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14/01/2020 | MONACO | N°18724

Monaco | Cour d'appel, 14 janvier 2020, La SAM A c/ La SA B et la SARL D


Abstract

Compétence civile et commerciale - Compétence territoriale - Relations contractuelles internationales - Clause attributive de compétence à une juridiction étrangère - Application (oui) - Codéfendeur domicilié à Monaco tiers au contrat - Élément opérant (non)

Résumé

Dès lors que les parties à un contrat sont convenues de la compétence d'une juridiction étrangère par l'effet d'une clause conventionnelle attributive de compétence, il s'induit des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé

que la juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause doit surseoir à...

Abstract

Compétence civile et commerciale - Compétence territoriale - Relations contractuelles internationales - Clause attributive de compétence à une juridiction étrangère - Application (oui) - Codéfendeur domicilié à Monaco tiers au contrat - Élément opérant (non)

Résumé

Dès lors que les parties à un contrat sont convenues de la compétence d'une juridiction étrangère par l'effet d'une clause conventionnelle attributive de compétence, il s'induit des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé que la juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause doit surseoir à statuer tant que la juridiction étrangère désignée n'a pas été saisie ou, si elle l'a été, tant qu'elle n'a pas décliné sa compétence. Le fait que l'assignation vise également un codéfendeur domicilié à Monaco, tiers au contrat, ne saurait faire obstacle à l'application de la clause attributive de juridiction puisque les demandes formées à l'encontre de cette entité n'apparaissent pas indivisibles avec celles formées contre la société de droit français.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 14 JANVIER 2020

En la cause de :

* - La SAM A, Société Anonyme Monégasque, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° X, dont le siège social est sis X1à 98000 Monaco (MC), agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Olivier CARLES DE CAUDEMBER, avocat au barreau de Nice, substituant Maître Dominique SALVIA, avocat en ce même barreau ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

* - 1/La SA B, Société Anonyme de droit français au capital social de 625.040,97 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le n° X, dont le siège social est sis X1 75009 Paris, prise en la personne du Président du Conseil d'Administration, y domicilié ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Xavier HENRY, avocat au barreau de Paris ;

* 2/La SARL D, Société à Responsabilité Limitée Monégasque, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie de Monaco sous le n° X, dont le siège social est X2 à 98000 Monaco (MC), prise en la personne de son gérant en exercice, y domicilié ès-qualités ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Richard VALEANU, avocat au barreau de Paris ;

INTIMÉES,

EN PRÉSENCE DE :

* Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, demeurant en son Parquet Général, Palais de Justice, 5 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco (98000) ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 25 avril 2019 (R. 4397) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 21 mai 2019 (enrôlé sous le numéro 2019/000118) ;

Vu les conclusions déposées le 9 juillet 2019 par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SA B ;

Vu les conclusions déposées le 15 octobre 2019 par Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de la SARL D ;

Vu les conclusions déposées le 20 novembre 2019 par le ministère public ;

À l'audience du 3 décembre 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 25 avril 2019.

Considérant les faits suivants :

La société anonyme monégasque A (ci-après appelée SAM A, détaillant de produits d'horlogerie et de joaillerie, par le biais de plusieurs points de vente dans la Principauté, a conclu avec la société anonyme (SA) de droit français B, qui intervient dans le domaine de la haute-horlogerie de luxe, des contrats successifs de détaillant agréé afin de distribuer les produits de cette marque dans ses différents magasins, soit :

* - un premier contrat avec effet du 1er janvier 2001,

* - un deuxième contrat succédant au précédent, daté du 23 mars 2009,

* - un troisième contrat du 12 novembre 2011, à échéance initialement fixée au 31 décembre 2011, tacitement reconductible pour une durée d'une année dans la limite maximale de cinq années d'exécution, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties avec un préavis de six mois.

La société B a informé la société A par courrier du 20 juin 2013 que ce dernier contrat ne serait pas renouvelé à son échéance du 31 décembre 2013, accordant à celle-ci un délai de préavis jusqu'au 30 juin 2015.

Une boutique B exploitée par la société à responsabilité limitée de droit monégasque D, située dans la même rue et à quelques mètres de l'un des points de vente de la SAM A a été ouverte à Monaco dans le courant du mois de juin 2014.

Par acte du 22 juin 2017, la SAM A a fait assigner la société anonyme B et la SARL D devant le Tribunal de première instance pour les voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

* - 6.780.849 euros correspondant à cinq années de perte de chiffre d'affaires, au titre du préjudice résultant à la fois de la rupture du contrat, du détournement de clientèle et de la dévalorisation de son image,

* - 15.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et pour les frais exposés non compris dans les dépens.

Suivant jugement en date du 25 avril 2019, le Tribunal de première instance a :

« - constaté l'existence d'une clause de compétence conventionnelle conclue entre la SAM A et la SA B au profit du Tribunal de Commerce de Paris,

- sursis à statuer sur les demandes formées par la SAM A dans l'attente de la décision du Tribunal de Commerce de Paris quant à sa compétence pour trancher le présent litige,

- renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en l'état du MERCREDI 6 NOVEMBRE 2019 A 9 HEURES,

- réservé l'ensemble des demandes des parties,

- réservé les dépens ».

Au soutien de leur décision, les premiers juges retiennent en substance que les dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 ayant vocation à s'appliquer immédiatement à la présente instance, il convient de surseoir à statuer au visa de la clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Paris et en l'attente de la décision à intervenir de cette juridiction.

Suivant exploit en date du 21 mai 2019, la société A interjetait appel à l'encontre du jugement déféré dont elle a sollicité la réformation en ce qu'il a constaté l'existence d'une clause de compétence conventionnelle entre les sociétés B et A au profit du Tribunal de commerce de Paris et sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir.

Elle demande à la Cour, statuant à nouveau :

* - à titre principal, de se déclarer compétent pour connaître du litige et renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de statuer sur les demandes formées par la société A

* - à titre subsidiaire, en cas d'évocation devant la Cour, et au visa des articles 989 et 990 du Code civil, de condamner solidairement les sociétés B et D à lui payer la somme de 6.780.849 euros correspondant à cinq années de chiffre d'affaires au titre du préjudice de la perte d'exploitation résultant de la rupture du contrat, au titre du préjudice résultant du détournement de clientèle, au titre du préjudice commercial résultant de la dévalorisation de son image,

* - et condamner solidairement les sociétés B et D à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et les frais exposés non compris dans les dépens ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'appelante expose en substance que :

* - les premiers juges ont estimé que la demande formée devant eux relevait de la compétence du Tribunal de commerce de Paris, alors que cette juridiction française n'est pas saisie du litige,

* - pour justifier un sursis à statuer, il aurait fallu que le Tribunal de commerce de Paris ait été saisi de l'affaire, ce qui n'est pas le cas, le sursis à statuer ne se concevant que dans l'hypothèse d'une litispendance au d'une connexité d'instance,

* - la loi régissant les clauses attributives de compétence dans des contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur caractérise une loi de procédure qui ne peut régir qu'une situation nouvelle,

* - le texte invoqué pour fonder l'exception d'incompétence est inapplicable à une convention signée de nombreuses années avant l'entrée en vigueur de la loi du 28 juin 2017 et en tout état de cause à une assignation délivrée avant cette date,

* - les juridictions monégasques étaient bien compétentes sous l'égide du texte antérieur à la date où elle a été saisie,

* - la société C n'est pas la seule partie requise à la procédure, l'assignation étant également dirigée contre la société D ayant son siège à Monaco, en sorte qu'en cas de pluralité de défendeurs dont l'un est domicilié en Principauté de Monaco, le Tribunal de Monaco se trouvait compétent par application des dispositions de l'article 3-2° du Code de procédure civile,

* - l'exécution du contrat repose en tout état de cause sur un fait délictuel qui a eu lieu à Monaco qu'il s'agisse d'une violation du contrat par la société C ou d'une concurrence déloyale imputable à la société D,

* - en réalité, la société A était le seul et unique distributeur de la marque sur l'ensemble du territoire monégasque depuis plus de 20 ans,

* - elle a consacré de nombreux efforts et investissements pour répondre aux exigences de la marque B,

* - ayant assuré la promotion de cette marque dans le monde entier, notamment par la provenance internationale de la clientèle à Monaco, elle s'est retrouvée dans un état de dépendance économique à l'égard de cette marque, dès lors que la part du chiffre d'affaires résultant de la vente des produits de la la société C représentait selon les années plus de 75 % à 84 % du chiffre d'affaire total de sa boutique,

* - elle a été identifiée aux yeux de la clientèle comme étant le spécialiste notoire de cette marque à Monaco,

* - l'abus de position dominante de la société B est établi et a pour effet de créer une concurrence déloyale au regard de la distribution des produits de la marque désormais confiée à la société D sur la totalité du territoire, étant rappelé qu'après la rupture de son contrat sans la moindre explication, après 20 ans de relation contractuelle et moyennant un préavis limité à seulement 6 mois, elle s'est trouvé exclue de façon discriminatoire de son réseau de distribution sélective,

* - ce préavis n'était pas suffisant pour lui permettre de se réorganiser en concluant de nouveaux partenariats avec d'autres fournisseurs de haute horlogerie,

* - la société D s'est rendue coupable de collusion frauduleuse avec la société B pour l'évincer et la discréditer commercialement,

* - elle s'estime en droit de réclamer la somme de 6.780.849 euros correspondant à cinq années de chiffre d'affaires au titre de la perte d'exploitation induite par la rupture abusive de son contrat et le détournement de clientèle subséquent, ainsi qu'au titre du préjudice commercial résultant de la dévalorisation de son image.

La société B, intimée, entend pour sa part voir :

À titre principal, confirmer le jugement du 25 avril 2019 du Tribunal de première instance en ce qu'il a :

* - constaté l'existence d'une clause de compétence conventionnelle conclue entre la société appelante et elle-même au profit du Tribunal de commerce de Paris,

* - sursis à statuer sur les demandes formées par la société A dans l'attente de la décision du Tribunal de commerce de Paris quant à sa compétence pour trancher le litige,

* - renvoyé la cause et les parties à l'audience de mise en état du mercredi 6 novembre 2019 à 9 heures,

* - réservé l'ensemble des demandes des parties ainsi que les dépens.

À titre subsidiaire, si la Cour d'appel de Monaco déclarait compétent le Tribunal de première instance pour statuer sur les demandes de la société A à son encontre :

* - dire n'y avoir lieu à évocation et renvoyer la procédure devant le Tribunal de première instance pour y être jugée au fond.

Très subsidiairement si la Cour entendait évoquer, inviter la société B à conclure au fond ;

En tout état de cause, condamner la société appelante sur le fondement de l'article 1229 du Code civil à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les frais exposés en justice pour la défense de ses intérêts et la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses conclusions, la société B expose en substance que :

* - les différentes sociétés sont convenues d'une clause attributive de juridiction au profit du Tribunal de commerce de Paris à laquelle ni la pluralité de défendeurs ni l'indivisibilité des demandes ne peuvent faire échec,

* - la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé corrobore la compétence du Tribunal de Paris du ressort du siège du distributeur qu'est la société B,

* - par application de cette loi, le Tribunal de première instance devait simplement constater l'existence de cette clause attributive de compétence et surseoir à statuer dans l'attente que la juridiction étrangère soit saisie et se reconnaisse compétente,

* - la pluralité de défendeurs ne peut en effet faire échec légalement à l'application de cette clause dès lors que l'article 9 de la loi du 28 juin 2017 ne prévoit que deux autres exceptions pour remettre en cause l'application de telles clauses attributives de juridiction,

* - cette loi de droit international privé n'est pas rétroactive mais elle est d'application immédiate en l'absence de dispositions transitoires aux instances en cours,

* - la société D domiciliée à Monaco n'a été attraite dans la procédure que pour faire précisément échec à la clause attributive de juridiction alors que la quasi-totalité de l'assignation était dirigée contre la société B,

* - il est normal d'aborder le fond pour trancher la question relative à la compétence et il en résulte que la mise en cause de la société D en tant que co-défenderesse apparaît bien artificielle, dès lors que la seule question posée est de savoir si la société B a commis une faute en lui conférant le droit de vendre des produits de sa marque et non l'inverse,

* - l'indivisibilité des demandes à l'encontre de plusieurs défendeurs n'est pas davantage une exception légale à l'application de la clause attributive de juridiction, la solidarité demandée au titre des condamnations n'induisant pas nécessairement l'indivisibilité de demandes dont le fondement juridique apparaît radicalement différent, d'ordre contractuel s'agissant de la société B et délictuel s'agissant de la société D,

* - la Cour n'évoquera pas l'affaire car les parties perdraient un degré de juridiction et qu'il ne s'agit pas d'une obligation légale au sens des dispositions de l'article 433 du Code de procédure civile.

La SARL D, co-intimée, conclut pour sa part à la confirmation du jugement du 25 avril 2019 en ce qu'il a constaté l'existence d'une clause de compétence conventionnelle conclue entre les sociétés A et B au profit du Tribunal de commerce de Paris et sursis à statuer sur les demandes formées par la société C. en l'attente de la décision du Tribunal de commerce de Paris quant à sa compétence pour trancher le litige.

Elle sollicite en revanche l'infirmation du jugement susvisé en ce qu'il a jugé que le traitement des demandes formées contre les sociétés B et D était divisible et dissociable et en ce qu'il a déclaré le Tribunal de première instance compétent pour statuer à l'égard de D. Elle entend voir inviter la société A à mieux se pourvoir à son encontre devant le Tribunal de commerce de Paris.

À titre subsidiaire, si la Cour déclarait le Tribunal de Première instance compétent pour trancher le litige, la société D entend voir constater qu'aucune des parties ne demande l'évocation du fond et entend voir dire que l'affaire n'est pas en état d'être jugée et dire n'y avoir lieu à évocation par application des dispositions de l'article 433 du Code de procédure civile.

À titre tout à fait subsidiaire, en cas d'évocation, elle entend voir inviter les parties à conclure au fond et sollicite en tout état de cause la condamnation de la société A à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de ses frais en cause d'appel par application de l'article 1229 du Code civil ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SARL D expose en substance que :

* - la faute de nature contractuelle imputée à la société B n'apparaît nullement démontrée puisqu'il n'y a pas eu de rupture abusive du contrat la liant à la SAM A en l'absence de clause d'exclusivité ou de non-concurrence territoriale insérée dans cette convention liant les parties,

* - elle est quant à elle étrangère à la conclusion comme à l'exécution et la résiliation dudit contrat, sur le fondement duquel sa propre responsabilité ne peut donc être engagée,

* - la décision déférée est justifiée en ce qui concerne le renvoi de la cause devant le Tribunal de commerce de Paris,

* - la position des premiers juges est en revanche erronée en ce qui concerne l'indivisibilité et la disjonction de sa cause avec celle pendante entre la société B et la société A la nature différente des fautes n'excluant pas leurs liens étroits,

* - la société A lui a toujours prêté des faits de complicité à l'origine des préjudices dont elle allègue l'existence et le Tribunal aurait dû inviter la société appelante à mieux se pourvoir à son encontre en l'assignant également,

* - la société appelante qui poursuit à son encontre une condamnation solidaire créée un risque justifiant sa propre demande de garantie à l'encontre de la société B et, dans l'hypothèse d'une condamnation au titre de l'exécution ou de la cessation des relations contractuelles entre la SAM A et la société B, cette entité devra en tout état de cause être condamnée à l'en garantir, puisqu'elle-même ne peut être tenue pour responsable de la gestion et de la conduite des affaires de la société B,

* - aucune des parties ne demande à la Cour d'évoquer le fond de l'affaire qui n'apparaît pas en état d'être jugé,

* - elle demeure en tout état de cause totalement étrangère à la souscription, à l'exécution et à la résiliation du contrat, ayant simplement traité avec la société B dans le cadre normal de son objet et de ses activités commerciales,

* - la société A a développé la suspicion sur sa loyauté professionnelle dans le milieu du luxe à Monaco mettant en doute son honnêteté et son respect des règles éthiques devant présider aux relations entre professionnels de ce secteur, ce dont il résulte un préjudice important lié à la dégradation de son image et de sa respectabilité.

Le Procureur Général conclut à la recevabilité de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré incompétent et a sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de commerce de Paris. Il conclut toutefois à la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a été décidé que la solidarité n'avait pas à s'appliquer et ce dès lors que le Tribunal devait inviter au préalable les parties à s'expliquer sur cette question.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels tant principal qu'incident ont été formés dans les conditions de forme et de délai prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;

Attendu qu'il résulte des faits constants de l'espèce que le contrat daté du 12 novembre 2011, liant la SA B à la SAM A prévoit en son article 7.02 une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de PARIS ;

Attendu que dès lors que les parties à un contrat sont convenues de la compétence d'une juridiction étrangère par l'effet d'une clause conventionnelle attributive de compétence, il s'induit des dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé que la juridiction monégasque saisie en méconnaissance de cette clause doit surseoir à statuer tant que la juridiction étrangère désignée n'a pas été saisie ou, si elle l'a été, tant qu'elle n'a pas décliné sa compétence, la faculté lui étant néanmoins conférée de connaître du litige si une procédure étrangère se révèle impossible ou s'il est prévisible que la décision étrangère ne sera pas rendue dans un délai raisonnable ou ne pourra pas être reconnue dans la Principauté ;

Attendu qu'à défaut de toutes dispositions transitoires applicables concernant les instances en cours figurant dans ce nouveau dispositif normatif, il est établi que la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé est d'application immédiate ;

Que les premiers juges ont dès lors à bon droit estimé au moment où ils ont statué que les dispositions de l'article 9 de la loi n° 1.448 avaient vocation à s'appliquer immédiatement à l'instance qui leur était soumise ;

Attendu, s'agissant de la diversité des demandes invoquées par la société appelante qu'il est constant que l'assignation introductive d'instance est également dirigée, outre contre la société B, à qui est reprochée une faute contractuelle, également contre la SARL D, société de droit monégasque ayant son siège à Monaco, à qui est imputé un fait quasi-délictuel qui se serait produit à Monaco ;

Attendu qu'en cas de pluralité de défendeurs, il s'induit des dispositions de l'article 5 de la loi n° 1.448 relative au droit international privé que les tribunaux monégasques sont compétents si l'un des défendeurs a son domicile dans la Principauté, à moins que la demande n'ait été formée que pour traduire un défendeur hors de la juridiction de son domicile ou de sa résidence habituelle à l'étranger ;

Que l'intimée la SA B qualifie d'artificielle la présence à l'instance de la SARL D selon elle assignée dans le seul objectif d'établir la compétence juridictionnelle du Tribunal de première instance de Monaco ;

Mais attendu qu'il résulte de l'ensemble des pièces de la procédure que la société A excipe expressément de l'existence d'une entente frauduleuse entre les sociétés B et D, destinée à l'évincer de la commercialisation des produits de la société C tout en réclamant la condamnation solidaire de la SARL D à la dédommager du préjudice subi par l'octroi d'une somme non négligeable de six millions d'euros à titre de dommages et intérêts, tous éléments ne permettant pas de dire que la société D serait une défenderesse fictive dont la présence en la cause serait dénuée de tout intérêt ;

Qu'il s'ensuit que l'assignation devant le Tribunal de première instance de la SARL D ne saurait faire obstacle à l'application de la clause attributive de juridiction convenue entre les parties au contrat, les premiers juges ayant à bon droit relevé, dans le cadre de l'office que lui confère à cet égard le législateur, que les demandes formées à l'encontre de cette entité n'apparaissent pas indivisibles avec celles formées contre la SA B ;

Qu'à cet égard en effet, si la SAM A entend voir condamner solidairement ces deux sociétés, cette demande ne repose pas sur un fondement juridique identique puisqu'elle invoque la responsabilité contractuelle de la SA B pour rupture abusive de la convention les liant et la responsabilité quasi-délictuelle de la SARL D à laquelle elle reproche une faute consistant en des actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle également susceptibles de caractériser une collusion frauduleuse avec la société B ;

Qu'une telle demande de condamnation solidaire ne justifie par ailleurs aucunement que les prétentions ainsi formées sur des fondements différents par la SAM A à l'encontre des sociétés B et D relèvent de la compétence d'une seule juridiction à défaut d'indivisibilité du litige, étant établi que les préjudices résultant d'une part de la faute contractuelle éventuellement commise par la société B et, d'autre part de la faute quasi délictuelle éventuellement commise par la société D peuvent être également envisagés de façon distincte ;

Attendu qu'il est en revanche établi qu'en vertu de l'effet relatif des conventions, la SARL D ne saurait se voir opposer une clause attributive de compétence qui ne la concerne pas en sa qualité de tiers au contrat liant la SAM A et la SA B ;

Attendu en définitive que les premiers juges ont à bon droit ordonné le sursis à statuer en considération de la clause attributive de compétence juridictionnelle souscrite au profit du Tribunal de commerce de Paris liant la société A à la SA B tout en réservant l'ensemble des demandes formées par la SAM A en ce comprises celles développées à l'encontre de la SARL D, ainsi que les dépens ;

Attendu que le jugement rendu le 25 avril 2019 par le Tribunal de première instance sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, la société appelante A devant être déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu sur les demandes de dommages-intérêts respectivement formées par les sociétés B et D, qu'il n'apparaît pas établi qu'en exerçant le présent recours, la société A ait commis une faute ou une erreur équipollente au dol de nature à engager sa responsabilité, en sorte que ces parties seront déboutées des fins de leurs prétentions de ce chef ;

Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de la société A

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels principal et incident,

Au fond, déboute les parties de l'ensemble de leurs prétentions et confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 avril 2019 par le Tribunal de première instance,

Condamne la société A aux dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Alexis MARQUET et Maître Jean-Charles GARDETTO, avocats-défenseurs, chacun en ce qui le concerne et sous leur due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 14 JANVIER 2020, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18724
Date de la décision : 14/01/2020

Analyses

Contrat - Interprétation ; Contentieux et coopération judiciaire ; Commerce et développement ; Contrats commerciaux


Parties
Demandeurs : La SAM A
Défendeurs : La SA B et la SARL D

Références :

article 433 du Code de procédure civile
article 3-2° du Code de procédure civile
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
article 9 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017
Code de procédure civile
article 1229 du Code civil
articles 989 et 990 du Code civil
loi n° 1.448 du 28 juin 2017


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2020-01-14;18724 ?

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