Abstract
Contrats et obligations - Contrat de mandat - Qualité du mandataire du créancier pour agir contre le débiteur (oui) - Liquidation judiciaire du mandant - Extinction du contrat (non) - Bien-fondé de l'action en paiement (oui)
Résumé
Il résulte des dispositions spéciales dérogatoires édictées par l'article 448 du Code de commerce monégasque et par l'article L. 641-11-1 du Code de commerce français en matière de procédures collectives que l'ouverture d'une liquidation judiciaire autorise la poursuite des contrats en cours. Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la caducité du mandat est rejetée. Le mandataire du créancier, chargé de recevoir le paiement, est bien fondé à agir contre le débiteur, qui ne justifie pas de l'inexécution alléguée.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 18 FEVRIER 2020
En la cause de :
* - La Société L., société anonyme au capital social de 150.000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le numéro X, dont le siège social est situé X1 98000 Principauté de Monaco, prise en la personne de son Administrateur en exercice, f. M. demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Carine PICCIO, avocat au barreau de Paris ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
* - La Société A., société à responsabilité limitée au capital social de 15.000 euros, immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro X, dont le siège social est situé X2, 92100 Boulogne-Billancourt, prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu les jugements rendus par le Tribunal de première instance, les 18 janvier 2018 (R. 2400) et 7 février 2019 (R. 2826) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 13 mai 2019 (enrôlé sous le numéro 2019/000116) ;
Vu les conclusions déposées les 13 septembre 2019 et 20 décembre 2019 par Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, au nom de la société A. ;
Vu les conclusions déposées le 6 novembre 2019 par Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de la société L. ;
À l'audience du 14 janvier 2020, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par la société L. à l'encontre de deux jugements du Tribunal de première instance des 18 janvier 2018 et 7 février 2019.
Considérant les faits suivants :
La société A. indique exercer depuis plusieurs années une activité spécialisée dans le secteur publicitaire et intervenir notamment pour le compte du D.
Par contrat en date du 1er octobre 2015, elle a passé avec la société L. un contrat d'une durée de trois saisons sportives portant sur la nature et l'étendue des droits qui seront cédés par le D. à la société L. ainsi que sur les engagements commerciaux conclus entre ces deux sociétés.
La société A. indique qu'aux termes de ce contrat, la société L. s'est engagée au versement par son intermédiaire d'une somme de 130.000 euros par saison, outre la TVA, en contrepartie des droits publicitaires et promotionnels consentis par le D. et qu'en retour, ce dernier devait commander à la société L. des produits et services d'un montant minimum de 70.000 euros hors TVA à chaque saison sportive.
Elle précise que dès l'établissement des premières factures liées à l'exécution de ce contrat, la société L. a opposé un refus de paiement et a contesté devoir les sommes sollicitées.
Ne parvenant pas à obtenir le paiement des sommes demandées, le 5 janvier 2017, la SAS A. a présenté au Président du Tribunal de première instance une requête en vue d'être autorisée à faire pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes détenus par la société L. auprès de la B. à hauteur de 121.153,19 euros correspondant aux sommes dues, déduites des factures en attente de règlement.
Par ordonnance en date du 11 janvier 2017, le Président du Tribunal a autorisé la société A. à pratiquer la saisie-arrêt sollicitée à concurrence de la somme de 115.000 euros.
Par acte d'huissier en date du 14 février 2017, la société A. a formé la saisie-arrêt ainsi autorisée, et donné assignation à la SAM L. en vue d'obtenir le paiement de la somme de 115.000 euros, objet de la mesure de saisie-arrêt.
La saisie-arrêt que l'huissier de justice a tenté de pratiquer auprès de l'établissement bancaire a révélé que le solde du compte bancaire ouvert en ses livres au nom de la SAM L. était débiteur.
Par jugement en date du 18 janvier 2018, le Tribunal de première instance a déclaré recevable la SARL A. en son action engagée aux termes de son acte introductif d'instance délivré le 14 février 2017 et a renvoyé les parties pour examen du fond de l'affaire.
Par jugement contradictoire en date du 7 février 2019, le Tribunal de première instance a statué ainsi qu'il suit :
« - rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SAM L.
- constate que la saisie-arrêt autorisée par ordonnance présidentielle du 11 janvier 2017 et pratiquée le 14 février 2017 s'est avérée infructueuse et ordonne, en tant que de besoin, sa mainlevée,
- condamne la SAM L. à payer à la société A. une somme de 121.153,19 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- déboute la SAM L. de l'ensemble de ses prétentions,
- déboute la société A. du surplus de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- condamne la SAM L. aux entiers dépens de l'instance, au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
- ordonne que lesdits dépens soient provisoirement liquidés sur état par le Greffier en Chef, au vu du tarif applicable ».
Par exploit d'appel et assignation délivré le 13 mai 2019, la SAM L. a relevé appel du jugement rendu le 18 janvier 2018 et du jugement rendu le 7 février 2019.
Aux termes de cet exploit et des conclusions qu'elle a déposées le 6 novembre 2019, la société L. demande à la Cour, sur le fondement des articles 1104, 1105, 1162, 1842 du code civil, L 649-1 du Code de commerce français et 431 du Code de procédure civile, de :
« - déclarer la société L. recevable et bien fondée en son appel conjoint des jugements n° R. 2400 et R. 2826 ainsi qu'en toutes ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- réformer les jugements n° R. 2400 et R. 2826 rendus par le Tribunal de première instance les 18 février 2018 et 7 février 2019 en ce qu'ils ont :
D'une part :
- déclaré recevable la SARL A. en son action engagée aux termes de son acte introductif d'instance délivré le 14 février 2017,
Et
- condamné la SAM L. aux dépens du présent jugement avec distraction faite au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Et d'autre part :
- rejeté les deux fins de non-recevoir de la SAM L.
- condamné la SAM L. à payer à la société A. une somme de 121.153,19 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- débouté la SAM L. de l'ensemble de ses prétentions,
- condamné la SAM L. aux entiers dépens de l'instance, au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-DU MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Et, statuant à nouveau,
À titre principal :
- déclarer la société A. irrecevable à défaut de qualité à agir ès-qualité de mandataire et/ou de subrogataire aux droits de la société D.
- la déclarer en tout état de cause irrecevable en ses demandes faute de qualité à agir au nom et pour le compte de la société D. , placée en liquidation judiciaire, prononcée par jugement du Tribunal de commerce de Bastia en date du 5 septembre 2017,
En conséquence,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins, moyens et prétentions de la société A.,
À titre subsidiaire :
- rejeter l'ensemble des demandes, fins, moyens et prétentions de la société A. en l'état de l'inexécution par la société A. de ses obligations contractuelles au titre du contrat conclu le 1er octobre 2015 entre L., A. et le D. ,
À titre très subsidiaire :
- déclarer infondée la demande de paiement de la société A. du solde la facture BR-1516-272 du 26 mai 2016 d'un montant de 65.000 euros HT,
En conséquence,
- fixer le montant de la créance due par société L. à la société A. à la somme de 56.153,19 euros HT, en l'état de l'absence de paiement du D. des factures n° 800273, n° 810012, n° 810061, n° 810110, d'un montant total de 32.618,66 euros HT,
En tout état de cause :
- débouter la société A. de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
- condamner la société A. au paiement à la société L. de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en l'état de l'abus du droit d'ester en justice de la société A.,
- condamner la société A. aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, distraits au profit de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
La société appelante soutient que les demandes formées par la société A. sont irrecevables en ce que d'une part, à défaut de paiement préalable, le contrat litigieux ne saurait être assimilé à une subrogation conventionnelle, de sorte que la société A. ne pourrait subroger la société D. notamment, aux fins de poursuivre, en ses lieu et place, ès-qualités de subrogataire, le paiement des sommes qu'elle réclame, d'autre part, en ce que le mandat que la société D. a confié à la société A. aux fins de recouvrer ses créances est caduc en raison de l'ouverture, depuis le 5 septembre 2017, d'une procédure de liquidation judiciaire par le Tribunal de commerce de BASTIA à l'encontre de la société D., ce en application de l'article 1842 du Code civil.
À titre subsidiaire, elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'elle a été condamnée à payer la somme de 121.153,19 euros à la société A.
Elle invoque l'inexécution, par la société A., de ses propres obligations, faisant valoir que si le D. a exécuté une partie de ses obligations contractuelles, il a brusquement interrompu la mise en avant de la marque C.
Elle précise qu'en application du principe de l'exception d'inexécution, elle a refusé de procéder au règlement des factures.
Elle fait grief au jugement d'avoir, en relevant qu'elle ne produisait aucun élément de nature à caractériser une défaillance de sa cocontractante, inversé la charge de la preuve.
À titre très subsidiaire, elle sollicite le rejet de la demande de paiement de la facture portant le numéro BR-1516-272, du 26 mai 2016, comme ayant été émise postérieurement à l'exception d'inexécution dont se prévaut la société intimée.
Elle conclut également au rejet de la demande en résolution judiciaire du contrat à ses torts exclusifs exposant d'une part, que les conditions d'une résolution ne sont pas remplies dès lors que le contrat n'est pas synallagmatique et que les autres parties au contrat n'ont pas respecté leurs engagements, d'autre part, que le contrat a déjà été résilié en application de son article 7. Elle fait enfin valoir que la société A. n'a subi aucun préjudice.
Aux termes des conclusions qu'elle a déposées les 13 septembre et 20 décembre 2019, la société A. demande à la Cour, sur le fondement des articles 1002, 1004 et 1162 du Code civil, de :
« - la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
- débouter la société L. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et par conséquent,
- confirmer les jugements des 18 janvier 2018 et 7 février 2019 en toutes leurs dispositions, sauf en ce que la seconde décision a débouté la société A. du surplus de ses demandes,
Et statuant à nouveau,
- réformer partiellement le jugement du 7 février 2019 en ordonnant la résolution judiciaire du contrat conclu le 1er octobre 2015 aux torts exclusifs de la société L.
- condamner la société L. à verser à la société A. la somme de 312.000 euros au titre de dommages et intérêts résultant de l'inexécution de ses obligations contractuelles, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement et sauf mémoire,
En tout état de cause,
- condamner la société L. à verser à la société A. la somme de 27.693,78 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondus, augmentée des intérêts au taux légal jusqu'à parfait paiement,
- condamner la société L. à tous frais et dépens, lesquels comprendront notamment les frais et accessoires, frais d'huissier, d'expertises et traductions éventuels dont distraction au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».
Elle fait tout d'abord valoir que son action est recevable, exposant qu'elle est partie au contrat signé le 1er octobre 2015 et que la mise en liquidation judiciaire du D. qui n'est pas partie à l'instance, ne peut avoir aucun impact au cas d'espèce.
Sur le fond, elle soutient que les obligations promotionnelles résultant du contrat signé le 1er octobre 2015 ont été dûment respectées tant par elle-même que par le D.
Sur ce point, elle souligne la présence du logo de la société adverse à divers endroits du stade, notamment sur le maillot des joueurs du club, sur les panneaux publicitaires placés en ligne de touche et en ligne de but, sur les panneaux partenaires installés dans les tribunes, et ajoute que la marque C. demeure à ce jour le partenaire privilégié du D.
Elle relève que si la société L. continue de prétendre qu'elle aurait refusé de procéder au règlement des factures émises par la société A. en application du principe de l'exception d'inexécution, elle n'apporte aucun élément sur ce point, se limitant à procéder par voie d'infirmation.
Elle conclut au rejet de la demande formulée à titre très subsidiaire par la société L. tendant à voir réduire le montant de sa créance à la somme de 56.153,18 euros hors-taxes.
Elle sollicite la réformation partielle du jugement du 7 février 2019 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de résolution judiciaire du contrat conclu entre les parties le 1er octobre 2015 aux torts exclusifs de la société adverse.
Elle reproche aux premiers juges de ne pas avoir tiré les conséquences de leurs propres constatations, alors pourtant qu'ils avaient admis que la société L. n'avait pas respecté ses obligations au titre du contrat conclu avec le D. et la société A.
Elle rappelle qu'il s'agit d'un contrat synallagmatique et que l'article 6.2 du contrat permet, en cas de défaut de paiement des factures par l'une ou l'autre partie, à l'autre partie de dénoncer le contrat de manière anticipée. Elle s'estime fondée à solliciter des dommages-intérêts résultant de l'inexécution des obligations contractuelles par la société adverse.
Enfin, elle sollicite des dommages-intérêts compte tenu de la résistance abusive et de la mauvaise foi manifestée par la société L. à laquelle elle reproche d'une part, de faire durer cette procédure afin d'échapper à ses obligations contractuelles d'autre part, d'avoir relevé appel sans apporter le moindre élément nouveau. Elle considère que cette nouvelle procédure est dilatoire et vexatoire.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus développées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
* 1-Attendu que les appels, principal et incident, relevés dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile, sont réguliers et recevables ;
* 2-Attendu qu'en application de l'article 278-1 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer la demande irrecevable, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, défaut d'intérêt, une déchéance, forclusion, la prescription ou la chose jugée ;
Attendu que l'article 1104 du Code civil énonce que la subrogation dans les droits du créancier au profit d'une tierce personne qui le paie, est ou conventionnelle ou légale ;
Qu'aux termes de l'article 1105 de ce Code, la subrogation est conventionnelle lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne, la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur. Cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement ;
Qu'au cas d'espèce, la société appelante soulève l'irrecevabilité des demandes formées par la société A. pour défaut de qualité à agir, tiré de ce que les conditions de la subrogation conventionnelle alléguée par la société intimée ne sont pas réunies ;
Mais attendu qu'en cause d'appel, la société A. ne se prévaut pas d'une subrogation conventionnelle ;
Que dès lors, la fin de non-recevoir de ce chef sera rejetée, par voie de confirmation du jugement du 18 janvier 2018 ;
Qu'en conséquence, le jugement rendu le 18 janvier 2018 par le Tribunal de première instance sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la société A. en son action ;
* 3-Attendu que la société appelante soulève également l'irrecevabilité des demandes formées par la société A. pour défaut de qualité à agir, tiré de l'absence de mandat du fait de la liquidation judiciaire de la société D. ;
Que sur ce point, la société A. se réfère à la motivation retenue par le Tribunal de première instance ;
Que, pour débouter la société L. de cette fin de non-recevoir, les premiers juges ont retenu en premier lieu, que cette société n'avait exercé aucun recours à l'encontre de la décision du 18 janvier 2018 et que dès lors elle n'était plus recevable à soutenir une irrecevabilité fondée sur la qualité juridique de la société A., en deuxième lieu, que la décision précitée avait relevé l'autonomie de l'action de la société A. en sa qualité de partie distincte non assimilable à une situation de mandataire ou de subrogée, et enfin que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société D. ne pouvait avoir aucune incidence sur la présente instance ;
Mais attendu que d'une part, en application de l'article 423 du Code de procédure civile, il ne peut être relevé appel à l'encontre d'un jugement avant-dire droit n'ayant pas mis fin à l'instance, comme au cas d'espèce, qu'après le jugement au fond et conjointement à l'appel formé à l'encontre de celui-ci ;
Que d'autre part, le contrat du 1er octobre 2015, dont l'application est poursuivie par la société A. à l'encontre de la société L. a été signé entre la SAM L. la société D. et la société A., en sa qualité de représentante de la société D. ;
Qu'aux termes de l'article 4 du contrat, la société L. s'est engagée à verser à la société A. « qui percevra pour le compte du D., au titre de chaque saison sportive couverte par le présent contrat :
- dans le cas où le D. évolue en Ligue 1 : la somme de 130.000 euros H. T . .../..., somme à laquelle se rajoutera la TVA en vigueur au moment de la facturation »,
Ce paiement devant être effectué par la société L. « pour chaque saison sportive couverte par le présent contrat, dans le mois de la réception des factures émises par A., aux échéances suivantes .../... »,
- « dans le cas où le D. évolue en ligue 1 et d'un classement final du D. à la fin de chaque saison sportive parmi les 3 premières places de la compétition », la société L. « versera à A. qui percevra pour le compte du D., la somme de 50.000 euros H. T..../..., Somme à laquelle s'ajoutera la TVA en vigueur au moment de la facturation. Dans ce cas, le paiement de cette somme sera effectué par la SOCIÉTÉ dans le mois de la réception de la facture émise par A. à la date de publication officielle du classement par la ligue de Football professionnel. A. étant mandataire du D., le paiement à A. vaudra paiement au D., ce que ce dernier reconnaît par avance » ;
Qu'il est difficile, au regard des dispositions contractuelles précitées et du rôle assigné à la société A., de ne pas reconnaître à celle-ci la qualité de mandataire de la société D. , quand bien même le droit lui serait reconnu de dénoncer le contrat, en cas de défaillance d'une autre partie ;
Attendu que, par ailleurs, il est constant qu'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société D. a été ouverte par un jugement rendu le 5 septembre 2017 par le Tribunal de commerce de BASTIA ;
Que si comme le soutient la société appelante, tant l'article 1842 du Code civil monégasque que l'article 2003 du Code civil français énoncent que le mandat finit par la déconfiture soit du mandant, soit du mandataire, il résulte des dispositions spéciales dérogatoires édictées par l'article 448 du Code de commerce monégasque et par l'article L641-11-1 du Code de commerce français en matière de procédures collectives que l'ouverture d'une liquidation judiciaire autorise la poursuite des contrats en cours ;
Que dès lors, la fin de non-recevoir tirée de la caducité du mandat sera rejetée, par voie de confirmation du jugement du 7 février 2019 entrepris ;
* 4-Attendu que l'article 929 du Code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Que l'article 1162 de ce Code énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ;
Attendu qu'au cas d'espèce, il est constant que le 1er octobre 2015, la société L. la société A. et le D. ont conclu un contrat fixant les modalités de cession des droits publicitaires et promotionnels par le D. à la société L. pour les trois saisons sportives de 2015/2016, 2016/2017 et 2017/2018 ;
Que l'article 4 du contrat, visé au point 3 de l'arrêt, énonce les obligations de paiement que la société L. a souscrites envers la société A., consistant à payer la somme de 130.000 euros hors taxe par an, en deux échéances biannuelles ;
Que ces dispositions contractuelles, dont la validité n'est pas contestée, font la loi des parties ;
Que pour justifier de sa créance, la société A. verse aux débats le contrat établi entre les parties ainsi que les factures qu'elle a émises à l'intention de la société L. ;
Qu'il est constant que la société L. n'a pas honoré le paiement de certaines de ces factures, parmi lesquelles une facture portant le numéro BR-1516-164 du 16 décembre 2015, d'un montant de 65.000 euros hors-taxes, soit 78.000 euros TTC, qui lui a été adressée lors de son émission, puis à nouveau le 20 janvier 2016 par un courrier de relance recommandé avec accusé de réception, également produit aux débats ;
Que l'intimée a adressé un courrier de mise en demeure à la société L. le 21 avril 2016 ;
Que la société A. communique également la sommation qu'elle a fait délivrer le 22 décembre 2016 à la société L. pour un montant total de 159.359,34 euros, correspondant à la facture précitée d'un montant de 65.000 euros émise le 16 décembre 2015, outre les intérêts ayant couru du 1er janvier 2016 au 19 décembre 2016, et à la facture émise le 26 mai 2016, d'un montant de 65.000 euros, outre les intérêts ayant couru du 1er juillet 2016 au 19 décembre 2016 ;
Que les deux factures qui sont visées, correspondant aux échéances des 31 décembre 2015 et 30 juin 2016 pour la saison 2015/2016, ont été jointes à la sommation de payer ;
Que le 5 janvier 2017, la société A. déposait une requête auprès du Président du Tribunal de première instance afin d'être autorisée à pratiquer une saisie-arrêt sur les comptes ouverts au nom de la société L. dans les livres de la B. ;
Que par ordonnance du 11 janvier 2017, il était fait droit à cette demande ;
Que cependant, faute d'approvisionnement du compte, la saisie-arrêt ainsi autorisée n'a pas pu prospérer ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la société A. justifie suffisamment de sa créance ;
Que pour s'opposer au paiement de celle-ci, la société appelante invoque, à l'encontre de la société A., l'exception d'inexécution, faisant valoir que cette dernière n'aurait pas rempli ses obligations ;
Que cependant, il appartient à celui qui invoque l'exception d'inexécution de rapporter la preuve de l'inexécution alléguée ;
Qu'au cas d'espèce, non seulement la société appelante ne produit aucune pièce susceptible de démontrer l'inexécution par la société A. de ses obligations, mais s'abstient, dans ses écritures, de caractériser de manière détaillée les manquements allégués que ce soit dans leur matérialité ou dans le temps, se limitant à indiquer que le D. n'aurait exécuté qu'une partie de ses obligations contractuelles, avant de « cesser ses obligations promotionnelles », et aurait « brusquement interrompu la mise en avant » de la marque C. ;
Que la société L. allègue l'impossibilité de rapporter une telle preuve, négative selon elle ;
Que cependant, rien ne l'empêchait de détailler les manquements déplorés, ce qu'elle s'abstient de faire ;
Qu'il lui était également loisible de faire procéder à des constats d'huissier, ou à la prise de clichés, qui auraient pu révéler que le logo de la marque C. n'était plus représenté sur les panneaux publicitaires du stade, ni sur la tenue vestimentaire des joueurs, ou représenté d'une manière non conforme aux stipulations édictées par l'article 3 du contrat ;
Qu'elle ne justifie pas davantage avoir adressé la moindre mise en demeure aux autres parties au contrat, en vue de les contraindre à remplir leurs obligations prétendument méconnues ;
Qu'à l'inverse, la société A. verse aux débats diverses photographies attestant, notamment, de la présence, dans le stade, de publicités de la marque C., ainsi que sur le maillot des joueurs de l'équipe de football et lors de conférences de presse ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, aucune exception d'inexécution n'est caractérisée à l'encontre de la société A. ;
Attendu que, par ailleurs, la société appelante sollicite, à titre très subsidiaire, le rejet de la demande en paiement de la facture BR-1516-272, au motif qu'elle aurait été émise postérieurement à l'exception d'inexécution dont se serait prévalue la société A. pour s'abstenir de payer quatre factures émises par la société L. ;
Mais attendu qu'en cause d'appel, la société A. ne se prévaut d'aucune exception d'inexécution à l'encontre de la société appelante ;
Qu'en outre, le fait que la facture litigieuse ait été émise le 26 mai 2016, postérieurement à l'exception d'inexécution dont se serait prévalue la société A., ne suffit pas à démontrer que cette facture constituerait la contrepartie des prestations non exécutées ;
Que dès lors, la société appelante sera déboutée de sa demande, par voie de confirmation du jugement du 7 février 2019 ;
* 5-Attendu que l'article 1039 du Code civil énonce que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix, ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ;
Que la résolution du contrat doit être demandée en présence de toutes les parties ;
Or attendu qu'au cas d'espèce, le contrat litigieux a été établi entre la société L. la société D. et la société A. ;
Qu'en l'absence, aux débats, de la société D., il ne peut être fait droit à la demande de résolution du contrat ;
Qu'il s'ensuit que le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 7 février 2019 mérite d'être confirmé en ce qu'il a débouté la société A. de sa demande de résolution judiciaire du contrat ;
* 6-Attendu que l'article 1002 du Code civil énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement des dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ;
Attendu qu'au cas d'espèce, il est constant que la société appelante n'a pas honoré le paiement des deux factures précitées, sans que l'existence d'une cause étrangère ne pouvant lui être imputée ne soit établie ;
Mais attendu qu'en application de l'article 1008 du Code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce de cautionnement ;
Que dès lors, la société intimée est mal fondée à réclamer le manque à gagner d'un montant de 312.000 euros TTC dont elle aurait pu bénéficier au titre des deux saisons restantes, étant observé au surplus qu'aucune résolution judiciaire du contrat n'a été prononcée ;
Qu'elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande par voie de confirmation du jugement du 7 février 2019 ;
* 7-Attendu que succombant en cause d'appel, la société L. est mal fondée à solliciter l'allocation de dommages-intérêts ;
* 8-Attendu que si la société A., qui a délivré l'assignation introductive d'instance à l'encontre de la société L. le 14 février 2017, peut invoquer la résistance de cette dernière, elle ne démontre pas que cette résistance revêtirait un caractère abusif ;
Que, par ailleurs, l'article 431 du Code de procédure civile ne fait nullement obligation à l'appelant d'invoquer des moyens nouveaux ;
Que la défense à une action en justice représente l'exercice d'un droit ;
Qu'au cas particulier, il n'est pas démontré en quoi, en relevant appel, la société L. aurait intenté une procédure dilatoire et vexatoire ;
Qu'enfin, la société A. n'établit pas en quoi l'action de la société appelante aurait porté atteinte à sa réputation ;
Qu'en conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
* 9-Attendu qu'en raison de sa succombance, la société L. supportera les entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels, principal et incident, formés contre les jugements rendus le 18 janvier 2018 et le 7 février 2019 par le Tribunal de première instance,
Confirme le jugement rendu le 18 janvier 2018 par le Tribunal de première instance en ses dispositions appelées,
Confirme le jugement rendu le 7 février 2019 par le Tribunal de première instance en ses dispositions,
Déboute la société A. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure d'appel dilatoire et vexatoire,
Condamne la société L. aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de Maître Pierre-Anne NOGHES-du MONCEAU, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 18 FEVRIER 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.
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