Abstract
Procédure civile - Validité d'une attestation (oui)
Divorce - Nullité de la requête en divorce (non) - Mesures provisoires - Devoir de secours - Pension alimentaire - Contribution à l'entretien et l'éducation des enfants - Provision ad litem
Résumé
Dans le cadre de la procédure de divorce initiée par l'épouse, le mari argue de la nullité de la requête en divorce en raison du défaut de pouvoir de l'avocat de son épouse, lié à un conflit d'intérêts relatif au mandat qui lui aurait été précédemment consenti dans une affaire pénale suivie contre lui par un juge d'instruction. S'il appartient le cas échéant à l'Ordre des avocats de se prononcer sur ce point, les règles déontologiques soulevées par le mari ne sont pas sanctionnées par la nullité de la procédure. Cet éventuel conflit d'intérêts ne caractérise pas un défaut de pouvoir au sens processuel et ne constitue pas une irrégularité de fond au sens de l'article 967 du Code de procédure civile. Il convient également de relever que l'irrégularité alléguée a été couverte par la déconstitution de l'avocat en cause et son remplacement par un confrère.
Les suspicions du mari relatives à l'obtention d'une pièce le présentant comme un homme dangereux pour sa famille ne caractérisent ni une violation du principe d'égalité des armes, ni une atteinte manifeste au principe de loyauté qui doit présider aux débats et prévaloir dans l'administration de la preuve. Par ailleurs, l'obtention d'une pièce selon un procédé déloyal n'est pas sanctionnée par la nullité de la procédure, mais par son irrecevabilité. Il appartient au juge d'apprécier la pertinence et la valeur probante des preuves soumises à la discussion contradictoire des parties, dont l'origine est contestée.
La cour déboute en conséquence le mari de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de divorce initiée par son épouse. Elle confirme les mesures arrêtées par le magistrat conciliateur à l'égard desquelles il n'a formé ni critique ni moyen, s'agissant en particulier de l'autorisation d'assigner, de l'interdiction faite à chacun des époux de se troubler dans son domicile respectif, des conditions d'exercice de l'autorité parentale, de la résidence habituelle des enfants mineurs et des droits de visite et d'hébergement du père, ainsi que leurs modalités.
Le mari sollicite le rejet d'une pièce produite par son épouse, constituée de messages échangés avec son ancienne maitresse, en arguant de la violation du secret professionnel par le premier conseil de son épouse, qui était également celui de son ancienne maîtresse, constitué dans le cadre de la procédure d'instruction suivie sur sa plainte de cette dernière pour harcèlement moral. Cette seule circonstance ne permet toutefois pas de caractériser une violation du secret professionnel de sa part. En outre, il ne produit aucun élément de nature à établir l'emploi de moyens frauduleux par son épouse pour obtenir la pièce litigieuse. En revanche, l'épouse soutient utilement avoir été informée par son mari de l'existence de sa relation adultère et de la plainte déposée contre lui par son ancienne maîtresse dans le cadre de laquelle il a imprimé les messages litigieux au domicile conjugal pour préparer sa défense. Il n'y a donc pas lieu de rejeter la pièce contestée.
L'épouse occupe un emploi en CDI en qualité de responsable d'une boutique, moyennant un salaire mensuel de 2 500 euros. Elle ne dispose d'aucun placement ni patrimoine immobilier productif. Elle a vendu aux enchères divers sacs à main de valeur pour un montant total de 92 362 euros. Elle a pris à bail un appartement de 3 pièces, dont le loyer mensuel s'élève à 5 050 euros, charges comprises. Ses ressources personnelles ne lui permettent donc pas de s'acquitter de sa seule charge de loyer. Son état de besoin ne peut être contesté. Si elle considère que la somme devant lui revenant au titre du devoir de secours doit être conforme à son train de vie pendant toute la durée du mariage, elle ne peut toutefois raisonnablement indexer ses prétentions sur le train de vie fastueux dont a pu bénéficier la famille antérieurement, ce dernier ne correspondant plus à l'évidence aux capacités financières de son époux.
Les éléments financiers produits par le mari établissent la forte chute de ses revenus (passés de 2 812 000 euros en 2016 à 62 000 euros en 2019), la fonte de son patrimoine et l'importance de son endettement. Il perçoit une rémunération d consultant dont le montant est connu mais il ne fournit aucune explication sur les autres virements et sommes dont il a pu bénéficier. Au titre de ses charges, il fait état d'un loyer mensuel de 2 570 euros, charges comprises, d'une cotisation trimestrielle de 3 100 euros au titre de son contrat d'assurance santé et de charges courantes de 430 euros par mois.
Compte tenu de l'imprécision persistante relative à sa situation réelle, des besoins et ressources personnelles de l'épouse et de l'évolution justifiée de la situation respective des parties depuis leur comparution devant le magistrat conciliateur, la cour réduit à 4 000 euros par mois, la pension alimentaire due par le mari au titre du devoir de secours, fixée à 25 000 euros en première instance.
Les premiers juges avaient fixé à 6 000 euros par enfant et par mois la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants, âgées de 16 et 8 ans. La mère justifie de frais de scolarité d'un montant mensuel de 4 075 euros mais non de l'ensemble des dépenses qu'elle invoque. Au regard de la faculté contributive des père et mère, des besoins des enfants, en rapport avec leur âge et leur niveau de vie antérieur, la cour fixe à 6 000 euros la contribution du père à l'entretien et l'éducation de ses filles.
L'épouse va devoir assumer des frais découlant de l'action en divorce qu'elle a engagée et rémunérer son conseil jusqu'à l'issue de la procédure. Son état de besoin est démontré alors que ses revenus professionnels sont limités et qu'elle ne dispose pas de capitaux mobiliers lui procurant des revenus complémentaires. Le fait de détenir des bijoux et des sacs à main de luxe ne lui confère aucun revenu. La cour confirme ainsi le montant de la provision ad litem, fixée à 20 000 euros par les premiers juges.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 2 MARS 2021
En la cause de :
* - Monsieur c. g. B., né le 3 novembre 1956 à Casablanca (Maroc), de nationalité canadienne, demeurant X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
* - Madame k. O. épouse B., née le 1er janvier 1971 à Marrakech (Maroc), de nationalité française, demeurant et domiciliée chez M. r. C. X2 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance de non conciliation rendue par le magistrat conciliateur, le 3 mars 2020 (R. 3022) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 mars 2020 (enrôlé sous le numéro 2020/000105) ;
Vu les conclusions déposées les 30 septembre 2020 et 11 décembre 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Madame k. O. épouse B.;
Vu les conclusions déposées le 13 octobre 2020 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. B.;
À l'audience du 15 décembre 2020, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
La cause ayant été débattue hors la présence du public ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur c. B. à l'encontre d'une ordonnance de non conciliation rendue par le magistrat conciliateur le 3 mars 2020.
Considérant les faits suivants :
c. g. B. et k. O. se sont mariés le 19 décembre 2002 à Norwalk, Comté de Los Angeles, État de Californie (Etats-Unis), sans contrat de mariage préalable.
Deux enfants sont issus de cette union :
* - l. née le 2 février 2005 à Hong Kong,
* - m. née le 10 août 2012 à Monaco.
Suivant requête en divorce déposée le 18 décembre 2019, k. O. a sollicité l'autorisation de résider provisoirement en dehors du domicile conjugal et de poursuivre sa procédure en délivrant citation à son époux de comparaître à l'audience de tentative de conciliation prévue par la loi.
Par ordonnances rendues le 16 janvier 2020 puis le 20 février 2020 le juge du Tribunal de première instance a ajourné la tentative de conciliation et renvoyé l'examen de l'affaire, successivement, à l'audience du 19 février 2020 puis du 26 février 2020.
Par ordonnance rendue le 3 mars 2020, le magistrat conciliateur a :
* - rejeté l'exception de nullité invoquée par c. B.
* - constaté le maintien de la demande en divorce,
* - autorisé k. O. à assigner c. B. devant le Tribunal aux fins de sa demande en divorce,
* - dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 9 communiquée par k. O.
* - constaté que les époux résident séparément :
* * k. O. X2 X3 à Monaco,
* * c. B. X1 à Monaco,
* - constaté qu'il n'y a plus de domicile conjugal,
* - fait interdiction aux époux de se troubler mutuellement à leur domicile respectif, les autorisant à défaut à faire cesser ce trouble par toute voie de droit appropriée et si besoin avec le concours de la force publique,
* - condamné c. B. à verser à k. O. une pension alimentaire mensuelle de 25.000 euros au titre du devoir de secours, payable le premier de chaque mois au domicile de l'épouse, avec indexation,
* - condamné c. B. à verser à k. O. une somme de 20.000 euros à titre de provision ad litem,
* - constaté que l'autorité parentale à l'égard des enfants communs est exercée conjointement par les parents et en a rappelé la teneur,
* - fixé la résidence habituelle des enfants chez la mère,
* - accordé au père un droit de visite et d'hébergement sur les enfants s'exerçant, sauf meilleur accord des parties :
* * les fins de semaines paires, du vendredi soir à la sortie de l'école au dimanche 19 heures,
* * la moitié des vacances scolaires : la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires,
* tout en en précisant les modalités d'exercice,
* - condamné c. B. à payer à k. O. une somme mensuelle de 12.000 euros, au titre de sa part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants, à raison de 6.000 euros pour chacune d'elle, payable le premier de chaque mois au domicile de l'épouse, même pendant les périodes d'exercice du droit de visite et d'hébergement par le parent débiteur, avec indexation,
* - débouté k. O. de sa demande tendant à mettre à la charge de l'époux, en sus de la part contributive, les frais de scolarité et les frais extraordinaires,
* - rejeté le surplus des demandes,
* - réservé les dépens en fin de cause,
* - ordonné l'exécution par provision de l'ordonnance.
Pour statuer ainsi, le magistrat conciliateur a retenu en substance que :
* - s'agissant de l'exception de nullité de la requête en divorce et des actes subséquents :
* * l'irrégularité de fond dont se prévaut c. B. qui serait constituée par le défaut de pouvoir de l'avocat de son épouse, la représentant à la procédure de divorce, en raison d'un conflit d'intérêts dans lequel cet avocat serait placé, est couverte depuis le 24 janvier 2020, date à laquelle Maître A s'est déconstituée,
* * la question du conflit d'intérêts dans lequel serait éventuellement placé le conseil d'une partie ne peut s'analyser en un défaut de pouvoir au sens processuel, de sorte qu'il ne saurait constituer une irrégularité de fond au sens de l'article 967 du Code de procédure civile,
* * l'obtention d'une pièce par une partie selon un procédé déloyal n'est pas sanctionnée par la nullité de la procédure,
* - s'agissant de la pièce n° 9, constituée de messages échangés avec l. B. c. B. ne démontre pas l'usage par son épouse de moyens frauduleux pour obtenir la pièce litigieuse, se bornant à arguer de la position de Maître C, conseil de l. B. à laquelle il se trouve opposé dans le cadre d'une procédure d'instruction en cours,
* - s'agissant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours :
* * k. O. se trouve dans une situation de besoin, se trouvant dépourvue de revenus et provisoirement hébergée par son entourage familial,
* * le couple a joui d'un train de vie luxueux pendant l'union, qui s'est tassé au cours des dernières années,
* * l'âge et l'état de santé de k. O. ne sont pas un obstacle à la reprise d'une activité professionnelle,
* * la dégradation de la situation financière de c. B. n'est pas suffisamment établie,
* - s'agissant de l'avance sur les frais d'instance, il est constant que k. O. devra débourser des frais pour l'action en divorce et devra à ce titre rémunérer son avocat jusqu'à l'issue de la procédure au fond alors qu'elle est dépourvue de revenus et de capitaux mobiliers,
* - les parties se sont accordées sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, la résidence habituelle des enfants et les droits de visite et d'hébergement du père,
* - concernant la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants, les dépenses fixes concernant l. et m. peuvent être évaluées à 3.700 euros par mois pour chacune d'elle (frais de scolarité à l'ISM, assurance santé, activités extra-scolaires, soutien scolaire), alors qu'il n'est pas établi que le père va exercer de manière limitée son droit de visite et d'hébergement.
Par exploit délivré le 20 mars 2020, c. B. a interjeté appel à l'encontre de l'ordonnance de non conciliation rendue le 3 mars 2020.
Aux termes de son assignation et de conclusions déposées le 13 octobre 2020, c. B. demande à la Cour, le déclarant recevable et bien fondé en son appel, de :
À titre principal :
* - réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité qu'il a invoquée,
Statuant à nouveau,
* - prononcer la nullité de la procédure de divorce initiée par k. O. par requête en date du 19 décembre 2019,
À titre subsidiaire,
* - réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
* * dit n'y avoir lieu à écarter des débats la pièce n° 9 communiquée par k. O.
* * condamné c. B. au paiement d'une pension alimentaire mensuelle de 25.000 euros au profit de k. O.
* * condamné c. B. au paiement d'une provision ad litem de 20.000 euros au bénéfice de k. O.
* *condamné c. B. au paiement de la somme de 12.000 euros au titre de la part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants communs,
Statuant à nouveau,
* - ordonner le rejet de la pièce n° 9 communiquée par k. O. constituée d'échanges de messages entre lui-même et Madame B.
* - dire et juger n'y avoir lieu au versement d'une quelconque pension alimentaire au titre du devoir de secours au profit de l'un ou de l'autre époux, et ce, rétroactivement à compter du 3 mars 2020,
* - dire et juger n'y avoir lieu au versement d'une quelconque provision ad litem au profit de l'un ou de l'autre époux, et ce, rétroactivement à compter du 3 mars 2020,
* - fixer la contribution du père à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 600 euros, à raison de 300 euros pour chacune d'elle, et ce, rétroactivement à compter du 3 mars 2020,
* - confirmer l'ordonnance critiquée pour le surplus,
En tout état de cause,
* - débouter k. O. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
* - condamner k. O. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir en substance, s'agissant de la nullité de la requête en divorce, que :
* - l'avocat-défenseur qui a présenté la requête en divorce est également le conseil d'une tierce personne qui le met en cause dans une procédure pénale, induisant une difficulté d'ordre déontologique marquée par un conflit d'intérêts tel que défini par l'article 13 du règlement intérieur de l'Ordre des avocats,
* - ayant eu accès à des informations, notamment la pièce adverse n° 9, susceptible de favoriser de façon injustifiée la demanderesse qu'ils ne pouvaient utiliser dans le contexte de la présente procédure, Maître C et Maître D n'avaient pas le droit d'agir en qualité de représentant de k. O.
* - leur défaut de pouvoir induit par ce conflit d'intérêts constitue une cause de nullité par application combinée des articles 264 alinéa 3 et 967 du Code de procédure civile,
* - l'exigence d'un procès équitable garanti par l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, qui implique l'égalité des armes et la loyauté des preuves, interdit la communication de pièces obtenues de manière illicite,
* - la déconstitution de Maître A ne peut avoir couvert l'irrégularité de fond liée au défaut du droit d'agir de Maîtres C et A dont les conséquences procédurales lui faisant grief, perdurent.
À défaut de voir prononcer la nullité de la procédure, il soutient le rejet de la pièce adverse n° 9 constituée d'échanges de messages entre lui-même et Madame B. au motif qu'elle aurait été obtenue de manière déloyale, s'agissant de documents qui se trouvaient en possession de Maître C dans le cadre de la procédure d'instruction faisant suite à la plainte déposée contre lui par Madame B. ou que k. O. a dérobé en piratant son téléphone portable ou sa boite mail, au mépris dans les deux cas du principe de loyauté des preuves et de l'égalité des armes.
Il observe que l'épouse fonde ses demandes de mesures provisoires sur les dispositions de l'article 204-5 du Code civil relatives à la prestation compensatoire, laquelle relève du fond du divorce et affirme, en se fondant sur le rapport rédigé par le cabinet E, qu'en tout état de cause, la situation financière du couple s'est fortement dégradée depuis plus de cinq ans de sorte qu'à ce jour aucun des époux ne peut financer l'ancien train de vie auquel ils étaient habitués, k. O. refusant simplement d'admettre la réalité.
Il reproche au magistrat conciliateur de ne pas avoir pris en considération les éléments factuels objectifs démontrant que sa situation financière était obérée.
Il ajoute que son épouse occupe désormais un emploi de vendeuse dans un magasin de luxe rémunéré à hauteur de 2.500 euros par mois et n'est pas dépourvue de ressources, possédant un patrimoine important constitué de bijoux de grande valeur et de sacs à main de luxe acquis pendant le mariage pour un montant total qu'il évalue à 2 millions d'euros, alors qu'il a vendu ses propres biens de valeur (véhicules, yacht, bijoux) s'élevant à plus de 3 millions d'euros, pour maintenir le train de vie de la famille pendant la période financière difficile qu'elle a traversé.
Il prétend que les dépenses personnelles dont se prévaut son épouse sont très largement surévaluées, alors par ailleurs que les montants figurant sur ses relevés bancaires sont exprimés en dollars de Hong Kong (HKD) et non en euros, de sorte que les montants retenus par le magistrat conciliateur sont erronés.
Il affirme encore que k. O. dispose d'un patrimoine suffisamment important, composé de bijoux et sacs à main de luxe ainsi que de biens donnés ou hérités, pour faire face aux frais d'instance.
Il soutient que sa situation financière ne lui permet plus d'assurer à ses filles le même train de vie, relevant par ailleurs que le magistrat conciliateur a mis à sa charge une somme (6.000 euros) représentant presque le double du montant des besoins évalués pour chaque enfant (3.700 euros).
Par écritures en réponse déposées les 30 septembre 2020 et 11 décembre 2020, k. O. demande à la Cour de :
* - statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
* - débouter c. B. de son appel,
* - confirmer l'ordonnance du 3 mars 2020 en toutes ses dispositions,
* - rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de c. B.
* - condamner c. B. aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Pour s'opposer au prononcé de la nullité de sa requête, elle objecte pour l'essentiel que :
* - ni le juge conciliateur ni la Cour ne sont compétents pour statuer sur une question d'ordre déontologique ou pénal,
* - c. B. qui invoque l'existence d'un conflit d'intérêts se contente de procéder par affirmations et ne démontre nullement que ses précédents conseils auraient violé le secret professionnel,
* - les dispositions de l'article 13 du Règlement intérieur de l'Ordre des avocats monégasques ne sont pas sanctionnées par la nullité de la procédure, alors que la procédure ne saurait être annulée, en cas de conflit d'intérêts avéré, qu'en vertu d'un texte le prévoyant.
Elle fait ensuite valoir que c. B. ne produit aucun élément probant permettant de considérer qu'elle aurait obtenu la pièce litigieuse de manière déloyale et s'explique sur ses conditions d'entrée en possession.
Elle souligne que son époux n'a réglé aucune des condamnations prononcées à son encontre, l'obligeant à déposer plainte pour abandon de famille à son endroit.
Elle conteste la présentation désastreuse que fait son époux de sa situation financière actuelle et émet les plus extrêmes réserves sur le rapport non contradictoire, établi à sa demande par le cabinet E, tout en soulignant qu'il en ressort qu'il est le bénéficiaire économique de deux sociétés cotées en bourse et d'une société non cotée alors que certains de ses choix d'investissement, qui l'ont appauvri, ont été opportunément réalisés au moment de la séparation.
Elle soutient que les relevés du compte personnel de c. B. auprès de la banque F figurant dans le dossier pénal démontrent sa déloyauté et ses facultés financières, justifiant des condamnations prononcées à son encontre.
Elle conteste la valeur estimée de ses biens, sans commune mesure avec leur valeur d'achat, et justifie de la vente aux enchères de certains d'entre eux pour subvenir aux besoins de la famille.
Elle confirme occuper un emploi salarié depuis le mois de novembre 2020.
Elle affirme ne disposer d'aucune fortune personnelle ni patrimoine immobilier propre, soulignant que sa propre mère a été l'unique bénéficiaire de la succession de son défunt père et prétend avoir dû puiser dans ses économies et bénéficier de l'aide de sa famille et de ses amis pour faire face à ses charges courantes qu'elle évalue à 25.000 euros par mois.
Elle considère qu'il serait contraire à l'intérêt de ses filles de les priver du train de vie grandiose que leur père leur a toujours offert, au motif de la procédure de divorce engagée et évalue leurs dépenses mensuelles à 12.300 euros.
S'agissant enfin de la provision ad litem, elle fait valoir que c. B. ne s'acquitte pas des condamnations prononcées à son encontre, ce qui va la contraindre à supporter des frais supplémentaires.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
* Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance de non conciliation rendue le 3 mars 2020, signifiée le 6 mars 2020, respectant les règles de forme et de délai édictées par le Code de procédure civile doit être déclaré recevable ;
* Sur la nullité de la requête en divorce
Attendu qu'aux termes de l'article 967 alinéa 2 du Code de procédure civile, un acte de procédure ne pourra être déclaré nul pour irrégularité de fond que s'il est affecté de l'une des irrégularités suivantes :
* - défaut de capacité d'ester en justice,
* - défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant dans l'instance comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice,
* - défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice ;
Que l'article 264 alinéa 3 du même code prescrit que les nullités de fond limitativement énoncées au deuxième alinéa de l'article 967 pourront être prononcées sans que celui qui s'en prévaut ait à justifier d'un grief ;
Que l'article 265 alinéa 3 dispose que la nullité pour irrégularité de fond ne sera pas prononcée lorsque sa cause aura disparu ;
Attendu qu'au cas présent, c. B. se prévaut d'une irrégularité de fond qui trouverait sa cause dans le défaut de pouvoir de l'avocat constitué par son épouse dans la procédure de divorce, en raison d'un conflit d'intérêts lié au mandat qui aurait été précédemment consenti à ce dernier dans une affaire pénale suivie contre lui par un juge d'instruction ;
Que c. B. qualifie en premier lieu cette difficulté « d'ordre déontologique » au visa des dispositions de l'article 13 du Règlement intérieur de l'Ordre des avocats monégasques ;
Qu'il appartiendra le cas échéant aux juridictions ordinales de se prononcer sur ce point, étant encore relevé que ces règles déontologiques ne sont aucunement sanctionnées par la nullité de la procédure ;
Que s'agissant des conséquences procédurales de cette situation, les premiers juges ont exactement retenu que le conflit d'intérêt dans lequel serait éventuellement placé le conseil d'une partie ne saurait caractériser un défaut de pouvoir au sens processuel et ne saurait par voie de conséquence constituer une irrégularité de fond au sens de l'article 967 précité ;
Que par ailleurs, de manière superfétatoire, l'irrégularité alléguée a été couverte le 24 janvier 2020, par la déconstitution de Maître A au profit de Maître GIACCARDI, comme le permettent les termes de l'article 265 susvisé ;
Qu'en second lieu, les suspicions de c. B. concernant l'obtention d'une pièce, constituée de messages échangés entre lui-même et une tierce personne, comme la relation prétendument erronée d'un incident survenu avec son épouse qui le présente comme un homme dangereux pour sa famille dans sa requête introductive, ne sauraient caractériser une violation du principe de l'égalité des armes, ni une atteinte manifeste au principe de loyauté qui doit présider aux débats et prévaloir dans l'administration de la preuve, garantis par l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ;
Qu'en tout état de cause, l'obtention d'une pièce par une partie selon un procédé déloyal n'est pas sanctionnée par la nullité de la procédure, mais par son irrecevabilité ;
Qu'il appartient au juge d'apprécier la pertinence et la valeur probante des preuves soumises à la discussion contradictoire des parties, dont l'origine est contestée ;
Qu'en l'état de ces éléments, les premiers juges ont à bon droit débouté c. B. de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de divorce initiée par k. O. suivant requête en date du 19 décembre 2019 ;
Attendu que les mesures arrêtées par le magistrat conciliateur à l'égard desquelles l'appelant n'a formé ni critique ni moyen, s'agissant en particulier de l'autorisation d'assigner, de l'interdiction faite à chacun des époux de se troubler dans son domicile respectif, des conditions d'exercice de l'autorité parentale, de la résidence habituelle des enfants mineures et des droits de visite et d'hébergement du père, ainsi que de leurs modalités, doivent être confirmées ;
* Sur la demande de rejet de la pièce n° 9 produite par k. O.
Attendu qu'il est de jurisprudence constante que les moyens de preuve offerts au soutien des prétentions des parties doivent satisfaire à l'obligation de loyauté et à l'absence de violence ou de fraude ;
Qu'en l'espèce, c. B. poursuit le rejet de la pièce adverse n° 9, constituée de messages qu'il a échangé avec l. B. son ancienne maitresse, au motif que cette pièce était en possession du premier conseil de son épouse, également constituée aux intérêts de l. B. dans le cadre de la procédure d'instruction suivie sur sa plainte pour harcèlement moral, et que sa production dans la présente instance caractérise une atteinte aux principes de la loyauté des preuves et de l'égalité des armes ;
Que cependant, si Maître C est initialement intervenue aux intérêts de k. O. tout en étant le conseil de l. B. les premiers juges ont justement considéré qu'il ne saurait se déduire de ces seules circonstances une violation du secret professionnel de sa part ;
Que la connaissance et l'accès que cet avocat pouvait avoir à cette pièce ne démontre pas en effet qu'il en ait fait usage au mépris de ses obligations professionnelles ;
Que pour le surplus, c. B. ne produit, pas plus en cause d'appel qu'en première instance, d'éléments susceptibles d'établir l'emploi de moyens frauduleux par son épouse pour obtenir la pièce litigieuse ;
Que par contre, k. O. s'explique dans ses écritures sur les conditions dans lesquelles elle serait entrée en possession de ces éléments, soutenant avoir été informée par son mari lui-même de sa relation adultère et de la plainte déposée contre lui par l. B. justifiant, pour préparer sa défense, d'imprimer l'ensemble des messages et mails échangés avec cette dernière, qui ont été stockés au domicile conjugal où le couple vivait ensemble et ainsi mis à sa disposition ;
Que ces allégations se trouvent pour partie confirmées par les déclarations de c. B. recueillies dans le procès-verbal dressé le 3 juillet 2020 par les services de la Sûreté publique dans le cadre de la plainte pour abandon de famille, aux termes desquelles il indique avoir avoué à son épouse, fin janvier 2019, avoir entretenu une relation extra-conjugale et que celle-ci, après 15 jours de vacances avec les enfants, a décidé qu'ils pouvaient sauver leur couple et a décidé de rester ;
Qu'en l'absence de tout élément venant contredire la présentation des faits avancée par l'intimée, les suppositions de c. B. sont sans emport ;
Qu'en l'état de ces éléments, il n'y a pas lieu d'écarter des débats la pièce litigieuse ;
* Sur la pension alimentaire au titre du devoir de secours
Attendu qu'aux termes de l'article 202-1 du Code civil, le magistrat conciliateur statue au titre des mesures provisoires, notamment sur les demandes d'aliments présentées par les époux au titre du devoir de secours prévu par l'article 181 du même code ;
Que l'appréciation de la demande d'aliments doit tenir compte des besoins du créancier et des facultés contributives du débiteur ;
Que ces besoins s'entendent de ceux nécessités par la vie courante, en tenant compte raisonnablement, dans une certaine proportion, du train de vie des époux durant leur vie commune ;
Que pour apprécier l'état de besoin, la Cour doit analyser quelle était la situation des parties à la date à laquelle le premier juge a statué, tout en tenant compte, le cas échéant, de tous éléments ayant pu la faire évoluer ;
Attendu qu'en l'espèce, si k. O. se trouvait dépourvue de revenus lors de sa comparution devant le magistrat conciliateur, elle justifie occuper, depuis le 25 octobre 2020, un emploi en qualité de « responsable boutique » dans le cadre d'un CDI, moyennant un salaire mensuel de 2.500 euros ;
Qu'elle ne dispose d'aucun placement ni patrimoine immobilier productif, étant relevé que les objets de valeur qui demeurent en sa possession (vêtements, pièces de maroquinerie de luxe, bijoux et montres) ne sont pas générateurs de revenus comme l'a souligné de manière pertinente le premier juge ;
Qu'elle précise néanmoins avoir procédé à la vente aux enchères de divers sacs de valeur durant l'été 2020 par l'intermédiaire de l'établissement G à Londres pour subvenir à ses besoins et ceux de ses filles, en l'état de la carence de son époux qui ne lui a versé que 600 euros par mois depuis l'ordonnance entreprise ;
Qu'elle justifie que le produit de ces ventes s'est élevé à la somme totale de 83.816 £ soit 92.362 ¿ ;
Qu'en tout état de cause, la valeur de son patrimoine propre, s'il sera naturellement pris en considération pour la fixation éventuelle d'une prestation compensatoire, n'a pas lieu d'entrer en ligne de compte à ce stade de la procédure ;
Que pour le surplus, si k. O. se trouvait provisoirement hébergée par le compagnon de sa sœur à l'époque de sa comparution devant le magistrat conciliateur, il est établi qu'elle a souscrit un bail le 31 mai 2020 pour un appartement de 3 pièces situé X5 à Monaco, dont le loyer mensuel s'élève à 5.050 euros, charges comprises ;
Que ses ressources personnelles ne lui permettant pas de s'acquitter de sa seule charge de loyer, son état de besoin ne peut être contesté ;
Que la Cour observe que si k. O. chiffrait le montant de ses besoins mensuels en première instance à la somme de 50.000 euros, dont 15.000 euros pour les frais de logement, elle évalue désormais ses charges à 25.000 euros, frais de logement compris ;
Qu'elle intègre néanmoins dans son décompte une somme de 15.000 euros par mois pour « un loyer à Monaco dans un appartement d'une superficie décente et similaire à ceux dans lesquels elle a toujours vécu, soit un 4/5 pièces » ;
Qu'elle fait également figurer dans ses charges mensuelles une somme de 5.000 euros au titre de « voyages, vêtements, sorties, loisirs, restaurants » ;
Qu'elle y intègre encore la somme de 963 euros par mois sous l'intitulé « Assurance santé mutuelle », celle de 250 euros sous celui de « assurance et mutuelle » et celle de 500 euros sous celui de « frais de santé non remboursés », représentant un montant cumulé de 1.713 euros, sans en justifier plus avant alors que les deux premières sommes semblent correspondre à la même prestation et qu'il n'est pas démontré que des dépenses médicales ou pharmaceutiques resteraient à charge malgré les couvertures souscrites ;
Que si elle se dit prête à réduire ses dépenses, elle considère néanmoins que la somme lui revenant au titre du devoir de secours devra rester conforme au train de vie qui a été le sien pendant toute la durée du mariage ;
Que toutefois, k. O. ne peut raisonnablement indexer ses prétentions sur le train de vie fastueux dont a pu bénéficier la famille par le passé, qui ne correspond plus à l'évidence aux capacités financières de son époux ;
Que c. B. prétend pour sa part disposer désormais pour seules ressources d'un revenu mensuel de 5.000 USD, soit environ 4.600 euros, en sa qualité de consultant auprès de la société hongkongaise H ;
Que bien qu'étant actionnaire de cette société à hauteur de 31,25 %, il justifie, venant contredire en cela les allégations contraires de son épouse, n'en percevoir aucun dividende depuis deux ans en l'état de résultats négatifs ;
Que l'appelant affirme être ruiné au terme d'une dégradation progressive de sa situation financière depuis 2016, alors que ses revenus provenaient depuis 2008 de placements en bourse et des dividendes des actions de la société I, dont il a justifié de la baisse constante de la valeur depuis 2014 (0,85 HKD en décembre 2019 contre 8,82 HKD en septembre 2014) induisant la baisse corrélative du montant des dividendes perçus (4.765 euros en septembre 2019 contre 360.000 en septembre 2014) ;
Qu'il effectuait des opérations en bourse à travers la société J dont il est le gérant et bénéficiaire économique et a sollicité en son nom une ligne de crédit auprès de la banque K, dont il s'est porté garant personnel, pour continuer à investir dans la société I censée lui apporter un retour important qui n'a pas eu lieu ;
Qu'il affirme ne plus disposer d'aucun patrimoine et présenter une situation comptable déficitaire ;
Qu'il produit en cause d'appel un document intitulé « Rapport d'explications financières concernant le revenu et le patrimoine de Monsieur de c. g. B. entre 2016 et 2019 », établi à sa demande par le cabinet E Monaco le 19 mars 2020 ;
Que si ce rapport comptable a certes été établi au vu des seules pièces que lui a présenté son client, correspondant à celles produites en première instance par les deux parties et par l'appelant devant la présente Cour, il n'en demeure pas moins que l'analyse professionnelle qui en est faite permet une approche synthétique fiable de la situation financière de c. B. durant la période considérée ;
Qu'il en ressort ainsi que :
* - ses revenus ont chuté de 2.812.000 euros en 2016 à 62.000 euros en 2019, ne permettant plus de couvrir les dépenses courantes du couple depuis 2017,
* - son patrimoine est passé de + 14.831.000 euros au 31 décembre 2015 à - 3.459.000 euros au 31 décembre 2019, en raison principalement de la chute de près de 84 % de la valeur de l'action I conjuguée à l'absence de répartition des actifs, et donc des risques, permettant d'en atténuer l'effet sur le patrimoine de l'intéressé,
* - c. B. est endetté au 31 décembre 2019 à hauteur de 5.414.000 euros, montant supérieur à ses actifs qui culminent à 1.955.000 euros à même date ;
Qu'il est également précisé que tous les décaissements sélectionnés ont pu être justifiés et ne présentent pas de caractère frauduleux ;
Que figurent dans les tableaux analytiques illustrant ce rapport, la vente des biens mobiliers et immobiliers dont k. O. a pu faire état (yacht, véhicules de prestige, montres de luxe, propriétés au Canada), et dont le prix et la date de cession ont été vérifiés par les experts ;
Que l'évolution des comptes bancaires détenus directement par c. B. (compte K HK 636-027617-001, compte K HK 962266 Pledge, banque F n° 57102060) ou par les sociétés dont il est le bénéficiaire effectif (K HK 636-219826-01 la société J, banque K HK 848-237350-838 ) et du compte titres K HK 962266 Pledge, a été retracée, après analyse de plusieurs virements bancaires ou règlements par chèque significatifs entre comptes, sans caractère frauduleux avéré ;
Que l'intimée, tout en admettant que c. B. a produit de nombreux relevés bancaires, lui reproche de s'être arrêté au 31 décembre 2019 ;
Que ce choix trouve néanmoins son explication dans le préambule du rapport, lequel souligne que « la période de revue a été limitée aux années 2016-2019 compte tenu des délais extrêmement courts pour produire ce rapport avant le 20 mars 2020 » ;
Que par ailleurs, k. O. fait valoir que l'analyse des relevés de compte pour la période postérieure à la séparation confirme la déloyauté de l'appelant quant à la réalité de ses facultés financières ;
Qu'il ressort en effet du procès-verbal de réception, de saisie et d'exploitation des documents bancaires de c. B. dressé le 20 juillet 2020, concernant son compte bancaire personnel n° 57102060 ouvert dans les livres de l'établissement F à Monaco, que divers virements significatifs ont été portés au crédit de ce compte entre le 1er janvier et le 13 juillet 2020 :
* - 4.953,50 euros à deux reprises, les 3 et 16 mars 2020, de la part de Madame Y. sa chargée d'affaires en Chine,
* - 184.548,50 euros le 23 mars 2020, encore de la part de Madame Y.
* - 29.980 euros de la part de la société H, au titre de sa rémunération de consultant de décembre 2019 à mai 2020,
* - 6.529,04 euros de la part de la société L,
* outre un dépôt d'espèces à hauteur de 2.800 euros le 20 janvier 2020 et un change au comptant de 50.000 dollars canadiens représentant une somme de 33.723,95 euros ;
Que si sa rémunération de consultant est connue, c. B. n'a fourni aucune explication dans ses dernières écritures déposées le 13 octobre 2020 sur les autres virements et sommes dont il a ainsi pu bénéficier ;
Que s'agissant de ses charges, il fait état de la résiliation anticipée du bail afférant au domicile familial au mois de janvier 2020 et de la souscription d'un nouveau bail pour un studio moyennant paiement d'un loyer mensuel de 2.570 euros, charges comprises ;
Qu'il fait état d'une cotisation trimestrielle de 3.100,10 euros pour l'année 2019 au titre de son contrat d'assurance santé L, représentant une charge mensuelle de l'ordre de 1.000 euros ;
Qu'il évalue enfin le reste de ses charges (nourriture, hygiène, assurance habitation, électricité, téléphone) à 430 euros par mois ;
Qu'il prétend avoir procédé au licenciement des employés de maison, et produit pour en justifier deux courriers datés du 5 février 2020 rédigés en ce sens et comprenant un délai de préavis de deux mois à compter de leur date, à l'attention de l. M. et de i. M. revêtus chacun d'une signature et de la mention « reçu en main propre » ;
Que k. O. souligne néanmoins à juste titre que des prélèvements SEPA au profit de l'organisme privé chargé de la gestion d'un service public M figurent sur les relevés du compte bancaire F de l'appelant, notamment les 7 avril 2020 (1.896 euros), 7 mai 2020 (1.900 euros), 8 juin 2020 (1.865 euros) et 7 juillet 2020 (1.742 euros), alors qu'un chèque de 1.744,17 euros correspondant au salaire d'un employé de maison a encore été émis le 3 juin 2020 ;
Que c. B. n'a fourni aucune explication en réponse concernant ces écritures venant contredire ses affirmations précédentes ;
Que l'intimée avance également que c. B. a organisé un séjour à l'hôtel N en Espagne, où ils avaient l'habitude de séjourner en famille, avec les deux enfants communs, entre le 3 et le 17 juillet 2020, en réservant deux chambres pour un montant total de 16.660 euros ;
Qu'il n'est pas démontré, contrairement à ce que soutient l'appelant, que k. O. devait participer à ce voyage, ni que cette dépense devait être financée par un remboursement d'impôt provenant du Canada qui ne lui a finalement pas été versé, le contraignant à annuler ce déplacement le 6 juillet 2020 ;
Qu'en effet, d'une part le motif de l'annulation avancé par c. B. dans son mail adressé à cette date à l'hôtel ressort de l'état de santé de ce dernier la semaine précédente, d'autre part, le mail qu'il a adressé à m. S. pour prendre « des nouvelles de revenus du Canada » date du 17 août 2020, soit près de six semaines après le début de la réservation escomptée ;
Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments que, nonobstant l'indéniable revers de fortune subi par c. B. ce dernier dispose de facultés financières excédant les seuls revenus de consultant dont il fait état, dont la nature et le montant demeurent ignorés ;
Qu'en l'état de ces éléments, de l'imprécision persistante quant à la situation réelle de l'appelant, des besoins et ressources personnelles de l'intimée, de l'évolution justifiée de la situation respective des parties depuis leur comparution devant le magistrat conciliateur, il convient de réduire à la somme de 4.000 euros, la pension alimentaire dont s'acquittera c. B. au profit de k. O. au titre du devoir de secours ;
Que la décision entreprise sera donc réformée en ce sens ;
* Sur la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants
Attendu qu'aux termes de l'article 300 alinéa 2 du Code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;
Que la satisfaction des besoins de l'enfant s'entend du logement, des frais d'alimentation, d'habillement, mais également des frais de scolarité, des soins médicaux, des loisirs, des voyages et activités extra-scolaires ;
Que l'appréciation des besoins de l'enfant doit également prendre en compte, dans une certaine mesure, le train de vie auquel il est habitué pour lui permettre de bénéficier d'une éducation en rapport avec son niveau de vie et son milieu familial ;
Attendu qu'en l'espèce, l. et m. respectivement âgées de 16 ans et 8 ans ont indéniablement bénéficié jusqu'à l'introduction de la procédure de divorce, du train de vie particulièrement luxueux mené par la famille ;
Que si k. O. peut regretter que la séparation prive désormais les enfants de ce niveau de vie fastueux, elle ne peut par contre raisonnablement soutenir qu'il serait contraire à leur intérêt de les en priver du fait de la procédure en cours, au regard des critères de fixation de la part contributive ci-dessus rappelés ;
Qu'il n'est pas discuté que le père a toujours pris en charge l'intégralité des dépenses liées à l'éducation de ses filles et que le choix de leur établissement scolaire a été arrêté conjointement par les deux parents il y a plusieurs années ;
Que l'intimée justifie du montant des frais d'inscription scolaire des deux enfants auprès de l'ISM pour l'année 2019/2020 à hauteur de 48.900 euros (29.900 + 19.000), soit 4.075 euros par mois ;
Qu'elle évalue ensuite leurs besoins mensuels communs de la manière suivante :
* - 500 euros pour les frais liés au matériel scolaire et informatique,
* - 300 euros pour les frais de santé et parapharmacie,
* - 1.000 euros pour les frais d'alimentation,
* - 2.000 euros pour les frais d'habillement,
* - 2.000 euros pour les frais de vacances,
* - 2.000 euros pour les frais de loisirs (culture, activités extrascolaires, sorties),
* - 200 euros pour les frais de transport,
* - 300 euros pour les frais d'esthétique,
* représentant un montant total de 8.300 euros ;
Que toutefois, le montant de ses prétentions ne saurait résulter des seules pièces produites, en l'occurrence :
* - une facture de 650 euros émise par l'école O pour les cours suivis par l. sur la période du 10 septembre au 23 novembre 2019,
* - cinq factures établies au nom de l'intimée entre le 12 juin 2015 et le 19 avril 2018, rédigées en langue espagnole et non traduites, portant la mention manuscrite « factures SPA N »,
* - deux factures identiques relatives aux leçons de piano suivies par l. établies en langue anglaise et non traduites, pour un montant de 330 euros sur la période du 12 septembre au 20 décembre 2019,
* - une facture de 524 euros datée de décembre 2019 émanant de l'enseigne « Q » relative à une prestation intitulée « Lamda Lessons et Lamda Exam Fees »,
* - un ticket de caisse de pharmacie pour un montant de 758,85 euros correspondant à l'achat d'un traitement médical prescrit à l'enfant l.
* - un appel de cotisation de la société L (assurance médicale de la famille) pour un montant de 3.017,98 euros pour la période du 1er février au 30 avril 2020 ;
Qu'en effet, certaines de ces dépenses, au demeurant fort anciennes, ne peuvent être rattachés aux besoins des enfants au sens des dispositions légales précitées (factures Spa), tandis qu'il n'est pas établi que la facture de pharmacie n'aurait pas donné lieu à un remboursement au profit de l'intimée dans le cadre des contrats de couverture santé dont elle se prévaut, et qu'elle a au demeurant déjà comptabilisé dans ses propres charges ;
Que la Cour se réfère aux développements qui précèdent concernant la situation de chacune des parties ;
Qu'au regard de la faculté contributive des père et mère, des besoins des enfants, en rapport avec leur âge et leur niveau de vie antérieur, il convient de fixer à 6.000 euros la contribution de c. B.à l'entretien et l'éducation de ses filles, l. et m. à raison de 3.000 euros pour chacune d'elle ;
Que l'ordonnance entreprise sera réformée en ce sens ;
* Sur la provision ad litem
Attendu qu'aux termes de l'article 202-1 3° du Code civil, le magistrat conciliateur peut allouer une provision pour frais d'instance au titre des mesures provisoires ;
Attendu qu'en l'espèce, c. B. conteste l'attribution par le magistrat conciliateur de la somme de 20.000 euros à son épouse à titre de provision ad litem ;
Que k. O. poursuit la confirmation de cette décision, avançant qu'elle a été contrainte de changer de conseil dans un délai extrêmement bref et que faute pour c. B. de s'acquitter des sommes mises à sa charge elle va devoir engager des frais supplémentaires ;
Que si l'intimée ne peut se prévaloir des frais qu'elle aurait à exposer dans le cadre d'une instance distincte, il ne peut par contre être raisonnablement contesté que k. O. va devoir assumer des frais découlant de l'action en divorce qu'elle a engagée et rémunérer son conseil jusqu'à l'issue de la procédure ;
Que son état de besoin a été démontré dans les développements qui précèdent, alors que ses revenus professionnels sont limités et qu'elle ne dispose pas de capitaux mobiliers lui procurant des revenus complémentaires ;
Que si c. B. objecte qu'elle détient un patrimoine mobilier (bijoux et sacs à main de luxe) d'une valeur, contestée par l'intimée, de 2 millions d'euros, nettement supérieure au montant de la provision sollicitée, le magistrat conciliateur a retenu à juste titre que les objets de valeur en sa possession ne génèrent pas de revenus ;
Qu'au regard de la situation des parties, k. O. peut légitimement prétendre au versement d'une provision ad litem pour assurer sa défense, que le premier juge a exactement arbitrée à la somme de 20.000 euros ;
Que la décision entreprise mérite confirmation de ce chef ;
* Sur les dépens
Attendu que chacune des parties succombant en ses prétentions, il y a lieu d'ordonner la compensation des dépens ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'appel formé par c. B. à l'encontre de l'ordonnance de non conciliation rendue le 3 mars 2020,
Rejette la demande formulée par c. B. aux fins de voir prononcer la nullité de la procédure de divorce,
Confirme l'ordonnance de non conciliation rendue le 3 mars 2020 par le Juge du Tribunal de première instance, sauf en ce qu'elle a :
* - condamné c. B. à verser à k. O. au titre du devoir de secours une pension alimentaire d'un montant mensuel de 25.000 euros,
* - condamné c. B. à payer à k. O. une somme mensuelle de 6.000 euros par enfant, soit 12.000 euros, à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants,
L'infirme de ces chefs et statuant à nouveau,
Condamne c. B. à verser à k. O. au titre du devoir de secours une pension alimentaire d'un montant mensuel de 4.000 euros,
Condamne c. B. à payer à k. O. une somme mensuelle de 3.000 euros par enfant, soit 6.000 euros, à titre de part contributive à l'entretien et l'éducation des enfants,
Laisse à la charge de chacune des parties les dépens par elle engagés,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 2 MARS 2021, par Madame Claire GHERA, Conseiller faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice,
Arrêt signé seulement par Madame Claire GHERA, Conseiller, en l'état de l'empêchement de signer de Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président (article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires).
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