil.Il ne relève pas de l'obligation de conseil du notaire de traduire les actes dans la langue de son client ni de faire appel à un traducteur assermenté mais d'inviter son client à se faire assister d'un interprète s'il constate que ce dernier ne maîtrise pas la langue française.En l'absence de tout élément démontrant que le notaire pu constater l'absence de maîtrise du français par l'appelant avant la signature de ces deux actes, qu'il en est le rédacteur et qu'il aurait dès lors pu utilement le conseiller sur l'insertion de conditions suspensives, aucun manquement à son devoir de conseil n'est établi.Les articles 61, 11°, 71 et 92 de l'ordonnance du 4 juin 1896 sur le notariat traitent de la procédure disciplinaire à l'encontre des notaires et clercs, laquelle n'a pas été mise en œuvre en l'espèce. L'appelant s'abstient d'expliciter tout lien entre ces dispositions et la responsabilité du notaire fondée sur les manquements à son devoir de conseil de sorte qu'il convient de les écarter.Il ne relève pas du devoir de conseil du notaire de s'engager en qualité de mandataire porteur de deniers pour le compte de son client.Si l'exercice des voies de droit constitue un droit fondamental, il n'en est pas pour autant absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé notamment lorsque la procédure est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante. L'irrecevabilité d'une action n'est pas de nature à établir une faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'ester en justice, faute de preuve notamment d'une absence manifeste de tout fondement à l'action, du caractère malveillant de celle-ci, de la multiplication de procédures, de l'intention de nuire ou d'une mauvaise foi évidente.

Autres professions réglementées  - Droit des obligations - Responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle  - Procédures - Général.

Notaires - Responsabilité - Preuve de la personnalité morale de l'étude notariale (non) - Conditions de la responsabilité - Étendue du devoir de conseil Intérêt à agir du demandeur (non) - Procédure abusive (non) - Irrecevabilité.


Parties
Demandeurs : a. A-N.
Défendeurs : Maître Y., notaire, et al.

Références :

article 1229 du Code civil
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 1229 et 1230 du Code civil
articles 61, 11°, 71 et 92 de l'ordonnance du 4 juin 1896
articles 278-1 et 278-2 du Code de procédure civile
Ordonnance souveraine n° 1.059 du 13 avril 2007
article 56 de l'ordonnance souveraine du 4 mars 1886
Code de procédure civile
ordonnance du 4 juin 1896
article 261 du Code de procédure civile
article 259 du Code de procédure civile
ordonnance du 4 mars 1886
article 38 de la loi du 29 avril 1828


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2022-02-08;20323 ?

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