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09/02/2021 | MONACO | N°19625

Monaco | Cour d'appel, 9 février 2021, Monsieur j. L. c/ La Société A et la SAM C


Abstract

Procédure collective – Demande en paiement – Avaliste – Recevabilité (non)

Résumé

Les créances non déclarées à la procédure collective ne sont pas éteintes dans la mesure où les créanciers recouvrent l'exercice de leurs droits à la clôture de la procédure en cas de liquidation des biens et, lorsque le débiteur revient à meilleure fortune, en cas de règlement judiciaire.

Quand bien même la clôture de la procédure de liquidation des biens n'est pas intervenue, il n'en demeure pas moins que les créanciers, dont la créance non décl

arée n'est pas éteinte, ne perdent pas pour autant leurs droits de poursuite, lesquels ne pourront to...

Abstract

Procédure collective – Demande en paiement – Avaliste – Recevabilité (non)

Résumé

Les créances non déclarées à la procédure collective ne sont pas éteintes dans la mesure où les créanciers recouvrent l'exercice de leurs droits à la clôture de la procédure en cas de liquidation des biens et, lorsque le débiteur revient à meilleure fortune, en cas de règlement judiciaire.

Quand bien même la clôture de la procédure de liquidation des biens n'est pas intervenue, il n'en demeure pas moins que les créanciers, dont la créance non déclarée n'est pas éteinte, ne perdent pas pour autant leurs droits de poursuite, lesquels ne pourront toutefois s'exercer qu'à la clôture de la procédure collective de la SAM C.

Si l'avaliste, tenu solidairement avec le débiteur principal, ne peut se prévaloir du bénéfice de discussion, il n'en demeure pas moins que les créanciers non déclarants ne bénéficient pas de leurs droits de poursuite jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire en vertu de l'article 464 du Code de commerce. L'avaliste étant également un débiteur accessoire, il est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant. En l'absence ainsi de clôture de la liquidation des biens de la SAM C, l'exercice par la société A de poursuites à l'encontre de j.L. ès-qualité d'avaliste du billet à ordre en paiement de sa créance est prématuré. Son action est par conséquent irrecevable en l'état de la procédure.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 9 FEVRIER 2021

En la cause de :

* - Monsieur j. L., né le 23 août 1941 à Juvisy sur Orge (France), de nationalité française, demeurant X1à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

* contre :

* - 1/La Société Anonyme de droit belge dénommée A, dont le siège social se situe X2 1000 Bruxelles (Belgique), représentée par le Président en exercice de son conseil d'administration, demeurant en cette qualité audit siège, elle-même prise en la personne du directeur général en exercice de sa succursale de B Genève, X3 Genève (Suisse) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

* 2/La Société Anonyme Monégasque C, dont le siège social se situe X3 à Monaco (98000), prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège, et en dernier lieu prise en la personne de Monsieur c. BO. es-qualités de syndic à la liquidation des biens de la SAM C, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de première instance du 17 avril 2008, intervenu volontairement à la présente instance par conclusions du 14 mai 2018 ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 juin 2018 (R. 5545) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 novembre 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000045) ;

Vu les conclusions déposées les 29 janvier 2019, 8 octobre 2019 et 17 juillet 2020 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme de droit belge dénommée A ;

Vu les conclusions déposées les 21 mai 2019 et 21 janvier 2020 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de Monsieur j. L.;

Vu les conclusions déposées les 3 décembre 2019 et 3 mars 2020 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque C ;

À l'audience du 24 novembre 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur j. L. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 14 juin 2018.

Considérant les faits suivants :

Le 22 novembre 2007, la SAM C, dont l'activité était le négoce de produits pétroliers, signait deux billets à ordre au profit de la société A, aux termes desquels elle s'engageait à payer contre ces billets les sommes de 5.950.000 euros et de 3.500.000 euros venant respectivement à échéance les 31 décembre 2007 et 31 janvier 2008.

j. L. se portait aval de ces deux billets à ordre.

Suivant requête en date du 1er février 2008, la société A sollicitait l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt sur les avoirs de la SAM C et de j. L. auprès de la banque D en garantie de la somme de 5.133.000 euros.

Par ordonnance du 5 février 2008, il était fait droit à sa demande.

Par exploit du 8 février 2008, la société A faisait pratiquer les saisies-arrêts sur le compte courant de j. L. et sur son compte livret ouverts dans les livres de la banque D, saisissant respectivement les sommes de 25.321,17 euros et 22.630,69 euros.

Par le même acte, la société A faisait citer la SAM C et j. L. en paiement des causes des saisies et en validation.

Suite à l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la SAM C, la société A produisait une créance au passif et donnait mainlevée le 31 juillet 2008 de la saisie-arrêt pratiquée sur le compte de la SAM C.

Saisi en rétractation de l'ordonnance du 5 février 2008, le Juge des référés rejetait, par décision du 15 octobre 2008, les demandes de j. L.

Suivant arrêt en date du 6 décembre 2011, la Cour d'appel confirmait cette ordonnance.

Le 17 novembre 2010, j. L. déposait plainte avec constitution de partie civile à l'encontre des dirigeants de la banque pour escroquerie.

Dans l'instance au fond engagée par la société A à l'encontre de j. L. et de la SAM C en validation des saisies-arrêts et en condamnation au paiement de ses créances, le Tribunal de première instance, par jugement en date du 5 janvier 2012, recevait l'intervention volontaire de c. BO., ès-qualités de syndic à la liquidation des biens de la SAM C, et ordonnait le sursis à statuer dans l'attente du résultat de la plainte de j. L.

Suivant ordonnance du 25 juin 2012, le Juge d'instruction disait n'y avoir lieu à suivre contre quiconque du chef de la plainte déposée par j. L. sa décision étant confirmée par arrêt en date du 6 mars 2013 de la chambre du conseil de la Cour d'appel.

L'instance au fond était en conséquence rappelée au rôle du Tribunal de première instance, lequel statuait comme suit par jugement du 14 juin 2018 :

* - constate que la société A ne présente plus de demandes à l'encontre de la SAM C,

* - écarte des débats les pièces versées sous les numéros 88, 89 et 90 par j. L.

* - déclare nulle l'attestation versée aux débats sous le numéro 12 par j. L.

* - déclare la société A recevable en ses demandes,

* - condamne j. L. à payer à la société A la somme de 5.033.167,06 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2007,

* - déclare régulière et valide, avec toutes ses conséquences de droit, la saisie-arrêt pratiquée auprès de l'établissement bancaire D, suivant exploit du 8 février 2008, pour le montant susvisé outre intérêts, frais et accessoires,

* - dit que l'établissement bancaire D, tiers saisi, se libérera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de j. L. par le versement qu'il en opérera entre les mains de la société A,

* - rejette le surplus des demandes des parties,

* - condamne j. L. aux dépens qui comprendront ceux réservés par jugement du 5 janvier 2012, avec distraction au profit de Maître Arnaud ZABALDANO et de Maître Christophe SOSSO, avocats-défenseurs, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne.

Pour statuer ainsi, les premiers juges retenaient en substance que :

* - les pièces n° 88, 89 et 90 devaient être écartées des débats en l'absence de traduction en langue française,

* - l'attestation de Monsieur M. était nulle en vertu de l'article 324 3° du Code de procédure civile en l'absence de mention de l'existence ou de l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties,

* - la demande principale en paiement de la banque n'était pas irrecevable en vertu de l'article 464 du Code de commerce dans la mesure où l'absence de déclaration de créance du créancier à la procédure de liquidation de biens n'éteignait pas son droit de poursuite, si bien que j. L. es-qualité d'avaliste du billet à ordre pouvait être recherché par la banque,

* - la nullité de l'effet de commerce soulevée par j. L. n'était pas susceptible de prescription dans la mesure où elle avait été soulevée par voie d'exception et non par voie d'action,

* - la preuve de manœuvres frauduleuses ou de pressions susceptibles de caractériser un vice du consentement dans le cadre de l'activité commerciale et de la vie des affaires pour une activité dépendant largement d'un financement bancaire n'était pas rapportée,

* - le principe de créance de la société A au titre de l'effet de commerce était par conséquent consacré,

* - la somme de 4.973.452,42 euros réclamée par la banque était justifiée sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise,

* - la société A ne pouvait solliciter le paiement des frais de protêt de 59.714,64 euros en application des dispositions de l'article 118 du Code de commerce,

* - j. L. qui succombait était débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* - j. L. n'avait pas abusé de son droit de se défendre en justice.

Par exploit en date du 16 novembre 2018, j. L. formait appel partiel du jugement susvisé.

Aux termes de cet exploit et de ses conclusions récapitulatives en date des 21 mai 2019 et 21 janvier 2020, j. L. demandait à la Cour de :

* - le déclarer recevable en son appel et le disant bien fondé,

* - réformer le jugement entrepris du Tribunal de première instance en date du 14 juin 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société A de sa demande de dommages et intérêts d'un montant de 100.000 euros pour résistance abusive,

Statuant de nouveau,

* - dire et juger ne pas écarter des débats les pièces versées en première instance sous les numéros 12, 88, 89 et 90,

* - constater que la société A a procédé à une déclaration de créance dans le cadre de la liquidation de biens de la SAM C fondée exclusivement sur le solde débiteur de compte courant et non sur la production du billet à ordre,

* - constater qu'il ne s'est jamais porté aval du compte courant de la SAM C,

* - déclarer bien fondée l'exception d'irrecevabilité soulevée par j. L. concernant la procédure engagée à son encontre,

* - déclarer de ce fait irrecevable la présente procédure à l'encontre de j. L.

En tout état de cause, débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tant :

* - en ce qui concerne l'irrecevabilité tirée de la prescription qu'elle soulève concernant le moyen de défense de j. L. relatif aux fins de nullité des billets à ordre et de l'aval dont il est fait état,

* - qu'en ce qui concerne sa demande de condamnation de j. L. à la somme de 4.973.452,42 euros à laquelle elle demande que soient ajoutés les frais de protêt de 59.714,64 euros, soit un montant de 5.033.167,06 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 31.12.07,

* - débouter la société A en ce qu'elle sollicite que la banque D se libère de la somme de 47.970,69 euros qu'elle détient pour le compte de j. L.

* - ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes bancaires de j. L. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire D,

* - condamner la société A à la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par j. L.

Subsidiairement, si par impossible l'exception d'irrecevabilité n'était pas retenue par la Cour d'appel,

* - débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

* - constater la qualification injustifiée de billets à ordre invoqués par la société A en l'absence de créance certaine, liquide et exigible,

* - dire et juger sans fondement l'aval de j. L.

* - débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de j. L.

* - ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes bancaires de j. L. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire D,

* - condamner la société A à la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par j. L.

Très subsidiairement,

* - prononcer la nullité du billet à ordre du 22 novembre 2007,

* - prononcer la nullité de l'engagement de l'aval de j. L. dont il est fait état sur le billet à ordre du 22 novembre 2007 d'un montant de 5.950.000 euros pour violence et dol,

* - débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de j. L.

* - ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes bancaires de j. L. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire D,

* - condamner la société A à la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par j. L.

Très subsidiairement encore,

* - débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de j. L. ce faisant ordonner la mainlevée immédiate de la saisie-arrêt pratiquée sur les comptes bancaires de j. L. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire D,

* - constater la violation par la société A des accords intervenus entre les parties et les graves conséquences qui en résultent,

* - constater les pertes résultant de la mauvaise gestion par la société A des stocks de produits gagés à son profit,

* - lui donner acte de l'attestation de Claude TOMATIS du cabinet ALLEANCE établissant que « l'appellation prix unitaire hors taxes » inclut cependant des taxes et redevances spécifiques aux produits pétroliers,

* - constater en tout état de cause que la créance réclamée par la société A ne tient pas compte desdites taxes et est totalement injustifiée,

* - condamner la société A à la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par j. L.

À titre infiniment subsidiaire,

* - ordonner si nécessaire telles mesure d'expertise qu'il appartiendra afin d'établir la réalité desdites taxes,

* - condamner la société A aux entiers dépens distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

j. L. demandait de retenir aux débats la pièce n° 12 qu'il avait versée aux motifs que :

* - la mention d'un intérêt quelconque au procès par l'auteur d'une attestation devait être uniquement apportée quand cet intérêt existait,

* - Monsieur M. avait expliqué ne pas avoir de liens de parenté, d'alliance, de subordination et/ou d'intérêt avec j. L.

Sur le fond, j. L. exposait que la SAM C, qui avait pour activité principale le négoce de produits pétroliers, et dont il avait été le Président à compter du 5 novembre 2007, avait obtenu en 2006 l'autorisation de vendre des produits pétroliers par camion en France, moyennant l'obligation d'une garantie bancaire d'une banque française ou monégasque en faveur de la Direction générale des Douanes françaises.

Cette garantie bancaire avait ainsi été ouverte par la banque D, lequel avait également été garanti à sa demande par la société B Genève, banque de la SAM C.

Un compte bancaire spécifique au négoce national intitulé « C distribution » avait ainsi été ouvert dans les livres de la banque D et recevait l'intégralité des montants des factures relatives à la vente des produits pétroliers distribués par camion et comprenant l'ensemble des taxes pétrolières et la TVA.

Ce compte bancaire était selon ses dires débité par la banque D du montant des taxes pétrolières TIPP au profit de la Recette des Douanes françaises de Fos sur Mer et de la TVA au profit des services fiscaux monégasques, son solde, déduction faite des taxes, étant reversé sur le compte bancaire ouvert par la SAM C dans les livres de la société B Genève, aux droits de laquelle vient la société A.

Il soutenait ainsi que le compte bancaire de la SAM C ouvert dans les livres de la société B Genève ne constituait pas une dette en faveur de cette dernière.

j. L. affirmait qu'à partir d'août 2007, en raison de la crise financière mondiale, la société B Genève avait exigé des garanties supplémentaires de la SAM C qui s'étaient traduites par la conclusion d'un contrat de gage sur toutes les marchandises entreposées en « sous douane » et financées par la société A le 2 octobre 2007.

La banque avait également unilatéralement décidé par mail du 24 octobre 2007 de mettre un terme à son financement de l'activité de distribution par camions, mettant la SAM C, qui bénéficiait d'une clientèle importante, en difficulté.

Il soutenait avoir accepté l'arrêt total de l'activité de distribution nationale mais avoir demandé à la banque la mise en place de toute urgence de lettres de crédit pour son activité de commerce international de pétrole ; en réponse, la société A avait sollicité son engagement de transférer le solde de la distribution nationale ainsi qu'un échéancier des transferts en faveur du compte bancaire de la SAM C auprès de la société A. Elle lui avait alors demandé la copie des factures de distribution par camions à encaisser par la banque D qui s'élevaient à ses dires à la somme de 5.950.000 euros.

j. L. contestait ainsi s'être engagé à régler cette somme de 5.950.000 euros qui ne représentait que le montant des factures à recouvrer sur le compte bancaire de la banque D, les échanges intervenus entre les parties étant de déterminer si les garanties données par la SAM C à sa banque couvraient le découvert bancaire du compte bancaire ouvert dans les livres de la société A.

Il indiquait toutefois que lors d'une réunion du 22 novembre 2007, la banque A lui avait fait avaliser un premier billet à ordre pré-établi de 3.500.000 euros pour garantir la dénonce de la contre-garantie fournie par la banque A à la banque D, lequel ne faisait plus l'objet de réclamation de la part de la banque, ainsi qu'un second billet à ordre pré-établi de 5.950.000 euros pour satisfaire aux exigences de la société A BELGIQUE qui souhaitait plus de garanties de ses clients, et ce sans lui laisser le temps d'analyser cette demande et sous la menace de cesser immédiatement toute ouverture de lettres de crédit correspondant aux achats en cours.

Il affirmait ainsi que :

* - ce second billet à ordre correspondait à une prévision de trésorerie pour le compte C DISTRIBUTION à recevoir par la banque D,

* - c'était par surprise et sous la contrainte qu'il avait signé ces deux billets à ordre, faisant état à l'appui de ses dires de l'absence de tout échange avant cette réunion sur la signature de ces billets à ordre et notamment des déclarations faites par Monsieur F. de la société A devant le juge d'instruction.

j. L. concluait dans un premier temps à l'irrecevabilité des demandes formées par la société A en l'absence de toute déclaration de créance spécifique au billet à ordre litigieux par la banque auprès de c. BO. es qualité de syndic à la liquidation des biens de la SAM C.

Il affirmait en effet que la société A avait produit au passif de la liquidation des biens de la SAM C une créance ne correspondant pas au billet à ordre litigieux mais au solde débiteur du compte courant ainsi qu'en attestaient c. BO. et l'arrêt de la Cour d'appel de Monaco en date du 6 mars 2013.

Rappelant que l'avaliste, tout comme la caution, était en droit de se prévaloir d'une exception inhérente à la dette à l'égard du créancier principal, j. L. soutenait que l'absence de déclaration de créance propre au billet à ordre entraînait l'extinction de la créance et des droits du créancier à l'encontre de l'avaliste, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation française.

j. L. reprochait à cet égard aux premiers juges d'avoir déclaré recevable la demande de la banque en vertu de l'article 464 du Code de commerce alors même que la clôture de la procédure de liquidation des biens n'était pas encore prononcée.

Il leur faisait également grief d'avoir donné une valeur cambiaire au billet à ordre litigieux alors que ce dernier ne représentait aucune créance certaine et exigible de la banque à la date de son émission, la somme portée au billet litigieux ne tenant pas compte au surplus des taxes et frais à venir devant être déduits.

j. L. soutenait en effet qu'à la date du 22 novembre 2007, la SAM C avait un découvert bancaire ne pouvant s'apparenter à une dette certaine, d'autant plus que la banque disposait de stocks de produits gagés d'une valeur comprise entre 13 et 15 millions de dollars.

Il affirmait ainsi que Monsieur KOFMEL de la banque A avait établi deux faux effets de commerce qu'il lui avait présentés par surprise comme de nouvelles garanties pour satisfaire aux exigences de la société A et qu'il lui avait fait signer avec la promesse d'ouvrir des lignes de crédit.

Il n'existait selon j. L. aucune créance certaine à cette date qui aurait pu faire l'objet d'un effet de commerce.

Le billet à ordre litigieux de 5.950.000 euros, qui correspondait ainsi à une prévision de trésorerie pour le compte C DISTRIBUTION à recevoir par la banque D et non à une créance certaine, liquide et exigible à recevoir par la société A, était par conséquent illicite et sans cause en l'absence de valeur cambiaire.

j. L. soutenait par ailleurs que contrairement à ce qu'avaient retenu les premiers juges, la société A n'avait pas tenu ses engagements de maintenir les financements de l'activité principale de la SAM C dans la mesure où elle ne lui avait pas ouvert des lettres de crédit correspondant aux achats en cours devant être mises en place avant les livraisons et où elle avait retardé le paiement des factures des fournisseurs, détruisant ainsi la réputation de la société sur les marchés français et international des opérateurs et conduisant à sa cessation d'activité.

j. L. concluait également à la nullité de son engagement en qualité d'aval pour vice du consentement en vertu des articles 964 et suivants du Code civil, soutenant essentiellement :

* - avoir été victime de manœuvres dolosives et de violence économique de la banque l'ayant contraint à signer les deux billets à ordre litigieux en qualité d'aval alors qu'il avait été convenu avec les dirigeants de la société A que ces billets ne seraient pas remis à l'encaissement et qu'ils constituaient de simples contre-garanties,

* - que la société A avait extorqué par surprise sa signature en qualité de dirigeant de la SAM C et à titre personnel en qualité d'aval le 22 novembre 2007, ainsi qu'en attestaient d'anciens salariés de la SAM UOMC,

* - qu'il avait été obligé de signer les deux billets à ordre dans la mesure où sa société avait besoin du support financier de la banque en raison d'une importante livraison de produits pétroliers le jour même de la réunion, le 22 novembre 2007, ainsi qu'en attestait Monsieur FORT représentant la société A,

* - que Monsieur K. de la société A lui avait fait croire que les billets à ordre litigieux étaient de simples billets de garantie, soulignant qu'il n'était pas un spécialiste des effets de commerce,

* - aucun document antérieur à cette réunion ne faisait état de la signature à venir de ces billets à ordre,

* - qu'il n'aurait pas signé les deux billets à ordre si la banque ne lui avait pas donné l'assurance de l'ouverture de lettres de crédit,

* - le montant total des billets à ordre de 9.450.000 euros apparaissait disproportionné par rapport à son patrimoine.

j. L. soulignait enfin que sa condamnation au paiement de la somme de 5.033.167,06 euros par les premiers juges permettait à la société A d' échapper à la masse des créanciers, remettant en cause la vérification des créances faite par Monsieur c. BO. et d'être désintéressée en actionnant l'avaliste tout en lui permettant de maintenir sa créance dans la procédure collective.

Il contestait toute action abusive de sa part, ne pouvant être tenu responsable de la longueur de la procédure.

Il sollicitait enfin la condamnation de la société A au paiement de dommages et intérêts en raison de son utilisation abusive des billets à ordre litigieux qui ne correspondaient à aucune créance certaine, liquide et exigible et en vertu desquels elle avait obtenu la saisie-arrêt de ses comptes bancaires ouverts dans les livres de la banque D depuis février 2008, dans la mesure où elle s'était évertuée à faire peser sur sa personne la responsabilité de ses manquements à ses engagements et où elle avait contribué à l'accroissement du passif de la SAM C pour plus de 3,5 millions d'euros.

Aux termes de ses conclusions des 3 décembre 2019 et 3 mars 2020, c. BO. agissant ès-qualité de syndic à la liquidation des biens de la SAM C, demandait de prendre acte de ce qu'il s'en remettait à la sagesse de la Cour d'appel concernant les demandes soumises tant par j. L. que par la société A et de condamner tout contestant aux entiers dépens distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Après un rappel des faits et de la procédure, c. BO. exposait être intervenu volontairement à la procédure pour solliciter la suspension des poursuites à l'encontre de la SAM C.

Il soulignait que :

* - il n'existait plus de demandes à l'encontre de la SAM C ainsi que l'avaient relevé les premiers juges,

* - la créance produite par la société A était basée sur les montants dus par la SAM C et non sur les billets à ordre objets du présent litige,

* - le passif produit par la société A avait été définitivement arrêté à la somme de 4.487.045,90 euros par jugement du Tribunal de première instance en date du 20 novembre 2014,

* - au vu de la déclaration de créance faite par la société A, la créance de cette dernière se composait uniquement du découvert bancaire et de ses intérêts dus, de frais relatifs à deux protêts et d'une caution en faveur de la banque D et non de l'impayé des billets à ordre objets du présent litige,

* - conformément aux dispositions de l'article 421 du Code de commerce, s'il assistait et représentait le débiteur, il était également chargé d'agir au nom et pour le compte de la masse des créanciers de sorte qu'il devait avoir une totale neutralité et impartialité, ne pouvant ainsi s'immiscer dans le litige opposant j. L. à la société A.

Aux termes de ses conclusions en date des 29 janvier 2019, 8 octobre 2019 et 17 juillet 2020, la société A demandait à la Cour de :

* - déclarer j. L. infondé en sa demande de réformation du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 14 juin 2018, l'en débouter et en conséquence :

* - confirmer purement et simplement ledit jugement en toutes ses dispositions,

* - allouer à la société A la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* - condamner j. L. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses prétentions, la société A exposait que j. L. exerçait pour le compte de tiers une activité de couverture des fluctuations de cours liées aux contrats pétroliers au travers de la société F, ainsi qu'une activité de courtier dans les opérations internationales de commerce de pétrole, au travers de la SAM E.

j. L. avait par la suite indiqué à sa succursale de Genève, avec laquelle il était entré en relation, qu'il entendait entreprendre une activité de négoce de produits pétroliers au travers de la SAM C constituée en 2004.

Une convention d'ouverture de comptes avait ainsi été signée le 3 février 2005 par Madame FE ès-qualité d'administrateur déléguée et j. L. ès-qualité de consultant de la SAM C.

Cette dernière signait le même jour un acte de gage et de cession au profit de la banque de toutes valeurs ou marchandises détenues par la banque ou par des tiers en son nom, en garantie de toutes dettes actuelles et futures de la SAM C ainsi qu'une convention de cession de toutes les créances afférentes à la revente de marchandises financées par la banque.

La société A soutenait ainsi que :

* - sa succursale à Genève finançait l'acquisition des produits pétroliers destinés à la revente à de gros distributeurs/importateurs et dont le paiement devait intervenir entre ses mains,

* - les opérations de couverture des éventuelles pertes liées aux fluctuations des cours liées aux contrats pétroliers étaient effectuées par j. L. au travers de la société F,

* - la SAM E, dont j. L. était le Président, intervenait en qualité de courtier dans le cadre des ventes conclues par la SAM C et percevait à ce titre une rémunération,

* - toute l'activité de la SAM C était organisée et gérée au quotidien par j. L. au travers de ces structures dont il avait la direction.

La SAM C ayant obtenu l'autorisation de distribuer des produits pétroliers par camions en France, laquelle nécessitait l'intervention d'une banque française pour la domiciliation des paiements et la garantie au profit des Douanes, la société A soutenait que la banque D avait émis une garantie au profit des Douanes pour le compte de la SAM C afin que cette dernière puisse exercer son activité en France, garantie que la banque française avait uniquement accordée en l'état de la garantie donnée en amont par la société A.

La société A soutenait toutefois que contrairement aux accords des parties, une partie des marchandises qu'elle avait financées avait été détournée et affectée à l'activité de distribution par camions, le paiement de ces marchandises ayant été effectué sur le compte bancaire ouvert dans les livres de la banque D alors que ces paiements auraient dû intervenir sur le compte de la SAM C ouverts dans ses livres en remboursement des financements consentis.

Elle avait alors exigé que les sommes reçues par la banque D lui soient restituées conformément à la convention de créances du 3 février 2005, ce à quoi s'était engagée la SAM C. Entre temps, et suivant acte du 2 octobre 2007, elle avait régularisé avec la SAM C une convention de gages de marchandises en date du 2 octobre 2007, laquelle ne constituait pas une garantie supplémentaire dans la mesure où elle disposait déjà d'un gage sur les marchandises financées.

Soutenant toutefois que la SAM C ne lui avait pas restitué de façon régulière les sommes encaissées auprès de la banque D, elle avait demandé à j. L. d'organiser les versements hebdomadaires tout en lui rappelant qu'elle ne pouvait plus financer l'activité de distribution qui devait l'être par une banque locale.

j. L. n'ayant toutefois pas restitué les sommes encaissées par la banque D et constatant au surplus un manque de couverture de 14.771.000 USD de la SAM C, la société A soutenait avoir alors demandé à l'appelant des informations précises sur l'activité de distribution par camions de la SAM C ainsi qu'un engagement ferme de sa part quant au transfert des sommes reçues par la banque D à ce titre.

j. L. lui donnait les informations par mail du 21 novembre 2007 et établissait le montant des sommes à recevoir par la banque D à 5.950.000 euros qu'il s'engageait à lui transférer au fur à mesure des entrées.

La société A soutenait ainsi que ce courriel de j. L. établissait bien son engagement de lui régler sa créance.

Elle ajoutait que lors de la réunion du 22 novembre 2007, j. L. avait signé en qualité de représentant de la SAM C ainsi qu'en qualité d'aval de deux billets à ordre :

* - l'un d'un montant de 3.500.000 euros à échéance au 31 janvier 2008 correspondant à la contre garantie émise par la banque au profit de la banque D,

* - le second d'un montant de 5.950.000 euros à échéance au 31 décembre 2007 correspondant au total des sommes devant être reçues par la banque au titre de l'activité de distribution au 21 novembre 2007.

j. L. avait par ailleurs confirmé son engagement souscrit au titre du billet à ordre de 5.950.000 euros par courriel du 26 novembre 2007.

La société A, qui affirmait avoir honoré en contrepartie de l'accord ses engagements en ouvrant des lettres de crédit pour permettre à la SAM C de disposer des marchandises destinées à la revente aux gros distributeurs, soutenait toutefois avoir été informée de deux règlements de marchandises relevant de l'activité traditionnelle de la SAM C sur le compte de la banque D au lieu du sien et ne pas avoir reçu le paiement des marchandises vendues par la SAM C à la société GINOUVES qui les lui avait réglées sans que la SAM C ne lui reverse sur ses comptes les sommes correspondants.

La société A indiquait avoir alors le 31 décembre 2007 présenté à la SAM C son billet à ordre de 5.950.000 euros, laquelle l'informait de son impossibilité de l'honorer en l'état de sa cessation des paiements depuis le 21 décembre 2007 ; elle avait ainsi fait dresser protêt pour faute de paiement.

Il en avait été de même pour le second billet à ordre faute de règlement à son échéance.

La société A avait ensuite déclaré à c. BO. ès-qualité de liquidateur des biens de la SAM C une créance de 5.148.144,48 euros au passif de cette dernière, laquelle avait été réduite à la somme de 5.047.460,48 euros en l'état de la diminution puis de la mainlevée par la banque D de sa garantie à son encontre.

Le Tribunal de première instance avait ainsi prononcé par jugement du 20 novembre 2014 l'admission définitive de sa créance pour un montant de 4.487.045,90 euros à titre chirographaire.

Elle avait par la suite procédé à la saisie-arrêt des comptes bancaires de j. L. en paiement de sa créance de 5.133.000 euros correspondant au montant de sa créance au 31 décembre 2007.

La société A sollicitait la confirmation du jugement en ce qu'il avait déclarait nulle la pièce 12 de j. L. en vertu de l'article 324 3° et 4° du Code de procédure civile en l'absence de mention par son auteur de l'existence ou de l'absence de liens de parenté, d'alliance, de subordination ou d'intérêt avec les parties, soulignant que Monsieur M. avait bien un lien d'intérêt avec j. L. dans la mesure où il était responsable de la branche pétrole de la SAM E dont j. L. était le dirigeant et qui intervenait dans les transactions de la SAM C en qualité de courtier.

La société A concluait par ailleurs à la recevabilité de son action en paiement du billet à ordre à l'encontre de j. L. soutenant :

* - avoir annexé à sa déclaration de créance le protêt auquel était joint le billet à ordre litigieux,

* - qu'en vertu de l'article 464 du Code de commerce, l'absence de déclaration de créance n'entraînait pas son extinction contrairement à l'ancien droit positif français,

* - que sa créance n'étant pas ainsi éteinte, elle était en droit de rechercher l'avaliste, j. L. indépendamment de la clôture de la procédure collective,

* - qu'attendre la clôture de la procédure collective reviendrait à faire bénéficier à l'avaliste du billet à ordre du bénéfice de discussion dont il ne disposait pas.

S'agissant de sa créance, la société A soutenait que :

* - la valeur cambiaire du billet à ordre résultait des articles 148 à 152 du Code de commerce,

* - j. L. qui alléguait l'illicéité du billet à ordre, ne procédait que par voie d'allégations sans rapporter la preuve de ses dires,

* - sa créance était certaine et exigible dans la mesure où j. L. l'avait lui-même chiffrée dans son courriel du 21 novembre 2007,

* - les règlements allégués par j. L. en paiement de sa créance étaient inopérants, ces derniers l'ayant été pour d'autres activités,

* - les taxes n'étaient pas déductibles du montant de la créance de 5.950.000 euros, ainsi que le soutenait l'appelant,

* - elle avait respecté ses engagements en ouvrant les lettres de crédit pour régler les produits pétroliers achetés par la SAM C, contestant ainsi être à l'origine de la cessation des paiements de cette dernière.

La société A concluait au surplus à l'absence de démonstration par j. L. de l'existence de tout vice de consentement et de la réunion des conditions des articles 967 et 971 du Code civil lors de la souscription des billets à ordre, soulignant à cet égard :

* - le caractère complaisant des témoignages versés par l'appelant dans la mesure où ils émanaient d'anciens salariés de la SAM E dont j. L. était le Président-Délégué,

* - le comportement de j. L. après la souscription des billets à ordre qui l'avait remerciée, confirmant la validité de son consentement ainsi que ses compétences professionnelles dans le domaine des transactions pétrolières,

* - l'absence d'allégation par j. L. devant le juge d'instruction d'un quelconque chantage de la banque pour obtenir son aval.

Elle sollicitait enfin la condamnation de j. L. au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive en raison de ses déclarations mensongères quant à l'existence de détournements perpétrés avec la complicité du commissaire aux comptes, sur son rôle au sein de la SAM C et en raison de son comportement dilatoire pour retarder le recouvrement de la créance notamment par le dépôt de plainte à l'encontre de deux de ses dirigeants.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels principal et incident régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

* Sur la recevabilité de la demande principale en paiement de la société A :

Attendu que la société A sollicite la condamnation de j. L. ès-qualité d'aval du billet à ordre en date du 22 novembre 2007 aux termes duquel la SAM C s'est engagée à payer contre ce billet à ordre à la société A la somme de 5.950.000 euros à l'échéance du 31 décembre 2007 ;

Attendu que c'est à juste titre que les premiers juges ont jugé que la société A n'avait pas produit de créance fondée sur ce billet à ordre du 22 novembre 2007 à la procédure collective de la SAM C ;

Qu'il ressort en effet de la déclaration de créance du 30 mai 2008 adressée à c. BO. que la société A a déclaré une créance de 5.148.144,48 euros se décomposant comme suit (pièce n° 33 de la société A) :

* - 4.948.557,20 euros correspondant à la contrevaleur du solde débiteur du compte courant de la SAM C en dollars américains à la date du jugement de liquidation des biens soit 7.854.350,13 USD,

* - 59.714,64 euros au titre des frais de protêt d'un billet à ordre d'un montant de 5.950.000 euros à échéance au 31 décembre 2007,

* - 35.214,64 euros au titre des frais de protêt d'un billet à ordre d'un montant de 3.500.000 euros à échéance au 31 janvier 2008 souscrit le 22 novembre 2007 en contrepartie d'une contre garantie fournie à la société A à la banque D,

* -104.658 euros correspondant au solde de la contre garantie fournie à la banque D après déduction des mainlevées intervenues depuis la souscription du billet à ordre du 22 novembre 2007 ;

Que le montant de la créance déclarée par le Conseil de la société A ne comporte pas ainsi le montant du billet à ordre litigieux de 5.950.000 euros, ce que confirme au demeurant c. BO. ès-qualité de syndic à la liquidation des biens de la SAM C ;

Que contrairement aux allégations de la société A, le billet à ordre litigieux n'a pas non plus été joint à la déclaration de créance du 30 mai 2008 ainsi qu'en atteste la liste des neuf pièces annexées à cette dernière qui n'en fait nullement mention ;

Qu'il convient par conséquent de constater l'absence de déclaration par la société A de la créance de 5.950.000 euros au titre du billet à ordre du 22 novembre 2007 ;

Attendu que j. L. soulève l'irrecevabilité de la procédure engagée par la banque à son encontre ès-qualité d'avaliste aux motifs que l'absence de déclaration de la créance du billet à ordre aurait dû conduire les premiers juges à constater l'extinction de la créance de la banque et de ses droits de créancier contre l'avaliste, faisant état du droit positif français des procédures collectives et de la jurisprudence de la Cour de cassation française en la matière ;

Attendu toutefois que la liquidation des biens prononcée à l'encontre de la SAM C par jugement du 17 avril 2008 l'a été en application des dispositions du Code de commerce monégasque de sorte que j. L. ne peut valablement faire application au présent litige du droit positif français des procédures collectives ;

Attendu par ailleurs que l'article 464 du Code de commerce dispose : « À défaut de production dans les délais, les créanciers défaillants sont exclus de la procédure. Ils recouvrent l'exercice de leurs droits à la clôture de la procédure en cas de liquidation des biens et, lorsque le débiteur revient à meilleure fortune, en cas de règlement judiciaire. Le Tribunal peut toutefois relever de la forclusion les créanciers défaillants s'ils trouvent que la défaillance n'est pas de leur fait ; en ce cas, le tribunal vérifie leurs créances et le greffier en chef les porte sur l'état des créances ; ces créanciers ne peuvent concourir que pour la distribution des répartitions ou des dividendes à venir.

Les salariés sont relevés de plein droit de la forclusion. Les frais de l'instance en relevé de forclusion restent à la charge des créanciers » ;

Qu'il résulte de ce texte que les créances non déclarées à la procédure collective ne sont pas éteintes dans la mesure où les créanciers recouvrent l'exercice de leurs droits à la clôture de la procédure en cas de liquidation des biens et, lorsque le débiteur revient à meilleure fortune, en cas de règlement judiciaire ;

Que j. L. réplique que l'article 464 du Code de commerce n'est pas applicable en l'absence de clôture de la procédure collective ;

Attendu que c. BO. ès-qualité de syndic et la société A ne contestent pas l'absence de jugement de clôture de la liquidation des biens de la SAM C ;

Attendu toutefois que quand bien même la clôture de la procédure de liquidation des biens n'est pas intervenue, il n'en demeure pas moins que les créanciers, dont la créance non déclarée n'est pas éteinte, ne perdent pas pour autant leurs droits de poursuite, lesquels ne pourront toutefois s'exercer qu'à la clôture de la procédure collective de la SAM C ;

Attendu que la société A soutient être recevable à agir à l'encontre de j. L. indépendamment de la clôture de la procédure collective, laquelle reviendrait à faire bénéficier à ce dernier du bénéfice de discussion dont il ne dispose pas ;

Attendu toutefois que si l'avaliste, tenu solidairement avec le débiteur principal, ne peut se prévaloir du bénéfice de discussion, il n'en demeure pas moins que les créanciers non déclarants ne bénéficient pas de leurs droits de poursuite jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire en vertu de l'article 464 du Code de commerce ;

Que l'avaliste étant également un débiteur accessoire, il est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant ;

Qu'en l'absence ainsi de clôture de la liquidation des biens de la SAM C, l'exercice par la société A de poursuites à l'encontre de j. L. ès-qualité d'avaliste du billet à ordre en paiement de sa créance est prématuré ;

Que son action est par conséquent irrecevable en l'état de la procédure ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a déclaré l'action de la société A à l'encontre de j. L. recevable et statuant de nouveau, il y a lieu de déclarer l'action de la banque aux fins de condamnation de j. L. ès-qualité d'aval du billet à ordre irrecevable ;

* Sur les autres demandes de j. L. :

Attendu que j. L. demande en tout état de cause de débouter la société A de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tant :

* - en ce qui concerne l'irrecevabilité tirée de la prescription qu'elle soulève concernant le moyen de défense de j. L. relatif aux fins de nullité des billets à ordre et de l'aval dont il est fait état,

* - qu'en ce qui concerne sa demande de condamnation de j. L. à la somme de 4.973.452,23 euros à laquelle elle demande que soient ajoutés les frais de protêt de 59.714,64 euros, soit un montant de 5.033.167,06 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 31.12.07 ;

Qu'en raison de l'irrecevabilité de l'action principale de la société A, il n'y a pas lieu d'examiner ces demandes, l'exception de nullité soulevée par j. L. constituant un simple moyen de défense à la demande principale ;

Attendu que j. L. sollicite la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée sur ses comptes bancaires par la société A ;

Que dans la mesure où la société A ne dispose pas en l'état actuel de la procédure de liquidation de biens de droits de poursuite à l'encontre de Monsieur L. il convient d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt qu'elle a fait pratiquer sur les comptes bancaires de l'appelant ouverts dans les livres de la banque D par exploit du 8 février 2008 ;

Attendu que j. L. sollicite la condamnation de la société A au paiement de la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice aux motifs que l'intimée a procédé à la saisie-arrêt de ses comptes bancaires en raison d'une utilisation abusive du billet à ordre litigieux sans valeur cambiaire et ne correspondant à aucune créance certaine, liquide et exigible, qu'elle a cherché à lui faire supporter la responsabilité de ses manquements aux engagements qu'elle avait pris, et qu'elle a contribué à l'accroissement du passif de la SAM C pour plus de 3,5 millions d'euros en raison de sa mauvaise gestion des stocks des produits ;

Attendu toutefois que la société A a fait pratiquer la saisie-arrêt sur les comptes bancaires de j. L. en exécution de l'ordonnance du 5 février 2008 l'autorisant à pratiquer cette mesure conservatoire sur la base d'un billet à ordre dûment signé par la SAM C et d'un aval supportant également la signature de j. L. dont la nullité n'a été alléguée par ce dernier que postérieurement à la mesure d'exécution forcée dans le cadre de la présente instance ;

Qu'il ne peut dès lors être fait grief d'une quelconque utilisation abusive du billet à ordre et de l'aval par la société A lors de la saisie-arrêt ;

Attendu que j. L. qui soutient que la société A a cherché à lui faire supporter la responsabilité de ses manquements aux engagements qu'elle avait pris, ne précise pas de quels engagements il s'agit et ne justifie pas en tout état de cause d'un préjudice en résultant ;

Que j. L. ne rapporte pas non plus la preuve d'un préjudice personnel découlant d'un accroissement du passif de la SAM C résultant d'une mauvaise gestion des stocks des produits par la banque ;

Qu'au vu de ces éléments, en l'absence de tout élément de preuve d'un quelconque préjudice, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté j. L. de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu que la société A qui succombe est déboutée de sa demande de dommages et intérêts de 100.000 euros pour procédure abusive ;

Que la société A qui succombe est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevables les appels,

Infirme le jugement du Tribunal de première instance du 14 juin 2018 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a constaté que la société A ne présente plus de demandes à l'encontre de la SAM C et en ce qu'il a débouté j. L. de sa demande de dommages et intérêts,

Et statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action de la société A aux fins de condamnation de j. L. ès-qualité d'aval du billet à ordre en l'état actuel de la procédure collective,

Ordonne la mainlevée de la saisie-arrêt des comptes bancaires de j. L. ouverts dans les livres de la banque D pratiquée à la demande de la société A par acte d'huissier du 8 février 2008,

Déboute la société A de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la société A aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 9 FEVRIER 2021, par Madame Claire GHERA, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19625
Date de la décision : 09/02/2021

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Monsieur j. L.
Défendeurs : La Société A et la SAM C

Références :

article 324 3° et 4° du Code de procédure civile
article 421 du Code de commerce
Code civil
article 464 du Code de commerce
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 967 et 971 du Code civil
article 324 3° du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 118 du Code de commerce
Code de commerce
articles 148 à 152 du Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2021-02-09;19625 ?

Source

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