Abstract
Référé – Urgence – Caractérisation (oui)
Résumé
Aux termes de l'article 414 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal de première instance peut ordonner en référé, en cas d'urgence et en toutes matières pour lesquelles il n'existe pas de procédure particulière de référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal. L'urgence se trouve caractérisée lorsqu'un retard dans la décision serait de nature à compromettre les intérêts du demandeur ; qu'elle s'apprécie en tenant compte du droit invoqué et de l'atteinte portée à ce droit, la mesure ordonnée en référé étant destinée à rétablir le titulaire dans ses droits ainsi méconnus. Pour apprécier l'urgence, la Cour doit vérifier quelle était la situation à la date à laquelle le premier juge a statué tout en tenant compte le cas échéant de tous éléments ayant pu la faire évoluer. La charge de la preuve de l'urgence pèse sur celui qui la revendique.
En l'espèce, la SCI B prétend que la réalisation des travaux programmés par la SARL A présenterait un risque pour la consistance et la solidité de l'immeuble, et notamment de son appartement. La SCI B justifie que les travaux peuvent présenter des risques pour la structure de l'immeuble et sont susceptibles de porter atteinte à ses intérêts au regard notamment des restrictions qui pourraient être imposées au cas de modification similaire des autres étages. Les craintes évoquées reposent sur des éléments sérieux qui caractérisent l'urgence de faire arrêter les travaux dans l'attente d'un contrôle de la conformité technique du projet, ainsi que l'a justement retenu le juge des référés, que ce soit pour les ouvertures envisagées ou bien encore notamment la démolition du plancher surélevé. Il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020
En la cause de :
* - La société à responsabilité limitée A, au capital de XX euros, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n°XXX dont le siège social est sis à Monaco, X1 représentée par son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
* - La Société Civile Immobilière dénommée « B », dont le siège social est sis X2 à Monaco, immatriculée au Répertoire Spécial des Sociétés Civiles de Monaco sous le n°YY, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, Monsieur a. G. domicilié et demeurant X3 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
* - Monsieur m. C., né le 3 avril 1957 à Johannesburg (Afrique du Sud), de nationalité britannique, domicilié X4 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat en cette même Cour ;
INTERVENANT VOLONTAIRE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance, le 2 octobre 2019 (R. 27) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 17 octobre 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000037) ;
Vu les conclusions déposées les 4 novembre 2019 et 29 juin 2020 par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de m. C. intervenant volontaire ;
Vu les conclusions déposées les 29 avril 2020 et 6 juillet 2020 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SCI dénommée B;
Vu les conclusions déposées le 8 juin 2020 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la SARL A ;
À l'audience du 14 juillet 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL A à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal de première instance le 2 octobre 2019.
Considérant les faits suivants :
La SCI B est propriétaire d'un appartement au sein de l'immeuble W sis X5 à Monaco, situé au-dessus de l'appartement T, acquis le 21 mars 2019 par la SARL A représentée par o. A. qui souhaite notamment, dans le cadre du réagencement de son appartement, démolir partiellement trois portions de voiles béton.
Une demande officielle de travaux a été mise à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la copropriété de l'immeuble W qui s'est tenue le 29 avril 2019, lors de laquelle les travaux envisagés ont été approuvés par la majorité requise.
La propriétaire a par ailleurs obtenu de la Direction de la Prospective, de l'Urbanisme et de la Mobilité un permis de construire sous la date du 26 juin 2019.
La SCI B soutenant n'avoir reçu qu'un descriptif sommaire des travaux relatifs aux modifications envisagées par la SARL A hors tout élément technique, a initié le 28 juin 2019 une instance en annulation de la résolution précitée.
Cette instance est actuellement pendante devant le Tribunal de première instance.
Apprenant que la SARL A souhaitait néanmoins débuter les travaux litigieux dès le 3 octobre 2019, elle a mis en demeure cette dernière d'en suspendre l'exécution aux termes d'un courrier en date du 20 septembre 2019 resté sans réponse.
C'est dans ces conditions qu'elle a saisi le juge des référés par exploit du 25 septembre 2019, afin qu'il soit ordonné, sous astreinte, à la SARL A de suspendre lesdits travaux en indiquant qu'un rapport d'expertise en date du 14 juin 2019 a mis en évidence un risque d'atteinte à la solidité de l'ouvrage.
Par ordonnance du 2 octobre 2019, le juge des référés, a statué ainsi :
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'il appartiendra ;
Mais, dès à présent, par mesure urgente de référé, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, les moyens ci-dessus invoqués faisant corps avec le dispositif ;
Rejetons les prétentions de la SARL A;
Faisons injonction à la SARL A de suspendre immédiatement les travaux qu'elle envisage de réaliser au sein de l'appartement T de l'immeuble W, dans l'attente qu'une décision définitive soit rendue par le Tribunal de première instance sur l'annulation de la résolution n° 21 du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 avril 2019 ou, dans l'attente d'une nouvelle expertise diligentée à la demande d'une ou des parties à l'instance pour apprécier la conformité technique du projet garantissant notamment la stabilité et la sécurité de la structure ;
Et ce, sous astreinte comminatoire de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance ;
Condamnons la SARL A aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation » .
Pour statuer ainsi, le juge des référés, après avoir rappelé qu'il peut, en cas d'urgence, prescrire les mesures conservatoires qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent, a retenu en l'espèce que le démarrage du chantier à compter du 3 octobre 2019 n'apportait pas de garanties suffisantes concernant la maîtrise des risques encourus et d'ores et déjà identifiés, ce qui justifiait de faire droit à la demande de suspension de travaux.
La SARL A a interjeté appel de la décision le 17 octobre 2019.
Aux termes de l'assignation qu'elle a fait délivrer et par conclusions ultérieures déposées le 8 juin 2020, elle demande à la Cour d'être reçue en sa demande et de :
« - infirmer l'ordonnance de référé rendue le 2 octobre 2019, en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
* - déclarer la SCI B irrecevable pour défaut de qualité à agir,
À DÉFAUT,
* - dire et juger que le recours d'un copropriétaire contre une résolution de l'Assemblée Générale n'a pas de caractère suspensif,
À DÉFAUT,
* - dire et juger qu'il n'y a pas de dommage imminent,
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
* - débouter la SCI B de ses demandes, fins et conclusions, ou dire n'y avoir lieu à référé,
SUBSIDIAIREMENT,
* - dire et juger que la suspension des travaux ne peut porter que sur l'ouverture des murs porteurs,
* - réduire l'astreinte à 100 euros par jour,
* - condamner la SCI B aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Arnaud ZABALADANO, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation, qui s'est constitué au lieu et place de Monsieur le bâtonnier y. L. ».
Au soutien de ses demandes elle fait valoir pour l'essentiel que :
* - la demande de la SCI B qui n'a aucune qualité pour lui demander des comptes, est irrecevable,
* - le recours d'un copropriétaire contre une résolution de l'assemblée générale n'est pas suspensif, ce d'autant qu'en l'espèce la SCI B n'a jamais contesté le permis de construire qui lui a été délivré,
* - la faisabilité est attestée par l'ingénieur béton et l'avis favorable du groupe G,
* - toutes les études techniques ont été réalisées et ont confirmé l'absence de risque pour le bâtiment,
* - il n'existe aucun dommage imminent ; le rapport non contradictoire du 14 juin 2019 ne fait état d'aucun risque pour l'immeuble, ce que confirme l'ensemble des études techniques réalisées,
* - toutes les précautions ont été prises pour garantir la solidité de l'immeuble,
* - les travaux litigieux n'ont nullement été entamés, s'agissant simplement des travaux de préparation de l'appartement,
* - subsidiairement, si la Cour estimait qu'un risque persiste, seuls les travaux portant sur la structure du bâtiment devraient être suspendus.
Suivant conclusions du 4 novembre 2019, m. C. est intervenu volontairement à la présente instance en sa qualité de copropriétaire au sein de l'immeuble W.
Aux termes desdites écritures et des conclusions ultérieures déposées le 29 juin 2020, il demande à la Cour, au visa des articles 432 et 436 du Code de procédure civile, de :
« À titre principal,
* - le recevoir en son intervention volontaire sur le fondement de l'article 432 alinéa 1er du Code de procédure civile et l'en déclarer bien fondé,
* - confirmer l'ordonnance de référé du 2 octobre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé l'astreinte journalière à une somme de 500 euros,
* - en conséquence, faire injonction à la SARL A de suspendre immédiatement les travaux qu'elle envisage de réaliser au sein de l'appartement T de l'immeuble W, dans l'attente qu'une décision définitive soit rendue par le Tribunal de première instance sur l'annulation de la résolution n° 21 du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 avril 2019 ou, dans l'attente d'une nouvelle expertise diligentée à la demande d'une ou des parties à l'instance pour apprécier la conformité technique du projet garantissant notamment la stabilité et la sécurité de la structure sous astreinte comminatoire de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir à son bénéfice,
* - débouter la SARL A de toutes demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire,
* - le recevoir en son intervention volontaire sur le fondement de l'article 432 alinéa 2 du Code de procédure civile et l'en déclarer bien fondé,
* - lui donner acte de ce qu'il soutient la SCI B en l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions qu'il adopte et fait siennes,
Ce faisant, et ajoutant à ladite argumentation,
* - confirmer l'ordonnance du 2 octobre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé l'astreinte journalière à une somme de 500 euros,
* - en conséquence, débouter la SARL A de toutes demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
* - condamner la SARL A aux entiers dépens distraits au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Il expose en substance que :
* son intervention volontaire a pour fondement l'article 432 alinéa 1er du Code de procédure civile,
* les travaux projetés risquent sérieusement de porter atteinte à la solidité de l'immeuble et donc à l'intégrité des parties communes et des parties privatives,
* le préjudice qui pourrait en résulter rend recevable sa demande,
* l'appelante omet d'indiquer que le 27 novembre 2019 elle a reçu de la Direction de la Prospective une sommation de suspendre les travaux jusqu'aux termes indiqués dans l'ordonnance,
* les avis favorables ont tous été assortis de réserves et de conditions,
* il existe des divergences entre les avis émis par les spécialistes,
* il sollicite le prononcé d'une astreinte à son profit, fixée à 1.500 euros par jour de retard, pour sanctionner la violation manifeste de l'ordonnance, que constitue la poursuite des travaux par la SARL A
* il n'a commis aucun abus de droit vis-à-vis de l'appelante qui ne démontre l'existence d'aucun préjudice,
* subsidiairement, son intervention sera accueillie à titre accessoire au soutien de la demande de la SCI B
Enfin la SCI B, intimée, a déposé des conclusions les 29 avril et 6 juillet 2020 pour demander à la Cour de :
« - confirmer l'ordonnance de référé du 2 octobre 2020 (sic), sauf en ce qu'elle a fixé l'astreinte comminatoire à une somme de 500 euros,
Statuant à nouveau de ce chef,
* - ordonner la suspension des travaux envisagés par la SARL A au sein de son appartement T de l'immeuble « Y » dans l'attente qu'une décision définitive soit rendue par le Tribunal de première instance sur l'annulation de la résolution n° 21 du procès-verbal de l'assemblée générale du 29 avril 2019, et ce, sous une astreinte comminatoire de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance en date du 3 octobre 2020 (sic),
* - débouter la SARL A de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
À titre subsidiaire,
* - ordonner une expertise judiciaire et voir nommer tout expert qu'il plaira avec mission habituelle en pareille matière et ce, aux frais avancés de la SARL A Maître d'ouvrage,
* - condamner la SARL A aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront tous frais éventuels d'Huissier, de serrurier et de traductions ou autres dont distraction faite au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Elle fait valoir que :
* les documents soumis aux copropriétaires ne comportaient aucune étude de faisabilité et le vote lors de l'assemblée générale a eu lieu en l'absence de la connaissance de l'ensemble des éléments techniques, alors même que les travaux envisagés sont de nature à porter atteinte à la solidité et la structure de l'immeuble,
* sa demande est recevable car elle a intérêt à voir suspendre les travaux qui présentent un risque tant pour les parties communes que pour les parties privatives,
* la décision de suspension des travaux ressort de la compétence autonome du juge des référés pour prendre toute mesure afin de faire cesser des risques et des dommages imminents, en sorte que l'argument tiré de l'absence de caractère suspensif du recours d'un copropriétaire contre une résolution de l'assemblée générale est inopérant,
* au cas d'espèce le risque résulte des éléments produits qui permettent de considérer que les travaux peuvent entraîner des conséquences irréversibles en ce qu'ils constituent une modification importante de la structure de l'immeuble de nature à porter atteinte à sa solidité,
* les calculs des longueurs cumulées d'ouverture, inclus dans l'évaluation de l'incidence des travaux sur le comportement parasismique du bâtiment établis par le groupe H le 25 mai 2020, sont tronqués en ce qu'ils incluent les parties déjà détruites comme des ouvertures existantes non comptabilisées,
* ladite évaluation ne comporte aucun plan d'ouvertures,
* les conditions requises par l'avis de faisabilité ne sont toujours pas remplies,
* en toutes hypothèses, les études des bureaux techniques ne peuvent remplacer l'expertise d'un expert en bâtiment que la Cour pourra le cas échéant ordonner,
* le montant de l'astreinte sera porté à la somme de 1.500 euros par jour de retard compte tenu du non-respect de la décision par l'appelante qui a commencé l'exécution des travaux malgré la suspension ordonnée.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, sont recevables ;
* Sur la recevabilité de la demande :
Attendu que la SARL A a obtenu l'autorisation d'effectuer des travaux de réaménagement dans son appartement T, au sein de l'immeuble W ;
Que la SCI B propriétaire de l'appartement situé immédiatement au-dessus, lui demande en référé de suspendre les travaux qu'elle a décidé d'entreprendre ;
Que la SARL A conteste la qualité à agir de la SCI B pour lui demander directement des comptes, au motif qu'elle aurait dû diriger son action aux fins de suspension des travaux contre le syndicat des copropriétaires à qui incombe la défense des parties communes, en application de l'article 5 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007 modifiée relative à la copropriété des immeubles bâtis ;
Que ce faisant, l'appelante ne conteste pas la qualité à agir de la SCI B mais soulève l'irrecevabilité de sa demande formée selon contre une personne autre que celle à l'encontre de laquelle les prétentions peuvent effectivement être formées, sans pour autant prétendre au cas d'espèce être dénuée du droit à agir dans le cadre de la présente instance, par laquelle, la SCI B copropriétaire, vise à défendre ses intérêts personnels face aux travaux que la société J envisage de faire exécuter et qui font, selon l'intimée, courir un risque à son lot et à la stabilité de l'immeuble ;
Que dans ces circonstances c'est à bon droit que le juge des référés a déclaré la demande de la SCI B recevable ;
* Sur l'intervention volontaire de m. C.:
Attendu que l'intervention a lieu par simples conclusions selon l'article 384 du Code de procédure civile ;
Qu'en l'espèce la recevabilité de l'intervention volontaire de m. C. copropriétaire au sein de l'immeuble W qui dispose d'un droit d'agir, n'est pas contestée par la SARL A; que cette intervention doit donc être déclarée recevable ;
Sur l'absence de caractère suspensif du recours d'un copropriétaire contre une résolution de l'assemblée générale :
Attendu que l'objet du présent litige est étranger à la demande d'annulation de la résolution 21 de l'assemblée générale ayant autorisé les travaux litigieux parallèlement pendante actuellement devant le Tribunal de première instance ; que l'argument tiré de ce qu'un tel recours n'a pas de caractère suspensif a donc à bon droit été rejeté par le magistrat des référés ;
* Sur la présence d'un risque du fait de la réalisation des travaux :
Attendu qu'aux termes de l'article 414 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal de première instance peut ordonner en référé, en cas d'urgence et en toutes matières pour lesquelles il n'existe pas de procédure particulière de référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal ;
Que l'urgence se trouve caractérisée lorsqu'un retard dans la décision serait de nature à compromettre les intérêts du demandeur ; qu'elle s'apprécie en tenant compte du droit invoqué et de l'atteinte portée à ce droit, la mesure ordonnée en référé étant destinée à rétablir le titulaire dans ses droits ainsi méconnus ;
Que pour apprécier l'urgence, la Cour doit vérifier quelle était la situation à la date à laquelle le premier juge a statué tout en tenant compte le cas échéant de tous éléments ayant pu la faire évoluer ;
Que la charge de la preuve de l'urgence pèse sur celui qui la revendique ;
Attendu en l'espèce, que la SCI B prétend que la réalisation des travaux programmés par la SARL A présenterait un risque pour la consistance et la solidité de l'immeuble, et notamment de son appartement ;
Attendu qu'elle verse aux débats :
* - la demande officielle de travaux mise à l'ordre du jour déposée à l'assemblée générale comportant un descriptif sommaire des travaux de six pages en date du 19 mars 2019 intitulé : « Modifications intérieures des locaux existants à usage d'habitation » de la société K aux intérêts de la SARL A accompagné d'un plan de démolition et d'un plan de reconstruction, mentionnant notamment :
« Parties communes :
Sans objet / pas de modifications
Reprise en sous œuvre : Démolition
Trois reprises en sous-œuvre seront réalisées :
une ouverture dans le voile béton entre le séjour et le bureau,
une ouverture dans le voile béton entre le séjour et la cuisine,
une ouverture dans le voile béton afin de créer une porte pour un nouvel accès entre la chambre 2 et la salle de bain 2.
Les reprises en sous-œuvre ont fait l'objet d'une étude réalisée par le groupe H attestée par un avis de faisabilité de la société N et seront jointes au descriptif » ;
Que l'intimée n'est pas contredite lorsqu'elle expose que la demande officielle de travaux mise à l'ordre du jour déposée à l'assemblée générale n'était pas accompagnée des études techniques de faisabilité ;
Que par ailleurs ce descriptif comporte une présentation inexacte de la nature des travaux, puisqu'il y est indiqué que les parties communes ne seront pas affectées alors qu'est prévue la réalisation de trois ouvertures dans le voile béton constituant une partie commune, ce qu'admet l'appelante lorsqu'elle conteste la recevabilité de l'action de la SCI B au motif que la défense des « parties communes » appartient au syndicat des copropriétaires ;
* - le rapport d'expertise effectué par f. A. le 14 juin 2019, aux termes duquel l'expert en bâtiment souligne que les travaux vont porter atteinte à la solidité de l'ouvrage en particulier pendant la phase de démolition ;
la note de faisabilité solidité de la société L du 24 février 2020 portant un avis défavorable afin de prévenir tout risque de dépassement de la valeur maximale d'ouverture autorisée (5%) au regard d'une part de la différence entre le plan fourni au groupe H pour ses études de faisabilité et l'état du logement actuel, d'autre part de l'absence de prise en compte d'agrandissements déjà existants dans le calcul de pourcentage des murs à démolir ;
Que cet avis n'est pas objectivement contredit par le rapport d'évaluation de l'incidence des travaux sur le comportement parasismique du bâtiment réalisé par le groupe H le 25 mai 2020, lequel d'une part est basé sur un plan, faisant apparaître une pièce supplémentaire, ne correspondant pas au plan de l'appartement actuel tel que figurant dans le descriptif sommaire des travaux du 19 mars 2019, d'autre part n'intègre que les ouvertures créées dans le pourcentage d'ouverture, ce qui fausse les calculs qui y sont présentés ;
Que par ailleurs, et ainsi que le fait justement observer la SCI B l'avis de faisabilité structurelle délivré par le groupe G ne portait pas autorisation absolue de réaliser les travaux puisque le bureau précisait que la largeur des ouvertures prévues pourrait si besoin être réadaptée pour appuyer les dispositifs structurels et assurer une diffusion correcte des charges reportées et notait encore le 6 février 2020 que la faisabilité structurelle concernant la démolition du plancher surélevé n'était pas assurée ;
Qu'ainsi la SCI B justifie que les travaux peuvent présenter des risques pour la structure de l'immeuble et sont susceptibles de porter atteinte à ses intérêts au regard notamment des restrictions qui pourraient être imposées au cas de modification similaire des autres étages ;
Que pour sa part m. C. a fondé son argumentation sur les pièces versées aux débats par les autres parties ;
Attendu, dans ces conditions, que les craintes évoquées reposent sur des éléments sérieux qui caractérisent l'urgence de faire arrêter les travaux dans l'attente d'un contrôle de la conformité technique du projet, ainsi que l'a justement retenu le juge des référés, que ce soit pour les ouvertures envisagées ou bien encore notamment la démolition du plancher surélevé ;
Attendu enfin que l'appelante n'a exécuté que partiellement la décision assortie de l'astreinte puisqu'elle a malgré tout entrepris des travaux de préparation de l'appartement ; qu'au regard de cette circonstance et de la dangerosité mise en exergue pour la solidité de l'immeuble, l'astreinte ordonnée a lieu d'être maintenue au montant fixé par le premier juge ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise ;
* Sur la demande supplémentaire d'astreinte par m. C.:
Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour de sanctionner, dans le cadre de l'appel, le non-respect éventuel de la décision par une des parties ;
Que m. C. sera débouté de sa demande ;
* Sur les dépens :
Attendu que la SARL A qui succombe en son appel supportera les dépens d'appel ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Déclare recevable l'intervention volontaire de m. C.
Confirme l'ordonnance de référé rendue le 2 octobre 2019,
Y ajoutant,
Déboute m. C. de sa demande d'astreinte,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Condamne la SARL A aux dépens d'appel avec distraction au profit de Maîtres Richard MULLOT et Olivier MARQUET, avocats-défenseurs sous leur due affirmation, chacun pour ce qui le concerne,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture étant considérée comme donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur général, le dispositif de la décision étant affiché dans la salle des pas perdus du Palais de justice.
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