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03/03/2020 | MONACO | N°18885

Monaco | Cour d'appel, 3 mars 2020, SA Société Générale c/ Monsieur p. L.


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 3 MARS 2020

En la cause de :

- La SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, dont le siège social se trouve 29 boulevard Haussmann, 75009 Paris, prise en la personne de son Directeur Général en exercice, elle-même représentée par sa succursale à Monaco, située Palais de la Scala, 16 avenue de la Costa, poursuites et diligences de son Directeur en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Maxime

ROUILLOT, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- p. L., né le 28 juin 1...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 3 MARS 2020

En la cause de :

- La SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, dont le siège social se trouve 29 boulevard Haussmann, 75009 Paris, prise en la personne de son Directeur Général en exercice, elle-même représentée par sa succursale à Monaco, située Palais de la Scala, 16 avenue de la Costa, poursuites et diligences de son Directeur en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Maxime ROUILLOT, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- p. L., né le 28 juin 1965 à Essen (Allemagne), de nationalité allemande, dont la dernière adresse connue est X1 à Monaco, ne demeurant plus à cette adresse et ne lui connaissant pas d'autre en Principauté ;

INTIMÉ, DÉFAILLANT,

EN PRÉSENCE DE :

Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de de Monaco, en son Parquet Général au Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 21 mars 2019 (R. 3744) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 1er août 2019 (enrôlé sous le numéro 2020/000021) ;

Vu les conclusions déposées le 10 décembre 2019 par le ministère public ;

Vu les conclusions déposées le 28 janvier 2020 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE ;

À l'audience du 4 février 2020, ouï le conseil de la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en ses plaidoiries ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 21 mars 2019.

Considérant les faits suivants :

La SAM MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES, exerçant une activité autour du commerce des bateaux de plaisance représentée par son gérant p. L. a ouvert un compte bancaire sous le n° 00020083428-30 dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE en son agence de Monaco.

Le Tribunal de première instance de Monaco ayant constaté la cessation des paiements de cette société par jugement du 8 juin 2017, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a procédé à sa déclaration de créance auprès du syndic à hauteur de 677.343,16 euros au titre notamment du solde débiteur du compte susvisé lequel a été clôturé le 30 septembre 2017.

La créancière faisait valoir notamment que p. L. s'était engagé le 20 avril 2017 en qualité de caution solidaire pour garantir les encours de la SAM MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES dont il était le gérant dans la limite de 780.000 euros et qu'elle l'avait mis en demeure de payer les sommes dues au titre de la créance contre la SAM MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES.

Cette mise en demeure étant restée vaine, la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a fait assigner p. L. par exploit en date du 30 mai 2018 devant le Tribunal de première instance de Monaco à l'effet d'obtenir, sous le régime de l'exécution provisoire, sa condamnation au paiement de la somme de 677.349,16 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement.

Suivant jugement en date du 31 juillet 2018, le Tribunal de première instance, statuant par défaut et avant dire droit, a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à la requérante de conclure sur sa compétence au regard des dispositions de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a entendu maintenir ses demandes initiales en soutenant que la clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises insérée dans l'engagement de caution n'était pas applicable et que le droit français ayant vocation à régir le fond du litige prévoyait la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle demeure le défendeur.

Le Procureur Général a pour sa part demandé au Tribunal de se déclarer compétent pour connaître du litige, de dire que le différend est soumis au droit de la consommation français et de lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur le fond.

Suivant jugement en date du 21 mars 2019, le Tribunal de première instance, statuant par défaut :

* s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'action engagée par la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE par acte d'huissier en date du 30 mai 2018,

* a condamné la SA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux entiers dépens de l'instance,

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Aux motifs de cette décision, les premiers juges ont en substance retenu que la qualité de commerçant de Monsieur L. doit être appréciée au regard du droit français et que l'article 9 de la loi n° 1.448 relative au droit international privé ne prévoit aucune dérogation à la mise en œuvre d'une clause conventionnelle attributive de compétence au profit d'une juridiction française, en sorte que le Tribunal de première instance n'était pas compétent pour connaître de ce litige.

Suivant exploit d'appel en date du 1er août 2019, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a interjeté appel du jugement susvisé à l'effet de voir réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 21 mars 2019 et dire et juger que les juridictions monégasques sont compétentes pour se prononcer sur le présent litige tout en condamnant Monsieur p. L. pris en sa qualité de caution de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES au paiement de la somme de 677.349,16 euros au titre du solde débiteur du compte n° 00020083428-30 outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 jusqu'à parfait paiement, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de cet appel, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE observe pour l'essentiel que :

* le Tribunal de première instance a soumis à tort l'appréciation de sa compétence au droit monégasque alors même que les parties avaient choisi de soumettre leur contrat au droit français,

* en cas de désignation d'un tribunal étranger par les parties, les règles matérielles de ce droit étranger doivent être appliquées dans leur ensemble, en sorte que le Tribunal de première instance ne pouvait décliner sa compétence en référence à la loi monégasque alors même qu'il venait de constater la désignation du droit français en application du contrat de caution signé le 20 avril 2017,

* en vertu du droit français applicable à la cause, la clause attributive de compétence devait cumuler les deux conditions prévues par l'article 48 du Code de procédure civile et devait, pour être valable, être conclue entre commerçants et désigner le lieu de situation du Tribunal choisi,

* Monsieur L. n'avait pas la qualité de commerçant, le cautionnement consenti ne pouvant lui conférer une telle qualité,

* la compétence des juridictions monégasques devait être déterminée en fonction des règles de droit commun français en matière de compétence territoriale,

* la dernière adresse connue de la caution se trouvait à Monaco et l'obligation principale a été exécutée en Principauté en sorte que le Tribunal de première instance était parfaitement compétent pour connaître des demandes de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE,

* même si ladite clause devait être considérée comme valable, en droit français la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dispose de la faculté de renoncer à une clause attributive de compétence stipulée dans son seul intérêt en sorte que le Tribunal ne pouvait se déclarer incompétent,

* la créance de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE est établie par les pièces produites consistant dans l'engagement de caution solidaire, la lettre de mise en demeure avec accusé de réception du 18 décembre 2017, et en l'état de la déclaration de créances effectuée entre les mains du syndic liquidateur de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES à concurrence de la somme de 677 349,16 euros.

Monsieur p. L. intimé, régulièrement assigné n'a pas comparu, ni personne pour lui, en cause d'appel.

Madame le Procureur Général, observant que le jugement rendu le 21 mars 2019 ne tranche nullement le fond du litige en ce qu'il déclare le Tribunal de première instance incompétent et se référant aux dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile conclut à l'irrecevabilité de l'appel.

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a conclu le 28 janvier 2020 en demandant à la Cour de :

« Sur la recevabilité,

* dire et juger l'appel régulier en la forme et recevable,

Sur la compétence,

À titre principal,

* dire et juger le droit français applicable à l'appréciation de l'opposabilité de la clause attributive de juridiction à Monsieur L.

* dire et juger que la clause attributive de juridiction aux juridictions françaises est inopposable à Monsieur L.

* constater que tous les critères de rattachement renvoient à la Principauté de Monaco,

En conséquence,

* réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 21 mars 2019,

* dire et juger que les juridictions monégasques sont compétentes pour se prononcer sur le présent litige,

À titre subsidiaire,

* dire et juger le droit français applicable à la faculté de renoncer à la clause attributive de juridiction,

* constater que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a renoncé à l'application de la clause attributive de juridiction,

* constater que le litige présente tous les critères de rattachement à la Principauté de Monaco,

En conséquence,

* réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 21 mars 2019,

* dire et juger que les juridictions monégasques sont compétentes pour se prononcer sur le présent litige,

À titre très subsidiaire,

* constater qu'une procédure en France se révèle impossible,

En conséquence,

* réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 21 mars 2019,

* se déclarer compétente pour statuer sur le présent litige,

À titre infiniment subsidiaire,

* réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 21 mars 2019,

* surseoir à statuer dans l'attente de l'issue que la juridiction étrangère » désignée « ait été saisie et statué sur sa compétence à statuer dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction française se prononçant sur sa compétence,

Au fond,

* condamner Monsieur p. L. pris en sa qualité de caution de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES au paiement de la somme de 677.349,16 euros, au titre du solde débiteur du compte n° 00020083428-30, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017, jusqu'à parfait paiement,

* condamner Monsieur p. L. aux entiers dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sur sa due affirmation ».

Sur la recevabilité de l'appel, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, faisant référence aux dispositions de l'article 423 du Code de procédure civile, estime que le jugement entrepris a tranché une exception de procédure et notamment d'incompétence ayant mis fin à l'instance en sorte que l'appel est recevable.

Réitérant par ailleurs les moyens précédemment soulevés, la société appelante fait valoir que :

* la clause attributive de compétence n'est pas valable au regard des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile français dès lors que la qualité de commerçant de Monsieur L. n'est pas établie en droit français,

* en toute hypothèse même si la clause attributive de compétence devait être déclarée valable le jugement sera réformé dès lors que la banque bénéficiaire de cette clause avait la faculté de renoncer à son bénéfice dans la mesure où la clause était stipulée dans son seul intérêt. Cette faculté de renonciation est expressément prévue en droit français et n'a jamais été exclue par les juridictions monégasques,

* à titre infiniment subsidiaire, la clause ne mentionne pas s'il convient de saisir une juridiction civile ou le Tribunal de commerce, ni ne définit le lieu de situation de la juridiction à saisir en sorte qu'elle se trouve inapplicable au regard de son imprécision,

* si la Cour devait considérer que la clause attributive de juridiction est valable, elle prononcera en tout état de cause un sursis à statuer par référence aux dispositions de l'article 9 de la loi du 28 juin 2017 dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction française se prononçant sur sa compétence.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu sur la recevabilité de l'appel, qu'il résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 423 du Code de procédure civile que les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance peuvent être immédiatement frappés d'appel ;

Que le jugement rendu le 21 mars 2019, bien que ne tranchant pas le fond du litige ainsi que le conclut le Ministère public, met néanmoins fin à l'instance en ce que cette juridiction se déclare incompétente pour connaître du différend porté devant elle ;

Que l'incident tiré de la mise en œuvre d'une clause attributive de compétence au bénéfice d'une juridiction étrangère et de l'application de la loi n° 1.448 relative au droit international privé ayant donné lieu au jugement avant dire droit du 31 juillet 2018 a eu incontestablement pour effet de mettre fin à l'instance au sens des dispositions de l'article 423 alinéa 2 du Code de procédure civile puisque la juridiction du premier degré a exclu sa compétence pour statuer ;

Attendu que l'appel doit dès lors être déclaré recevable ;

Attendu que la société appelante conclut à la compétence de la juridiction monégasque en dépit de la présence dans l'engagement de caution du 2 avril 2017 d'une clause prévoyant l'application du droit français et la compétence des tribunaux français, tout en se prévalant des dispositions de l'article 48 du Code de procédure civile français, aux termes duquel une clause attributive de compétence doit, pour être reconnue valable, être conclue entre commerçants et désigner le lieu de situation du Tribunal choisi ;

Que la société appelante affirmant que Monsieur p. L. n'est pas commerçant en déduit d'une part que la clause attributive de compétence ne peut pas être considérée comme valable en droit français alors d'autre part que le Tribunal de première instance de Monaco apparaît compétent puisque la dernière adresse connue de la caution se trouve située à Monaco et que l'obligation principale faisant l'objet de l'engagement de caution a été intégralement exécutée sur le territoire de la Principauté ;

Mais attendu que par application de l'article 3 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 portant Code du droit international privé, la compétence internationale des tribunaux de la Principauté est déterminée par ce texte normatif, hormis les cas où la loi en disposerait autrement ;

Que de telles dispositions apparaissent en conséquence applicables à la question posée consistant à déterminer les conditions de mise en œuvre d'une clause attributive de compétence dès lors d'une part qu'il en résulte un élément d'extranéité et, d'autre part, que seule la loi du for a vocation à régir la propre compétence des juridictions monégasques à défaut en l'espèce de toute disposition contraire ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 relative au droit international privé concernant les clauses attribuant compétence à une juridiction étrangère que :

« Si les parties sont convenues, dans les conditions prévues à l'article précédent, de la compétence d'une juridiction étrangère, la juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause sursoit à statuer tant que la juridiction étrangère désignée n'a pas été saisie ou, après avoir été saisie, n'a pas décliné sa compétence. La juridiction monégasque saisie peut cependant connaître du litige si une procédure étrangère se révèle impossible ou s'il est prévisible que la décision étrangère ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra pas être reconnue dans la Principauté » ;

Attendu que les premiers juges ont déduit leur incompétence de telles dispositions légales combinées à celle de l'article 10 de la même loi tout en relevant que la clause litigieuse exprime de façon claire une attribution de compétence internationale des juridictions françaises qui seront saisies selon les règles du droit interne de ce pays ;

Mais attendu que les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences légales des dispositions normatives précitées, pourtant dénuées d'équivoque, en ce que le Tribunal monégasque saisi en méconnaissance d'une clause attribuant compétence à une juridiction étrangère doit surseoir à statuer tant que cette juridiction désignée n'a pas été saisie ou si, après avoir été saisie, elle n'a pas décliné sa compétence ;

Qu'une seule exception à cette obligation de surseoir à statuer apparaît prévue si la procédure étrangère se révèle impossible ou s'il est prévisible qu'elle ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra pas être reconnue en Principauté ;

Attendu à cet égard que la rédaction même de la clause attributive de compétence ne permet pas de déterminer quelle juridiction française est territorialement compétente à défaut de toute précision de ce chef et de tout lien de rattachement objectif ;

Qu'en effet, l'article 13 de l'engagement de caution du 20 avril 2017 se borne à indiquer que le présent cautionnement est soumis au droit français et à la compétence des tribunaux français, sans aucune autre précision permettant de désigner nommément le Tribunal français compétent tant du point de vue de la compétence territoriale que s'agissant de la nature de la juridiction concernée ;

Qu'aucun lien de rattachement objectif ne permet en outre de pallier une telle imprécision dès lors que le domicile du demandeur se situe à Monaco, où se trouve également située la dernière résidence connue du défendeur défaillant et où l'acte de cautionnement a été signé, étant encore précisé que la créance procède du solde débiteur d'un compte d'une société monégasque ouvert dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, prise en sa succursale monégasque ;

Attendu que la procédure étrangère se révèle donc impossible au sens des dispositions susvisées de l'article 9 de la loi du 28 juin 2017 à défaut de pouvoir déterminer avec précision la juridiction désignée par les parties, voire même celle présentant un lien suffisant avec le litige ;

Qu'il s'ensuit que le jugement d'incompétence rendu par le Tribunal de première instance le 21 mars 2019 devra être réformé en toutes ses dispositions, cette juridiction devant être déclarée compétente pour statuer sur le présent litige ;

Attendu que l'affaire apparaissant par ailleurs en état d'être jugée, les conditions de l'article 433 du Code de procédure civile apparaissent remplies pour permettre à la Cour d'évoquer l'affaire ;

Attendu que par acte sous-seing privé du 20 avril 2017, Monsieur L. dirigeant de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES, a consenti à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE l'engagement de caution solidaire destiné à garantir tous les encours de la société SARL MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES dans les livres de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE dans la limite de la somme de 780.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 10 ans ;

Qu'il résulte d'un courrier recommandé avec accusé de réception du 18 décembre 2017 que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE a mis en demeure Monsieur L. pris en sa qualité de caution, d'avoir à honorer son engagement de caution et de régler la somme de 677.363,16 euros au titre du solde débiteur du compte au regard de la déclaration de créances effectuée entre les mains du syndic liquidateur, la relance susvisée étant revenue avec la mention non réclamée ;

Attendu qu'en l'état des pièces produites, la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE apparaît fondée à demander la condamnation de Monsieur p. L. en sa qualité de caution de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES au paiement de la somme susvisée de 677.349,16 euros au titre du solde débiteur du compte n° 00020083428-30, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017 ;

Attendu que les entiers dépens de l'instance demeureront à la charge de Monsieur p. L.;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et par défaut,

Déclare l'appel recevable,

Faisant application des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 portant Code du droit international privé,

Réforme le jugement déféré du 21 mars 2019 en ce que le Tribunal de première instance s'est déclaré incompétent,

Dit et juge que les conditions prévues par l'article 9 alinéas 1 et 2 de la loi du 28 juin 2017 font apparaître que la procédure étrangère se révèle impossible en l'état de l'imprécision de la clause attributive de compétence, en sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer,

Dit et juge que les juridictions monégasques sont compétentes,

Évoquant l'affaire par application des dispositions de l'article 433 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur p. L. en sa qualité de caution de la société MONACO YACHTING & TECHNOLOGIES au paiement de la somme de 677.349,16 euros au titre du solde débiteur du compte n° 00020083428-30, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 18 décembre 2017,

Laisse à la charge de Monsieur p. L. les entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 3 MARS 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18885
Date de la décision : 03/03/2020

Analyses

Sur la recevabilité de l'appel, il résulte des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 423 du Code de procédure civile que les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance peuvent être immédiatement frappés d'appel.Le jugement rendu le 21 mars 2019, bien que ne tranchant pas le fond du litige ainsi que le conclut le Ministère public, met néanmoins fin à l'instance en ce que cette juridiction se déclare incompétente pour connaître du différend porté devant elle. L'incident tiré de la mise en œuvre d'une clause attributive de compétence au bénéfice d'une juridiction étrangère et de l'application de la loi n° 1.448 relative au droit international privé ayant donné lieu au jugement avant dire droit du 31 juillet 2018 a eu incontestablement pour effet de mettre fin à l'instance au sens des dispositions de l'article 423 alinéa 2 du Code de procédure civile puisque la juridiction du premier degré a exclu sa compétence pour statuer. Dès lors, l'appel doit être déclaré recevable.Par application de l'article 3 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 portant Code du droit international privé, la compétence internationale des tribunaux de la Principauté est déterminée par ce texte normatif, hormis les cas où la loi en disposerait autrement. De telles dispositions apparaissent en conséquence applicables à la question posée consistant à déterminer les conditions de mise en œuvre d'une clause attributive de compétence dès lors d'une part qu'il en résulte un élément d'extranéité et, d'autre part, que seule la loi du for a vocation à régir la propre compétence des juridictions monégasques à défaut en l'espèce de toute disposition contraire.Les premiers juges n'ont pas tiré toutes les conséquences légales du CDIP, pourtant dénuées d'équivoque, en ce que le Tribunal monégasque saisi en méconnaissance d'une clause attribuant compétence à une juridiction étrangère doit surseoir à statuer tant que cette juridiction désignée n'a pas été saisie ou si, après avoir été saisie, elle n'a pas décliné sa compétence.Une seule exception à cette obligation de surseoir à statuer apparaît prévue si la procédure étrangère se révèle impossible ou s'il est prévisible qu'elle ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra pas être reconnue en Principauté.En l'espèce, la procédure étrangère se révèle impossible au sens des dispositions susvisées de l'article 9 de la loi du 28 juin 2017 à défaut de pouvoir déterminer avec précision la juridiction désignée par les parties, voire même celle présentant un lien suffisant avec le litige.Il s'ensuit que le jugement d'incompétence rendu par le Tribunal de première instance le 21 mars 2019 devra être réformé en toutes ses dispositions, cette juridiction devant être déclarée compétente pour statuer sur le présent litige.

Procédure civile  - Contentieux et coopération judiciaire.

Appel civil - Recevabilité de l'appel - Jugement d'incompétence mettant fin à l'instance (oui) - Procédure civile - Compétence d'attribution - Clause attributive de juridiction désignant un juge étranger - Procédure étrangère impossible (oui) - Compétence du juge monégasque (oui).


Parties
Demandeurs : SA Société Générale
Défendeurs : Monsieur p. L.

Références :

article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
Code du droit international privé
article 3 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 423 du Code de procédure civile
loi n° 1.448 du 28 juin 2017
article 48 du Code de procédure civile
article 433 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2020-03-03;18885 ?

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