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05/01/2021 | MONACO | N°19510

Monaco | Cour d'appel, 5 janvier 2021, Monsieur a. S. c/ la société anonyme monégasque dénommée GP CONSTRUCTION SAM


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 5 JANVIER 2021

En la cause de :

- Monsieur a. S. retraité, né le 24 juillet 1933 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La société anonyme monégasque dénommée GP CONSTRUCTION SAM, dont le siège social est sis immeuble « Les Lauriers » 8 avenue des Papalins à

Monaco (98000), prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Aya...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 5 JANVIER 2021

En la cause de :

- Monsieur a. S. retraité, né le 24 juillet 1933 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La société anonyme monégasque dénommée GP CONSTRUCTION SAM, dont le siège social est sis immeuble « Les Lauriers » 8 avenue des Papalins à Monaco (98000), prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Philippe BERDAH, avocat au barreau de Nice ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 janvier 2019 (R.2113) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 6 décembre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000062) ;

Vu les conclusions déposées les 28 janvier 2020 et 4 mai 2020 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM GP CONSTRUCTION ;

Vu les conclusions déposées le 3 mars 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom d a. S.;

À l'audience du 3 novembre 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par a. S. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 10 janvier 2019.

Considérant les faits suivants :

Entreprenant la construction d'une maison individuelle sur une parcelle sise 1882 route de la Turbie à Roquebrune Cap Martin, a. S. confiait le 8 décembre 2005 à la société GP CONSTRUCTION un marché de travaux comprenant les lots de terrassement, de gros œuvre, de V. R. D., de charpentes, de cloisons isolation faux plafonds, de sols durs, de faïences, de peintures façades pour un montant total de 953.775,63 € TTC.

Arguant de l'absence de paiement de ses factures, la société anonyme monégasque GP CONSTRUCTION sollicitait du Président du Tribunal de Première Instance, suivant requête en date du 17 avril 2008, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes d a. S. ouverts dans les livres de l'établissement bancaire CRÉDIT FONCIER DE MONACO, pour garantir un montant de créance de 56.000 euros.

Suivant ordonnance en date du même jour, il était fait droit à ces demandes.

Par acte en date du 23 avril 2008, la société GP CONSTRUCTION faisait pratiquer la saisie, l'établissement bancaire déclarant détenir pour le compte d a. S. des avoirs suffisants pour couvrir le montant de la saisie-arrêt.

La société CRÉDIT FONCIER DE MONACO confirmait cette déclaration initiale par courrier en date du 5 juin 2008, en application des dispositions de l'article 500-3 du Code de procédure civile.

Par le même acte du 23 avril 2008, la société GP CONSTRUCTION faisait assigner a. S. au fond devant le Tribunal de Première Instance aux fins de condamnation au paiement des causes de la saisie et en validation de celle-ci.

Parallèlement à la procédure engagée devant la juridiction monégasque, une procédure était introduite par a. S. devant les juridictions françaises.

Arguant en effet de malfaçons affectant les travaux et de l'abandon du chantier par certaines des entreprises qu'il avait mandatées dont la société GP CONSTRUCTION, a. S. saisissait le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Nice d'une demande d'expertise, lequel y faisait droit par ordonnance du 18 novembre 2008 et désignait Monsieur BAUD en qualité d'expert.

a. S. assignait au fond par actes d'huissier des 5 septembre 2013, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, les intervenants sur le chantier, y compris la société GP CONSTRUCTION ainsi que leurs assureurs.

En l'état de la désignation d'un expert judiciaire, l'affaire engagée devant le Tribunal de Première Instance de Monaco était placée au rôle général et y était maintenue chaque année jusqu'en 2017.

L'expert judiciaire, Monsieur BAUD, ayant déposé son rapport d'expertise le 16 décembre 2016, la société GP CONSTRUCTION sollicitait le rappel de l'affaire introduite devant le Tribunal de Première Instance.

Par jugement du 10 janvier 2019, le Tribunal de Première Instance statuait ainsi :

« - Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;

- Condamne a. S. à payer à la société anonyme monégasque GP CONSTRUCTION la somme de 50.318,69 euros ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes en

paiement ;

- Déclare régulière et valide avec toutes ses conséquences de droit la saisie-arrêt pratiquée auprès de l'établissement bancaire CRÉDIT FONCIER DE MONACO, suivant exploit du 23 avril 2008, pour le montant de condamnation susvisé, outre intérêts et dépens ;

- Dit que l'établissement bancaire CRÉDIT FONCIER DE MONACO, tiers saisi, se libérera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de a. S. par le versement qu'il en opérera entre les mains de la SAM GP CONSTRUCTION, le cas échéant après liquidation du portefeuille titre ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement ;

- Ordonne la compensation totale des dépens ».

Les premiers juges retenaient en substance que :

- les dispositions de l'article 12 de la loi n° 1.448 relatives à la litispendance internationale invoquées par a. S. à l'appui de sa demande de sursis à statuer ne pouvaient être retenues dans la mesure où le Tribunal de Première Instance avait été saisi en premier lieu par assignation du 23 avril 2008, antérieure à la désignation de l'expert en référé et à l'assignation au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Nice ;

- le sursis à statuer fondé sur une bonne administration de la justice ne pouvait être retenu dans la mesure où la présente instance était enrôlée devant les juridictions monégasques depuis plus de dix ans et qu'ajourner à nouveau toute décision pourrait désormais porter atteinte au principe d'un jugement dans un délai raisonnable, consubstantiel à tout procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;

- il n'y avait pas d'obstacle juridique à la reconnaissance de la créance de 50.318,69 euros de la société GP CONSTRUCTION qui en justifiait par la production des situations demeurées impayées ;

- les conclusions déposées par a. S. devant le Tribunal de Grande Instance de Nice ne remettaient pas en cause les constatations de l'expert et le principe de compensation opérée entre les sommes dues aux entreprises et les réparations des préjudices tel que décrit notamment en page 214 du rapport ;

- il n'existait pas de circonstances exceptionnelles justifiant qu'il ne soit pas statué au fond ;

- le fait qu' a. S. ait entendu se réserver la possibilité de conclure au fond ne liait pas la juridiction saisie ;

- qu'il n'y avait pas lieu de retarder plus avant l'issue de l'instance en raison du temps déjà écoulé et dans la mesure où les droits d a. S. n'étaient pas obérés, ce dernier ayant pu valablement présenter des demandes devant le Tribunal de Grande Instance de Nice ;

- il n'existait pas de risque de contrariété de décisions dans la mesure où le Tribunal de Première Instance se bornait à statuer sur les factures présentées par la société GP CONSTRUCTION et où l'appréciation du principe et de l'étendue des malfaçons alléguées sera réalisée exclusivement par le Tribunal de Grande Instance de Nice ;

- l'action de la société GP CONSTRUCTION n'était pas abusive dans la mesure où ses demandes principales étaient accueillies ;

- la résistance de a. S. ne pouvait être qualifiée d'abusive dans la mesure où le contentieux s'inscrivait dans un litige transnational et où il pourrait être reconnu globalement créancier de la société GP CONSTRUCTION par les juridictions françaises.

Par exploit d'huissier en date du 6 décembre 2019, a. S. interjetait appel du jugement et demandait à la Cour de :

« - dire et juger son appel régulier et bien fondé,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer, en ce qu'il l'a condamné au paiement de la cause de la saisie-arrêt pratiquée le 23 avril 2008, en ce qu'il a validé ladite saisie et en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de la société GP CONSTRUCTION au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et statuant de nouveau,

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente du jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice sur le fondement d'une bonne administration de la Justice,

En tout état de cause,

- débouter la société GP CONSTRUCTION de toutes ses demandes,

- ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 24 avril 2008,

- condamner la société GP CONSTRUCTION à lui payer une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société GP CONSTRUCTION aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

À l'appui de ses prétentions, a. S. soutenait que sa demande de sursis à statuer ne contrevenait pas aux quatre éléments du délai de procédure raisonnable retenus par la Cour européenne des droits de l'homme aux motifs que :

- le délai écoulé entre l'assignation du 23 avril 2008 et le jugement du 10 janvier 2019 résultait principalement de l'accord des parties de placer la procédure au rôle général pendant 8 ans et demi en raison de l'expertise judiciaire et de la procédure au fond en cours devant les juridictions françaises,

- la présente procédure ne requérait aucune célérité particulière au regard de l'enjeu financier de 50.318,69 euros représentant le montant des factures réclamées par la société GP CONSTRUCTION, et de sa qualité de créancier de l'intimée après compensation des sommes dues de part et d'autre,

- aucune des parties ne s'était prévalue d'une atteinte au délai raisonnable de la procédure devant les premiers juges,

- il existait un risque de contrariété entre la présente décision et celle devant être prononcée par le Tribunal de Nice dans la mesure où ce dernier sera amené à apprécier le bienfondé des factures de la société GP CONSTRUCTION et sa part de responsabilité dans les désordres et à statuer sur sa demande de condamnation in solidum des différents intervenants sur le chantier et leurs assureurs ainsi que sur sa demande de compensation des créances,

- il n'était pas d'une bonne administration de la Justice de le condamner au paiement des factures de la société GP CONSTRUCTION qu'il contestait pour ensuite l'obliger à obtenir de l'intimée leur remboursement en sus du solde de sa créance,

- le litige portait sur un immeuble situé en France aux termes d'un marché soumis au droit français.

a. S. concluait par ailleurs au rejet des demandes en paiement des factures de la partie adverse et en validation de la saisie-arrêt eu égard aux observations faites dans ses courriers de 2008 sur les montants réclamés et aux conclusions du rapport d'expertise chiffrant à la somme de 1.174.722 euros le montant des malfaçons et non-façons imputables à la société GP ELEC DIFFUSION (sic) et évaluant sa créance à plus de 3 millions d'euros ; il faisait grief à cet égard aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte du rapport d'expertise français lui permettant de contester le bienfondé des prétentions de la partie adverse.

Il sollicitait enfin la condamnation de la société GP CONSTRUCTION au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, reprochant essentiellement à la société GP CONSTRUCTION de ne pas avoir procédé à la mainlevée de la saisie alors même qu'il était créancier de cette dernière aux termes du rapport d'expertise et qu'il était contraint depuis plus de 10 ans d'engager des frais importants pour remédier à l'ensemble des désordres.

Aux termes de ses conclusions en date du 28 janvier 2020, la société GP CONSTRUCTION SAM demandait à la Cour de :

- débouter a. S. de son appel et assignation du 06 décembre 2019,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- la recevoir en son appel incident et l'y déclaré bien fondée,

- condamner a. S. à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel dilatoire,

- condamner a. S. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

À l'appui de ses prétentions, la société GP CONSTRUCTION SAM s'opposait à la demande de sursis à statuer qui l'exposait à subir des procédures totalement inacceptables en l'état de la présente instance initiée le 24 avril 2008, soit antérieurement à la désignation en référé de l'expert judiciaire et à l'assignation au fond devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, et qui durait depuis plus de 10 ans. Tout nouvel ajournement porterait ainsi nécessairement atteinte à ses droits essentiels.

Elle ajoutait qu'il n'existait aucun risque de contrariété de décisions dans la mesure où :

- l'expert judiciaire avait retenu à son profit la somme de 50.318,69 euros,

- l'argumentation de a. S. excluant toute compensation n'était étayée par aucune constatation de l'expert judiciaire,

- les avis de Monsieur GOUVERNAIRE, dont se prévalait a. S. étaient contestés, s'agissant d'un consultant technique de l'appelant dont les conclusions n'avaient pas été reprises par l'expert judiciaire et ne liaient pas la juridiction française.

La société GP CONSTRUCTION SAM soulignait au surplus qu'aux termes du rapport d'expertise, l'interruption des relations contractuelles entre les parties résultait de l'incohérence et de l'ingérence du maître d'œuvre et de l'absence de paiement des situations l'ayant contrainte à quitter le chantier.

Elle demandait enfin la condamnation d a. S. au paiement de dommages et intérêts en raison du caractère abusif et dilatoire de son appel qui n'avait pour objet que de retarder le recouvrement d'une créance ancienne et qui lui causait un préjudice supplémentaire.

Dans ses conclusions récapitulatives du 3 mars 2020, a. S. réitérait l'ensemble de ses demandes et de ses moyens précédemment exposés, ajoutant notamment que la société GP CONSTRUCTION SAM ne pouvait alléguer pour la première fois en cause d'appel l'atteinte portée à son droit d'un délai de procédure raisonnable.

Dans ses conclusions du 4 mai 2020, la société GP CONSTRUCTION SAM, qui reprenait l'ensemble de ses demandes et de ses moyens précédemment exposés, ajoutait notamment que :

- a. S. n'avait pas contesté l'ordonnance sur requête du Président du Tribunal de Première Instance autorisant la saisie,

- sa créance était incontestable au vu du rapport d'expertise qui la chiffrait à la somme de 187.647,32 euros,

- a. S. multipliait devant le Tribunal de Grande Instance de Nice les incidents, les rapports, les pré-rapports ou les rapports complémentaires pour tenter de faire valoir ses prétentions,

- la créance réciproque alléguée par a. S. n'avait aucun caractère certain en raison de la multiplicité des intervenants et des assureurs.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Attendu que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine ;

Que hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

Attendu que dans le cas d'espèce, il n'existe aucun risque de contrariété entre la décision que le Tribunal Judiciaire de Nice sera amené à prononcer et celle des juridictions monégasques ;

Attendu en effet qu'aux termes des conclusions prises par a. S. devant le Tribunal Judiciaire de Nice après dépôt du rapport d'expertise, ce dernier réclame notamment à l'encontre des intervenants sur le chantier, selon le partage de responsabilité tel qu'arrêté par l'expert judiciaire, la somme de 3.025.953,17 euros au titre de ses préjudices matériels et immatériels se décomposant comme suit :

862.753,32 € au titre des coûts d'achèvement hors démolition,

+ 116.763,35 € au titre des travaux de démolition et réfection partielle,

+ 308.657,41 € au titre des prestations intellectuelles afférentes à la mise en exergue des malfaçons, non-façons et surcoûts d'achèvement constatés,

+ 1.084.875,00 € au titre des pénalités de retard actualisées fin août 2018,

+ 364.140,00 € au titre des pertes locatives actualisées fin août 2018,

= 2.737.189,08 €

+ 97.574,26 € au titre du surcout lié aux travaux de reprises et d'achèvement des entreprises non concernées par la procédure,

= 2.834.763,34 €

+ 191.216,83 € au titre des honoraires liés à la procédure,

= 3.025.980,17 € ;

Attendu que la somme de 862.753,32 €, explicitée en page 13 des conclusions prises le 11 janvier 2018 devant le Tribunal Judiciaire de Nice par a. S. comprend la somme de 202.715,16 € représentant le solde du compte entre les parties au présent litige que l'expert judiciaire a chiffré comme suit : 390.362,48 € au titre des préjudices imputables à la société GP CONSTRUCTION - 187.647,32 € au titre des sommes dues par a. S. à la société GP CONSTRUCTION au titre des travaux = 202.715,16 € ;

Qu'en sollicitant le paiement de la somme de 862.753,32 euros, résultant d'une compensation des sommes que se doivent mutuellement les parties au litige, a. S. reconnaît ainsi que le montant impayé des travaux réalisés par la société GP CONSTRUCTION s'élève à la somme de 187.647,32 euros TTC,

Qu'il n'existe ainsi aucun risque de contrariété de décision avec celle que le Tribunal Judiciaire de Nice sera amené à prononcer au vu de la part de responsabilité de chacune des entreprises dans la réalisation des désordres ;

Que la nécessité pour a. S. d'engager des mesures d'exécution à l'encontre de la société GP CONSTRUCTION pour recouvrir les sommes éventuellement allouées par le Tribunal Judiciaire de Nice ne ressort pas d'une bonne administration de la justice mais uniquement de considérations pratiques d'ordre personnel ;

Que la demande de sursis à statuer en raison du risque de contrariété de décision n'est par conséquent pas fondée ;

Attendu qu'aux termes de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ;

Qu' a. S. ne peut faire grief à la société GP CONSTRUCTION de soulever en appel la violation de ce délai raisonnable pour s'opposer au sursis à statuer dans la mesure où il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un moyen de défense dont elle peut se prévaloir en vertu de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile ;

Que l'acceptation par la société GP CONSTRUCTION du placement au rôle général de l'affaire de 2008 jusqu'en 2017 ne peut par ailleurs la priver du droit de se prévaloir de la durée totale de la procédure depuis son acte introductif d'instance dans la mesure où le délai raisonnable prévu à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme couvre en principe l'ensemble de la procédure jusqu'à la décision vidant la contestation ;

Attendu par ailleurs que le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie à la lumière des circonstances de l'affaire et selon les critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement du requérant, celui des autorités compétentes et l'enjeu du litige pour l'intéressé ;

Attendu que la demande en paiement des situations de travaux de la société GP CONSTRUCTION à hauteur d'une somme de 50.318,69 euros, laquelle n'exige pas de par sa nature une célérité particulière, nécessitait de vérifier l'exécution des travaux que seul un expert judiciaire désigné au contradictoire des parties pouvait confirmer, eu égard aux contestations élevées par a. S. sur leur conformité aux règles de l'art ;

Que la longueur des opérations d'expertise, qui ont duré 8 ans en raison notamment du nombre important de désordres dénoncés par a. S. à examiner et des dires des parties, atteste du caractère complexe de l'affaire ;

Que néanmoins, quelle que soit la complexité de l'affaire opposant les parties et de leur accord pour renvoyer l'instance jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, une durée de 10 ans et 6 mois ne répond pas à l'exigence d'un délai raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ce d'autant plus que depuis le dépôt du rapport d'expertise le 16 décembre 2016, les parties disposent d'éléments leur permettant de conclure sur le bienfondé des demandes en paiement de la société GP CONSTRUCTION ;

Qu'au vu de ces éléments, la demande de sursis à statuer de a. S. se heurtant ainsi au principe du délai raisonnable d'un procès tel que prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par voie de conséquence à une bonne administration de la justice, il s'ensuit que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté a. S. de sa demande de sursis à statuer ;

Attendu que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit en rapporter la preuve ;

Attendu que la société GP CONSTRUCTION sollicite la condamnation de a. S. au paiement d'une somme de 50.318,69 euros, versant à l'appui de ses dires :

- la proposition de paiement d'octobre 2007 de 7.748,47 €,

- la proposition de paiement N°2 du 15 janvier 2008 de 18.899,26 €,

- la proposition de paiement N°10 du 4 février 2008 de 22.681,94 €,

- la proposition de paiement N°2 du 29 février 2008 d'un montant de 989,02 € portant facturation de la fourniture d'électricité et d'eau du 01/11/2007 au 31/12/2007 ;

Que les trois dernières propositions ont été vérifiées et signées par l'architecte engagé en qualité de maître d'œuvre du chantier ;

Que les seules lettres adressées par a. S. à la société GP CONSTRUCTION courant 2008 aux termes desquelles il conteste la réalisation de travaux facturés sont inopérantes pour s'opposer au paiement des sommes réclamées dans la mesure où l'expert judiciaire a retenu la somme de 187.647,32 euros au profit de la société GP CONSTRUCTION au titre des travaux exécutés et non payés par a. S. lors de l'établissement des comptes des parties ;

Que la Cour observe enfin qu'aux termes de ses dernières conclusions prises devant le Tribunal Judiciaire de Nice après dépôt du rapport d'expertise, a. S. reconnaît devoir à la société GP CONSTRUCTION la somme de 187.647,32 euros au titre des travaux impayés dans la mesure où il l'a déduit des sommes qui lui sont dues ;

Qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné a. S. au paiement d'une somme de 50.318,69 euros, en ce qu'il a déclaré régulière et valide avec toutes ses conséquences de droit la saisie-arrêt pratiquée auprès de l'établissement bancaire CRÉDIT FONCIER DE MONACO, suivant exploit du 23 avril 2008, en ce qu'il a dit que l'établissement bancaire CRÉDIT FONCIER DE MONACO, tiers saisi, se libérera valablement des sommes qu'il détient pour le compte de a. S. par le versement qu'il en opérera entre les mains de la SAM GP CONSTRUCTION, le cas échéant après liquidation du portefeuille titre ;

Attendu qu' a. S. qui succombe en son appel est débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive de la société GP CONSTRUCTION ;

Attendu enfin, que si la société GP CONSTRUCTION fait état, à juste titre, de la résistance opposée par a. S. dans le paiement de ses factures, elle ne démontre pas, au regard de l'ancienneté du litige opposant les parties et de son caractère transnational, en quoi cette résistance serait constitutive d'un abus ;

Que les premiers juges ont, à juste titre, débouté la société GP CONSTRUCTION de sa demande à ce titre ;

Attendu que l'exercice d'une voie de recours constitue un droit ;

Que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration d'une faute ou d'une intention malveillante ;

Que la société GP CONSTRUCTION ne rapportant pas la preuve d'une quelconque faute ou d'une intention malveillante de la partie adverse, elle est par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour appel infondé et dilatoire ;

Qu' a. S. qui succombe en appel en supportera les entiers dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels principal et incident formés contre le jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 10 janvier 2019,

Confirme ce jugement en toutes ses dispositions appelées,

Y ajoutant,

Déboute la société GP CONSTRUCTION de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne a. S. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loin° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 5 JANVIER 202 1, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 19510
Date de la décision : 05/01/2021

Analyses

La décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.Dans le cas d'espèce, il n'existe aucun risque de contrariété entre la décision que le Tribunal Judiciaire de Nice sera amené à prononcer et celle des juridictions monégasques. La demande de sursis à statuer en raison du risque de contrariété de décision n'est par conséquent pas fondée.a. S. ne peut faire grief à la société GP CONSTRUCTION de soulever en appel la violation du délai raisonnable pour s'opposer au sursis à statuer dans la mesure où il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'un moyen de défense dont elle peut se prévaloir en vertu de l'article 431, alinéa 2 du Code de procédure civile.L'acceptation par la société GP CONSTRUCTION du placement au rôle général de l'affaire de 2008 jusqu'en 2017 ne peut par ailleurs la priver du droit de se prévaloir de la durée totale de la procédure depuis son acte introductif d'instance dans la mesure où le délai raisonnable prévu à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme couvre en principe l'ensemble de la procédure jusqu'à la décision vidant la contestation.Par ailleurs le caractère raisonnable de la durée de la procédure s'apprécie à la lumière des circonstances de l'affaire et selon les critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement du requérant, celui des autorités compétentes et l'enjeu du litige pour l'intéressé.La demande de sursis à statuer d'a. S. se heurtant ainsi au principe du délai raisonnable d'un procès tel que prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par voie de conséquence à une bonne administration de la justice, il s'ensuit que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté a. S. de sa demande de sursis à statuer.

Procédure civile.

Appel civil - Demande de sursis à statuer - Absence de risque de contrariété de décisions - Principe du délai raisonnable - Confirmation du rejet de la demande de sursis.


Parties
Demandeurs : Monsieur a. S.
Défendeurs : la société anonyme monégasque dénommée GP CONSTRUCTION SAM

Références :

Code de procédure civile
article 500-3 du Code de procédure civile
article 431, alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2021-01-05;19510 ?

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