Abstract
Capitaine de navire – Contrat d'engagement – Droit applicable – Licenciement – Conditions
Résumé
Il résulte des dispositions de l'article L. 627-1 du Code de la mer que les litiges concernant les contrats d'engagement régis par ce Code qui sont survenus entre les armateurs et le capitaine sont soumis au Tribunal de première instance et non au Tribunal du travail, tandis que l'article L. 624-2 du Code de la mer dispose que le contrat d'engagement à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties et prend fin au terme du préavis. Les articles L. 624-5 et L. 624-9 du Code de la mer et l'article 7 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 prévoient également que le salarié licencié a droit, sauf en cas de faute grave, au paiement d'une indemnité de préavis. Les premiers juges ont à bon droit déduit de l'identité parfaite entre les dispositions du Code de la mer et celles de la loi n° 729 du 16 mars 1963 que les principes jurisprudentiels tirés de l'article 6 sont applicables aux litiges du travail soumis au Code de la mer. Il résulte de telles dispositions normatives similaires que l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de rompre le contrat le liant à son salarié sans se référer à un motif inhérent à la personne de celui-ci pour autant qu'il supporte les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en lui réglant le montant de l'indemnité de congédiement prévue par la loi n° 845 du 27 juin 1968. Mais l'article L. 624-10 du Code de la mer, semblable à l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, dispose par ailleurs que toute rupture abusive d'un contrat d'engagement par l'une des parties peut donner lieu au profit de l'autre partie à des dommages-intérêts qui sont fixés par le juge à défaut d'accord des parties. Il en résulte que le droit de résiliation du contrat liant l'armateur à son capitaine et résultant de l'article 6 de la loi n° 729 n'apparaît ni discrétionnaire, ni absolu, les juridictions devant vérifier si les droits du salarié ont été respectés et si le contexte ayant présidé à la rupture du contrat de travail ne révèle aucun abus.
Si m. L. et l'employeur apparaissent en désaccord sur les motifs de la rupture, force est néanmoins de dire et juger que les premiers juges ont à bon droit estimé ne pas devoir apprécier la validité du motif de licenciement, en l'état du paiement effectif par l'employeur des indemnités légales. Il s'ensuit qu'il ne saurait y avoir lieu d'apprécier la réalité des fautes désormais imputées à m.L. ni de requalifier la rupture fondée sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 en licenciement pour faute grave.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 2 FÉVRIER 2021
En la cause de :
* - Monsieur m. L., né à Paris (15ème) le 9 septembre 1976, de nationalité française, demandeur d'emploi, demeurant X1à Mougins (06250) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Nicolas MATTEI, avocat au barreau de Nice ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
* - La société A SARL, Société à Responsabilité Limitée (SARL), au capital social de 15.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro X, dont le siège social est situé à Monaco (98000), « X2 », X3 prise en la personne de ses gérants en exercice, Monsieur g. C. et Monsieur m. C. domiciliés en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 octobre 2019 (R. 164) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 décembre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000065) ;
Vu les conclusions déposées les 4 mai 2020 et 14 décembre 2020 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la société A SARL ;
Vu les conclusions déposées le 5 octobre 2020 par Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur m. L.;
À l'audience du 5 janvier 2021, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Monsieur m. L. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 10 octobre 2019.
Considérant les faits suivants :
m. L. employé en qualité de capitaine par la SARL A suivant contrat à durée indéterminée à compter du 11 juin 2009 était en arrêt de travail depuis le 22 juillet 2015 lorsque son employeur l'a, par lettre RAR du 24 juillet 2015, convoqué à un entretien préalable de licenciement fixé au 28 juillet.
M. L. ne s'est pas rendu à cette convocation et s'est vu notifier son licenciement par lettre RAR du 31 juillet 2015 sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 ; dispensé d'effectuer son préavis de deux mois, il se voyait remettre ses documents sociaux le 8 août 2015.
Il contestait son licenciement devant le Tribunal du travail, puis, en raison de l'incompétence matérielle de ce dernier, faisait radier l'affaire et saisissait le Tribunal de première instance par exploit d'assignation délivré le 21 décembre 2017.
Devant le Tribunal de première instance, m. L. contestait alors le bien-fondé de son licenciement qu'il jugeait abusif tout en réclamant la condamnation de la société A à lui payer les sommes suivantes :
* - 3.447,19 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement,
* - 378,71 euros à titre de solde d'indemnité de préavis,
* - 39.856,92 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
* - 54.427,56 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées de 2012 à 2015,
* - 730 euros à titre de remboursement de frais de transport,
* le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation et sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
Il demandait en outre au Tribunal d'enjoindre à la SARL A d'avoir à lui délivrer tous les documents administratifs liés au licenciement rectifiés et conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Suivant jugement en date du 10 octobre 2019, le Tribunal de première instance a :
« - débouté m. L. de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la SARL A de l'intégralité de ses demandes,
- condamné m. L. aux entiers dépens de l'instance ».
Au soutien de leur décision, les premiers juges ont en substance observé que les principes jurisprudentiels tirés de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 relative au contrat de travail sont applicables aux litiges du travail soumis au Code de la mer, notamment en ce qui concerne le droit unilatéral de résiliation de l'employeur sous réserve que les droits et prérogatives du salarié aient été respectés et que les circonstances entourant la résiliation soient exemptes de tout abus. Estimant d'une part que Monsieur L. avait été rempli de ses droits et qu'il n'y avait pas lieu d'apprécier la validité des motifs de rupture et constatant d'autre part que la procédure de licenciement avait été régulière même si le salarié n'avait pas répondu à la convocation à l'entretien préalable, les premiers juges ont exclu l'hypothèse d'un abus dans la mise en œuvre du licenciement et débouté Monsieur L. de l'ensemble de ses prétentions.
Suivant exploit en date du 5 décembre 2019, m. L. interjetait appel du jugement susvisé, signifié le 5 novembre 2019, à l'effet de voir la Cour :
* - déclarer recevable et bien-fondé Monsieur m. L. en son appel parte in qua,
* - confirmer le jugement en ce qu'il a :
* - débouté la SARL A de l'intégralité de ses demandes,
* - le réformer en ce qu'il a :
* - débouté m. L. de l'intégralité de ses demandes,
* - condamné m. L. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur,
Et statuant à nouveau,
* - dire et juger que le licenciement de m. L. est fondé sur des motifs personnels,
* - dire et juger que le licenciement de m. L. n'est pas fondé sur un motif valable,
* - condamner la société A SARL au paiement des sommes suivantes :
* Indemnité de licenciement (solde)
* Loi numéro 845 du 27 juin 1968 - Article 2
* Salaire brut de base (3.321,41 euros) / Jours de travail (25) X mois de présence effectifs (73) - Indemnité de licenciement déjà reçue (6.251,33 euros) = 3.447,19 euros,
* Indemnité de Préavis (solde) :
* Loi numéro 729 du 16 mars 1963 - Article 7
* Deux mois de salaire brut de base (3.321,41 euros)
* 2 X 3.321,41 - Indemnité de préavis déjà reçue (6.264,11 euros) = 378,71 euros,
* - dire et juger que le licenciement de Monsieur L. est abusif,
* - condamner la société A SARL au paiement de la somme suivante, toutes causes de préjudices confondues :
* Dommages et intérêts pour Licenciement abusif :
* Loi numéro 729 du 16 mars 1963 - Article 13
* Article L624-10 du Code de la Mer
* Douze mois de salaire brut (3.321,41 euros) (forfaitaire et en considération des préjudices subis)
* 12 X 3.321,41 = 39.856,92 euros,
* - condamner la société A SARL au paiement de la somme suivante au titre des heures supplémentaires effectuées par Monsieur L. :
* Heures supplémentaires :
* 3.321,41 euros (salaire brut des douze derniers mois) / 25 (nombre de jours de travail par mois)
* = 132,86 par jour
* 132,86 euros / 10 (nombre d'heures de travail par jour conformément au Contrat de Travail)
* = 13,29 euros brut de l'heure,
* + 25 % = 16,61 euros,
* + 50 % = 19,93 euros,
* 1.231 heures majorées de 25 % = 20.446,91 euros,
* 1.705 heures majorées de 50 % = 33.980,65 euros,
* Année 2012 :
* 176 heures 25 % = 2.923,36 euros,
* 233 heures 50 % = 4.643,69 euros,
* Année 2013 :
* 261 heures 25 % = 4.335,21 euros,
* 339 heures 50 % = 6.756,27 euros,
* Année 2014 :
* 505 heures 25 % = 8.388,05 euros,
* 708 heures 50 % = 14.110,44 euros,
* Année 2015 :
* 289 heures 25 % = 4.800,29 euros,
* 425 heures 50 % = 8.470,25 euros,
* Total = 54.427,56 euros
* - condamner la société A SARL au paiement de la somme suivante au titre des frais avancés par Monsieur L.:
* Remboursement de frais :
* Transport (carburant, autoroute) = 730 euros
* - voir dire et juger que les diverses condamnations prononcées à l'encontre de la société A SARL seront assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 21 décembre 2017,
* - enjoindre à la société A SARL d'avoir à délivrer à Monsieur L. tous les documents administratifs liés au licenciement rectifiés et conformes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
* - condamner la société A SARL aux entiers dépens, tans de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Christophe SOSSO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Au soutien de son appel et aux termes de l'ensemble de ses écritures, m. L. expose pour l'essentiel que :
* - si aux termes du courrier en date du 31 juillet 2015, il a été licencié sur le fondement de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, prévoyant l'absence d'évocation de motifs à la rupture de la relation de travail, il n'en demeure pas moins que dans la lettre précitée, l'employeur a fait état de griefs à son encontre,
* - il ne s'agit donc pas d'un licenciement fondé sur les dispositions de l'article 6 mais d'un licenciement motivé par des griefs dont l'employeur doit démontrer la réalité,
* - son employeur, la SARL A ne rapporte cependant pas cette preuve alors que les nombreux salariés de l'entreprise évoquent au contraire son professionnalisme et son comportement irréprochable,
* - bien avant d'intégrer la société A, ses compétences professionnelles ne faisaient aucun doute,
* - ce n'est en effet qu'en raison d'un accident en Espagne et de l'explosion d'une usine de feux d'artifice que la société B n'a plus eu besoin de la société A,
* - la Cour est fondée à apprécier la réalité des fautes imputées à Monsieur L. par la lettre de licenciement et ne pourra que réformer le jugement entrepris en constatant que la rupture n'est pas fondée sur des motifs valables,
* - l'employeur a commis une erreur dans le calcul de l'indemnité de licenciement et il conviendra de condamner la société A à lui payer la somme qui lui est effectivement due, soit 3.447,19 euros,
* - de la même manière, il est fondé à solliciter la régularisation du paiement du solde de l'indemnité de préavis qui s'élève à 378,71 euros,
* - ce licenciement abusif lui ouvre droit à l'allocation de dommages-intérêts, en vertu de l'article L 624-10 du Code de la mer, qui dispose que « Toute rupture abusive d'un contrat d'engagement par l'une des parties peut donner lieu au profit de l'autre partie à des dommages-intérêts qui sont fixés par le juge à défaut d'accord des parties » tandis que l'article L626-7 dispose que « l'armateur peut toujours congédier le capitaine, sauf dommages intérêts en cas de renvoi injustifié »,
* - le licenciement est déclaré abusif lorsque la rupture est exercée avec brutalité, précipitation, légèreté blâmable, mauvaise foi et dans des conditions vexatoires, le comportement fautif de l'employeur constitutif d'un abus du droit de licencier pouvant résulter du non-respect des droits du salarié dans les circonstances ayant entouré la rupture,
* - il est établi que la SARL A n'a pas respecté la procédure de licenciement prévue à la convention collective applicable au contrat de travail litigieux, dès lors qu'aucune commission de discipline n'a été tenue et qu'aux termes du courrier de convocation à l'entretien préalable, le salarié n'a pas été informé de son droit de demander la tenue d'une telle commission,
* - son licenciement est donc nul et de nul effet,
* - l'employeur n'a pas davantage respecté le délai légal de cinq jours ouvrables entre la présentation de la lettre RAR de convocation à l'entretien préalable et la date fixée pour ledit entretien alors de surcroît que, par courriel du 27 juillet 2015, m. L. l'informait de son impossibilité de se rendre à la convocation en raison de son arrêt de travail, aucune nouvelle date n'ayant été fixée, ce qui démontre la précipitation dans laquelle le licenciement est intervenu,
* - il se retrouve du fait de cette rupture abusive dans une situation particulièrement précaire, alors qu'il est âgé de 40 ans et comptait six ans d'ancienneté dans la société,
* - il a en outre été humilié par le caractère brusque et vexatoire de son licenciement et il doit désormais suivre un traitement médical pour soigner une dépression nerveuse consécutive à la rupture,
* - sur le plan matériel, son préjudice est établi et résulte de la difficulté à laquelle il est actuellement confronté pour retrouver un emploi équivalent et stable, ce qui le conduit à demander une indemnisation correspondant à 12 mois de salaire brut.
La SARL A, intimée, entend pour sa part voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté m. L. de l'ensemble de ses demandes avec toutes conséquences de droit et, relevant appel incident, entend le voir réformé en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes, et, statuant à nouveau :
* - dire et juger que les actes reprochés à m. L. sont constitutifs d'une faute grave qui justifiait son licenciement immédiat sans préavis ni indemnité,
* - dire et juger que le licenciement de m. L. est intervenu à bon droit sur le fondement de la faute grave, en sorte qu'il est régulier, repose sur un motif valable et ne revêt aucun caractère abusif,
* - en conséquence et en tout état de cause, condamner reconventionnellement m. L. au paiement d'une somme de 12.515,44 euros correspondant aux indemnités de licenciement et de préavis indûment perçues suivant solde de tout compte du 6 août 2015,
* - condamner reconventionnellement m. L. au paiement d'une somme de 10.000 euros compte tenu de ses affirmations trompeuses et la mise en œuvre de cette procédure abusive qui occasionne un préjudice financier à la SARL A, laquelle est fondée à en obtenir juste réparation,
* - condamner m. L. aux entiers dépens.
La société intimée soutient en substance aux termes de ses écritures judiciaires que :
* - c'est dans le souci de préserver les intérêts de son salarié que la SARL A a licencié m. L. au visa de l'article 6, afin qu'il puisse bénéficier des indemnités de licenciement et de préavis dont il aurait dû être privé puisqu'il s'agit en réalité d'un licenciement pour faute grave, les articles 1, 2 et 7 de la loi n° 845 du 27 juin 1968 disposant en effet que ces indemnités sont dues dans tous les cas de licenciement sauf celui causé par une faute grave,
* - la faute grave est celle d'une telle importance qu'elle rend impossible le maintien d'un salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis,
* - dans le cas d'espèce, la mauvaise gestion du navire et de la navigation par le capitaine L. ont engendré de nombreux retards et la perte subséquente de marchés cruciaux pour la société A, ce dont témoignent les sous-traitants et clients de l'employeur,
* - les actes reprochés à m. L. étaient donc constitutifs d'une faute grave de nature à justifier son licenciement immédiat et sans préavis ni indemnité,
* - les attestations produites témoignent de ses retards répétés, de ses mauvaises relations avec ses collaborateurs et les marins sous ses ordres, ainsi qu'avec les clients de l'entreprise,
* - les manquements qui lui sont imputables ont causé la perte de marché important pour son armateur outre la mise en cale d'un de ses navires lui causant un préjudice évalué à 90.000 euros,
* - les témoignages de complaisance au profit de m. L. sont d'ordre général, aucun d'entre eux n'évoquant les faits graves qui seraient intervenus entre le mois de juin et le mois de juillet 2015 à l'origine de la rupture du contrat de travail,
* - par son comportement inadapté l'appelant a rendu impossible son maintien dans l'entreprise malgré les efforts et la patience de son employeur qui a excusé ses fautes à plusieurs reprises,
* - il conviendra d'infirmer le jugement entrepris et de dire que les actes reprochés à m. L. sont bien constitutifs d'une faute grave justifiant son licenciement immédiat sans préavis ni indemnité, en sorte qu'il devra être condamné reconventionnellement au versement de la somme indûment perçue au titre des indemnités de licenciement et de préavis soit 12.515,44 euros,
* - l'appelant ne peut pas davantage se prévaloir du caractère abusif de son licenciement alors que c'est lui-même qui, faisant preuve d'une mauvaise foi évidente, s'est soustrait à l'entretien préalable, prétextant un arrêt de travail qui était en réalité de complaisance et faisait suite à ses manquements répétés,
* - m. L. s'est au demeurant lui-même abstenu de réclamer la tenue d'une commission de discipline,
* - en tout état de cause et à supposer que des manquements puissent être reprochés à l'employeur dans la mise en œuvre de la procédure de licenciement, il s'agit d'une simple irrégularité de forme ouvrant droit à l'allocation de dommages-intérêts limités à un mois de salaire maximum, ainsi que le prévoit la loi française en son article L 1235-2 du Code du travail,
* - l'appelant n'ignore pas que sa rémunération est annualisée sur la base de 30 jours de travail mensuels et que les journées de travail effectuées sont compensées par des jours de repos compensateurs ainsi que le prévoit l'accord de branche auquel il est soumis,
* - la société A a toujours pris en compte l'intérêt de son salarié qu'elle n'a jamais voulu pénaliser malgré son attitude irrespectueuse et délétère vis-à-vis de la hiérarchie des clients eu égard notamment à son ancienneté dans l'entreprise, en sorte qu'il sera jugé que le licenciement n'a présenté aucun caractère abusif,
* - à titre subsidiaire, si la Cour qualifiait de manquement imputable à l'employeur le défaut de notification de la possibilité de convoquer une commission de discipline, il sera jugé qu'il ne s'agit que d'une simple irrégularité de forme, en sorte que les dommages-intérêts seront limités à la hauteur d'un mois de salaire maximum ainsi que cela est prévu par la loi des parties,
* - s'agissant des heures supplémentaires, l'appelant réclame le paiement d'une somme exorbitante correspondant à 2.936 heures qu'il aurait soi-disant effectuées durant 3 ans entre l'année 2012 et l'année 2015 mais il ne produit cependant que des feuilles de temps de présence qu'il a lui-même établies, alors qu'il est impossible de se constituer une preuve à soi-même,
* - ce procédé est d'autant plus inenvisageable que m. L. est lui-même responsable de l'organisation du travail dans l'entreprise d'une part et qu'il fait d'autre part semblant d'ignorer que les heures supplémentaires réclamées ont déjà été compensées par l'acquisition de jours de repos entièrement rémunérés,
* - la décision déférée sera dès lors confirmée en ce que l'appelant a été débouté de sa demande injustifiée de condamnation au titre de 2.936 heures supplémentaires prétendument impayées,
* - c'est également à tort que m. L. prétend obtenir le remboursement d'une note de frais d'un montant de 730 euros et ce, sans aucun justificatif particulier tel qu'un reçu ou une facture et sans que cette note ait été approuvée par son employeur.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels, tant principal qu'incident, ont été formés dans les conditions de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;
Attendu qu'en l'espèce, m. L. a été engagé par la SARL A suivant contrat à durée indéterminée du 11 juin 2009, en premier lieu en qualité de matelot, puis en qualité de capitaine suivant avenant du 1er septembre 2010, son contrat d'engagement stipulant que « le marin est assujetti à la législation sociale monégasque », et ce, sauf en ce qui concerne les cotisations retraite et prévoyance ;
Attendu qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L 627-1 du Code de la mer que les litiges concernant les contrats d'engagement régis par ce Code qui sont survenus entre les armateurs et le capitaine sont soumis au Tribunal de première instance et non au Tribunal du travail, tandis que l'article L 624-2 du Code de la mer dispose que le contrat d'engagement à durée indéterminée peut toujours cesser par la volonté de l'une des parties et prend fin au terme du préavis ;
Que les articles L 624-5 et L 624-9 du Code de la mer et l'article 7 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 prévoient également que le salarié licencié a droit, sauf en cas de faute grave, au paiement d'une indemnité de préavis ;
Que les premiers juges ont à bon droit déduit de l'identité parfaite entre les dispositions du code de la mer et celles de la loi n° 729 du 16 mars 1963 que les principes jurisprudentiels tirés de l'article 6 sont applicables aux litiges du travail soumis au Code de la mer ;
Qu'il résulte de telles dispositions normatives similaires que l'employeur dispose d'un droit unilatéral de résiliation lui permettant de rompre le contrat le liant à son salarié sans se référer à un motif inhérent à la personne de celui-ci pour autant qu'il supporte les conséquences de sa décision de ne pas énoncer le motif de la rupture, en lui réglant le montant de l'indemnité de congédiement prévue par la loi n° 845 du 27 juin 1968 ;
Mais attendu que l'article L624-10 du Code de la mer, semblable à l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, dispose par ailleurs que toute rupture abusive d'un contrat d'engagement par l'une des parties peut donner lieu au profit de l'autre partie à des dommages-intérêts qui sont fixés par le juge à défaut d'accord des parties ;
Qu'il en résulte que le droit de résiliation du contrat liant l'armateur à son capitaine et résultant de l'article 6 de la loi n° 729 n'apparaît ni discrétionnaire, ni absolu, les juridictions devant vérifier si les droits du salarié ont été respectés et si le contexte ayant présidé à la rupture du contrat de travail ne révèle aucun abus ;
Attendu que l'appelant estime que son licenciement n'était pas fondé sur un motif valable mais davantage sur des motifs personnels et qu'il présentait un caractère abusif, tandis que l'employeur intimé soutient que les actes reprochés à m. L. sont constitutifs d'une faute grave qui aurait dû justifier la rupture immédiate du contrat sans préavis ni indemnité ;
Attendu que force est à cet égard de se référer en premier lieu aux termes de la lettre de licenciement adressée à m. L. le 31 juillet 2015 par la SARL A, laquelle, sous le visa express de l'article 6 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, a simplement fait part à ce salarié de sa décision de procéder à son licenciement dans ce cadre normatif ;
Attendu que conformément aux dispositions légales applicables, il est établi que le capitaine m. L. a régulièrement perçu l'indemnité de congédiement et l'indemnité compensatrice de préavis prévues par la loi, ainsi qu'en atteste le solde de tout compte du 6 août 2015 qui n'a jamais fait l'objet de la moindre contestation de la part de ce salarié faisant état d'un montant total de 15.947,84 euros, soit une indemnité de préavis de 6.264,11 euros et une indemnité de licenciement de 6.251,33 euros ;
Que m. L. n'a au demeurant aucunement justifié en quoi le calcul desdites sommes aurait été erroné en sorte qu'il a été valablement déduit de cette carence probatoire que ce salarié a été régulièrement rempli de ses droits par son employeur lorsqu'il a mis en œuvre son droit de résiliation unilatéral ;
Attendu que si m. L. et l'employeur apparaissent en désaccord sur les motifs de la rupture, force est néanmoins de dire et juger que les premiers juges ont à bon droit estimé ne pas devoir apprécier la validité du motif de licenciement, en l'état du paiement effectif par l'employeur des indemnités légales ;
Qui s'ensuit qu'il ne saurait y avoir lieu d'apprécier la réalité des fautes désormais imputées à m. L. ni de requalifier la rupture fondée sur les dispositions de l'article 6 de la loi n° 729 en licenciement pour faute grave ;
Attendu, en ce qui concerne par ailleurs le respect des droits et prérogatives du salarié concerné, que dès lors qu'il s'agissait d'un licenciement sans motif et non d'une rupture d'origine disciplinaire, il n'y a pas davantage lieu d'examiner le moyen invoqué par m. L. aux termes duquel il n'aurait pas été informé de son droit de réclamer la tenue d'une commission de discipline ;
Attendu, s'agissant du contexte ayant présidé à la mise en œuvre de la rupture, que si la tenue d'un entretien préalable, bien que non imposé par la loi, apparaît plus respectueuse des droits du salarié, le seul fait pour la société A d'avoir convoqué m. L. suivant lettre RAR du 24 juillet 2015 à l'entretien préalable apparaît suffisant, l'impossibilité pour ce dernier de se rendre à cette invitation n'étant pas de nature à rendre irrégulière ou fautive la procédure subséquente de licenciement, étant de surcroît observé que la présente résiliation n'apparaissait pas soumise au droit français mais au droit monégasque, dont aucun texte normatif ne prévoit de délai légal ;
Attendu que les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé que dès lors que m. L. avait été convoqué à l'entretien préalable de licenciement en ayant pu disposer de quatre jours entre la date de réception de sa convocation et la date fixée pour l'entretien, ses droits avaient été suffisamment respectés ;
Qu'il s'ensuit qu'aucun élément ne permet en l'état d'établir la brutalité, voire la précipitation ou la légèreté blâmable ayant présidé à la mise en œuvre du licenciement par la SARL A qui n'apparaît dès lors avoir commis aucun abus en notifiant au capitaine m. L. la rupture du contrat de travail les liant ;
Attendu s'agissant enfin de la demande formée par m. L. au titre des heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées, qu'il incombe au salarié qui s'en prévaut de justifier de l'accomplissement des heures supplémentaires qu'il aurait accomplies avec l'accord préalable de son employeur, lequel doit alors fournir tous éléments utiles permettant de chiffrer les heures effectivement réalisées à ce titre par le salarié ;
Mais attendu que m. L. produit simplement aux débats un tableau établi par ses soins des horaires de travail qu'il dit avoir effectués, sans démontrer l'accord préalable de la société A au titre de telles heures supplémentaires en sorte que les premiers juges ont à bon droit estimé que ce salarié n'avait pas rapporté la preuve lui incombant ;
Que nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même, ce salarié a été dès lors justement débouté par les premiers juges des fins de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ;
Attendu qu'il en est de même s'agissant de la note de frais dont m. L. réclame le remboursement, laquelle, établie par le salarié lui-même, n'apparaît pas avoir été validée par l'employeur et ne se trouve corroborée par aucun justificatif correspondant, alors même que le montant réclamé de 730 euros ne correspond pas même à la somme figurant sur la note de frais versée aux débats ;
Attendu que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 10 octobre 2019 sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions en ce compris sa condamnation aux dépens de première instance, les parties étant déboutées de l'ensemble de leurs prétentions ;
Attendu s'agissant de la demande reconventionnelle formée par la SARL A, qu'il n'apparaît pas établi que m. L. ait abusé de son droit d'appel ni n'ait commis une quelconque faute ou erreur équipollente au dol dans le cadre de l'exercice de son droit d'appel en sorte que la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par la société A sera rejetée ;
Attendu que m. L. sera condamné aux entiers dépens d'appel ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevables les appels principal et incident,
Au fond déboute respectivement les parties de l'ensemble de leurs demandes et confirme avec toutes conséquences de droit le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 10 octobre 2019,
Condamne aux dépens d'appel Monsieur m. L. avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Claire GHERA, Conseiller, Madame Catherine LEVY, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 2 FEVRIER 2021, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.
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