Abstract
Contrat de travail – Licenciement – Insuffisance professionnelle – Licenciement régulier (non) – Motif valable (non) – Caractère abusif (oui)
Résumé
En premier lieu, l'appelant soutient que son licenciement est abusif dès lors que la procédure préalable n'a pas été menée régulièrement dans la mesure où l'employeur n'a pas sollicité l'avis du conseil de discipline en application de l'article 27 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques préalablement à son licenciement. Cette disposition prévoit la délivrance d'un avis préalable par le Conseil de discipline au cas de sanction disciplinaire du second degré dont la révocation. Il résulte des dispositions combinées des articles 25 à 32 de la Convention Collective que cet accord collectif distingue l'insuffisance de travail de l'inaptitude à l'emploi, la première résultant de la mauvaise volonté du salarié concerné à remplir ses fonctions, alors que la seconde est la conséquence de son incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle à occuper l'emploi qui lui est confié. Ainsi, alors que l'insuffisance de travail, les manquements à la discipline ainsi que de manière générale toutes les fautes professionnelles commises par un agent sont passibles des sanctions du premier ou du deuxième degré prévues par l'article 25, l'insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle constitue quant à elle, indépendamment de l'application des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires, un motif de rupture du contrat de travail prévu par l'article 32. En conséquence, lorsque la direction d'un établissement bancaire entend prononcer à l'encontre d'un salarié auquel elle reproche une insuffisance de travail, un manquement à la discipline ou même simplement des fautes à caractère professionnel, une sanction du deuxième degré, telle que la révocation, celle-ci doit obligatoirement requérir préalablement l'avis d'un conseil de discipline dans les conditions prévues à l'article 27 de l'accord collectif susvisé. En l'espèce, cet avis n'ayant ni été obtenu, ni au demeurant sollicité par l'intimée, la rupture du contrat de travail revêt, en la forme, un caractère irrégulier.
Pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables et imputables au salarié. Il appartient au juge de les vérifier pour s'assurer que la rupture repose sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement. L'insuffisance de résultats peut aussi constituer une cause de licenciement dès lors que les objectifs fixés au salarié étaient réalistes et que les faibles résultats procèdent d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié sur une certaine durée. En l'espèce, il apparait ainsi que les objectifs contractuels au salarié ont été atteints. Les premiers juges ont justement considéré que l'insuffisance de résultats n'était pas établie. Si l'employeur justifie d'une baisse de la conservation de la clientèle sur plusieurs années sans pour autant avoir fait aucune observation à t.M. ni la moindre remarque à ce titre alors qu'il n'est pas démontré de lien de causalité entre cette baisse et l'activité du salarié/ Par ailleurs, l'insuffisance professionnelle peut également être constituée par la faiblesse des résultats du salarié par rapport à ceux obtenus par ses collègues placés dans une situation comparable. Les premiers juges ont justement retenu que l'insuffisance professionnelle reprochée, faute d'éléments matériellement vérifiables, ne pouvait être considérée comme établie, ce qui au final rendait le licenciement dépourvu de motif valable.
Constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le licenciement a été mis en œuvre. Il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve. En application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts. Le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, par exemple en invoquant des motifs fallacieux, ce qui s'avère être le cas en l'espèce. Le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque. L'analyse à laquelle il a été procédé précédemment a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n'était pas valable. Au cas d'espèce, en premier lieu en ne sollicitant pas l'avis du conseil de discipline, l'employeur a privé t.M. des garanties prévues par l'article 27 de la Convention Collective des Banques, le non-respect de ces dispositions protectrices se traduisant concrètement pour l'appelant par la perte de la chance qui lui était ainsi offerte d'obtenir de la part de cette instance de prononcer un avis susceptible de faire obstacle à son licenciement. En second lieu, en invoquant à l'appui du licenciement de l'appelant un motif fallacieux destiné à masquer la véritable raison de cette mesure, laquelle réside en réalité dans le refus d'accepter toute modification du contrat de travail soumise au salarié. Comme le Tribunal l'a justement relevé cette rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où le salarié n'avait aucun moyen d'anticiper la décision de l'intimée lorsque le licenciement lui a été notifié au cours d'un entretien dont la teneur n'avait pas été précisée dans la lettre de convocation. De plus, si la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire, le contexte précité dans lequel celle-ci est intervenue a été de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur le salarié. L'employeur a donc commis plusieurs fautes dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture qui confèrent au licenciement intervenu un caractère abusif.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 2 JUILLET 2019
En la cause de :
* - Monsieur t. M., né le 9 mai 1958 à Alger (Algérie), de nationalité française, sans profession, demeurant et domicilié X1 à Nice (06000 - France) ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
* - La Société Anonyme Monégasque A, dont le siège social est sis dans l'immeuble « Y » - X2 à Monaco (98006), prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, domicilié et demeurant audit siège social ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal du travail, le 15 février 2018 ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 mars 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000110) ;
Vu les conclusions déposées les 17 juillet 2018, 25 janvier 2019 et 23 avril 2019 par Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme Monégasque A ;
Vu les conclusions déposées les 4 décembre 2018 et 7 mars 2019 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur t. M.;
À l'audience du 30 avril 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur t. M. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 15 février 2018.
Considérant les faits suivants :
t. M. a été embauché par la société anonyme monégasque A le 8 janvier 2007 en qualité de Gestionnaire - Sous-Directeur, moyennant un salaire fixe annuel de 70.000 euros brut, outre une gratification exceptionnelle calculée sur les données arrêtées au 31 décembre de chaque exercice.
Quatre avenants au contrat de travail ont ensuite été conclus entre les parties, modifiant le mode de calcul des gratifications.
À la date du dernier avenant du 10 mars 2011, t. M. percevait un salaire fixe de 100.000 euros brut ainsi qu'une gratification exceptionnelle calculée sur les données arrêtées au 31 décembre de chaque exercice.
t. M. était convoqué à un entretien le 22 avril 2014 au cours duquel l'avenir de ses relations contractuelles avec la SAM A a été évoqué.
À la suite duquel, un nouvel entretien a été fixé au 30 avril 2014.
À l'issue de ce second entretien, la SAM A lui a notifié la rupture de son contrat de travail sur le fondement de l'article 32 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, pour insuffisance professionnelle, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 avril 2014 ainsi libellée :
« Cher Monsieur,
Faisant suite aux entretiens que vous avez eus avec Monsieur h. O. Madame B. et Monsieur M. notamment ce jour, nous avons le regret de vous notifier par la présente, la rupture de votre contrat de travail sur le fondement de l'article 32 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques, pour insuffisance professionnelle.
Nous sommes contraints à procéder à votre licenciement car notre Etablissement a relevé un nombre trop important de manquements de votre part pour accomplir les missions qui vous ont été confiées en qualité de gestionnaire senior, principalement au niveau du développement commercial et de la valorisation et fidélisation des actifs gérés.
La faiblesse de vos résultats est d'autant moins explicable que, pour permettre de concentrer les efforts des Chargés de Clientèle sur l'aspect commercial, la gestion des portefeuilles de la clientèle gérée a été intégralement confiée à notre filiale, la SAM A, ce qui vous a libéré un temps de prospection qui n'a malheureusement pas été mis à profit de manière adéquate.
Les manquements qui seront détaillés ci-dessous et votre incapacité à conserver votre propre clientèle pour un montant total de 50 millions d'euros, ne peuvent plus justifier du maintien d'une gratification telle que calculée jusqu'à présent.
Cette réalité est d'autant plus incontestable que, pour vous soutenir, Monsieur O. vous a confié en décembre 2013 la gestion de quelque quatre millions d'euros d'actifs supplémentaires, dont vous êtes étranger au démarchage mais sur lesquels vous prétendez à une commission.
Ce qui précède explique que la SAM A ne pouvait même plus vous confier une clientèle supplémentaire que vous n'étiez vous-même pas en mesure de vous procurer.
La SAM A vous a proposé un nouveau mode de calcul de la part variable de votre rémunération, tout en augmentant de manière significative votre salaire fixe, de manière à vous permettre de conserver une rémunération très confortable.
Malheureusement, vous n'avez pas souhaité donner suite à cette proposition tout en n'effectuant aucune diligence, ne serait-ce que pour encourager l'apport d'actifs par la Clientèle existante ainsi que par le démarchage de nouveaux Clients.
Sans être exhaustif, nous avons été contraints de constater que :
* - depuis le 31 décembre 2009, la somme des avoirs de votre propre clientèle n'a cessé de diminuer, puisqu'elle est passée de 52.342.598,74 euros à la somme de 47.634.035,31 euros au 31 décembre 2013, soit 4.708.563,43 euros d'actifs en moins.
Ce résultat est d'autant plus étonnant que, sur la même période, l'évolution des marchés boursiers a progressé de quelque 65 % pour les produits européens et même de plus de 125 % pour les investissements américains.
Outre cela, vous n'ignorez pas que, le seul élément complémentaire ayant permis de stabiliser vos chiffres et de parvenir aux 50 millions d'euros fixés dans votre contrat, est un recours aux apporteurs d'affaires qui, ces quatre dernières années, ont réalisé à votre place le travail propre à l'activité commerciale considérée, rémunérée, en l'état de l'avenant de votre contrat de travail du 10 mars 2011, à 50 % par l'ensemble de la SAM A et à 50 % seulement par votre cellule.
En d'autres termes, il n'est pas logique que l'ensemble du personnel de la SAM A ait à supporter quelque 50 % de la rémunération des apporteurs amenés à suppléer vos carences.
En effet, je vous rappelle à ce titre que le coût pour la SAM A est plus élevé si les apports de clientèle proviennent des apporteurs d'affaires puisqu'elle perçoit une rémunération de 66,67 % sur tous les clients que vous lui amèneriez « par vos propres efforts » contre 58,4 % pour les clients apportés par les apporteurs d'affaires.
* - alors que votre principale mission est de prospecter de nouveaux clients, et que votre charge de travail a été allégée afin de vous permettre de vous concentrer totalement sur l'aspect commercial, la SAM A a relevé que, en près de deux ans, vous n'avez effectué que 10 déplacements professionnels, qui plus est tous en Italie.
Incidemment, ces déplacements ne vous ont pas permis, sur cette période, d'augmenter votre clientèle propre, et ce, encore une fois, au détriment de la SAM A .
* - toujours dans le même objectif de développement de la clientèle, la SAM A a encore constaté que vous ne fournissez aucun effort pour convier des clients à des évènements auxquels elle participe en Principauté et dans la région (tennis, golf organisé par la SAM A, Voile de Saint-Tropez, Coupe Davis, Top Marques).
Ainsi, depuis 2011, vous n'avez invité que 9 prospects dont, en définitive, aucun n'est devenu client de notre Etablissement.
Par ailleurs, malgré les conseils de vos supérieurs, vous n'avez jamais souhaité participer activement au Club S, lequel offre pourtant des opportunités de nouer des relations avec ses membres constituant une clientèle potentielle importante à ne pas négliger.
* - enfin, depuis le 31 décembre 2009, la balance retraits/apports de vos clients propres est chaque année négative, ce qui démontre en tant que de besoin que vous n'êtes pas à même d'inciter votre Clientèle à conserver, sinon à amener plus d'actifs à gérer dans notre banque .... ».
Par requête en date du 6 janvier 2015, t. M. a saisi le Tribunal du travail des demandes suivantes :
* - dire et juger que son licenciement est formellement irrégulier, ne repose pas sur un motif valable et revêt un caractère abusif s'agissant d'un faux motif,
* - condamner la SAM A au paiement de la somme de 1.420.000 euros à titre de dommages intérêts.
Par jugement en date du 15 février 2018, le Tribunal du travail a statué comme suit :
* - rejette des débats la pièce n° 92 produite par t. M.
* - rejette la demande de communication de pièces présentée par la SAM A,
* - dit que le licenciement de t. M. ne repose pas sur une cause valable et revêt un caractère abusif,
* - condamne la SAM A à payer à t. M. la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
* - déboute les parties du surplus de leurs demandes,
* - condamne la SAM A aux dépens.
Par acte en date du 26 mars 2018 et par conclusions en date des 4 décembre 2018 et 7 mars 2019, t. M. sollicite la réformation du jugement en ces termes :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* - dit que le licenciement de Monsieur M. ne reposait pas sur une cause valable et revêtait un caractère abusif,
* - confirmer le même jugement en ce qu'il a condamné la SAM A à payer à Monsieur t. M. la somme de 50.000 (cinquante mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral du fait de la situation générée par la rupture de contrat exercée avec légèreté et brutalité, Monsieur M. n'ayant nullement pu l'anticiper.
Réformer en revanche la décision en ce qu'elle a :
* - indiqué ne pouvoir faire droit à une réparation de préjudice matériel que lorsque le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable et lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de position et ainsi débouté Monsieur M. du surplus de ses demandes,
* - indiqué que constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit à mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux, lequel se caractérise par la fausseté du grief invoqué combiné à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque,
* - dire et juger qu'une telle interprétation est illégale et que le préjudice matériel et financier du salarié n'a pas à être lié au degré de la faute commise par l'employeur, puisque l'article 13 de la Loi n° 729 dispose que toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts, sans distinction du préjudice matériel et financier d'une part et du préjudice moral d'autre part,
* - dire et juger qu'il n'incombe pas au salarié de démontrer la volonté de tromperie et de nuisance de l'employeur pour que son licenciement reposant sur un faux motif soit reconnu comme abusif,
* - condamner dès lors la SAM A au paiement de la somme de 1.420.000 (un million quatre cent vingt mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation des autres préjudices auxquels le Tribunal du travail n'a pas fait droit, notamment au regard du préjudice matériel et financier,
Si par impossible, la Cour ne devait pas faire droit à cette demande au regard de la même interprétation qu'elle ferait de l'article 13 de la loi n° 729, tout comme le Tribunal du travail avant elle :
* - dire et juger qu'en tout état de cause, en raison des motifs fallacieux invoqués par la SAM A, le licenciement notifié à Monsieur t. M. revêt un caractère abusif qui induit une volonté de la part de l'employeur de lui nuire, outre le fait qu'il ne repose pas sur un motif valable,
* - condamner en conséquence la SAM A, au paiement de la somme de 1.420.000 (un million quatre cent vingt mille) euros à titre de légitimes dommages et intérêts en réparation des autres préjudices auxquels le Tribunal du travail n'a pas fait droit, notamment au regard du préjudice matériel et financier,
en tout état de cause,
* - dire et juger que le licenciement de Monsieur M. a été doublement abusif, puisque celui-ci a été privé de la Procédure disciplinaire prévue par la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques tandis qu'une insuffisance de travail lui à tort était reprochée,
* - dire et juger que la demande de Monsieur M. de confirmation du jugement en ce qu'il lui a été alloué la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, ne s'analyse point en une demande nouvelle et doit être déclarée comme recevable, dès lors que dans le cadre de son billet de saisine, Monsieur M. a présenté une demande de 1.420.000 euros à titre de dommages et intérêts,
* - condamner la SAM A aux entiers frais et dépens de Première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, aux offres de droit.
Il fait essentiellement valoir que :
* - le Tribunal a statué contra legem puisque l'article 13 de la loi n° 729 ne fait aucune distinction entre préjudice matériel et moral,
* - son préjudice matériel n'a pas été indemnisé alors que le Tribunal a déclaré le licenciement abusif,
* - l'insuffisance professionnelle et l'insuffisance de résultats constituent deux notions différentes,
* - l'insuffisance professionnelle ne peut être valablement mise en cause dès lors qu'il a atteint ses objectifs commerciaux et qu'il avait treize ans d'ancienneté, à la plus grande satisfaction alors que l'employeur était prêt à le conserver dans ses effectifs s'il avait accepté la modification de son contrat de travail,
* - l'employeur n'a pas été en mesure de démontrer ni l'une, ni l'autre,
* - il a toujours atteint ses objectifs contractuels et le taux de 1 % de rentabilité minimum par année a également été atteint,
* - il n'a jamais reçu de rappel à l'ordre sur la qualité de son travail,
* - l'employeur n'a pas respecté les stipulations contractuelles en cas de non atteinte de l'objectif de conservation des actifs,
* - l'employeur lui a reproché une insuffisance professionnelle de nature fautive et il devait dans ce cas, d'une part en application des articles 25 et suivants de la Convention collective applicable lui faire une observation préalable et ensuite saisir le conseil de discipline pour obtenir son avis préalable,
* - l'insuffisance professionnelle alléguée ne repose pas sur des faits objectifs, précis et vérifiables,
* - le volume mais surtout la constante rentabilité de sa clientèle ont démontré la régularité du travail fourni,
* - à de nombreuses reprises, les dispositions de son contrat de travail ont été modifiées en sa faveur, ce qui fait échec à la théorie de l'insuffisance professionnelle et/ou de résultat,
* - il n'a commis aucun manquement au regard de la prospection commerciale et ses initiatives ont toujours été réalisées avec sérieux et régularité car dans le cas contraire, ses résultats commerciaux s'en seraient ressentis,
* - quand bien même l'employeur avait dénoncé une baisse de la conservation de la clientèle, ce dernier n'a pris aucune mesure à ce titre et ne lui a fait aucune remarque,
* - jusqu'au jour de son licenciement, son employeur n'a jamais évoqué avec lui la possibilité de le licencier pour ces motifs et ils étaient en phase de pourparlers dans un contexte tendu mais en négociation sur le mode de calcul de sa rémunération,
* - les modifications successives de son contrat de travail sont toutes intervenues en sa faveur,
* - son licenciement trouve sa cause unique en ce qu'il n'a pas accepté d'être rémunéré de manière moins importante, soit - 30 % de salaire, suivant le projet d'avenant n° 5 pour le travail qu'il accomplissait,
* - la proposition à l'initiative de la SAM A visait in fine à diminuer le montant de son salaire mensuel, qui constituait une modification d'un élément substantiel de son contrat de travail, qui ne pouvait lui être imposée unilatéralement,
* - le licenciement est ainsi fondé sur un motif fallacieux, basé sur un faux prétexte, l'employeur étant de mauvaise foi,
* - l'employeur reconnait implicitement dans ses écritures l'existence d'un autre motif tenant au régime de rémunération de son contrat de travail considéré comme trop favorable au regard des autres gestionnaires de la SAM A alors que selon elle, l'équilibre économique ne justifiait plus de maintenir ce niveau de rémunération,
* - la relation contractuelle a subi un tournant lorsque M. O. nommé comme Directeur général a découvert en 2013, à la faveur d'un audit interne, les modalités atypiques, de sa rémunération qui ne lui convenait pas,
* - le licenciement lui a été notifié le 30 avril 2014 alors qu'il se rendait à ce qu'il pensait être une « simple réunion » pour parler d'un éventuel « avenant » devant porter sur le calcul de sa rémunération,
* - il a fait l'objet d'un licenciement mis en œuvre de manière brutale alors que jusqu'au jour de son licenciement son employeur n'a jamais évoqué avec lui la possibilité de le licencier,
* - il a subi un préjudice financier et moral très important qui n'a pas été entièrement indemnisé.
Par conclusions en date des 17 juillet 2018 et 25 janvier 2019 et récapitulatives du 23 avril 2019, la SAM A, appelante incidente, demande à la Cour de :
* - réformer le jugement rendu par le Tribunal du travail le 15 février 2018 en ce qu'il a dit :
* que le licenciement de Monsieur t. M. ne reposait pas sur une cause valable,
* que le licenciement de Monsieur t. M. était abusif et lui a alloué la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
* - Le confirmer pour le surplus.
Statuant à nouveau,
* - dire et juger que le motif de licenciement de Monsieur M. est valable,
dire et juger que le licenciement n'est pas abusif,
* - constater que la SAM A n'a commis aucune faute dans le cadre de la rupture du contrat de travail qui la liait à Monsieur M.
En conséquence,
* - débouter Monsieur t. M. des fins de son appel,
* - le débouter de l'intégralité de ses demandes.
À titre subsidiaire,
Si par extraordinaire la Cour de céans devait reconnaître le caractère abusif de la rupture du contrat du travail de l'appelant et décider en conséquence le versement de dommages-intérêts au bénéfice de Monsieur M.
* - dire et juger que le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués à Monsieur M. se limiteront à un montant forfaitaire maximum et définitif de douze mille (12.000) euros, toutes causes de préjudices confondues.
En conséquence,
* - débouter Monsieur t. M. des fins de son appel,
* - le débouter de l'intégralité de ses demandes.
À titre infiniment subsidiaire,
* - confirmer purement et simplement le jugement rendu par le Tribunal du travail le 15 février 2018.
En conséquence,
* - débouter Monsieur t. M. des fins de son appel,
* - le débouter de l'intégralité de ses demandes.
En tout état de cause,
* - dire et juger que la demande de Monsieur M. de confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts doit s'analyser en une demande nouvelle et être déclarée irrecevable,
* - condamner Monsieur t. M. aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.
en soutenant essentiellement que :
* - en cause d'appel, l'appelant ne peut réclamer une somme supérieure à celle demandée devant le Tribunal,
* - elle a respecté ses obligations en adressant une lettre de licenciement comportant « l'énoncé de faits précis et matériellement vérifiables » et des différents manquements de son salarié,
* - elle démontre que l'insuffisance professionnelle est établie par la chute de conservation moyenne des clients du portefeuille attribué au salarié, l'évolution constante de la part de la clientèle en provenance des apporteurs d'affaires, son insuffisance de résultats, et l'absence de toute activité significative de prospection et de démarchage commerciale,
* - concernant les clients apportés par t. M. le tableau qu'elle produit indique d'une part, une forte baisse de la conservation moyenne annuelle de ses clients au cours des huit années d'activité et d'autre part, une baisse globale d'activité entre 2007 et 2013,
* - depuis son départ, aucun des clients qu'il avait en gestion n'est parti, de sorte que s'il s'agissait réellement de sa propre clientèle attachée à lui, elle l'aurait certainement suivi dans ses nouvelles fonctions au sein de la société R,
* - il n'est pas contesté que t. M. a toujours perçu des gratifications calculées sur ses revenus, en revanche, du fait de ses difficultés à conserver la clientèle, ses revenus ont sensiblement baissé ainsi que nécessairement le montant total des gratifications allouées,
* - sur plusieurs années consécutives, il n'est parvenu aux objectifs contractuellement fixés qu'avec l'aide des apporteurs d'affaires qui lui ont permis d'atteindre le seuil de 50 millions d'euros et de percevoir une gratification conséquente,
* - chaque année, le salarié a atteint de justesse ce seuil alors que ses collègues le dépassaient largement atteignant 100.000 millions d'euros,
* - le développement commercial implique nécessairement la recherche active de clients par le biais, notamment, de déplacements professionnels, alors qu'en un peu plus de deux ans, il n'en a effectué que dix déplacements professionnels,
* - cela démontre une réelle incapacité pour t. M. à remplir les missions qui lui étaient confiées, lequel a fait preuve de mauvaise volonté,
* - il n'a pas su prendre les mesures nécessaires pour convier des clients à des évènements auxquels la SAM A participe en Principauté et dans la région (tennis, golf organisé par la SAM A, Voile de Saint-Tropez, Coupe Davis, Top Marques),
* - l'insuffisance de résultats visée par t. M. fait partie intégrante de l'insuffisance professionnelle qui lui est imputée,
* - il n'a pas été licencié pour le motif « d'insuffisance de résultats » mais bien pour « insuffisance professionnelle » dont une des conséquences était la faiblesse des résultats,
* - les supérieurs hiérarchiques de t. M. l'ont à plusieurs reprises alerté sur ces manquements qui allaient aboutir à une mesure de licenciement,
* - le problème récurrent étant les difficultés pour t. M. de parvenir à la conservation de sa clientèle, il a été décidé de supprimer totalement ce critère du mode de calcul de sa rémunération ; elle lui a alors proposé d'augmenter fortement sa rémunération fixe de 100.000 euros à 140.000 euros tout en lui garantissant un bonus contractuel minimum de 40.000 euros en 2015, au titre de l'année 2014, outre le financement d'une voiture,
* la pratique de l'avenant était courante dans leurs relations contractuelles,
* - t. M. a refusé cet avenant malgré l'assurance de conserver son poste dans une banque prestigieuse avec une rémunération extrêmement confortable lui assurant une fin de carrière élogieuse, toute discussion est devenue impossible, et eu égard aux insuffisances professionnelles récurrentes, son licenciement est devenu inéluctable,
* - les articles 25 et 27 de la Convention collective ne sont pas applicables, seul en l'espèce l'article 32 doit être appliqué,
* - la procédure de licenciement a été mise en place dès le 22 avril 2014, et deux entretiens préalables ont eu lieu, aucune brutalité ne peut dès lors être relevée,
* - elle a invoqué quatre griefs alors que le Tribunal a réduit son analyse à deux griefs et qu'il aurait dû relever que l'appelant n'avait fait aucun effort pour la satisfaire,
* - son poste a été supprimé et il n'a pas été remplacé,
* - le préjudice allégué est totalement artificiel,
* - t. M. a travaillé pour le compte de la Société R à compter de son licenciement en percevant très probablement une contrepartie financière,
* - il n'a fait aucune diligence pour trouver un nouvel emploi officiel et a perçu les indemnités chômage pendant trois ans rendant l'évaluation de son préjudice sujette à caution.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que la recevabilité des appels régularisés dans les formes et délais légaux n'est pas discutée ;
Attendu que les dispositions relatives au rejet de la pièce n° 92 produite par t. M. et celles relatives au rejet de la demande de communication de pièces présentée par la SAM A ne sont critiquées par aucune des parties et seront donc confirmées ;
Sur la procédure préalable au licenciement
Attendu en premier lieu que l'appelant soutient que son licenciement est abusif dès lors que la procédure préalable n'a pas été menée régulièrement dans la mesure où l'employeur n'a pas sollicité l'avis du conseil de discipline en application de l'article 27 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques préalablement à son licenciement ;
Que cette disposition prévoit la délivrance d'un avis préalable par le Conseil de discipline au cas de sanction disciplinaire du second degré dont la révocation ;
Qu'il résulte des dispositions combinées des articles 25 à 32 de la Convention Collective que cet accord collectif distingue l'insuffisance de travail de l'inaptitude à l'emploi, la première résultant de la mauvaise volonté du salarié concerné à remplir ses fonctions, alors que la seconde est la conséquence de son incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle à occuper l'emploi qui lui est confié ;
Qu'ainsi, alors que l'insuffisance de travail, les manquements à la discipline ainsi que de manière générale toutes les fautes professionnelles commises par un agent sont passibles des sanctions du premier ou du deuxième degré prévues par l'article 25, l'insuffisance résultant d'une incapacité physique, intellectuelle ou professionnelle constitue quant à elle, indépendamment de l'application des dispositions relatives aux sanctions disciplinaires, un motif de rupture du contrat de travail prévu par l'article 32 ;
Qu'en conséquence, lorsque la direction d'un établissement bancaire entend prononcer à l'encontre d'un salarié auquel elle reproche une insuffisance de travail, un manquement à la discipline ou même simplement des fautes à caractère professionnel, une sanction du deuxième degré, telle que la révocation, celle-ci doit obligatoirement requérir préalablement l'avis d'un conseil de discipline dans les conditions prévues à l'article 27 de l'accord collectif susvisé ;
Que tel est le cas, en l'espèce, dès lors que la rupture du contrat de travail s'avère en réalité la conséquence de plusieurs manquements professionnels du salarié auquel il est expressément reproché « (...) un nombre trop important de manquements de votre part pour accomplir les missions qui vous ont été confiées (...) » commises dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, en ces termes :
* « - alors que votre principale mission est de prospecter de nouveaux clients, et que votre charge de travail a été allégée afin de vous permettre de vous concentrer totalement sur l'aspect commercial, la SAM A a relevé que, en près de deux ans, vous n'avez effectué que 10 déplacements professionnels, qui plus est tous en Italie.
Incidemment, ces déplacements ne vous ont pas permis, sur cette période, d'augmenter votre clientèle propre, et ce, encore une fois, au détriment de la SAM A.
* - toujours dans le même objectif de développement de la clientèle, la SAM A a encore constaté que vous ne fournissez aucun effort pour convier des clients à des évènements auxquels elle participe en Principauté et dans la région (tennis, golf organisé par la SAM A, Voile de Saint-Tropez, Coupe Davis, Top Marques).
Ainsi, depuis 2011, vous n'avez invité que 9 prospects dont, en définitive, aucun n'est devenu client de notre Etablissement .
Par ailleurs, malgré les conseils de vos supérieurs, vous n'avez jamais souhaité participer activement au Club S, lequel offre pourtant des opportunités de nouer des relations avec ses membres constituant une clientèle potentielle importante à ne pas négliger.
* - enfin, depuis le 31 décembre 2009, la balance retraits/apports de vos clients propres est chaque année négative, ce qui démontre en tant que de besoin que vous n'êtes pas à même d'inciter votre clientèle à conserver, sinon à amener plus d'actifs à gérer dans notre SAM A ... » ;
Que d'une part, ceux-ci n'ont pas donné lieu de la part de l'employeur à aucun avertissement préalable conformément à l'article 25.1 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques ;
Que d'autre part, alors que l'employeur en avait l'obligation en application des dispositions des articles 25.3 et 4 et 27 de ladite Convention, ce dernier n'a pas recueilli l'avis du conseil de discipline avant de notifier à l'appelant la sanction du deuxième degré que constitue son licenciement ;
Qu'en l'espèce, cet avis n'ayant ni été obtenu, ni au demeurant sollicité par l'intimée, la rupture du contrat de travail revêt, en la forme, un caractère irrégulier ;
Qu'en conséquence, le jugement sera réformé sur ce point ;
* Sur le motif de la rupture :
Attendu qu'il appartient à l'employeur d'établir la réalité et la validité des motifs invoqués à l'appui de sa décision de licenciement ;
Que la lettre de licenciement fait état non seulement d'une insuffisance professionnelle, mais également d'une insuffisance de résultat, en ce que le salarié n'a pas atteint les objectifs qui lui ont été confiés ;
Que pour constituer une cause de licenciement, l'insuffisance professionnelle doit être caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables et imputables au salarié ;
Qu'il appartient au juge de les vérifier pour s'assurer que la rupture repose sur des éléments concrets pour constituer un motif valable de licenciement ;
Que l'insuffisance de résultats peut aussi constituer une cause de licenciement dès lors que les objectifs fixés au salarié étaient réalistes et que les faibles résultats procèdent d'une faute ou d'une insuffisance professionnelle imputable au salarié sur une certaine durée ;
Qu'à cet égard, t. M. a été embauché en qualité de « gestionnaire senior » avec un statut hors classe -sous-directeur-, de sorte que la SAM A était légitimement en droit d'attendre un développement commercial significatif au regard de la qualification professionnelle du salarié et de son niveau de rémunération ;
Que les fonctions de ce salarié ont été définies dans le contrat de travail comme suit :
« À ce poste, le salarié sera plus spécialement chargé du développement commercial, de la gestion des portefeuilles sous mandat, du respect des politiques et des directives en vigueur au sein de la SAM A. Il sera hiérarchiquement rattaché au responsable de la cellule gestion Italie IV, Monsieur r. S.
Etant précisé que les tâches principales ci-dessus n'ont qu'un caractère indicatif et que la SAM A pourra affecter le salarié à un autre poste ou lui confier toute autre tâche ou fonction en rapport avec sa classification ou ses qualifications, selon les nécessités du fonctionnement de la SAM A . » ;
Que le contrat comportait également une clause « objectifs » libellée comme suit :
« L'objectif de conservation demandé est de 50 millions d'euros en capitaux moyens trimestriels calculés ponctuellement sur le montant de la conservation à chaque fin de mois. Les parties déclarent qu'elles ont l'une et l'autre conscience que leur accord est conclu en référence à la loi monégasque, laquelle définit dans le contrat de travail la notion de subordination et surtout la nécessité d'un intérêt pour l'employeur dans l'exécution du contrat par le salarié, dont le salaire est la contrepartie. Elles déclarent que la rémunération librement convenue entre elles résulte de la perspective d'une marge de revenu pour la SAM A, après couverture du salaire, des charges sociales et des frais inhérents à l'exécution du contrat. Cette condition a été déterminante dans la volonté de contracter de part et d'autre.
Les parties conviennent que, si à la fin d'une période annuelle, la conservation est inférieure à 50 millions d'euros, l'économie même du contrat disparaissant, la SAM A pourra légitimement, trois mois après avoir mis en garde le salarié, envisager de rompre le contrat pour insuffisance professionnelle, dans le respect des lois, des règlements et des dispositions de la convention collective bancaire, en la matière. » ;
Que pour justifier l'insuffisance de résultats alléguée, l'employeur fait état de la chute de la conservation moyenne des clients confiés au salarié ;
Que l'employeur a produit un tableau entre 2007 et 2013 montrant une diminution en K des clients personnellement apportés par t. M.(de 61.509 à 48.000) ;
Que sur ce grief, le Tribunal a justement relevé que :
* - le total des clients gérés par t. M. était supérieur au seuil de 50 millions fixés dans le contrat de travail en y ajoutant les clients apportés par les apporteurs d'affaires,
* - la contribution de ces derniers était particulièrement minime eu égard au chiffre global,
* - il n'y avait pas lieu de faire une distinction entre les clients apportés personnellement par le salarié et ceux provenant des apporteurs d'affaires puisque le contrat de travail n'en faisant pas lui-même ;
Attendu que l'objectif contractuel ainsi assigné à t. M. a toujours été atteint ;
Qu'il a, à ce titre, perçu des gratifications liées à la réalisation de ces objectifs sans que l'employeur n'apporte aucun commentaire sur la notion de clients personnels et de clients provenant d'apporteurs d'affaires ;
Attendu que l'employeur a produit également des études sur l'évolution de l'activité et des résultats de la place bancaire monégasque pour démontrer que le niveau moyen des actifs gérés par commercial/ gestionnaire était très supérieur à celui géré par t. M.;
Que le Tribunal a justement observé que s'agissant d'une moyenne calculée sur de nombreux établissements bancaires, elle ne saurait être appliquée in extenso pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle sans que l'employeur apporte des éléments matériels objectifs internes à l'entreprise ;
Que la Cour constate comme en première instance que l'intimée ne fournit aucune comparaison avec les collègues de t. M. sur la période considérée, soit les deux années ayant précédé la rupture ;
Qu'il apparait ainsi que les objectifs contractuels au salarié ont été atteints ;
Que dès lors les premiers juges ont justement considéré que l'insuffisance de résultats n'était pas établie ;
Attendu que l'employeur invoque aussi une insuffisance de déplacements professionnels, une absence de prospection de nouveaux clients et la mauvaise volonté de t. M. à rechercher de la clientèle ;
Qu'il a été démontré supra que t. M. avait atteint les objectifs qui lui avaient été assignés et avait ainsi conservé « 50 millions d'euros en capitaux moyens trimestriels calculés ponctuellement sur le montant de la conservation à chaque fin de mois », peu importe la stratégie mise en œuvre par t. M. pour atteindre ledit résultat ;
Que si l'employeur justifie d'une baisse de la conservation de la clientèle sur plusieurs années sans pour autant avoir fait aucune observation à t. M. ni la moindre remarque à ce titre alors qu'il n'est pas démontré de lien de causalité entre cette baisse et l'activité du salarié ;
Que par ailleurs, l'insuffisance professionnelle peut également être constituée par la faiblesse des résultats du salarié par rapport à ceux obtenus par ses collègues placés dans une situation comparable ;
Que l'intimée ne produit aucun élément de comparaison pertinents quant aux résultats de t. M. se limitant sur ce point aux années 2010/2011 ainsi que sur son activité de prospection et de démarchage commercial, par rapport à ceux d'autres salariés placés dans une situation identique à la sienne ;
Qu'en outre, l'employeur soumis à l'obligation d'évaluer son salarié au moins une fois tous les deux ans dont la teneur doit lui être communiquée au cours d'un entretien avec son supérieur hiérarchique conformément à l'article 24 de la Convention Collective Monégasque du Travail du Personnel des Banques ne produit pas la dernière évaluation de t. M. faisant apparaître que la baisse de la conservation de la clientèle sur plusieurs années et que la faiblesse des résultats aient été pointées comme des éléments devant être améliorés pour l'avenir ;
Qu'en conséquence, les premiers juges ont justement retenu que l'insuffisance professionnelle reprochée, faute d'éléments matériellement vérifiables, ne pouvait être considérée comme établie, ce qui au final rendait le licenciement dépourvu de motif valable ;
* Sur le caractère abusif du licenciement :
Attendu que constitue un licenciement abusif l'existence d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de mettre fin au contrat de travail, laquelle peut consister notamment dans l'allégation d'un motif de rupture fallacieux ou dans la précipitation, la brutalité ou la légèreté blâmable avec lesquelles le licenciement a été mis en œuvre ;
Qu'il appartient au salarié qui se prévaut du caractère abusif de la rupture d'en rapporter la preuve ;
Qu'en application de l'article 13 de la loi n° 729 du 16 mars 1963, toute rupture abusive du contrat de travail peut donner lieu à des dommages et intérêts ;
Que le licenciement qui ne repose pas sur un motif valable n'ouvre droit à la réparation du préjudice matériel en résultant que lorsque l'employeur a commis un abus dans la prise de décision, par exemple en invoquant des motifs fallacieux, ce qui s'avère être le cas en l'espèce ;
Que le motif fallacieux se caractérise par la fausseté du grief invoqué combinée à la volonté de tromperie et de nuisance de celui qui l'invoque ;
Que l'analyse à laquelle il a été procédé précédemment a permis de constater que le grief énoncé dans la lettre de licenciement n'était pas valable ;
Qu'au cas d'espèce, en premier lieu en ne sollicitant pas l'avis du conseil de discipline, l'employeur a privé t. M. des garanties prévues par l'article 27 de la Convention Collective des Banques, le non-respect de ces dispositions protectrices se traduisant concrètement pour l'appelant par la perte de la chance qui lui était ainsi offerte d'obtenir de la part de cette instance de prononcer un avis susceptible de faire obstacle à son licenciement ;
Qu'en second lieu, en invoquant à l'appui du licenciement de l'appelant un motif fallacieux destiné à masquer la véritable raison de cette mesure, laquelle réside en réalité dans le refus d'accepter toute modification du contrat de travail soumise au salarié ;
Que selon les propres écritures de l'employeur, « l'entreprise peut avoir un intérêt légitime à modifier le mode de rémunération de ses salariés. » et selon un courrier de son conseil adressé le 4 septembre 2014 au conseil du salarié « Des entretiens parfaitement courtois ont eu lieu entre votre client et ma mandante mais - de façon tout à fait surprenante - aucun accord n'a pu être concrétisé, de sorte que la SAM A n'a pas eu d'autres choix que de licencier M. M. en l'état de son obstination .(...) « M. M. doit avoir conscience des efforts fournis par ma mandante pour le maintenir à son poste, qu'il a, en connaissance de cause choisi d'ignorer, en refusant plusieurs propositions toujours plus favorables qui lui auraient permis de poursuivre sa carrière dans cet établissement si cela avait été son souhait. » ;
Qu'à l'évidence, l'intimée a pris l'initiative d'engager un processus de modification du contrat de travail touchant aux modalités de rémunération du salarié sans faire état d'une quelconque insuffisance professionnelle, laquelle est d'ailleurs contredite par les termes mêmes du dernier projet qui comportait une augmentation de la part fixe de la rémunération tout en réduisant sa part variable ;
Qu'en effet, les deux parties étaient depuis plusieurs semaines en pourparlers dans le cadre d'une modification de la rémunération de t. M. initiée par l'employeur comme cela résulte d'un projet de courrier émanant de ce dernier, produit par l'appelant, daté du 26 février 2014 et qui fait état d'un projet d'accord portant sur un avenant n° 5 ;
Que ce projet de modification visait aussi à l'insertion de deux nouvelles clauses de non démarchage et de non concurrence au contrat de travail de t. M.;
Qu'entre le mois de février 2014 et le 22 avril 2014 (courriel de convocation à un entretien en vue d'évoquer l'avenir des relations contractuelles du salarié avec la SAM A), il n'est justifié d'aucun autre document démontrant une poursuite ou inversement une rupture des pourparlers ;
Que le mode de calcul de la rémunération est un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié unilatéralement par l'employeur et le refus opposé par le salarié ne peut constituer par lui-même un motif légitime de rupture ;
Qu'à cet égard, il n'apparait nullement établi que les insuffisances reprochées à tort à t. M. aient été de nature à justifier la proposition de l'employeur de modification de sa rémunération ;
Que l'appelant démontre à suffisance ainsi avoir été licencié pour un autre motif que celui figurant dans la lettre de licenciement ;
Qu'en dernier lieu, comme les premiers juges l'ont justement rappelé, à l'issue de l'entretien du 22 avril 2014, l'employeur a convoqué t. M. à un nouvel entretien pour le 30 avril 2014, « afin de nous entretenir de votre avenir dans notre établissement » ;
Que ce faisant, l'employeur a licencié t. M. le 30 avril 2014, à savoir le même jour que l'entretien « préalable » ;
Qu'ainsi, comme le Tribunal l'a justement relevé cette rupture est intervenue de manière brutale, dans la mesure où le salarié n'avait aucun moyen d'anticiper la décision de l'intimée lorsque le licenciement lui a été notifié au cours d'un entretien dont la teneur n'avait pas été précisée dans la lettre de convocation ;
Que de plus, si la dispense d'exécution du préavis est une manifestation du pouvoir de direction de l'employeur et n'est pas en soi une mesure vexatoire, le contexte précité dans lequel celle-ci est intervenue a été de nature en l'espèce à jeter le discrédit sur le salarié ;
Que l'employeur a donc commis plusieurs fautes dans l'exercice de son droit unilatéral de rupture qui confèrent au licenciement intervenu un caractère abusif ;
Qu'outre le préjudice moral résultant notamment des conditions particulièrement vexatoires dans lesquelles son licenciement lui a été notifié, t. M. justifie également d'un préjudice matériel certain, dans la mesure où il s'est trouvé depuis le mois de mai 2014 au chômage jusqu'à l'âge de 60 ans où il a demandé à bénéficier d'une mise à la retraite et n'a reçu au cours de cette période pour seuls revenus des indemnités journalières qui lui ont été servies à concurrence de la somme mensuelle nette de 6.170 euros par Pole Emploi (soit moins de la moitié de son salaire antérieur) ;
Qu'il n'est pas établi comme le soutient l'employeur, que l'appelant ait travaillé à titre onéreux comme consultant pour la Société R ;
Que t. M. sollicitait en première instance l'allocation de la somme de 1.420.000 euros sans qu'il lui soit possible en cause d'appel de pouvoir demander une somme plus importante ;
Que compte tenu de son âge au moment de son licenciement (cinquante-six ans), de son ancienneté au service de la SAM A (sept ans quatre mois) et des divers éléments analysés ci-dessus, le préjudice matériel et moral subi par le salarié, à la suite de son licenciement abusif sera indemnisé en totalité par l'allocation à son profit de la somme de 100.000 euros, à titre de dommages et intérêts ;
Que par conséquent le jugement sera réformé en ce sens ;
Attendu que l'intimée qui succombe, devra supporter les dépens de la présente instance ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement du 15 février 2018 en ce qu'il a dit que le licenciement de t. M. ne reposait pas sur un motif valable et revêtait un caractère abusif,
Le réforme en ses autres dispositions,
Dit que la rupture du contrat de travail de t. M. n'est pas régulière en la forme,
Condamne la SAM A à payer à t. M. la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices moral et matériel,
Condamne la SAM A aux dépens de l'instance distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Françoise CARRACHA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 2 JUILLET 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.
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