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06/01/2020 | MONACO | N°18684

Monaco | Cour d'appel, 6 janvier 2020, HELI AIR MONACO c/ Monsieur g. C-V


Motifs

Cour d'appel correctionnelle Dossiers PG n° 2015/001939

R.1681

ARRÊT DU 6 JANVIER 2020

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée HELI AIR MONACO, ayant son siège social avenue des Ligures - Héliport de Monaco - Enceinte de l'héligare - MONACO (98000), prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, j. C. demeurant en cette qualité audit siège,

PRÉSENTE, représentée par j. C. assistée de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et Maître Nicolas DEUR, avocat au Ba

rreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

Prévenue de :

- ABSTENTION DE COMMUNICATION D'INFORMATIONS NO...

Motifs

Cour d'appel correctionnelle Dossiers PG n° 2015/001939

R.1681

ARRÊT DU 6 JANVIER 2020

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée HELI AIR MONACO, ayant son siège social avenue des Ligures - Héliport de Monaco - Enceinte de l'héligare - MONACO (98000), prise en la personne de son Administrateur délégué en exercice, j. C. demeurant en cette qualité audit siège,

PRÉSENTE, représentée par j. C. assistée de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et Maître Nicolas DEUR, avocat au Barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

Prévenue de :

- ABSTENTION DE COMMUNICATION D'INFORMATIONS NOMINATIVES ;

INTIMÉE / APPELANTE

Contre :

- g. C-V., né le 22 février 1967 à TOULON (Var - France), de nationalité française, pilote d'hélicoptère, demeurant X1à BEAUSOLEIL (06240), constitué partie civile,

PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

APPELANT / INTIMÉ

En présence du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

INTIMÉ

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 4 novembre 2019 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 19 mars 2019 ;

Vu les appels interjetés le 3 avril 2019 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, substituant Maître Patricia REY, avocat-défenseur, pour la SAM HELI AIR MONACO, prévenue, et le 5 avril 2019 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, pour g. C-V. partie-civile ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 9 mai 2019 ;

Vu la citation à prévenu et à partie civile, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, Huissier, en date du 17 mai 2019 ;

Vu les pièces du dossier ;

Ouï Françoise CARRACHA, Conseiller, en son rapport ;

Ouï la SAM HELI AIR MONACO, prévenue, en ses réponses ;

Ouï g. C-V. partie civile, en ses déclarations ;

Ouï Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat, pour g. C-V. partie civile, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le Ministère public ;

Ouï Maître Nicolas DEUR, avocat, pour la SAM HELI AIR MONACO, prévenue, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï la prévenue, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, en date du 19 mars 2019, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« De s'être, à MONACO, courant septembre 2015 et jusqu'au 31 janvier 2017, en tout cas depuis non couvert par la prescription, hors dérogations prévues par la loi, abstenu volontairement de communiquer à une personne intéressée les informations nominatives la concernant, en l'espèce au préjudice de M. g. C-V. qui a sollicité légitimement ses fiches de pointage sur la période du 11 juin 2012 au 30 septembre 2015 ».

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 15, alinéa 3 et 21 alinéa 2 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, modifiée relative à la protection des informations nominatives et par les articles 4-4, 26 et de 29-1 à 29-6 du Code pénal ;

Sur l'action publique,

* déclaré la Société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO coupable du délit qui lui est reproché, en répression, faisant application des articles visés par la prévention,

* l'a condamnée à la peine de DIX-HUIT MILLE EUROS D'AMENDE,

Sur l'action civile,

* reçu g. C-V. en sa constitution de partie civile,

* le déclarant partiellement fondé en sa demande, condamné la Société anonyme monégasque HELI AIR MONACO à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* condamné, enfin, la Société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.

Considérant les faits suivants :

g. C-V. employé d'HELI AIR MONACO depuis le 11 juin 2012 et estimant faire l'objet en 2015 d'une procédure de licenciement abusif, a demandé à son employeur par courrier du 11 août 2015 de son employeur le relevé des pointages de ses horaires de travail tels qu'enregistrés par le logiciel Bodet installé dans la société.

N'ayant pas obtenu de réponse favorable, il a sollicité le 1er septembre 2015 l'intervention de la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN).

La société HELI AIR MONACO n'a pas déféré à l'injonction faite par la CCIN le 10 septembre 2015, de sorte que celle-ci a, par courrier du 26 octobre 2015, transmis le dossier au Procureur général pour suite à donner, en application des dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives.

Le 9 mai 2016, g. C-V. a déposé plainte auprès du Procureur général pour infractions à la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, s'agissant de l'absence de déclaration de la société HELI AIR MONACO pour le dispositif de pointeuse de ses salariés et pour entrave à un droit d'accès à ses relevés de pointage.

L'enquête diligentée a permis d'établir que le système de pointeuse biométrique avait été autorisé par la C.C.I.N. le 24 février 2016 et que la société HELI AIR MONACO était désormais en conformité avec la législation applicable en matière d'installation et de déclaration de ce type de dispositif.

Il est apparu que suivant ordonnance de référé du 22 janvier 2016 il avait été fait injonction à la SAM HELI AIR MONACO de délivrer à g. C-V. les fiches de pointage le concernant pour toutes les semaines à compter du 11 juin 2012 jusqu'au 30 septembre 2015, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

j. C. administrateur délégué de la société HELI AIR MONACO, entendu une première fois le 3 novembre 2016, sous le régime de l'audition libre, a déclaré ne pas être en mesure d'indiquer s'il avait eu connaissance de l'ordonnance de référé du 22 janvier 2016, ce type de document étant confié à son avocat ou à ses services administratifs.

Il a déclaré ne pas être au courant des réclamations de g. C-V. concernant la communication de ses fiches de pointage, et qu'il n'avait vraisemblablement pas pris le temps de lire les courriers adressés par la C.C.I.N.

Il a précisé que g. C-V. avait eu accès aux données relevées par le pointage de façon instantanée et ponctuelle à l'écran, et admis qu'aucun relevé écrit de ses pointages ne lui avait été remis.

Entendu le 15 septembre 2018 par les services de la Sûreté publique g. C-V. a déclaré qu'il n'avait toujours pas obtenu ses fiches de pointage, sur lesquelles devaient apparaître les heures supplémentaires dont il réclamait le paiement, et qu'il maintenait par conséquent sa plainte à l'encontre de la société HELI AIR MONACO.

Réentendu le 20 septembre 2018, j. C. a déclaré ne pas être en mesure de dire si g. C-V. avait demandé la communication de ses fiches de pointage. À la question « reconnaissez-vous avoir refusé de produire les documents demandés à M. C. ? », il a répondu : « Non, je n'étais pas au courant ».

Par exploit du 22 novembre 2018, le Ministère public a fait citer devant le tribunal correctionnel la SAM HELI AIR MONACO, prise en la personne de j. C. administrateur délégué en exercice, sous la prévention de s'être, à Monaco, courant septembre 2015 et jusqu'au 31 janvier 2017, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, hors dérogations prévues par la loi, abstenu volontairement de communiquer à une personne intéressée les informations nominatives la concernant, en l'espèce au préjudice de g. C-V. qui a sollicité légitimement ses fiches de pointage sur la période du 11 juin 2012 au 30 septembre 2015, délit prévu et réprimé par les articles 15 alinéa 3 et 21 alinéa 2 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 modifiée, relative à la protection des informations nominatives et par les articles 4-4, 26 et de 29-1 à 29-6 du Code pénal.

Suivant jugement du 19 mars 2019 le tribunal correctionnel, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale, a :

* sur l'action publique, déclaré la Société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO coupable du délit reproché et en répression l'a condamnée à la peine de 18 000 euros d'amende ;

* sur l'action civile, reçu g. C-V. en sa constitution de partie civile et le déclarant partiellement fondé en sa demande, a condamné la Société Anonyme Monégasque dénommée HELI AIR MONACO à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

* condamné la Société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.773 du 8 janvier 2002 avec distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré qu'il ressortait des éléments issus de l'enquête que la SAM HELI AIR MONACO, par l'intermédiaire de j. C. ou d'autres membres du personnel, avait toujours opposé de manière injustifiée un refus de communiquer les fiches de relevé de pointage à g. C-V. et ce, nonobstant l'intervention du Président de la Commission de contrôle des informations nominatives dès le mois de septembre 2015 ou encore la procédure engagée par devant le juge des référés du tribunal du travail qui ne pouvaient être ignorées.

Sur l'action civile le tribunal a considéré que le refus de la SAM HELI AIR MONACO de communiquer à son ancien employé avec lequel elle était en litige devant le tribunal du travail des documents informatisés le concernant, constituait incontestablement et directement un préjudice en ce que ce dernier pouvait difficilement justifier auprès de cette juridiction du nombre d'heures supplémentaires effectuées dont il réclamait le paiement.

Par déclaration reçue au greffe le 3 avril 2019, Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur substituant Maître Patricia REY, avocat-défenseur, et celui de la SAM HELI AIR MONACO, a déclaré interjeter appel du jugement rendu par le tribunal correctionnel le 19 mars 2019.

Le 5 avril 2019, Maître Richard MULLOT avocat-défenseur et celui de g. C-V. a déclaré interjeter appel du jugement rendu le 19 mars 2019 à l'encontre de la SAM HELI AIR MONACO.

À l'audience du 1er juillet 2019, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi contradictoire à la demande de la SAM HELI AIR MONACO.

Par conclusions du 23 octobre 2019, la SAM HELI AIR MONACO représentée par son administrateur délégué exercice, j. C. demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, sur l'action publique de :

* dire qu'elle ne pouvait être tenue de communiquer les données personnelles recueillies par le système biométrique reposant sur la reconnaissance du contour de la main concernant M. C-V. que pour la période de mai 2015 à août 2015 lorsque celui en a fait la demande pour la première fois le 11 août 2015,

* dire qu'elle n'était pas tenue de conserver les données personnelles recueillies par le système biométrique reposant sur la reconnaissance du contour de la main concernant M. C-V. pour la période de juin 2012 à mai 2015,

* constater l'absence d'intention coupable de la part de j.C.et de la SAM HELI AIR MONACO,

* statuer ce que de droit sur l'action pénale en tenant compte de ces éléments,

* sur l'action civile, elle demande à la Cour, après avoir constaté que les données collectées par le logiciel BODET pour la période du 1er juin 2012 au 31 août 2015 réclamées par M. C-V. lui ont été communiquées en cours d'instance, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter M. C-V.de toute demande indemnitaire, l'intéressé ayant saisi à ce titre le Tribunal du travail ;

* statuer ce que de droit sur les dépens.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, le conseil de g. C-V. a développé oralement ses conclusions déposées le 31 octobre 2019 et a demandé à la Cour de :

* confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu la SAM HELI AIR MONACO coupable des faits qui lui sont reprochés,

* retenir j. C. dans les liens de la prévention,

* statuer ce que de droit sur l'action publique,

* le recevoir en sa constitution de partie civile,

* réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SAM HELI AIR MONACO au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* statuant à nouveau :

* condamner la SAM HELI AIR MONACO au paiement de la somme globale et forfaitaire de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation de son entier préjudice,

* condamner la SAM HELI AIR MONACO en tous les dépens distraits au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement déféré tant en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de la SAM HELI AIR MONACO pour les infractions reprochées qu'en ce qui concerne la peine prononcée.

Le conseil de la SAM HELI AIR MONACO a sollicité que l'appel soit déclaré recevable, qu'il soit constaté que celui qui n'a pas eu les fiches de pointage n'a subi aucun préjudice du fait des atermoiements de la société et qu'il soit tenu compte de ce qu'en 2015 le dirigeant de la société HELI AIR MONACO était plus soucieux de la survie de l'entreprise que de la demande de g. C-V. ; il a demandé en conséquence pour sa cliente une application bienveillante de la loi pénale.

j. C. représentant légal de la société HELI AIR MONACO, a été entendu en dernier.

SUR CE,

Attendu que les appels interjetés par la société prévenue et par la partie civile dans les formes et délais prescrits par les articles 406 et 411 du Code de procédure pénale, sont réguliers et recevables ;

Sur l'action publique

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, dans leur rédaction applicable à l'espèce, toute personne justifiant de son identité peut obtenir auprès du responsable de traitement ou de son représentant communication des informations la concernant sous forme écrite, non codée et conforme au contenu des enregistrements ;

Que selon ces mêmes dispositions, il doit être procédé à la communication dans le mois suivant la réception de la demande ;

Qu'en application de l'article 21-2° de la loi précitée, sont punis d'un emprisonnement d'un à six mois et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 du Code pénal ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui, sauf les dérogations prévues par la loi, s'abstiennent volontairement de communiquer à une personne intéressée les informations nominatives la concernant, de modifier ou de supprimer celles de ces informations qui se sont révélées inexactes, incomplètes, équivoques ou collectées en violation de la loi ;

Attendu qu'en l'occurrence, il résulte des pièces de la procédure et des débats que la SAM HELI AIR MONACO a mis en place au sein de l'entreprise, en 2010, un système de pointage nommé BODET, sans avoir obtenu l'autorisation préalable de la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN), laquelle s'avérait pourtant nécessaire s'agissant d'un dispositif de gestion du temps de travail par le biais d'une pointeuse collectant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes ;

Que par délibération n° 2016-21 du 24 février 2016 la CCIN a autorisé la mise en œuvre par la SAM HELI AIR MONACO, du traitement automatisé d'informations nominatives ayant pour finalité « Gestion du temps de présence des salariés par un système biométrique reposant sur la reconnaissance du contour de la main » ;

Qu'il est établi que g. C-V. employé comme pilote d'hélicoptère par la SAM HELI AIR MONACO à compter du 11 juin 2012, a réclamé plusieurs fois à son employeur depuis le 11 août 2015 les fiches de pointage le concernant pour la période de juin 2012 au mois de septembre 2015 ;

Qu'il est avéré que la SAM HELI AIR MONACO s'est abstenue pendant la période visée dans la prévention, soit de septembre 2015 au 31 janvier 2017, de toute communication des fiches de pointage ainsi sollicitées ;

Qu'elle a persisté dans son refus de déférer à cette demande malgré le courrier qui lui a été adressé le 10 septembre 2015 par le Président de la CCIN l'enjoignant de faire droit « sur le champ » à la demande de g. C-V. et en dépit de la lettre du 15 octobre 2015 l'informant de la transmission du dossier par la CCIN au Procureur Général pour suites à donner ;

Que la SAM HELI AIR n'a pas plus non tenu compte des dispositions de l'ordonnance de référé du 22 janvier 2016 l'enjoignant de délivrer à g. C-V. les fiches de pointage le concernant pour toutes les semaines à compter du 11 juin 2012 jusqu'au 30 septembre 2015 ;

Qu'elle fait valoir qu'elle n'avait pas l'obligation de conserver les informations collectées dès lors que selon la délibération n° 2011-31 du 11 avril 2011 de la CCIN, les données relatives à l'accès aux locaux et les informations sur le temps de présence ou l'horodatage ne doivent pas être conservées plus de 3 mois ;

Que toutefois la CCIN, dans sa délibération n° 2016-21 du 24 février 2016 aux termes de laquelle elle a autorisé la mise en œuvre par la SAM HELI AIR MONACO du traitement automatisé d'informations nominatives en cause, rappelle expressément que « dans sa délibération n° 2011-31, elle avait estimé que les données relatives à l'accès aux locaux et aux informations sur le temps de présence ou d'horodatage pouvaient être conservées 5 ans dans l'hypothèse où le traitement est exploité à des fins de contrôle du temps de travail des employés, conformément à la durée légale de prescription en matière de versement des salaires et rémunérations » ;

Que la CCIN a précisément demandé à la SAM HELI AIR MONACO que les informations d'horodatage des entrées et sorties soient conservées 5 ans à compter de leur collecte ;

Qu'au demeurant, il résulte du procès-verbal d'audition de M. SI., « administrateur système » au sein de la société HELI AIR MONACO, que celui-ci avait pris la précaution dès la mise en place du système, de réaliser une sauvegarde des données sur une durée de 5 ans ;

Qu'il s'ensuit que la SAM HELI AIR MONACO n'avait donc aucune impossibilité insurmontable, ni juridique, ni technique, de communiquer les fiches de pointage sollicitées par g. C-V. dans le délai imparti par l'article 15 la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993, qu'il s'agisse de celles couvrant la période des 3 derniers mois, mais également des 5 dernières années ;

Qu'en cours d'instance d'appel, la SAM HELI AIR MONACO a d'ailleurs procédé, par l'intermédiaire de son conseil, à la communication des fiches de pointage sollicitées par g. C-V. depuis le 11 août 2015 ;

Que cette remise intervenue bien au-delà du délai d'un mois fixé par l'article 15 de la loi précitée, est sans incidence sur la matérialité du délit reproché à la SAM HELI AIR MONACO ;

Que la décision déférée doit donc être confirmée en ce qu'elle a déclaré la SAM HELI AIR MONACO, représentée par son administrateur délégué en exercice, j. C. coupable du délit reproché ;

Attendu qu'en droit pénal le juge dispose dans son office d'un pouvoir général d'individualisation des peines ;

Qu'en l'occurrence, il résulte des pièces de la procédure et des débats que la SAM HELI AIR MONACO qui a fini par communiquer les fiches de pointage réclamées par g. C-V. a traversé des difficultés structurelles ayant des incidences financières ;

Qu'il convient de prononcer à son encontre une peine d'amende de 10 000 euros ;

Que la décision déférée doit donc être réformée en ce sens sur le quantum de la peine prononcée ;

Sur l'action civile

Attendu que l'article 2 du Code de procédure pénale énonce que l'action pour la réparation du préjudice directement causé par un fait constituant une infraction appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert ;

Qu'au regard de l'ensemble des développements ci-dessus, g. C-V. a été justement reçu en sa constitution de partie civile ;

Que la SAM HELI AIR MONACO a persisté pendant plusieurs années dans la rétention des données relatives à l'accès aux locaux et aux informations sur le temps de présence ou d'horodatage concernant son employé g. C-V. malgré l'injonction faite par la CCIN le 10 septembre 2015 et l'ordonnance de référé du 22 janvier 2016 ;

Que cette absence de communication de données nominatives a été préjudiciable à g. C-V. qui s'est trouvé entravé dans la possibilité de faire valoir ses droits devant le Tribunal du travail et a dû engager plusieurs procédures pour obtenir gain de cause ;

Que cette résistance abusive lui a causé en outre un préjudice moral consistant dans la violation manifeste de ses droits d'accès aux informations nominatives le concernant ;

Qu'en considération de ces éléments, et nonobstant la communication en cause d'appel des fiches sollicitées, la réparation du préjudice subi par g. C-V. a été justement appréciée à la somme de 15 000 euros ;

Que la décision déférée doit donc être confirmée sur ce point ;

Attendu que les frais du présent arrêt doivent être supportés par la société prévenue ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels formés à l'encontre du jugement rendu le 19 mars 2019 par le Tribunal correctionnel,

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2019 par le Tribunal correctionnel en ce qu'il a déclaré la SAM HELI AIR MONACO coupable du délit d'abstention volontaire de communication d'informations nominatives, prévu et réprimé les articles 15 et 21 de la loi n°1.165 du 23 décembre 1993, modifiée,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAM HELI AIR MONACO à la peine de 18 000 euros d'amende,

Statuant à nouveau,

Condamne la SAM HELI AIR MONACO à la peine de 10 000 euros d'amende,

Confirme le jugement rendu le 19 mars 2019 par le Tribunal correctionnel en toutes ses dispositions civiles, Condamne la SAM HELI AIR MONACO aux frais du présent arrêt.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le six janvier deux mille vingt, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur général, assistées de Madame Emmanuelle PHILIBERT, Greffier.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18684
Date de la décision : 06/01/2020

Analyses

Sur l'action publiqueEn application des dispositions de l'article 15 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives, dans leur rédaction applicable à l'espèce, toute personne justifiant de son identité peut obtenir auprès du responsable de traitement ou de son représentant communication des informations la concernant sous forme écrite, non codée et conforme au contenu des enregistrements. Selon ces mêmes dispositions, il doit être procédé à la communication dans le mois suivant la réception de la demande.En application de l'article 21- 2° de la loi précitée, sont punis d'un emprisonnement d'un à six mois et de l'amende prévue au chiffre 3 de l'article 26 du Code pénal ou de l'une de ces deux peines seulement, ceux qui, sauf les dérogations prévues par la loi, s'abstiennent volontairement de communiquer à une personne intéressée les informations nominatives la concernant, de modifier ou de supprimer celles de ces informations qui se sont révélées inexactes, incomplètes, équivoques ou collectées en violation de la loi.En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure et des débats que la SAM HELI AIR MONACO a mis en place au sein de l'entreprise, en 2010, un système de pointage nommé BODET, sans avoir obtenu l'autorisation préalable de la Commission de contrôle des informations nominatives (CCIN), laquelle s'avérait pourtant nécessaire s'agissant d'un dispositif de gestion du temps de travail par le biais d'une pointeuse collectant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes.Un employé pilote d'hélicoptère par la SAM HELI AIR MONACO a réclamé plusieurs fois à son employeur les fiches de pointage le concernant. L'employeur s'est abstenu de toute communication des fiches de pointage sollicitées et a persisté dans son refus de déférer à cette demande malgré un courrier qui lui a été adressé par le Président de la CCIN l'enjoignant de faire droit « sur le champ » à la demande de l'employé et en dépit d'une lettre l'informant de la transmission du dossier par la CCIN au Procureur général pour suites à donner. L'employeur n'a pas plus non tenu compte des dispositions de l'ordonnance de référé du 22 janvier 2016 l'enjoignant de délivrer au salarié les fiches de pointage le concernant.Pourtant, l'employeur n'avait en l'espèce aucune impossibilité insurmontable, ni juridique, ni technique, de communiquer les fiches de pointage sollicitées. En cours d'instance d'appel, l'employeur a d'ailleurs procédé, par l'intermédiaire de son conseil, à la communication des fiches de pointage sollicitées. Cette remise, intervenue bien au-delà du délai d'un mois fixé par l'article 15 de la loi précitée, est sans incidence sur la matérialité du délit reproché à l'employeur.Sur l'action civileL'employeur a persisté pendant plusieurs années dans la rétention des données relatives à l'accès aux locaux et aux informations sur le temps de présence ou d'horodatage concernant son employé malgré l'injonction faite par la CCIN et l'ordonnance de référé.Cette absence de communication de données nominatives a été préjudiciable à l'employé, qui s'est trouvé entravé dans la possibilité de faire valoir ses droits devant le Tribunal du travail et a dû engager plusieurs procédures pour obtenir gain de cause.Cette résistance abusive lui a causé en outre un préjudice moral consistant dans la violation manifeste de ses droits d'accès aux informations nominatives le concernant.En considération de ces éléments, et nonobstant la communication en cause d'appel des fiches sollicitées, la réparation du préjudice subi par l'employé a été justement appréciée en première instance.

Procédure pénale - Général  - Données à caractère personnel  - Conditions de travail.

Procédure pénaleAction publique - Protection des informations nominatives - Absence de communication des fiches de pointage sollicitées - Absence d'impossibilité insurmontable - Délit caractérisé (oui)Action civile - Absence de communication de données nominatives - Résistance abusive - Préjudice (oui).


Parties
Demandeurs : HELI AIR MONACO
Défendeurs : Monsieur g. C-V

Références :

article 19 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
article 15 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
articles 406 et 411 du Code de procédure pénale
Code pénal
loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
article 2 du Code de procédure pénale
article 377 du Code de procédure pénale
article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.773 du 8 janvier 2002
articles 15, alinéa 3 et 21 alinéa 2 de la loi n° 1.165 du 23 décembre 1993
article 63 de l'Ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002
article 26 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2020-01-06;18684 ?

Source

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