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30/09/2021 | MONACO | N°20067

Monaco | Cour d'appel, 30 septembre 2021, Monsieur o. A. c/ Monsieur y. M. et Maître Z


Abstract

Vente - Promesse unilatérale d'achat - Condition suspensive réalisée (oui) - Rétractation de l'acheteur - Acompte acquis au vendeur (oui)

Résumé

La promesse d'achat de deux immeubles a été consentie sous la condition suspensive de la vente d'un bien aux enchères, sans indication du prix attendu. La vente aux enchères s'étant réalisée, le prix obtenu est sans incidence sur la réalisation de la condition. Le promettant, qui s'est rétracté, ne peut donc récupérer l'acompte versé, qui reste acquis au bénéficiaire de la promesse de vente.

Mo

tifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021

En la cause de :

* - Monsieur o. A., né le ...

Abstract

Vente - Promesse unilatérale d'achat - Condition suspensive réalisée (oui) - Rétractation de l'acheteur - Acompte acquis au vendeur (oui)

Résumé

La promesse d'achat de deux immeubles a été consentie sous la condition suspensive de la vente d'un bien aux enchères, sans indication du prix attendu. La vente aux enchères s'étant réalisée, le prix obtenu est sans incidence sur la réalisation de la condition. Le promettant, qui s'est rétracté, ne peut donc récupérer l'acompte versé, qui reste acquis au bénéficiaire de la promesse de vente.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2021

En la cause de :

* - Monsieur o. A., né le 10 juillet 1963 à Montcy-Notre-Dame, de nationalité belge, demeurant X1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* 1) - Monsieur y. M., né le 15 janvier 1983 à La Seyne-sur-Mer, de nationalité kittitienne et névicienne, demeurant X2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

* 2) - Maître Z, Notaire, demeurant ès-qualités X3 à Monaco ;

NON COMPARANTE, NI REPRÉSENTÉE,

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 12 mars 2020 (R.3227) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 5 août 2020 (enrôlé sous le numéro 2021/000033) ;

Vu les conclusions déposées les 7 octobre 2020 et 12 mai 2021 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de y. M.;

Vu les conclusions déposées le 25 janvier 2021 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom d o. A.;

À l'audience du 25 mai 2021, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par o. A. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 12 mars 2020.

Considérant les faits suivants :

Le 31 octobre 2018, y. M. a formalisé une offre d'achat pour la somme de 14.200.000 euros concernant deux appartements, l'un de 4 pièces (lot n° 53) et l'un de 2 pièces (lot n° 54), outre 2 emplacements de parking (lots n° 73 et n°179) et une cave (lot n°233), au sein de l'immeuble « K », sis X4 à Monaco, propriété d o. A.;

Cette offre a été assortie d'une condition suspensive consistant en « la vente d'une pièce lors d'une vente aux enchères programmée le 15 novembre 2018 à New York (Etats-Unis) auprès d'une maison de vente aux enchères de renom », la dite condition devant être levée au plus tard le 20 novembre 2018, y. M. étant, à défaut, délié de toute obligation de réaliser la vente.

y. M. a également stipulé dans son offre d'achat :

* - un délai d'acceptation pour le vendeur, précisant que sans réponse favorable écrite de la part du vendeur avant le 6 novembre 2018 à 18 heures, l'offre serait caduque et l'acompte restitué à y. M.;

* - une date de réitération de la vente en cas d'acceptation par le vendeur, énonçant que la vente devrait être réalisée au plus tard le 31 janvier 2019 par acte authentique devant Maître Z, notaire à Monaco ;

* - une clause prévoyant qu'une fois l'offre acceptée par le vendeur, celui-ci ne peut se refuser à réaliser la vente et renonce à se prévaloir des dispositions de l'article 1433 du Code civil monégasque permettant de se rétracter en versant le double de l'acompte versé et qu'en revanche, si l'acquéreur se rétracte après le 20 novembre 2018, après acceptation de la présente offre par le vendeur, l'acompte versé au titre du dépôt de garantie resterait acquis de plein droit au vendeur, à titre de dommages-intérêts.

Enfin conformément aux termes de l'offre, y. M. a établi, le 31 octobre 2018, un chèque de 1.420.000 euros à titre d'acompte à l'ordre de Maître Z, notaire à Monaco.

Par acte du même jour, y. M. s'est porté acquéreur des meubles d o. A. se trouvant à l'intérieur des appartements, objets de l'offre d'achat, au prix de 448.000 euros, payable par chèque à la date de la signature de l'acte authentique de vente des biens immobiliers, soit au plus tard le 31 janvier 2019.

Le 20 novembre 2018, y. M. a adressé à o. A. un courrier l'informant qu'il n'entendait pas « continuer la procédure d'achat dudit appartement du fait de ne pas avoir obtenu le montant nécessaire pour l'achat suite à la vente aux enchères du 15 novembre 2018 comme mentionnée dans la condition suspensive 4.1 ».

Considérant que la condition suspensive était réalisée et que y. M. ne voulait pas malgré tout poursuivre la vente, o. A. a demandé par courrier recommandé du 6 décembre 2018 le versement à son profit de l'acompte d'un montant de 1.420.000 euros déposé entre les mains du notaire.

Soutenant qu'aucun remboursement de ladite somme ne lui a été adressé malgré mise en demeure faite à Maître Z, y. M. a fait assigner o. A. et le notaire, par exploit du 31 janvier 2019, devant le Tribunal de première instance afin d'obtenir la restitution de la somme de 1.420.000 euros, et la condamnation d o. A. à lui payer une indemnité de 50.000 euros sur le fondement des articles 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil.

Il a sollicité à titre principal que soit prononcée la nullité de l'offre d'achat du 31 octobre 2018, faute de mention de l'identité du vendeur et, à titre subsidiaire, que soit constatée la caducité de cette offre d'achat, faute d'avoir été acceptée par le vendeur avant le 6 novembre 2018.

Par jugement du 12 mars 2020, le Tribunal de première instance a :

* « - débouté o. A. de sa demande de bâtonnement des écritures adverses ;

* - rejeté le moyen de nullité invoqué par y. M. et tiré de l'absence d'indication de l'identité du bénéficiaire de l'offre d'achat ;

* - dit que l'offre d'achat formulée par y. M. n'est pas caduque ;

* - constaté que y. M. a exercé régulièrement sa faculté de rétractation contractuellement prévue ;

En conséquence,

* - dit n'y avoir lieu à examiner la validité de la condition suspensive et son éventuelle réalisation ;

* - ordonné la restitution à y. M. de la somme de 1.420.000 euros déposée entre les mains de Maître Z, notaire à Monaco, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2018 ;

* - débouté o. A. de sa demande reconventionnelle de condamnation de y. M. au paiement de la somme de 1.420.000 euros ;

* - débouté les deux parties de leurs demandes de dommages et intérêts ;

* - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

* - condamné o. A. aux dépens avec distraction au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »

Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu essentiellement que :

* - l'imprécision relative à l'identité du bénéficiaire de l'offre formalisée le 31 octobre 2018 n'est pas une cause de nullité du contrat, et il s'évince des éléments tirés de la négociation qui a précédé et de l'autre contrat de vente portant sur les meubles garnissant les immeubles objets de l'offre d'achat qu o. A. est le bénéficiaire de cette offre, dont l'efficacité ne peut donc être attaquée ;

* - l'acceptation est un fait juridique qui se prouve par tous moyens. La dernière page de l'acte dénommé « offre d'achat » et l'acte de vente des meubles du 31 octobre 2018 établissent que la promesse d'achat et son acceptation ont été signées simultanément par les parties le 31 octobre 2018, soit avant le 6 novembre 2018, en sorte que l'offre d'achat n'est pas caduque ;

* - selon les stipulations contractuelles, l'offrant s'est ménagé en cas d'acceptation de son offre par le bénéficiaire, une faculté de rétractation, assortie d'une contrepartie financière seulement en cas de mise en œuvre après le 20 novembre 2018. y. M. a exercé la faculté de rétractation le 20 novembre 2018, soit le dernier jour avant que le dédit ne devienne onéreux, la clause de dédit n'exigeant pas l'évocation d'un motif ;

* - y. M. ne démontre pas la mauvaise foi, la malice ou l'erreur dolosive d o. A. dans son refus de restitution de la somme de 1.420.000 euros.

o. A. par acte d'appel et assignation du 5 août 2020, a fait appel du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 12 mars 2020 et signifié le 13 juillet 2020.

Aux termes de cet exploit et de ses conclusions récapitulatives et en réponse du 25 janvier 2021, o. A. demande à la Cour de :

« - le recevoir en son appel, le dire bien-fondé et y faire entièrement droit ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu au profit de y. M. une faculté discrétionnaire de rétractation contractuelle et dit n'y avoir lieu d'examiner l'éventuelle réalisation de la condition suspensive, ordonnant en conséquence la restitution de l'acompte à y. M. et le déboutant de sa demande de dommages-intérêts ;

- débouter y. M. de l'ensemble de ses prétentions contraires et de son appel incident ;

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la clause 6.3 de l'offre d'achat acceptée n'offrait pas une faculté discrétionnaire de se rétracter jusqu'au 20 novembre 2018 ;

- dire et juger que la condition suspensive stipulée dans l'offre d'achat du 31 octobre 2018 a été levée ;

En conséquence,

- condamner y. M. au paiement à son profit de la somme de 1.420.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 décembre 2018, capitalisés, jusqu'à parfait paiement ;

- ordonner que le notaire, Maître Z, se libérera à son profit de la somme de 1.420.000 euros ;

- condamner y. M. à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- condamner tout contestant aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, en ce compris tous frais et accessoires, tels que frais d'huissier, procès-verbaux de constat, sommations, frais d'expertise et de traduction éventuels, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »

Au soutien de cet appel et aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, o. A. fait valoir essentiellement que :

* - les premiers juges ont donné une lecture de la clause 6.3 incompatible avec l'esprit même de l'offre d'achat, car permettre à l'acquéreur de se délier purement et simplement de son engagement dans le même délai octroyé pour la réalisation de la condition suspensive prive de tout effet la dite condition ;

* - la clause 6.3 ne prévoit que l'hypothèse d'une rétractation postérieure au 20 novembre 2018 et ses conséquences, et doit donc s'entendre telle que, passé le délai imparti au 20 novembre 2018 pour la réalisation des conditions suspensives, toute rétractation de l'acquéreur donnera lieu au versement de l'acompte versé au profit du vendeur à titre de dommages-intérêts ;

* - y. M. a d'ailleurs notifié par courrier du 20 novembre 2018 son impossibilité de poursuivre la vente non pas en usant d'une faculté de dédit, mais pour non-réalisation selon lui de la condition suspensive, et il a poursuivi son action en restitution de l'acompte versé sur le fondement de la clause 4.1 et non sur la faculté de rétractation, n'ayant formulé cette hypothèse qu'à titre subsidiaire ;

* - le motif de non réalisation de la condition suspensive exprimé par y. M. dans son courrier du 20 novembre 2018 ne répond pas aux termes de la clause qui ne fait pas état du caractère suffisant ou non du produit de la vente, de sorte que la condition suspensive doit être considérée comme levée ;

* - les discussions sur l'identification de « la pièce » non définie dans la condition suspensive, sont dénuées d'intérêt puisque la condition libellée et voulue par les parties ne donne aucune précision sur « la pièce » en cause ;

* - l'appel incident de y. M. tenant à la nullité de l'offre d'achat ne peut prospérer, l'absence d'indication du bénéficiaire ne pouvant constituer une cause de nullité du contrat ;

* - l'offre d'achat ne peut être considérée comme caduque, dès lors que les éléments du dossier confirment que l'offre d'achat a été acceptée le 31 octobre 2018, en même temps que la signature de l'acte de vente du mobilier par le vendeur et l'émission des deux chèques par l'acquéreur ;

* - y. M. ne justifie d'aucun préjudice, en sorte que sa demande de dommages-intérêts doit être rejetée.

y. M. suivant conclusions d'intimé déposées le 7 octobre 2020 et conclusions récapitulatives et aux fins d'appel incident du 12 mai 2021, demande à la Cour de :

« À titre principal :

* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* constaté qu'il a exercé régulièrement sa faculté de rétractation contractuellement prévue,

* ordonné la restitution à son profit de la somme de 1.420.00 euros déposée entre les mains de Maître Z, notaire à Monaco, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2018,

* débouté o. A. de sa demande reconventionnelle de le voir condamner au paiement de la somme de 1.420.000 euros,

* condamné o. A. aux dépens,

Subsidiairement, réformant le jugement et statuant à nouveau,

* - juger que la condition suspensive prévue dans l'offre d'achat du 31 octobre 2018 n'a pas été réalisée ;

À titre infiniment subsidiaire,

* - juger que l'offre d'achat du 31 octobre 2018 est nulle, faute de mention de l'identité du vendeur ;

A titre très infiniment subsidiaire,

* - juger que l'offre d'achat du 31 octobre 2018 est caduque, faute d'avoir été acceptée par le vendeur avant la date du lundi 6 novembre 2018 à 18 heures ;

En tout état de cause :

* - juger qu'il est délié de toute obligation relativement à l'offre d'achat formulée le 31 octobre 2018 ;

* - débouter o. A. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

* - ordonner la restitution à son profit de la somme de 1.420.000 euros indûment encaissée et retenue entre les mains de Maître Z, notaire, sur la demande d o. A.;

* - condamner o. A. au paiement d'une indemnité d'un montant de 70.000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 234 du Code de procédure civile et 1229 du Code civil ;

* - condamner o. A. au paiement d'intérêts au taux légal sur la somme de 1.420.000 euros, et ce à compter de la date de mise en demeure du 10 décembre 2018 ;

* - condamner o. A. au paiement des entiers dépens distraits au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation. »

y. M. soutient en substance que :

* - il a valablement exercé la faculté de rétractation que lui réservait l'offre d'achat, qui est claire et non équivoque et a été mise en œuvre de bonne foi ;

* - le droit de rétractation et la condition suspensive sont deux mécanismes distincts et autonomes, qui ne sont pas incompatibles et peuvent coexister dans un même acte même si les deux délais prévus par les parties expirent le même jour ;

* - en tout état de cause, l'offre doit être interprétée en sa faveur en application des dispositions des articles 1011, 1012 et 1017 du Code civil ;

* - la clause de dédit a été valablement mise en œuvre ;

* - subsidiairement, la condition suspensive ne s'est pas réalisée, puisque l'œuvre de g. S. mise à la vente les 14 et 15 novembre 2018 à New-York n'a pas été vendue ainsi qu'en atteste la maison PHILLIPS ;

* - la clause ne revêt aucun caractère potestatif, car la vente effective était indépendante de sa volonté ;

* - l'œuvre de g. S. mise en vente par lui n'ayant pas trouvé preneur, et aucune pièce de j-m. B. n'ayant été mise en vente par ses soins à New-York, aucune vente n'a eu lieu le 15 novembre 2018, en sorte que la condition suspensive ne s'est pas réalisée et qu'il s'est donc trouvé délié de ses obligations envers o. A. ;

* - à titre infiniment subsidiaire, l'offre d'achat ne comporte aucun élément permettant d'identifier le vendeur et de savoir à qui elle a été adressée ;

* - cette indétermination ne saurait être couverte par les termes d'un autre acte signé entre les intéressés et il convient donc en application des articles 989 et 1425 du Code civil de constater la nullité de l'offre d'achat ;

* - de même, il ne ressort nullement de la lecture du document concerné que le vendeur, dont l'identité n'est pas établie, a accepté l'offre d'achat avant le 6 novembre 2018 à 18 heures, en sorte que cette offre est devenue caduque et doit conduire à la restitution à son profit de la somme de 1.420.000 euros ;

* - le refus injustifié et abusif d'autoriser la restitution de l'acompte, doit conduire à la condamnation d o. A. à lui payer une indemnité de 70.000 euros de dommages-intérêts.

Z, notaire à Monaco, bien que régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat-défenseur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

* 1 - Attendu que les appels, tant principal qu'incident, ont été formés dans les conditions de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile, et doivent être déclarés recevables ;

Attendu que la disposition du jugement du 12 mars 2020 qui a débouté o. A. de sa demande de bâtonnement des écritures adverses ne fait l'objet d'aucune critique et doit donc être confirmée ;

* 2 - Attendu qu'en application des dispositions de l'article 989 du Code civil « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi » ;

Attendu que le document intitulé « offre d'achat » signé par y. M. le 31 octobre 2018 et par le vendeur, comporte :

* au point 4.1 une condition suspensive ainsi rédigée :

* « L'offre d'achat est consentie sous la réserve de la vente d'une pièce lors d'une vente aux enchères programmée le 15 novembre 2018 à New York (États-Unis) auprès d'une maison de vente aux enchères de renom ;

* Cette condition devra être levée au plus tard le 20 novembre 2018 ; à défaut de la réalisation de cette condition suspensive dans le délai imparti, y. M. sera] délié de toute obligation de réaliser la vente » ;

* un point 6 relatif à la réitération de la vente ainsi libellé :

* 6.1 Dans le cas où la présente offre était acceptée, la vente serait réalisée au plus tard le 31 janvier 2019 par acte authentique devant Maître Z, notaire à Monaco ;

* 6.2 Une fois dument acceptée par le Vendeur cette offre implique que ce dernier, ne pourra en aucun cas se refuser à réaliser la vente et par là même renonce à se prévaloir des dispositions de l'article 1433 du Code civil monégasque, qui permettent au Vendeur de se rétracter en restituant le double de la somme versée à titre d'acompte ;

* 6.3 En revanche, si je devais me rétracter après le 20 novembre 2018, après acceptation de la présente offre par le Vendeur, l'acompte que j'ai versé au titre du dépôt de garantie resterait acquis de plein droit au Vendeur, à titre de dommages-intérêts ;

(...)

Que par lettre recommandée du 20 novembre 2018, dont la date n'est pas contestée, y. M. a écrit à o. A. dans les termes suivants :

« Je soussigné, y. M. faisant référence à l'offre d'achat du 31 octobre 2018 pour l'achat de :

* - l'appartement de 4 pièces situé au niveau 8 (20.15 ou 5ème étage) constituant le lot numéro cinquante-trois de l'immeuble K, sis à Monaco, X4,

* - l'appartement de 2 pièces situé au niveau 8 (20.15 ou 5ème étage) constituant le lot numéro cinquante-quatre de l'immeuble K, sis à Monaco,X4,

Informe le vendeur ne pas pouvoir continuer la procédure d'achat dudit appartement du fait ne pas avoir obtenu le montant nécessaire pour l'achat suite à la vente aux enchères du 15 novembre 2018 comme mentionné dans la condition suspensive 4.1 » ;

Attendu que les clauses 6.2 et 6.3 de l'offre d'achat doivent être considérées dans leur ensemble, comme le suggère la locution adverbiale « En revanche » utilisée au début du point 6.3 ;

Que selon le point 6.2 les parties ont entendu qu'une fois l'offre acceptée, le vendeur ne puisse plus refuser de réaliser la vente, et renonce en cela à se prévaloir de l'article 1433 du Code civil monégasque ;

Qu'en contrepartie, le point 6.3 prévoit la destination du dépôt de garantie en cas de rétractation de l'acquéreur après le 20 novembre 2018, après acceptation de l'offre par le vendeur, comme devant rester acquis de plein droit au vendeur, à titre de dommages-intérêts ;

Que contrairement à l'analyse des premiers juges, aucune stipulation contractuelle ne prévoit expressément le cas d'une rétractation de l'acquéreur avant le 20 novembre 2018 et le sort du dépôt de garantie en ce cas ;

Que le contrat envisage seulement, d'une part la restitution de l'acompte à l'acquéreur en cas de non acceptation écrite de l'offre par le vendeur au plus tard le 6 novembre à 18 heures, d'autre part que l'acquéreur puisse être délié de toute obligation de réaliser la vente à défaut de réalisation au plus tard le 20 novembre 2018 de la condition suspensive définie à la clause 4.1 ;

Que suivant la lettre recommandée sus énoncée du 20 novembre 2018, y. M. a informé le vendeur de ce qu'il ne pouvait pas continuer la procédure d'achat car il n'avait pas obtenu le montant nécessaire suite à la vente aux enchères et s'est expressément référé dans cette lettre à la clause 4.1 relative à la condition suspensive ;

Que selon les termes de cette missive y. M. n'a pas exprimé une volonté de se rétracter, mais a dénoncé son impossibilité de poursuivre l'acquisition en raison, selon son appréciation, de la non-réalisation de la condition suspensive mentionnée à la clause 4.1 ;

Que la décision déférée doit donc être infirmée en ce qu'elle a considéré que y. M. avait exercé régulièrement sa faculté de rétractation contractuellement prévue ;

* 3 - Attendu que subsidiairement y. M. appelant incident, soutient que la condition suspensive prévue dans l'offre d'achat du 31 octobre 2018 n'a pas été réalisée ;

Attendu que l'article 1023 du Code civil énonce que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un évènement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'évènement arrive, soit en la résiliant, selon que l'évènement arrivera ou n'arrivera pas ;

Que selon l'article 1031 du même code, lorsqu'une obligation est contractée sous la condition que l'évènement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillante lorsque le temps est expiré sans que l'évènement soit arrivé ;

Qu'en l'occurrence, l'offre d'achat émise le 31 octobre 2018 par y. M. signée par le vendeur, est assortie de la condition suspensive suivante : « la vente d'une pièce lors d'une vente aux enchères programmée le 15 novembre 2018 à New York, auprès d'une maison de vente aux Enchères de renom » ;

Que cette clause, stipulée au bénéfice exclusif de l'acquéreur, ne subordonne pas la réalisation de la condition suspensive à l'obtention d'un montant minimum du produit de la vente, mais à la seule effectivité de celle-ci ;

Que les courriers échangés entre les parties et les pièces produites sur la vente d'une œuvre de g. S. et/ou de j-m. B. sont indifférentes à l'appréciation de la levée ou non de la condition suspensive dès lors que celle-ci, telle que prévue au contrat, ne comporte aucune précision sur la « pièce » devant être vendue le 15 novembre 2018 à New-York ;

Qu'il résulte des termes de la lettre du 20 novembre 2018 signée par y. M. que celui-ci reconnaît sans ambiguïté, en se référant à la condition suspensive 4.1, que la vente aux enchères du 15 novembre 2018 a bien eu lieu, mais qu'il n'en a pas obtenu le montant nécessaire pour l'achat de l'appartement ;

Que la confirmation par y. M. de l'insuffisance du prix obtenu de la vente aux enchères du 15 novembre 2018 suffit à démontrer l'effectivité de la vente ;

Qu'il convient par conséquent de considérer que la condition suspensive a été levée avant le 20 novembre 2018 et qu'en conséquence y. M. ne pouvait valablement se considérer comme délié de toute obligation ;

* 4 - Attendu y. M. reprenant en cela les moyens soulevés à titre principal en première instance, fait valoir, à titre infiniment subsidiaire que l'offre d'achat est nulle, faute de mention de l'identité du vendeur ;

Que les premiers juges ont de manière pertinente retenu que le défaut d'identité précise du bénéficiaire de l'offre d'achat, s'il était susceptible d'affecter l'efficacité de ladite offre n'en constituait cependant pas une cause de nullité ;

Que par des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte, ils ont analysé les pièces produites relatives aux éléments ayant précédé et entouré la négociation entre les parties, et ont retenu que la signature le 31 octobre 2018 par y. M. et o. A. d'un acte de vente portant sur les meubles garnissant les appartements objets de l'offre d'achat datée du même jour, ainsi que l'établissement à cet effet d'un chèque de 448.000 euros émis à l'ordre d o. A. en règlement du prix de vente, permettaient de considérer o. A. comme le bénéficiaire de l'acte dénommé « offre d'achat » ;

Que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a rejeté le moyen de nullité de l'offre d'achat ;

* 5 - Attendu que y. M. soutient enfin, à titre très infiniment subsidiaire, la caducité de l'offre d'achat faute d'avoir été acceptée par le vendeur avant la date du lundi 6 novembre 2018 à 18 heures ;

Que l'offre d'achat mentionne au point 5 relatif à la validité de l'offre que celle-ci « est valable et engage l'acquéreur jusqu'au lundi 6 novembre 2018,18 H » et que passé ce délai, « sans réponse écrite favorable de la part du vendeur, la présente offre sera caduque et l'acompte versé sera restitué immédiatement » ;

Que si aux termes de ces stipulations, la réponse doit être écrite, il n'est pas exigé qu'elle doive figurer sur un acte distinct de l'offre d'achat ;

Que les premiers juges ont à bon droit rappelé que l'acceptation est un fait juridique qui se prouve par tous moyens ;

Que sur la dernière page de l'offre d'achat il est indiqué que l'acte est « fait à Monaco (en double exemplaire) le 31 octobre 2018 », cette mention étant suivie des signatures respectives de l'acquéreur et du vendeur ;

Que s'agissant du vendeur, ce dernier a indiqué de manière manuscrite « Bon pour acceptation aux présentes conditions de vente », suivie de la signature d o. A.;

Qu'en outre, la conclusion le 31 octobre 2018 de l'acte de vente au profit de y. M. des biens mobiliers garnissant les biens immobiliers objets de la promesse d'achat pour la somme de 448.000 euros, implique nécessairement qu o. A. a accepté la promesse d'achat desdits immeubles, l'offre d'achat et l'acceptation ayant été signées simultanément par les parties le 31 octobre 2018 ;

Qu'en considération de ces éléments, il convient de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté y. M. de sa demande de caducité de l'offre d'achat ;

* 6 - Qu'en définitive, il apparaît que y. M. ne pouvait valablement se considérer délié de son engagement le 20 novembre 2018 alors que la condition suspensive prévue avait été levée, qu'il n'entend désormais cependant pas poursuivre la vente, que cette rétractation postérieure au 20 novembre 2018 conduit à faire application des dispositions de la clause 6.3 de l'offre d'achat acceptée par le vendeur, selon laquelle en ce cas, « l'acompte versé par l'acquéreur au titre du dépôt de garantie doit rester acquis de plein droit au Vendeur, à titre de dommages-intérêts » ;

Qu'il convient donc, infirmant en cela la décision déférée, de condamner y. M. au paiement de la somme de 1.420.000 euros à o. A. avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 décembre 2018 ;

Qu'en application de l'article 1009 du Code civil, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale ;

Qu'il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts faite par o. A. et ce, à compter du dépôt devant le Tribunal de première instance de ses conclusions du 13 décembre 2019 qui formulent cette demande ;

Qu'il y a lieu d'inviter Maître Z, notaire à Monaco, de se libérer de la somme de 1.420.000 euros au profit d o. A.;

* 7 - Attendu que y. M. qui succombe à l'action principale, ne démontre pas la faute commise par o. A. dans son refus d'autoriser la restitution du dépôt de garantie à son profit ;

Que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a débouté y. M. de sa demande de dommages-intérêts ;

* 8 - Attendu qu o. A. sollicite la condamnation de y. M. à lui payer la somme de 50.000 euros de dommages-intérêts sur le fondement des articles 1229 du Code civil et 431 du Code de procédure civile pour résistance abusive et injustifiée ;

Que la méconnaissance et la méprise par y. M. de l'étendue de ses droits ne suffisent pas à caractériser un comportement fautif à l'égard d o. A. susceptible d'ouvrir droit à l'octroi de dommages-intérêts à son profit ;

Que la décision déférée doit donc également recevoir confirmation en ce qu'elle a débouté o. A. de sa demande de dommages-intérêts ;

* 9 - Attendu que y. M. qui succombe doit être condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Déclare recevables les appels, principal et incident,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 12 mars 2020 en ce qu'il a débouté o. A. de sa demande de bâtonnement des écritures adverses, rejeté le moyen de nullité invoqué par y. M. tiré de l'absence d'indication de l'identité du bénéficiaire de l'offre d'achat, dit que l'offre d'achat formulée par y. M. n'est pas caduque et a débouté les deux parties de leurs demandes de dommages-intérêts,

Infirme ce jugement pour le surplus de ses dispositions et statuant à nouveau :

Condamne y. M. au paiement de la somme de 1.420.000 euros à o. A. avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 décembre 2018,

Dit que les intérêts échus seront capitalisés à compter de la demande judiciaire faite par conclusions du 13 décembre 2019,

Dit que Maître Z se libérera au profit d o. A. de la somme de 1.420.000 euros,

Condamne y. M. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 30 SEPTEMBRE 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 20067
Date de la décision : 30/09/2021

Analyses

Contrat de vente ; Avant-contrat


Parties
Demandeurs : Monsieur o. A.
Défendeurs : Monsieur y. M. et Maître Z

Références :

article 1433 du Code civil
article 989 du Code civil
articles 1011, 1012 et 1017 du Code civil
articles 989 et 1425 du Code civil
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
Code civil
articles 234 du Code de procédure civile
article 1009 du Code civil
articles 1229 du Code civil
article 1023 du Code civil
Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2021-09-30;20067 ?

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