Abstract
Accident du travail - Fixation de la date de la consolidation par le juge (oui) - Date de la reprise du travail - Notion de consolidation
Résumé
L'appelant, victime d'un accident de trajet, conteste la date de sa consolidation fixée à la date de la reprise du travail par les premiers juges alors que l'expert judiciaire a conclu qu'il n'était pas consolidé. Cependant, après avoir relevé qu'aucun traitement n'avait été mis en place depuis cette date et qu'aucun soin n'était actuellement en cours, le tribunal a justement estimé que la consolidation devait être considérée comme acquise dans la mesure où l'état de santé de la victime n'était plus susceptible d'amélioration.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 30 AVRIL 2019
En la cause de :
* - Monsieur c. G., né le 25 juillet 1973 à Nice (France - 06), de nationalité française, demeurant X1 à Menton (France - 06) ;
Bénéficiaire de plein droit de l'assistance judiciaire au titre de la législation sur les accidents du travail
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANT,
d'une part,
contre :
* - La Société Anonyme A, dont le siège social est X2 - 75009 Paris (France), prise en la personne de son président du conseil d'administration et directeur général en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 17 mai 2018 (R. 4985) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 15 juin 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000162) ;
Vu les conclusions déposées les 9 octobre 2018, 24 janvier 2019 et 19 mars 2019 par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de la Société Anonyme A ;
Vu les conclusions déposées les 18 décembre 2018 et 28 février 2019 par Maître Christiane PALMERO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur c. G.;
À l'audience du 26 mars 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur c. G. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 17 mai 2018.
Considérant les faits suivants :
Le 19 juin 2015, c. G. était victime d'un accident de trajet travail à l'occasion duquel il subissait une contusion de l'épaule gauche et du gril costal gauche et ce, alors qu'il se trouvait embauché en qualité de serveur par la SARL C dont l'assureur-loi est la SA A.
Le Juge chargé des accidents du travail désignait par ordonnance du 18 avril 2016 le Docteur T. en qualité d'expert afin de déterminer si la consolidation de l'état de santé de la victime était acquise et le cas échéant fixer les séquelles définitives de cet accident.
Aux termes de son rapport en date du 9 mai 2016, l'expert a conclu dans les termes suivants :
* comme suit :
« Dans le cadre des lésions imputables aux suites de l'AT en date du 19 juin 2015, l'état de santé de Monsieur c. G. justifie une ITT de 19/06/2015 (sic) demeurant toujours en cours à ce jour .
Les soins demeurent toujours en cours (cadre AT) et sont à prendre en charge par l'assureur-loi.
Monsieur G. ne peut être considéré comme consolidé à ce jour.
L'IPP ainsi que l'incidence professionnelle ne pourront être déterminés qu'une fois la consolidation acquise ».
La SA A refusant de se concilier sur lesdites conclusions, le Juge chargé des accidents du travail a renvoyé l'affaire par-devant le Tribunal par ordonnance en date du 6 juin 2016.
Suivant exploit d'huissier en date du 2 juin 2017, c. G. a fait assigner la SARL C, la SA A, la SA B et la SAM D aux fins d'homologation du rapport de l'expert T., exposant notamment que l'expert n'a commis aucune erreur justifiant l'instauration d'une nouvelle expertise dès lors que son état de santé n'est toujours pas consolidé.
Par jugement en date du 17 mai 2018, le Tribunal de première instance a :
* - mis hors de cause la SARL C, la SA B et la SAM D,
* - homologué le rapport de l'expert T., sauf en ce qu'il a considéré que la consolidation n'était pas acquise,
* - fixé la date de consolidation de l'état de c. G. au 18 mai 2016, date de reprise du travail,
* - renvoyé l'affaire et les parties par-devant le Juge chargé des accidents du travail aux fins qu'il appartiendra,
* - condamné c. G. aux dépens.
Les premiers juges ont en substance relevé qu'aucun traitement n'avait été mis en place depuis le 18 mai 2016, date de la reprise du travail, et qu'aucun soin n'était actuellement en cours, en sorte que la consolidation devait être considérée comme acquise dans la mesure où l'état de santé de la victime n'était plus susceptible d'amélioration.
Suivant exploit en date du 15 juin 2018, c. G. a interjeté appel du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 17 mai 2018 dont il a demandé la réformation parte in qua, pour voir homologuer par la Cour le rapport d'expertise établi par le Docteur r. T. le 5 mai 2016 avec toutes conséquences de droit.
Au soutien de son appel, il fait grief au jugement déféré de ne pas avoir entièrement entériné les conclusions de l'expert, et d'avoir au contraire estimé que sa consolidation était acquise.
L'appelant observe aux termes de l'ensemble de ses écritures que l'évolution défavorable de son état de santé vers une capsulite, des tendinopathies, voire une pathologie complexe de l'épaule et de la clavicule gauche présentant des douleurs invalidantes est en l'espèce une conséquence indéniable de l'accident du travail qu'il a subi le 19 juin 2015 nécessitant la continuation des soins.
Il précise qu'un traitement a été envisagé et qu'il a été mis en place puisque postérieurement au 18 mai 2016 il a subi une opération le 8 août 2017 d'une pathologie de la clavicule gauche et du biceps, avant de suivre des soins de kinésithérapie indispensables comme en ont attesté divers praticiens les Docteurs S., H., M. et P..
Il ajoute que cette intervention et les traitements subséquents ont eu pour effet d'améliorer son état de santé jusqu'au dernier trimestre 2018, le certificat médical établi le 24 janvier 2018 par le Docteur P. témoignant de la récupération partielle des amplitudes articulaires et de l'évolution favorable de sa pathologie.
c. G. déclare enfin n'avoir pas repris le travail après le 18 mai 2016 puisqu'il était toujours déclaré inapte temporaire par la médecine du travail et touchait des indemnités journalières ininterrompues du 8 avril 2016 au 2 mai 2018 ; il fait enfin état de la déclaration d'aptitude au travail dont il a fait en définitive l'objet le 7 juin 2018, soit près de deux ans après la date de consolidation fixée à tort par le Tribunal de première instance au 18 mai 2016.
L'appelant observe également que le renvoi devant le Juge des accidents du travail ordonné par la décision entreprise n'est pas justifié puisqu'il n'est toujours pas consolidé.
La SA A, intimée, entend voir débouter Monsieur c. G. de l'ensemble de ses demandes, confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 17 mai 2018 et condamner l'appelant aux entiers dépens de l'instance.
Elle observe pour l'essentiel que l'état de consolidation doit être considéré comme acquis lorsque les soins curatifs cessent, tel étant selon elle le cas de Monsieur G. après l'I. R. M. pratiquée le 24 février 2016.
L'intimée, pour conclure à la confirmation du jugement entrepris, se réfère au délai écoulé depuis le traumatisme comme à l'absence de projet thérapeutique défini et fait notamment valoir que les certificats médicaux produits par l'appelant ne démontrent pas que son état de santé serait susceptible d'être amélioré de façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que l'appel a été formé dans les conditions de forme et de délai prescrites par le Code de procédure civile et doit être déclaré recevable ;
Attendu que force est en premier lieu de rappeler que la consolidation des blessures est établie lorsque l'état de santé de la victime d'un accident n'est pas susceptible d'être amélioré de façon appréciable et rapide par un traitement médical approprié en l'état des données actuelles de la médecine ;
Attendu que les premiers juges ont par ailleurs légitimement relevé que l'état de consolidation doit notamment être considéré comme acquis lors de l'achèvement des soins curatifs et ce, même dans l'hypothèse où certains traitements peuvent encore être envisagés, leur mise en œuvre ultérieure démontrant alors l'évolution de l'état séquellaire de la victime ou caractérisant une rechute ;
Attendu qu'il résulte des circonstances de l'espèce que si aucun nouveau traitement n'a plus été mis en œuvre au profit de c. G. depuis la date de sa reprise du travail, intervenue le 18 mai 2016, il s'induit néanmoins des différents certificats produits par c. G. que l'état de santé de celui-ci a évolué de façon défavorable en raison de la persistance de douleurs acromio-claviculaires ;
Mais attendu qu'à la date à laquelle l'I. R. M. de contrôle a été pratiqué le 24 février 2016, aucun traitement médical n'avait alors été envisagé de nature à permettre d'améliorer l'état de santé de la victime ;
Attendu que s'il est désormais établi, en l'état du certificat médical dressé par le Docteur P., que Monsieur G. a subi une opération chirurgicale au mois d'août 2017, suivie de séances de kinésithérapie, il n'en demeure pas moins d'une part qu'un long délai de deux ans s'est écoulé entre l'accident du travail et cette intervention, alors d'autre part que les suites opératoires révèlent encore une raideur et ne permettent pas de conclure à une amélioration appréciable de l'état séquellaire ;
Attendu qu'aucun élément objectif ne permet alors de remettre en cause la fixation par les premiers juges de la date de consolidation au 18 mai 2016 ;
Attendu qu'il y a en définitive lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 17 mai 2018 ;
Attendu que l'appelant supportera les entiers dépens de l'instance d'appel ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare l'appel recevable,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 17 mai 2018 par le Tribunal de première instance,
Condamne c. G. aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Patricia REY, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 30 AVRIL 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.
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