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09/07/2019 | MONACO | N°18310

Monaco | Cour d'appel, 9 juillet 2019, La SAM A et la SA B c/ Madame c. a. E. divorcée B.


Abstract

Procédure civile - Intervention volontaire - Nullité de l'exploit d'appel (non) - Recevabilité de l'appel - Compétence du juge des référés

Résumé

Après le décès de son père, l'une de ses filles, légataire de la somme de 20 millions de dollars, a saisi le Président du Tribunal de première instance qui a rendu une ordonnance de compulsoire l'autorisant à mandater un huissier de justice pour obtenir communication par une banque monégasque des documents d'ouverture et de tous relevés, pour les 10 années précédant le décès, des comptes dont son

père était titulaire à titre personnel, rejetant le surplus des demandes concernant les c...

Abstract

Procédure civile - Intervention volontaire - Nullité de l'exploit d'appel (non) - Recevabilité de l'appel - Compétence du juge des référés

Résumé

Après le décès de son père, l'une de ses filles, légataire de la somme de 20 millions de dollars, a saisi le Président du Tribunal de première instance qui a rendu une ordonnance de compulsoire l'autorisant à mandater un huissier de justice pour obtenir communication par une banque monégasque des documents d'ouverture et de tous relevés, pour les 10 années précédant le décès, des comptes dont son père était titulaire à titre personnel, rejetant le surplus des demandes concernant les comptes bancaires ouverts au nom de diverses personnes morales.

Par exploit d'assignation en référé sur difficulté d'exécution, elle a fait citer la banque devant le juge des référés du Tribunal de première instance. Ce dernier s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de rétractation de l'ordonnance présidentielle et sur la demande d'ajout à cette ordonnance. Il a enjoint à la banque de communiquer à l'héritière la totalité des éléments mentionnés au dispositif de l'ordonnance présidentielle dans le délai de 8 jours suivant la signification de sa décision, sous astreinte provisoire, passé ce délai, de 10 000 euros par jour de retard pendant 3 mois, après quoi il sera à nouveau fait droit. La banque a relevé appel de cette décision à l'effet de voir la Cour infirmer en toutes ses dispositions cette décision et rétracter l'ordonnance présidentielle tout en déboutant l'héritière de toutes ses demandes, fins, et conclusions.

L'intervention volontaire de la SA B est recevable et bien fondée dès lors qu'elle vient désormais aux droits de la SAM A, par l'effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue à son profit et au visa de la radiation de la SAM A du Répertoire du Commerce et de l'Industrie. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de rejeter ses écritures récapitulatives qui ne modifient pas le lien d'instance et n'ajoutent pas de moyens ou de demandes aux écritures judiciaires initialement présentées pour le compte de la société appelante.

L'exploit d'appel satisfait aux prescriptions de l'art. 427 du Code de procédure civile puisque la décision d'incompétence prise par le premier juge y apparaît expressément critiquée, à travers différents motifs tenant notamment au droit au recours effectif conféré à tout justiciable. Il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la nullité.

Les appels, principal et incident, sont recevables pour avoir été formés dans les conditions de délais et de forme prévues par le Code de procédure civile.

Le premier juge apparaît avoir justifié sa décision en se déclarant incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en rétractation de l'ordonnance présidentielle formée par le tiers, la SAM A, les conditions prescrites par l'article 852 du Code n'étant pas remplies. Par ailleurs, il a également justifié sa décision en retenant sa compétence pour connaître de la demande en difficultés d'exécution portée devant lui par l'héritière, partie requérante initiale en compulsoire désireuse de faire juger au contradictoire du tiers concerné les difficultés inhérentes à l'exécution de l'ordonnance présidentielle.

Si l'héritière sollicite également l'élargissement de l'ordonnance dont la rétractation est demandée à des mesures qui ont notamment été rejetées par le Président du Tribunal, elle n'a pas interjeté appel dans les délais légaux de ce refus partiel opposé par le Président du Tribunal de première instance statuant sur requête et sollicite désormais de la Cour d'appel, qui est en l'espèce l'émanation du juge des référés, d'élargir le champ de l'ordonnance sur requête initiale, dont elle demande donc implicitement mais nécessairement la rétractation, du moins partielle. Une telle demande reconventionnelle n'apparaît pas recevable à l'occasion de l'examen de l'appel principal, les conditions légales permettant de se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête n'apparaissant pas réunies en l'espèce.

L'héritière demande enfin à voir enjoindre à la SAM A d'exécuter l'ordonnance présidentielle sous astreinte provisoire portée à 10 000 euros par jour de retard apparaît fondée sur les dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile, attribuant compétence au juge des référés pour statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire ou d'un titre exécutoire. Il convient de relever l'aspect illégitime du refus d'exécution de la banque dans la mesure où les informations en cause ne sont pas couvertes par le secret professionnel institué par l'article L.511-33 du Code monétaire et financier. La cour confirme également l'ordonnance entreprise sur ce point.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 9 JUILLET 2019

En la cause de :

* - La Société A, Société Anonyme Monégasque au capital de XXX euros, enregistrée au répertoire du commerce et de l'industrie de Monaco sous le numéro XX, dont le siège social est situé X1 à Monaco (98000) agissant poursuites et diligences de son Administrateur délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Olivier TAFANELLI, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

* La Société B, venant aux droits de la SAM A en raison d'une transmission universelle de patrimoine intervenue le 3 mai 2019, dont le siège social est situé X2 - 1201 Genève (Suisse), agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Olivier TAFANELLI, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE ET INTERVENANTE VOLONTAIRE,

d'une part,

contre :

* - Madame c. a. E. divorcée B., née le 27 février 1956 à Mannheim (Allemagne), de nationalité américaine, demeurant et domiciliée à Westchester (NY - USA), X3 - NY 10576 (USA) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'ordonnance de référé rendue par le Vice-Président du Tribunal de première instance, le 28 septembre 2018 (R. 7736) ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 12 octobre 2018 (enrôlé sous le numéro 2019/000023) ;

Vu les conclusions déposées les 8 janvier 2019, 21 mai 2019 et 28 mai 2019 par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de Madame c. a. E. divorcée B.;

Vu les conclusions déposées les 2 avril 2019, 21 mai 2019 et 28 mai 2019 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SAM A et de la SA B ;

À l'audience du 4 juin 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par la SAM A à l'encontre d'une ordonnance de référé du Vice-Président du Tribunal de première instance du 28 septembre 2018.

Considérant les faits suivants :

Monsieur c. E. est décédé à Gstaad le 13 octobre 2016, en laissant pour lui succéder ses 5 enfants ainsi que son épouse, h. E. avec laquelle il était marié depuis le 26 juillet 1995, sous le régime choisi par contrat de mariage de la communauté universelle, et ce, en l'état d'un testament en date du 21 février 2014 instituant h. E. légataire universelle et désignant comme légataires de la somme de 20 millions de dollars chacune ses filles c. c. et e. E. ledit acte précisant que son fils k a. E. avait déjà reçu la même somme et que sa fille d. la recevrait également par accord de trust séparé.

Saisi par une requête de Madame c. E. le Président du Tribunal de première instance, a par ordonnance de compulsoire du 17 novembre 2017 autorisé celle-ci à mandater tel huissier de justice à l'effet d'obtenir communication par la SAM A des documents d'ouverture et de tous relevés, pour les 10 années précédant son décès survenu le 13 octobre 2016, des comptes dont feu c. E. son père, était titulaire à titre personnel, rejetant le surplus des demandes concernant les comptes bancaires ouverts au nom des diverses personnes morales.

Par exploit d'assignation en référé sur difficulté d'exécution en date du 31 janvier 2018, Madame c. E. a fait citer la SAM A, devant le juge des référés du Tribunal de première instance, à l'effet de voir :

* - dire et juger que l'existence d'une constante inertie et résistance à ses demandes par la banque est constitutive d'une difficulté d'exécution de l'ordonnance présidentielle du 17 novembre 2017 et qu'il soit ordonné à la SAM A de l'exécuter sous astreinte de 20.000 euros par jour de retard dès signification de l'ordonnance à intervenir,

* - ajoutant à l'ordonnance du 17 novembre 2017, d'être autorisée à mandater tel huissier de son choix afin de se rendre au siège de la SAM A aux fins de se faire remettre :

* tous les documents couverts par le secret bancaire au nom du de cujus,

* tous les documents d'ouverture de relation et les relevés de comptes des entités juridiques dont le de cujus était le bénéficiaire économique,

* tous les documents et relevés de comptes sur lesquels le de cujus disposait de pouvoirs ou de droits,

* - ordonner en particulier que soient remis à l'huissier tous documents et informations relatifs aux entités suivantes : la société de droit des îles Cayman « C », la société civile de droit français « D », la société de droit panaméen « E »,

* - voir le juge des référés se déclarer incompétent pour statuer sur la demande reconventionnelle en rétractation de l'ordonnance du 17 novembre 2017, formulée par la SAM A et débouter celle-ci de toutes ses demandes.

Suivant ordonnance en date du 28 septembre 2018, le juge des référés :

* - s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de rétractation de l'ordonnance présidentielle du 17 novembre 2017 et sur la demande d'ajout à cette ordonnance,

* - enjoint à la SAM A de communiquer à c. E. la totalité des éléments mentionnés au dispositif de l'ordonnance présidentielle le 17 novembre 2017 (sur requête numéro 2018/000107), dans le délai de 8 jours suivant la signification de la présente décision, sous astreinte provisoire, passé ce délai, de 10.000 euros par jour de retard pendant 3 mois après quoi il sera à nouveau fait droit,

* - débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* - condamné la SAM A aux entiers dépens de la présente ordonnance.

Au soutien de cette décision, le premier juge a fait valoir en substance que l'ordonnance litigieuse a été rendue sur requête sur le fondement des articles 851 et 852 du Code de procédure civile et que le tiers auquel l'ordonnance de compulsoire est opposée peut se pourvoir devant le juge de droit commun ce qui n'a pas été mis en œuvre, ou devant le juge des référés lorsque la compétence de ce magistrat a été réservée aux fins de rétractation par l'ordonnance de compulsoire, ce qui n'est pas le cas de la décision du 17 novembre 2017, en sorte qu'il n'apparaît pas compétent pour statuer sur les difficultés d'exécution soulevées ni sur la demande d'ajout à l'ordonnance initiale.

Suivant exploit en date du 12 octobre 2018, la SAM A a interjeté appel parte in qua de l'ordonnance de référé rendue le 28 septembre 2018, à l'effet de voir la Cour infirmer en toutes ses dispositions cette décision et rétracter l'ordonnance du 17 novembre 2017 tout en déboutant Madame c. E. de toutes ses demandes fins, et conclusions à cet égard en la condamnant aux entiers dépens.

Aux termes de l'ensemble de ses écritures d'appel, la SAM A fait valoir en substance que :

* - l'ordonnance critiquée retient à tort l'incompétence du magistrat des référés pour statuer sur une assignation diligentée par un tiers qui souhaite remettre en cause la mesure de compulsoire dont il fait l'objet,

* - le premier juge a constaté dans l'ordonnance querellée que le fondement de l'instance s'inscrivait en réalité dans le cadre des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile permettant au président du Tribunal de statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire,

* - la décision critiquée prive le justiciable de son droit d'accès au juge pour faire trancher sa contestation, et donne plus de droits au bénéficiaire de l'ordonnance qu'à la banque elle-même,

* - l'objet du litige procède manifestement d'une difficulté d'exécuter la décision du juge des requêtes en l'état des questions et des responsabilités faisant naître au détriment de la banque,

* - cette déclaration d'incompétence s'est en outre assortie d'une déclaration de compétence pour condamner la banque à une astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance querellée,

* - il conviendra dès lors de réformer l'ordonnance d'incompétence rendue par le Président du tribunal de première instance le 28 septembre 2018 et se déclarer compétent pour statuer sur la demande de rétractation,

* - la Cour devra par la suite évoquer l'affaire sur la demande de rétractation de l'ordonnance de compulsoire,

* - cette demande de rétractation est fondée sur le défaut de qualité à agir de Madame c. E. qui ne démontre pas revêtir la qualité d'héritier réservataire, l'unique document permettant en droit suisse d'attester du statut d'héritier étant le certificat d'héritier, cette pièce n'ayant pas été communiquée aux débats,

* - le secret professionnel du banquier contraint également la SAM A à s'opposer à la communication des informations requises, lesquelles de nature confidentielle tendent à assurer tant la protection de la vie privée de sa clientèle que la préservation du secret des affaires,

* - aucune des exceptions respectivement énumérées par la loi permettant la levée du secret bancaire n'étant établie, cet empêchement légitime justifie la demande de rétractation de l'ordonnance de compulsoire du 17 novembre 2017.

Madame c. E. intimée, entend voir la Cour d'appel :

* - déclarer nul pour défaut de motivation l'appel interjeté par la SAM A à l'encontre de l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018,

* - déclarer irrecevable pour défaut de fondement légal l'appel interjeté par la SAM A à l'encontre de l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018,

* - débouter la SAM A de l'ensemble de ses demandes et confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018.

Tout en relevant appel incident, Madame c. E. demande à la Cour de l'autoriser à mandater tel huissier de justice de son choix afin de se rendre au siège de la SAM A afin que lui soient remis :

* - tous les documents couverts par le secret bancaire au nom du de cujus,

* - tous les documents d'ouverture de relation et les relevés de comptes des entités juridiques dont le de cujus était bénéficiaire économique,

* - tous les documents et relevés de comptes sur lesquels le de cujus disposait de pouvoirs ou de droits,

* - ordonner en particulier que soient remis à huissier instrumentaire tous documents et informations relatifs aux entités suivantes, le cas échéant les comptes bancaires qu'ils détiennent depuis leur entrée en relation jusqu'à la date du décès le 13 octobre 2016 en lien avec les deux propriétés du de cujus à Monaco et Saint-Jean-Cap-Ferrat ou toutes autres, à savoir :

* la société de droit des Iles Cayman dénommée « C » dont le représentant légal et liquidateur est t. a. BE. ou tout autre (ayant été propriétaire de la Villa V),

* la société civile immobilière de droit français dénommée « D » dont la gérante statutaire est h. KO. veuve E. (propriétaire de la Villa V),

* la société de droit panaméen dénommée E dont le directeur est Monsieur t. a. BE. (propriétaire de la Villa W),

* - assortir ces mesures d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard jusqu'à parfaite exécution,

* - condamner la SAM A à verser à c. E. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* - condamner la SAM A aux entiers dépens, en ce compris tous frais et accessoires, frais d'huissier, d'expertises et de traduction éventuelle dont distraction faite au profit de Monsieur le Bâtonnier Richard MULLOT, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Madame c. E. expose en substance, aux termes de l'ensemble de ses écritures judiciaires, que :

* - l'exploit d'appel délivré à la requête de la SAM A est manifestement dépourvu de motivation et de critique, la banque se contentant de reprendre l'ensemble de son argumentation soumise au juge des référés sans aucun développement substantiel, ni argumentation, quant aux griefs dirigés contre l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018 concerné par l'appel,

* - en l'état de la jurisprudence unanime applicable, l'appel interjeté par exploit du 12 octobre 2018 sera donc déclaré nul et de nul effet,

* - la demande d'évocation est radicalement irrecevable au visa des dispositions de l'article 433 du Code de procédure civile qui ne concerne que l'appel d'un jugement statuant au fond et non l'appel d'une ordonnance de référé,

* - la SAM A soutient à tort que sa demande de rétractation était fondée sur les dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile relatif à des difficultés d'exécution alors qu'une telle procédure règle les modalités d'exécution d'une ordonnance juridictionnelle et ne tend nullement à la rétractation de cette décision, objet de la demande formée devant le juge des référés,

* - la banque confond volontairement de tels concepts juridiques afin de légitimer une procédure initiée devant une juridiction incompétente dans la mesure où une telle voie de recours n'a pas été réservée par l'ordonnance du juge et qu'elle n'est pas expressément autorisée par la loi au sens des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile,

* - la banque la SAM A ne s'est pas trouvée privée de son droit au recours effectif, seul le juge des référés se trouvant incompétent, ce qui n'était pas le cas des autres juridictions monégasques, puisque la SAM A aurait pu, sur le fondement des dispositions de l'article 168 du Code de procédure civile, saisir le Tribunal de première instance en urgence,

* - la SAM A a fait preuve d'une inertie fautive depuis plus de 10 mois dans le but d'avantager ses riches clients et de poursuivre ses relations d'affaires lucratives avec eux, tout en retardant un maximum l'exécution des décisions rendues,

* - la réserve héréditaire est un droit d'ordre public et l'héritier réservataire qu'est Madame c. E. fille du de cujus, est fondée à solliciter du juge des référés que des mesures complémentaires soient ordonnées afin de satisfaire son droit à l'information sur le patrimoine de son père,

* - le secret bancaire ne peut être opposé au titulaire du compte, ni à ses héritiers qui continuent sa personne,

* - Madame c. E. héritier réservataire en ligne directe dispose d'un droit d'information sans restriction confirmé par les avis de droit versés à la procédure et concernant tout élément nécessaire à la détermination et la reconnaissance de son statut d'héritiers officiels,

* - la Cour de révision a, dans quatre arrêts en date du 7 mai 2018 et 17 juin 2018, reconnu le droit à l'information de l'héritier réservataire tout en affirmant que le secret bancaire est tenu en échec par la réserve héréditaire d'ordre public,

* - l'ordonnance présidentielle de compulsoire querellée limitait les divulgations aux seules informations relatives à la dénomination des entités juridiques dont Monsieur E.était le bénéficiaire exclusif en sorte qu'il conviendra d'obtenir que des mesures complémentaires soient ordonnées afin d'avoir un accès complet et sans limitation à l'information sur le patrimoine du de cujus,

* - l'appel interjeté par la SAM A constitue une manœuvre dilatoire et apparaît manifestement abusif ouvrant droit à la réparation du préjudice lié pour l'intimée à l'obligation de défendre ses droits.

Aux termes d'ultimes conclusions en date du 28 mai 2019, la SA B est intervenue volontairement aux débats pour se voir donner acte de ce qu'elle vient désormais aux droits de la SAM A en l'état de la transmission universelle de patrimoine de cette entité intervenue à son profit le 3 mai 2019 et au vu de la radiation de la SAM A du répertoire du commerce et de l'industrie effectuée le 27 mai 2019, tout en reprenant l'entier bénéfice de l'ensemble des actes de la procédure d'appel depuis l'exploit du 12 octobre 2018 jusqu'aux conclusions ultérieures.

Par conclusions en réponse du même jour c. E. demande qu'il soit donné acte de ce qu'elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour en ce qui concerne l'intervention volontaire de la SA B mais sollicite le rejet de ses conclusions récapitulatives non autorisées, déposées le 20 mai 2019 et évoquant le fond du litige.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

* Sur la procédure

Attendu qu'il convient en premier lieu de déclarer la SA B recevable et bien-fondée en son intervention volontaire aux débats et de constater qu'elle vient désormais aux droits de la SAM A, par l'effet de la transmission universelle de patrimoine intervenue le 3 mai 2019 à son profit et au visa de la radiation de la SAM A du Répertoire du Commerce et de l'Industrie réalisée le 27 mai 2019 ;

Que la SA B se trouve dès lors désormais substituée dans tous les droits et obligations de l'appelante, ayant déclaré reprendre l'entier bénéfice des actes de procédure déposés par la SAM A depuis l'exploit d'appel du 12 octobre 2018 ;

Attendu s'agissant de la demande de rejet des conclusions récapitulatives déposées le 21 mai 2019 par la SA B, que lesdites écritures seront admises en la cause en ce qu'elles tendent essentiellement à matérialiser l'intervention volontaire aux débats de cette nouvelle entité sans modifier le lien d'instance ni ajouter de moyens ou de demandes aux écritures judiciaires initialement présentées pour le compte de la société appelante ; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats lesdites écritures récapitulatives ;

* Sur la nullité de l'exploit d'appel

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 427 du Code de procédure civile que l'appel est formé par un exploit d'assignation qui doit à peine de nullité notamment contenir l'exposé des griefs et les motifs à l'appui ;

Attendu que l'exploit d'appel en date du 12 octobre 2018, s'il réitère et développe l'argumentaire soumis aux premiers juges, satisfait également indiscutablement dans son chapitre « discussion » aux prescriptions légales susvisées dès lors que la décision d'incompétence prise par le premier juge y apparaît expressément critiquée, à travers différents motifs tenant notamment au droit au recours effectif conféré à tout justiciable ;

Qu'il s'ensuit qu'il ne sera pas fait droit au moyen de nullité de l'exploit d'appel, cet acte de procédure comprenant bien l'exposé des griefs et les motifs à l'appui au sens des dispositions de l'article 427 du Code de procédure civile ;

* Sur la recevabilité des appels

Attendu que les appels, tant principal qu'incident, ont par ailleurs été formés dans les conditions de délais et de forme prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;

* Sur la compétence du juge des référés et le surplus des demandes

Attendu qu'aux termes de l'exploit susvisé en date du 12 octobre 2018 la SAM A est appelante de l'ordonnance rendue le 28 septembre 2018 par le juge des référés aux termes de laquelle ce magistrat s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 17 novembre 2017 et en ajout à cette ordonnance formulées respectivement tant par la SAM A que Madame c. E.;

Que cette ordonnance de compulsoire tendant à la communication d'informations de pièces détenues par un tiers a été rendue dans le cadre de la procédure sur pied de requête initiée devant le Président du Tribunal de première instance ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile que :

« On ne pourra se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête que dans les cas suivants :

* - 1/lorsque cette voie de recours est expressément autorisée par la loi,

* - 2/ lorsque en l'absence d'une prohibition légale elle aura été formellement réservée par l'ordonnance du juge » ;

Attendu qu'il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile :

« Il peut également en être référé au Président du Tribunal de première instance pour statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire ou d'un titre exécutoire » ;

Attendu que se référant aux règles de procédure du for, le premier juge a observé, au soutien de sa décision d'incompétence, que le tiers auquel l'ordonnance de compulsoire est opposée peut se pourvoir devant le juge de droit commun ou devant le juge des référés si sa compétence a été réservée par l'ordonnance de compulsoire aux fins de rétractation, conformément aux dispositions de l'article 852 du Code de procédure civile, ce qui n'a pas davantage été le cas ;

Que s'il est établi que le tiers auquel l'ordonnance de compulsoire est opposée peut simplement se pourvoir devant le juge de droit commun, la partie à l'origine de la demande de compulsoire peut quant à elle soit agir en rétractation partielle de l'ordonnance du Président du Tribunal de première instance devant le juge des référés si les conditions prescrites par l'article 852 sont remplies, c'est-à-dire si l'ordonnance du juge a formellement prévu cette voie de recours ou si elle est prévue par la loi, soit interjeter appel dans le cadre de son droit au recours effectif s'il n'a pas été fait droit, en tout ou partie, à sa demande de compulsoire ;

Que, par ailleurs, si le requérant en compulsoire se voit confronté à des difficultés inhérentes à l'exécution de l'ordonnance ayant fait droit, en tout ou partie, à sa demande, il lui est encore loisible d'agir sur le fondement des dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile devant le juge des référés pour voir résoudre les obstacles auxquels il est confronté ;

Attendu qu'il s'ensuit que le premier juge apparaît avoir justifié sa décision en se déclarant d'une part incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en rétractation de l'ordonnance du 17 novembre 2017 formée par le tiers, la SAM A, et ce dès lors que les conditions prescrites par l'article 852 du Code n'étaient pas remplies et, d'autre part compétent pour connaître de la demande en difficultés d'exécution portée devant lui par Madame c. E. qui n'était autre que la partie requérante initiale en compulsoire désireuse de faire juger au contradictoire du tiers concerné les difficultés inhérentes à l'exécution de l'ordonnance du 17 novembre 2017 ;

Attendu que l'ordonnance du 28 septembre 2018 sera sur ces points confirmée ;

Attendu que c. E. sollicite également l'élargissement de l'ordonnance dont la rétractation est demandée à des mesures qui ont notamment été rejetées par le Président du Tribunal lequel a estimé qu'elles ne présentaient pas de caractère limité et apparaissaient susceptibles de porter atteinte, tant au secret professionnel auquel l'établissement bancaire est tenu, qu'aux droits d'éventuels tiers ;

Mais attendu que ce faisant, c. E. qui n'a pas interjeté appel dans les délais prévus par la loi de ce refus partiel opposé par le Président du Tribunal de première instance statuant sur requête sollicite désormais de la Cour d'appel, qui est en l'espèce l'émanation du juge des référés, d'élargir le champ de l'ordonnance sur requête initiale, dont elle demande donc implicitement mais nécessairement la rétractation, du moins partielle ;

Qu'en conséquence, une telle demande reconventionnelle n'apparaît pas recevable pour les raisons précisées ci-dessus à l'occasion de l'examen de l'appel principal, les conditions légales permettant de se pourvoir en référé contre une ordonnance sur requête n'apparaissant pas réunies en l'espèce ;

Attendu enfin que la demande formée par c. E. tendant à voir enjoindre à la SAM A d'exécuter l'ordonnance du 17 novembre 2017 sous astreinte provisoire portée à 10.000 euros par jour de retard apparaît fondée sur les dispositions de l'article 415 du Code de procédure civile, attribuant compétence au juge des référés pour statuer sur les difficultés d'exécution d'une décision judiciaire ou d'un titre exécutoire ;

Qu'à cet égard, le premier juge a, à bon droit relevé, et par des motifs que la Cour adopte, que les difficultés d'exécution prévues à l'article 415 du Code de procédure civile procèdent de toutes contestations de nature juridique opposées par une partie à l'exécution d'une décision ;

Qu'il résulte des pièces produites que les avis de droit suisse témoignent de la portée juridique du statut d'héritière virtuelle de Madame c. E. déjà saisie des biens de son père défunt d'une part, alors que d'autre part cette héritière dispose d'un droit légitime à l'information s'agissant de la détermination du montant de la réserve héréditaire ;

Qu'il convient en outre de relever l'aspect illégitime d'un tel refus d'exécution dans la mesure où les informations devant être communiquées à c. E. ne concernent ni l'existence de comptes, ni l'identité des titulaires, mandataires ou personnes ayant le pouvoir de les faire fonctionner, mais simplement la dénomination et la forme d'entités juridiques, outre l'identité et les coordonnées de leur représentant légal ainsi que le cas échéant de leur mandataire agréé, toutes informations n'étant pas couvertes par le secret professionnel institué par l'article L511-33 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il y a dès lors lieu de confirmer également la décision déférée en ce qu'elle a fait droit à la demande de c. E. en enjoignant à la SAM A d'exécuter dans le délai de 8 jours à compter de la signification de l'ordonnance, l'ordonnance sur requête en date du 17 novembre 2017 et en assortissant cette injonction d'une astreinte provisoire de 10.000 euros par jour de retard pendant trois mois après quoi il sera à nouveau fait droit en sorte que la décision entreprise sera confirmée ;

Attendu en définitive que l'ordonnance rendue le 28 septembre 2018 par le juge des référés sera confirmée en toutes ses dispositions et les parties déboutées de leurs prétentions plus amples ou contraires ;

Attendu qu'il n'est enfin pas établi que la résistance de la SAM A procède d'une intention dolosive, ni ne révèle une erreur équipollente au dol en sorte que la demande de dommages-intérêts formée par c. E. sera purement et simplement rejetée ;

Attendu que les dépens d'appel seront compensés entre les parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare la SA B recevable et bien-fondée en son intervention volontaire aux débats et constate qu'elle vient désormais aux droits de la SAM A et reprend l'entier bénéfice des actes de procédure déposés au nom de cette entité depuis l'exploit d'appel du 12 octobre 2018,

Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions récapitulatives déposées le 21 mai 2019 par la SA B,

Déboute Madame c. E. des fins de son moyen de nullité de l'exploit d'appel,

Déclare recevables les appels principal et incident,

Au fond, déboute respectivement chacune des parties de l'ensemble de leurs prétentions,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue par le juge des référés le 28 septembre 2018,

Déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes,

Ordonne la compensation des dépens d'appel,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 9 JUILLET 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Bénédicte SEREN-PASTEAU, Greffier, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18310
Date de la décision : 09/07/2019

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : La SAM A et la SA B
Défendeurs : Madame c. a. E. divorcée B.

Références :

articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
art. 427 du Code de procédure civile
Code de procédure civile
article 168 du Code de procédure civile
article 852 du Code de procédure civile
article 433 du Code de procédure civile
article 415 du Code de procédure civile
articles 851 et 852 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-07-09;18310 ?

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