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12/03/2019 | MONACO | N°17913

Monaco | Cour d'appel, 12 mars 2019, L'Établissement Public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE c/ Madame m. F M. et autres


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 12 MARS 2019

En la cause de :

- L'Établissement Public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE dont le siège est sis Avenue Pasteur à MONACO, pris en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Claude-André CHAS, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

1 - Madame m.

F M., née le 25 mai 1960 à Bukavu (Congo), de nationalité française, demeurant et domiciliée immeuble « X1», à MENT...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 12 MARS 2019

En la cause de :

- L'Établissement Public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE dont le siège est sis Avenue Pasteur à MONACO, pris en la personne de son Président du Conseil d'Administration en exercice demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Claude-André CHAS, avocat au barreau de Nice ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

1 - Madame m. F M., née le 25 mai 1960 à Bukavu (Congo), de nationalité française, demeurant et domiciliée immeuble « X1», à MENTON (06500) ;

Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 11 BAJ 12, par décision du Bureau du 30 mai 2016

2 - Monsieur e. DH., domicilié X2 résidence « X1» à (06500) MENTON ;

3 - Madame p. DH. épouse AL., domiciliée X3 ÉTATS UNIS D'AMERIQUE ;

4 - Madame c. DH., domiciliée X4 BERLIN, ALLEMAGNE ;

Bénéficiaires de l'assistance judiciaire n° 332 BAJ 16, 333 BAJ 16 et 334 BAJ 16 par décisions du Bureau du 30 mai 2016

Ayant tous quatre élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la même Cour ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 13 juillet 2017 (R.6806) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 25 octobre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000045) ;

Vu les conclusions déposées les 9 janvier et 29 mai 2018 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. F M. e. DH. p. DH. épouse AL. et c. DH.;

Vu les conclusions déposées le 6 mars 2018 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom du CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE ;

À l'audience du 15 janvier 2019, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 13 juillet 2017.

Considérant les faits suivants :

Suivie en consultation depuis 2006 par le Docteur AAA ophtalmologue à Beausoleil, pour un glaucome chronique, traité et équilibré par Xalatan, m. F M. âgée à l'époque de 50 ans, l'a consulté le 14 septembre 2010 pour de violentes douleurs aux yeux conduisant à poser un diagnostic de conjonctivite.

Au regard de la persistance des douleurs et d'une baisse de vision de l'œil droit, elle a revu son médecin le 21 septembre 2010, qui, constatant « une uvéo-papillite de l'œil droit avec une thrombose de la veine centrale de la rétine et des dépôts rétro-descemetiques », l'a adressée sans attendre au CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE de Monaco.

Reçue dès le 22 septembre 2010 par le chef du service d'ophtalmologie, le Docteur BBB celui-ci a réalisé une angiographie rétinienne et prescrit la mise en place immédiate d'une corticothérapie par perfusion, dans le cadre d'une hospitalisation de jour, notant dans son compte rendu qu'elle présentait « depuis 15 jours une panuvéite de l'œil droit... L'œil gauche ne présente aucun signe inflammatoire ni signe de vascularité en angiographie ».

Ne constatant toujours pas d'amélioration de son acuité visuelle, elle a consulté un nouveau praticien le 9 octobre 2010, le Docteur CCC ophtalmologue à Monaco, qui a diagnostiqué une rétinite virale fulgurante et l'a dirigée en urgence vers le Centre Hospitalier du Kremlin-Bicêtre à Paris.

Admise dans cet hôpital du 13 au 26 octobre 2010, le Professeur DDD a confirmé le diagnostic de « rétinite virale nécrosante, avec début d'atteinte du deuxième œil » et lui a administré immédiatement un traitement antiviral.

Le 8 novembre 2011, elle a subi une intervention chirurgicale d'éviscération de l'œil droit, suivie d'une nouvelle période d'hospitalisation du 14 au 16 novembre 2011.

Par certificat administratif du 12 décembre 2011, son employeur, la Mairie de Menton a certifié que m. F M. était employée depuis le 1er avril 2004 au sein des services municipaux et qu'elle se trouvait actuellement affectée au service de la Culture en qualité d'adjoint du Patrimoine de 2e classe titulaire.

À ce jour, elle a perdu son œil droit, à l'emplacement duquel elle porte une prothèse, et l'acuité visuelle de son œil gauche n'est plus que de 1,5/10e, de sorte qu'elle a été reconnue en qualité de travailleur handicapé (statut de malvoyante) avec orientation professionnelle vers le milieu ordinaire de travail.

Par exploit du 2 mai 2012, m. F M. a assigné en responsabilité l'établissement public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE (ci-après désigné CHPG) et le Docteur BBB aux fins de les voir solidairement condamnés à l'indemnisation de ses préjudices.

Ayant sollicité la désignation d'un expert et le paiement d'une provision de 30.000 euros outre une indemnité mensuelle de 2.000 euros à compter du jugement ordonnant l'expertise, le Tribunal de Première Instance a, par jugement avant dire droit rendu le 11 avril 2013, désigné le Docteur EEE chef du service Ophtalmologie de l'Hôpital d'Adultes de la Timone à Marseille en qualité d'expert et rejeté la demande de provision.

L'expert a déposé son rapport le 4 décembre 2013.

Reprochant à l'expert de ne pas avoir répondu à certaines questions relevant de sa mission, se fondant sur deux rapports de médecins experts près les tribunaux français, les Docteurs FFF et GGG la requérante a sollicité l'instauration d'une contre-expertise, tout en réitérant sa demande de provision à hauteur de 15.000 euros.

Par un second jugement avant dire droit en date du 8 janvier 2015, le Tribunal de Première Instance a :

« - ordonné une nouvelle mesure d'expertise,

* commis pour y procéder deux experts près la Cour de Cassation française, les Docteurs HHH Professeur des Universités, Praticien Hospitalier à l'Hôpital Avicenne à BOBIGNY et III Médecin ophtalmologiste au Centre Hospitalier Sud Francilien à CORBEIL ESSONNE,

* débouté l'intéressée de sa demande de provision ».

Le 20 novembre 2015, les deux experts HHH et III ont déposé leur rapport daté du12 novembre 2015.

Par conclusions déposées le 5 octobre 2016, les enfants de m. F M. à savoir c. DH. e. DH. et p. DH AL. sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement contradictoire rendu le 13 juillet 2017, le Tribunal de Première Instance a :

« - homologué le rapport d'expertise du Professeur HHH et du Docteur III déposé le 20 novembre 2015, avec toutes conséquences de droit,

* déclaré le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE tenu de réparer les conséquences dommageables de la faute de service relative au suivi de l'état de santé de m. F M.

* fixé le préjudice subi par m. F M. du fait de cette faute aux sommes suivantes :

* 725 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total,

* 7.881,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel,

* 200.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 35.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 35.000 euros au titre du préjudice esthétique,

* 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* 4.137,47 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

* 15.862,53 euros au titre des dépenses de santé futures,

* 35.000 euros au titre de l'incidence professionnelle du préjudice,

* 7.312,40 euros au titre des frais d'adaptation du logement,

* 64.544 euros au titre des frais de l'assistance d'une tierce personne (frais échus),

* 358.209,28 euros au titre des frais de l'assistance d'une tierce personne (frais à échoir), représentant une somme totale de 773.671,93 euros,

* condamné en conséquence le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à payer à m. F M. la somme de 773.671,93 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* débouté m. F M. c. DH. e. DH.et p. DH AL. de leurs demandes dirigées contre le Docteur BBB

* condamné le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à payer à c. DH. e. DH. et p. DH AL. la somme de 10.000 euros chacun à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral propre,

* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence de la somme de 439.135,67 euros,

* condamné le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE aux entiers dépens de l'instance, comprenant ceux réservés par les jugements des 11 avril 2013 et 8 janvier 2015 ainsi que les frais d'expertise ».

aux motifs essentiellement que :

* le grief d'insuffisance de motivation à l'encontre du rapport d'expertise n'est pas caractérisé,

* la responsabilité de l'établissement public CHPG peut être engagée sur le fondement d'une faute simple de service, notamment un acte médical au sens strict (établissement d'un diagnostic),

* le Docteur BBB praticien hospitalier, a commis une faute dans l'orientation du diagnostic dès lors qu'il n'a pas envisagé la possibilité d'une affection qu'il n'a pas décelée, mais dont la plausibilité était suffisante pour qu'il s'adresse à un autre médecin spécialiste pour avis,

* l'erreur de diagnostic est flagrante et persistante puisque si le bon diagnostic avait été posé et le traitement approprié prescrit dès le 22 septembre 2010, l'œil droit aurait pu être sauvé et l'œil gauche n'aurait pas été atteint par la maladie,

* en sa qualité de chef du service d'ophtalmologie au CHPG il était tout à fait compétent pour poser le bon diagnostic et disposait de tous moyens pour ce faire,

* en ne se mettant pas en situation d'exécuter l'obligation de moyens qui pèse sur lui dans le diagnostic de l'affection et en ne jugeant pas utile de présenter la patiente à un autre spécialiste pour écarter, devant la persistance de sa douleur, la possibilité d'une affection qu'il pourrait ne pas déceler, le Docteur BBB a manqué à ses obligations médicales de célérité et de pertinence dans le diagnostic, engageant la responsabilité du CHPG,

* les experts mandatés ont mis en évidence le handicap sévère subi par la patiente et le lien de causalité entre cet état et l'erreur de diagnostic avec traitement inadapté prescrit par le Docteur BBB caractérisant l'existence d'une faute de service, exclusive d'une simple perte de chance,

* en l'absence d'extrême gravité, d'intention de nuire ou d'intérêt personnel, aucune faute personnelle ne saurait être retenue à l'encontre du praticien hospitalier, tout en procédant à la liquidation des préjudices subis au regard des données précises du rapport HHH et III

Par exploit du 25 octobre 2017, l'Établissement Public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE a interjeté appel à l'encontre du jugement rendu le 13 juillet 2017.

Aux termes de son assignation et de conclusions déposées le 6 mars 2018, il demande à la Cour de :

« - lui donner acte de ce qu'il exclut de son appel les dispositions du jugement concernant le Docteur BBB le Tribunal ayant à juste titre débouté les requérants de leur demande dirigées à son endroit,

* infirmer le jugement pour le surplus, et ce faisant,

* dire n'y avoir lieu à homologation du rapport des experts HHH et III

* dire qu'aucune faute de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE n'est démontrée,

* dire que n'est pas rapportée la preuve d'un lien de causalité direct, certain et exclusif entre les séquelles de m. F M.et sa prise en charge au CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE de Monaco,

* dire que la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE n'est pas engagée,

* rejeter l'intégralité des demandes formulées à son encontre,

* condamner m. F M. à rembourser les sommes versées en exécution du jugement dont appel,

* condamner m. F M. aux dépens, tant de première instance que d'appel,

À titre subsidiaire, si la Cour ne prononçait pas sa mise hors de cause, il sollicite l'instauration d'une mesure de contre-expertise, confiée à tel médecin spécialisé en ophtalmologie qu'il plaira, avec la même mission que celle confiée aux experts HHH et III

À titre infiniment subsidiaire, sur la notion de perte de chance et sur les demandes formulées :

* si la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE était retenue, la limiter à une perte de chance de préserver son acuité visuelle, en ne l'évaluant pas à plus de 20%, et dire que pour l'ensemble des préjudices accordés, il ne sera pas mis à sa charge plus du pourcentage de la somme qui aura été retenu au titre de cette perte de chance,

* évaluer les postes de préjudice à des sommes n'excédant pas :

* 5.700 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

* 115.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

* 16.000 euros au titre des souffrances endurées,

* 6.000 euros au titre du préjudice esthétique,

* 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément,

* 1.989,97 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

* 6.792,50 euros au titre des dépenses de santé et frais de transport futurs,

* 10.000 euros au titre du préjudice professionnel,

* 7.312,40 euros au titre des frais d'adaptation du logement,

* 42.620 euros au titre des frais de tierce personne échus,

* 176.228,88 euros au titre des frais de tierce personne à échoir, sans évaluer les frais de tierce personne en leur ensemble à plus de 218.848,88 euros,

* 3.000 euros s'agissant du préjudice moral des proches,

* rejeter les demandes formulées au titre de la perte de chance de réduire les séquelles, du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement,

Il a enfin conclu au rejet des demandes formulées par les intimés au titre de dommages et intérêts pour appel abusif ».

Il conteste :

* l'erreur de diagnostic fautive qui lui est imputée, soutenant que « la rétinite nécrosante herpès virus » est une pathologie d'une grande rareté,

* le rapport des experts HHH et ES en :

* invoquant des erreurs d'appréciation qui faussent l'intégralité de leurs conclusions, notamment concernant l'acuité visuelle de la patiente à la date du 22 septembre 2010, l'utilité de la ponction de la chambre antérieure, son état antérieur,

* soulignant qu'il n'a pas été répondu au point 8 de la mission qui leur a été confiée,

* soutenant qu'ils omettent de prendre en considération le fait qu'une rétinite virale est généralement d'un pronostic redoutable, même en cas de traitement rapidement instauré,

Il fonde subsidiairement sa demande de contre-expertise sur le rapport déposé par le Docteur EEE invoquant une contradiction d'analyse entre les experts et l'absence de réponse des experts HHH et ES au dire du Docteur BBB

Il soutient que si sa responsabilité venait néanmoins à être retenue, ce ne pourrait être qu'au titre d'une perte de chance au regard de la gravité de l'état antérieur et de la pathologie contractée par m. F M. et de la perte de temps délétère imputable au Docteur KKK

Il prétend encore que les sommes allouées sont manifestement excessives,

Il objecte enfin que son appel n'est pas abusif, rappelant qu'il a été procédé à l'exécution forcée du jugement par la pratique d'une saisie-arrêt des comptes de l'hôpital pendant le cours du délai d'appel, alors que l'existence d'un double degré de juridiction constitue une garantie essentielle et un droit.

Par écritures en réponse déposées le 9 janvier 2018, m. F M. c. DH. e. DH. et p. DH AL. ont formé appel incident.

Au terme de ces écritures et de celles déposées le 29 mai 2018, m. F M. c. DH. e. DH. et p. DH AL. ont demandé à la Cour de :

« - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a homologué le rapport des experts HHH et III et constaté la responsabilité du CHPG pour faute de service,

* rejeter la demande de contre-expertise présentée par l'appelant,

* faire droit à leur appel incident,

* réformer le jugement rendu le 13 juillet 2017 concernant les montants alloués au titre des divers postes de préjudices,

* statuant à nouveau, condamner le CHPG à payer à m. F M. les sommes de :

* ITP : 50.000 euros,

* ITT : 870 euros,

* IPP 50% : 9.457,50 euros,

* pretium doloris : 500.000 euros,

* perte de chance de réduire les séquelles : 50.000 euros,

* préjudice d'agrément : 150.000 euros,

* préjudice esthétique : 35.000 euros,

* préjudice sexuel : 20.000 euros,

* préjudice d'établissement : 30.000 euros,

* dépenses de santé : 20.000 euros,

* incidence professionnelle : 50.000 euros,

* frais d'adaptation du logement : 10.000 euros,

* tierce personne : 500.000 euros,

* condamner le CHPG à payer à c. DH. e. DH. et p. DH AL. la somme de 60.000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral,

* rejeter toutes demandes, fins et conclusions du CHPG,

* dire et juger que l'appel du CHPG revêt un caractère abusif,

* condamner le CHPG à payer la somme de 10.000 euros à m. F M. et celle de 5.000 euros chacun à c. DH. e. DH. et p. DH AL. à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,

* condamner le CHPG aux entiers dépens de première instance et d'appel ».

Ils objectent que le CHPG fonde son argumentation en appel sur le premier rapport d'expertise déposé par le Docteur EEE qui a été invalidé par le Tribunal et qu'il a fait établir un rapport par le Docteur LLL ophtalmologiste qui n'est pas expert judiciaire, pour contrecarrer les conclusions des Docteurs HHH et III qui ont établi un rapport complet et circonstancié.

Ils prétendent que le Docteur JJJ traite dans ses écrits, sur lesquels s'appuie le CHPG dans le cadre d'un dire, d'une procédure (PCR) sans rapport avec celle qu'il est reproché au Docteur BBB de ne pas avoir pratiquée (PCA) et affirment que le glaucome dont souffrait m. F M. était stabilisé et qu'il n'a eu en tout état de cause aucune incidence sur l'état de son œil gauche.

Ils contestent tout état antérieur grave et toute perte de chance de préserver l'acuité visuelle de celle-ci qui aurait été causée par un retard dans la prise en charge du Docteur KKK alors bien au contraire que sa prise en charge par ce praticien lui a évité la perte de son œil gauche.

Ils s'appuient sur le rapport des experts HHH et III pour revendiquer le lien de causalité certain et direct entre les séquelles subies et le traitement inadapté prescrit.

Ils invoquent la responsabilité pleine et entière du CHPG pour faute de service, le Docteur BBB ayant commis une erreur de diagnostic, de traitement et un défaut de surveillance, malgré ses compétences indéniables en qualité de chef du service d'ophtalmologie du CHPG.

Ils s'opposent à l'instauration d'une nouvelle contre-expertise alors que le rapport déposé par les Docteurs HHH et III est précis et motivé.

Ils développent ensuite leur argumentaire pour voir augmenter les réparations allouées.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le Tribunal de Première Instance a été signifié le 29 septembre 2017 au CHPG ;

Que se trouvant formés dans le respect des règles de délai et de forme applicables, l'appel principal comme l'appel incident seront déclarés recevables ;

Attendu que les dispositions non appelées du jugement précité sont désormais définitives ;

Sur la demande de contre-expertise

Attendu qu'au constat de ce que le Docteur EEE désigné en qualité d'expert par jugement rendu le 11 avril 2013, a omis de répondre à un chef de mission qui lui était confié et de se prononcer sur certaines des interrogations et contestations soulevées par m. F M. dans son dire du 4 octobre 2013, portant sur des points déterminants de la discussion médico-légale, le Tribunal de Première Instance a, par jugement rendu le 8 janvier 2015, accueilli la demande de contre-expertise sollicitée par cette dernière, désignant pour y procéder les docteurs HHH et III;

Que ces derniers ont déposé le 20 novembre 2015 leur rapport commun daté du12 novembre 2015 ;

Que ce rapport a été soumis à la discussion contradictoire des parties dans le cadre des débats préalables au jugement rendu le 13 juillet 2017, soumis à la censure de la Cour ;

Que le CHPG sollicite, comme devant les premiers juges, l'instauration d'une deuxième mesure de contre-expertise aux motifs d'une prétendue contradiction d'analyse entre les experts judiciaires et d'une absence de réponse au point 8 de leur mission ;

Que malgré les observations pertinentes déjà formulées par les premiers juges quant au caractère subsidiaire de cette demande contraire à toute logique juridique, le CHPG réitère ce choix procédural, tendant à voir statuer sur cette demande dans l'éventualité seulement ou la Cour ne réformerait pas le jugement entrepris en écartant toute responsabilité de sa part ;

Attendu toutefois que l'appréciation de la responsabilité éventuellement encourue par le CHPG suppose une analyse technique, précise, complète et circonstanciée des éléments de la cause, de sorte que pareille demande mérite d'être évoquée avant tout débat au fond ;

Attendu que force est de constater à cet égard que les griefs formulés par le CHPG à l'encontre de l'expertise réalisée par le Professeur HHH et le Docteur III reposent sur le rapport antérieur de l'expert EEE dont les carences avérées ont précisément conduit à la désignation du collège d'expert précité ;

Que les premiers juges ont parfaitement analysé les imprécisions, absence de réponse, affirmations non démontrées voire contredites par les pièces du dossier figurant au premier rapport rédigé par le Docteur EEE tant dans la décision rendue le 8 janvier 2015 que dans celle prononcée le 13 juillet 2017, sans que le CHPG n'invoque ni ne justifie d'aucun élément nouveau de nature à remettre en cause les constatations déjà effectuées et à contredire les motivations développées à ce titre ;

Attendu par ailleurs que l'absence de réponse au point 8 de la mission n'est pas caractérisée au regard des explications chronologiques et techniques précises et circonstanciées et de la réponse apportée par les deux experts en page 24 de leur rapport, comme l'ont déjà souligné à juste titre les premiers juges ;

Que le moyen développé à cet égard ne peut donc davantage prospérer ;

Attendu par ailleurs que le Docteur EEE tente de minimiser la faute médicale du Docteur BBB sans démonstration pertinente en soutien de ses affirmations, comme relevé à bon droit par les premiers juges, alors que les carences de ce dernier dans l'accomplissement de sa mission, dénoncées par m. F M. ont précisément conduit à l'instauration d'une nouvelle mesure d'expertise, dont les missions ont été complétées avant d'être confiées à deux experts ;

Que l'intimée souligne également à ce titre la proximité professionnelle du Docteur EEE avec le Docteur BBB aux côtés duquel il a assuré le rôle de modérateur à l'occasion d'un colloque organisé par ce dernier à Monaco en 2010 (pièce n°103), sans que ce technicien n'estime opportun d'en informer le juge chargé du contrôle des expertises, créant une suspicion légitime de sa part sur son impartialité objective dans la conduite de sa mission ;

Attendu enfin que les avis contradictoires émis par des experts ne peuvent à eux seuls justifier de l'instauration d'une nouvelle mesure d'investigation, alors que le Tribunal n'est pas lié par les constatations, avis ou conclusions de l'expert, en application des dispositions de l'article 368 du Code de procédure civile ;

Que le rapport d'expertise déposé par le Professeur HHH et le Docteur III établi de concert par ces deux spécialistes, se révèle au demeurant parfaitement documenté tant au plan factuel que médico-légal, et fournit à la Cour de manière exhaustive les éléments techniques nécessaires à une exacte appréciation des éléments de la cause ;

Que la demande de nouvelle expertise présentée est donc en voie de rejet ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE

Attendu que l'éventuelle responsabilité du CHPG, établissement public régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971, doit être appréciée selon les règles de droit administratif, étant relevé et non contesté que m. F M. se trouvait soignée lors des faits litigieux en régime hôpital et non en régime clinique ouverte ;

Qu'à ce titre, la mise en cause de sa responsabilité suppose l'établissement à son encontre d'une faute de service, comprenant notamment un acte médical au sens strict comme l'est l'établissement d'un diagnostic ;

Qu'il appartient au praticien qui pose un diagnostic :

* d'apprécier personnellement et sous sa responsabilité l'état de sa patiente sans être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère,

* de pratiquer les examens et investigations propres à l'éclairer,

* le cas échéant, en présence d'un doute de diagnostic, de recourir à l'aide de tiers compétents ou de concours appropriés ;

Qu'il incombe au patient de démontrer le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice qu'il allègue ;

Attendu par ailleurs qu'aux termes de l'article 32 du Code de déontologie médicale (Annexe à l'arrêté ministériel n° 2012-3012 du 29 mai 2012) « le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés » ;

Attendu qu'au cas présent, la chronologie des faits retracée par les experts HHH et III permet d'établir que :

* m. F M. bénéficiait d'un suivi en consultation auprès du Docteur AAA depuis 2006 pour un glaucome chronique traité et équilibré par Xalatan,

* lors des consultations des 12 février 2010 et 12 août 2010, le Docteur AAA a relevé une acuité visuelle à 10/10 P2,

* la patiente a consulté en urgence son médecin les 14 septembre et 21 septembre 2010, lequel a considéré qu'elle présentait une «  uvéo-papillite de l'œil droit avec une thrombose de la veine centrale de la rétine et des dépôts rétro-descemetiques » et a appelé le CHPG pour un rendez-vous le lendemain matin avec le Docteur BBB;

Qu'il s'évince de ce premier constat que l'état de sa patiente et l'évolution de l'affection découverte à l'occasion de la consultation du 14 septembre 2010 a suffisamment alerté, voire inquiété, son médecin habituel pour que ce dernier juge nécessaire de la soumettre en urgence à l'examen médical approfondi d'un confrère exerçant dans le cadre d'un service spécialisé ;

Que de fait, m. F M. a été reçue dès le 22 septembre 2010 par le Docteur BBB chef du service d'ophtalmologie de l'hôpital, qui après avoir procédé à une angiographie rétinienne et OCT, a prescrit la mise en place d'une corticothérapie par perfusion, dans le cadre d'une hospitalisation de jour ;

Qu'à cette date, le praticien constate une « baisse brutale d'acuité visuelle à droite à moins d'1/20, avec une vascularité dans les quatre quadrants thrombosante ; l'œil gauche est indemne » ;

Qu'en adressant sa patiente au Docteur MMM chef du service de médecine interne au CHPG, il lui indique que celle-ci « présente depuis 15 jours une panuvéite de l'œil droit » ;

Que la patiente a été traitée au CHPG les 22 septembre, 24 septembre et 27 septembre 2010, où elle a reçu des bolus de solumédrol prescrits par le Docteur BBB dans le service de médecine interne du Docteur MMM avant de revenir en consultation les 4 et 11 octobre 2010, des ordonnances étant remises à la patiente lors de ses trois dernières visites ;

Qu'il ressort dans le même temps du courrier adressé le 12 octobre 2010 par le Docteur KKK au Professeur NNN exerçant au sein de l'hôpital Bicêtre (France), auquel il adressait sa patiente pour avis et prise en charge, que ce praticien, après avoir reçu l'intéressée en consultation le 9 octobre 2010, faisait part à son confrère d'un tableau «  fortement évocateur d'une rétinite virale nécrosante avec début d'atteinte du 2e œil » ;

Que le diagnostic de rétinite aigüe nécrosante d'origine herpétique a été confirmé lors de son hospitalisation au sein de l'hôpital du Kremlin Bicêtre ;

Que les lésions se sont stabilisées après la mise en place d'un traitement viral mais que l'œil droit a néanmoins dû être éviscéré le 8 novembre 2011 tandis que la vision de l'œil gauche est tombée à 1,5/10 ;

Qu'au regard de cette chronologie et de l'examen des documents médicaux qui leur ont été communiqués, les experts HHH et III considèrent que la rétinite virale affectant l'œil droit de la patiente est apparue le 14 septembre 2010, évoluant vers une perte de vision de l'œil droit à partir du 22 septembre 2010 et une diminution de vision de l'œil gauche à compter du 9 octobre 2010 ;

Qu'ils expliquent que la nécrose rétinienne aigüe (ARN), qui est due à une atteinte infectieuse de la rétine par les virus de la famille des herpès virus, constitue « une urgence médicale thérapeutique et diagnostique » ;

Qu'ils poursuivent en indiquant :

* d'une part que le pronostic visuel de l'œil atteint est en jeu, avec un risque de bilatéralisation,

* d'autre part que le diagnostic doit être évoqué devant une vascularité occlusive, une nécrose rétinienne, une hyalite et une papillite,

* enfin qu'un prélèvement d'humeur aqueuse (ponction de chambre antérieure) est indispensable pour mettre en évidence le virus ;

Qu'ils relèvent que « l'ARN n'a même pas été évoquée ou discutée par le Docteur BBB » alors que « pourtant il est décrit une vascularité thrombonsante, une inflammation antérieure et postérieure (panuvéite), une papillite  » qui constituent « 4 critères diagnostiques sur les 5 définis par HOLLAND » ;

Que les contestations élevées par le Docteur LLL dans le rapport non contradictoire établi à la demande de l'appelant, considérant que le manquement reproché concernant l'absence de diagnostic doit être relativisé au motif que le praticien n'avait pas d'argument clinique en faveur de ce diagnostic se trouvent par la même dénuées de tout fondement sérieux ;

Que bien plus, les experts relèvent qu'une panuvéité est une inflammation de l'uvée, signe d'inflammation qui n'est pas spécifique d'une maladie ;

Que par ailleurs si m. F M. souffrait d'une infection virale de l'œil à l'origine d'une importante inflammation, celle-ci ne masquait que partiellement l'état rétinien puisque les vaisseaux occlus étaient visibles dans les 4 quadrants de l'œil droit, comme l'écrit le Docteur BBB au Docteur MMM le 22 septembre 2010 ;

Que devant cette atteinte majeure strictement oculaire associée à une telle baisse visuelle, les données acquises de la science en 2010 recommandent la ponction de chambre antérieure avec recherche des virus du groupe herpès pour orienter le diagnostic et le traitement ;

Qu'il s'agit d'un examen simple et rapide qui permet dans les cas atypiques de poser un diagnostic positif ;

Que les experts citent les publications médicales sur lesquelles ils fondent leurs conclusions, sans que les critiques élevées à cet égard par le CHPG dans ses écritures ne se trouvent corroborées par aucun document scientifique digne de foi ;

Que la rareté non contestée de ce type de pathologie ne dispensait pas le Docteur BBB d'évoquer le diagnostic d'ARN et d'entreprendre avec toute la diligence requise les examens nécessaires à l'identification de cette affection, en l'absence d'amélioration de la vue de sa patiente entre le 22 septembre et le 11 octobre 2010 ;

Que la diminution des signes inflammatoires du fait de l'administration de fortes doses d'anti-inflammatoires traduit les conséquences d'un traitement sans que les causes n'en aient été véritablement et sérieusement recherchées ;

Que d'ailleurs l'administration de cortisone, si elle diminue l'inflammation, a dans le même temps eu des effets délétères sur l'infection virale, en réduisant les défenses de l'organisme ce qui favorise la prolifération virale ;

Que les experts considèrent dès lors que « la démarche diagnostique n'est pas conforme aux règles de l'art. Un traitement délétère a été institué sans recherche diagnostique adaptée et sans aucun diagnostic. Ce traitement a été poursuivi sans se poser de questions, sans demander un autre avis à un tiers plus compétent... Le diagnostic n'a pas été posé parce qu'il ne s'est pas donné les moyens de le faire. Le traitement prescrit à l'aveugle n'a jamais été remis en cause malgré l'absence de récupération visuelle. Il a persisté dans l'erreur sans remettre en question ses choix » ;

Que les experts soulignent par ailleurs que l'état antérieur de m. F M. révèle « un glaucome parfaitement équilibré avec une faiblesse du nerf optique », concluant que l'état antérieur n'a pas joué de rôle pour l'œil droit qui a été détruit par la rétinite aigüe, alors qu'un traitement adapté aurait permis de conserver l'œil, tandis qu'ils imputent les séquelles à l'état antérieur à hauteur d'un tiers et les deux autres tiers au fait dommageable « puisqu'en l'absence de fait dommageable, l'œil gauche n'aurait pas été atteint par la rétinite » ;

Qu'en tout état de cause, l'état antérieur de la patiente a été sans incidence sur l'absence de diagnostic pertinent posé par le Docteur BBB;

Qu'il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'en recevant en urgence m. F M. le 22 septembre 2010, le Docteur BBB:

* d'une part, n'a pas posé de diagnostic, se contentant de relever la présence d'une panuvéite, simple symptôme démontrant une inflammation des parties antérieures et postérieures de l'œil dont les étiologies sont très nombreuses,

* d'autre part, a réalisé un bilan étiologique qui n'était pas adapté alors que nonobstant la présence de cette inflammation, le tableau clinique qui lui était soumis était fortement évocateur d'une nécrose rétinienne aigüe (ARN) et commandait la réalisation d'une ponction de chambre antérieure, à même de confirmer une telle infection,

* enfin, a administré un traitement qui a aggravé l'infection non décelée ;

Qu'il a par la même, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, commis une faute dans l'orientation diagnostique, se contentant de reprendre les constatations opérées par son confrère, le Docteur AAA en omettant de poser un diagnostic et d'envisager la possibilité d'une affection qu'il n'avait pas décelée mais dont le caractère plausible était suffisant pour l'inciter à pratiquer des investigations complémentaires et/ou solliciter l'avis d'un autre médecin spécialiste ;

Que son erreur de diagnostic l'a empêché de prescrire le traitement approprié dès la prise en charge de la patiente le 22 septembre 2010, alors qu'un diagnostic adéquat aurait permis de sauver l'œil droit et que l'œil gauche n'aurait pas été atteint par la maladie ;

Que bien plus, il a persisté dans son erreur, en prescrivant le 11 octobre 2010 des produits inadaptés (Dexafree, Azarga, Xalatan, Cotanrcyl et Diffuk), en connaissance du diagnostic posé par le Docteur KKK le 9 octobre précédent ;

Qu'en sa qualité de chef du service d'ophtalmologie du CHPG, il disposait pourtant indéniablement des moyens nécessaires et de compétences reconnues pour poser le diagnostic adéquat et par la même dispenser le traitement adapté à la pathologie ;

Que cette absence de diagnostic approprié conjugué à l'administration d'un traitement contre-indiqué constitue une faute de service engageant la responsabilité du CHPG ;

Attendu pour le surplus qu'aux termes de constatations et d'explications circonstanciées, les experts HHH et III démontrent clairement que les séquelles dont souffre m. F M. « sont directement imputables à la rétinite virale non traitée et encouragée par la corticothérapie » et établissent un lien de causalité direct et certain entre cette affection et les conséquences dommageables pour la patiente ;

Que le fait pour la patiente de ne pas s'être présentée à l'examen prescrit le 11 octobre 2010 a été sans incidence sur l'évolution de la maladie, dès lors que l'angiographie programmée ne permettait pas d'établir le diagnostic de nécrose ;

Que seul l'examen de fond de l'œil et surtout la ponction de chambre antérieure y auraient contribué ;

Que le CHPG ne peut pas davantage se prévaloir utilement d'une prétendue perte de temps de quatre jours imputable au Docteur KKK entre le diagnostic de rétinite nécrosante et la mise en place du traitement adapté alors :

* d'une part, que ce spécialiste a été le premier à poser le bon diagnostic,

* d'autre part, que l'écoulement de ce délai est demeuré sans incidence sur les séquelles avérées, les experts datant le début de la perte de vision de l'œil droit au 22 septembre 2010 et la perte de vision de l'œil gauche au 9 octobre 2010, soit dans les deux cas avant l'intervention de ce praticien ;

Attendu que les experts établissent certes une distinction entre les séquelles affectant l'œil droit et celles touchant l'œil gauche, estimant que :

* la rétinite aigüe nécrosante (ARN) est responsable en totalité des séquelles pour l'œil droit, l'état antérieur n'ayant pas joué de rôle,

* les séquelles de l'œil gauche ne sont imputables que pour deux tiers aux manquements commis par le Docteur BBB le dernier tiers relevant de l'état antérieur de la patiente ;

Que toutefois le droit à indemnisation de la victime ne sera pas réduit de ce fait, dès lors qu'aucune demande tendant à obtenir un partage de responsabilité n'a été formulée par l'appelant et qu'en tout état de cause l'état antérieur de m. F M. n'entraînait jusqu'alors pour elle aucun état invalidant ;

Attendu par contre que la Cour ne peut suivre les premiers juges qui ont rejeté l'application au cas d'espèce de la notion de perte de chance au motif que celle-ci permet l'indemnisation d'une victime pour un évènement futur ou incertain, alors que la perte de chance ne s'apprécie pas au regard de la nature du préjudice subi mais du lien causal ;

Qu'en effet, quand la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement du patient a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ;

Que la perte de chance atténue ainsi l'aléa dont est affecté le résultat ;

Que la réparation qui incombe au responsable doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

Qu'au cas présent, il convient de relever que les termes « d'imputabilité, imputable, responsable, imputabilité directe et certaine » employés par les experts en pages 24, 25 et 26 de leur rapport se rapportent exclusivement au lien existant entre l'affection identifiée et les séquelles qui en découlent, mais aucunement au lien de causalité entre le comportement critiqué du Docteur BBB et le résultat advenu, dont il appartient aux seuls juges d'apprécier la teneur au vu des éléments médicaux fournis par ces derniers ;

Que le comportement fautif du praticien hospitalier, largement illustré par les experts, a certes contribué au résultat final ;

Qu'il doit toutefois être observé que m. F M. a été prise en charge au CHPG du 22 septembre 2010 au 11 octobre, soit pendant trois semaines ;

Qu'elle présentait néanmoins une gêne oculaire l'incitant à consulter depuis le 14 septembre 2010 ;

Que les experts en déduisent que la maladie est apparue le 14 septembre 2010 et « a évolué avec perte de vision de l'œil droit à partir du 22 septembre 2010, puis diminution de vision de l'œil gauche à compter du 9 octobre 2010 » ;

Qu'elle se trouvait ainsi atteinte de cette infection depuis huit jours au moins, avant d'être orientée vers le CHPG par son médecin traitant ;

Que les experts HHH et III précisent que « le pronostic d'ARN non traitée est défavorable avec dans deux cas sur trois une acuité visuelle inférieure à 1/10. Le pronostic dépend de la précocité du diagnostic, de l'agressivité du traitement et du virus causal. En cas de traitement adapté, il est retrouvé 90% des patients avec une acuité visuelle supérieure à 1/10 » ;

Que les experts considèrent par ailleurs que si la nécrose rétinienne aigüe avait été traitée, « l'œil gauche n'aurait pas été atteint et aurait pu être sauvé. Dans ce cas, non seulement l'infection n'a pas été traitée mais elle a été encouragée par un traitement anti-inflammatoire (bolus de corticoïdes) à forte dose » ;

Qu'il s'ensuit que l'espoir de préserver l'acuité visuelle de son œil droit était déjà largement compromis pour m. F M. lors de sa prise en charge par le Docteur BBB alors en revanche qu'aux termes d'un examen attentif et minutieux, ce dernier aurait dû poser un diagnostic exact et prescrire un traitement adapté qui aurait permis de préserver l'œil gauche de toute atteinte virale ;

Que les experts relèvent en effet pour l'œil gauche, que l'infection qui a perduré et le traitement anti-inflammatoire à haute dose ont précipité l'atteinte de neuropathie optique, réduisant à la fois le champ visuel et l'acuité visuelle, passée de 10/10 à 1,5/10 ;

Qu'il s'évince de ces éléments que la faute commise par l'hôpital a mené à une perte de chance pour la victime d'éviter que le dommage soit advenu, en l'occurrence la dégradation de son acuité visuelle ;

Qu'au regard des considérations scientifiques développées par les experts HHH et III fondées sur une bibliographie médicale dont la teneur n'est pas critiquée par l'appelant, la Cour considère que la probabilité pour m. F M. de préserver son acuité visuelle lors de sa prise en charge par le praticien hospitalier était de 50 % ;

Qu'il s'ensuit que le manquement fautif du Docteur BBB à ses obligations médicales de sérieux, célérité et pertinence dans le cadre du diagnostic et des soins prodigués au titre de l'affection dont souffrait sa patiente, engage la responsabilité du CHPG, au titre de la perte de chance pour m. F M.de ne pas subir un effondrement de son acuité visuelle dans la mesure du pourcentage ci-dessus retenu ;

Qu'en conséquence, le CHPG sera tenu de réparer les conséquences dommageables de cette faute de service à concurrence de 50% du montant des évaluations des préjudices en découlant ;

Sur la réparation des préjudices subis par m. F M.

1. Sur le déficit fonctionnel temporaire

Attendu que ce poste de préjudice correspond à l'indemnisation de l'aspect non économique de l'incapacité temporaire et prend en compte la gêne dans les actes de la vie courante à laquelle est confrontée la victime pendant l'hospitalisation et la privation de qualité de vie jusqu'à la consolidation de son état ;

Attendu que la date de consolidation retenue par les experts au 31 décembre 2011, date à laquelle « l'œil droit a été éviscéré les séquelles sont fixées », qui n'est pas critiquée par les parties, sera retenue ;

Qu'ils font état de l'existence tout à la fois d'un déficit fonctionnel temporaire total et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel, dont il convient d'apprécier distinctement l'évaluation ;

Sur le déficit fonctionnel temporaire total

Que les experts ont identifié trois périodes à ce titre, couvrant un total de 29 jours :

* les 22/09/2010, 24/09/2010, 27/09/2010, correspondant à trois jours d'hospitalisation au CHPG,

* du 09/10/2010 au 26/10/2010 pour l'atteinte constatée au deuxième œil,

* du 07/11/2010 au 27/11/2010 au titre de l'hospitalisation pour l'éviscération ;

Que les parties ne contestent pas les périodes ainsi retenues dans le rapport d'expertise judiciaire, mais s'opposent sur le montant de l'indemnisation journalière, le CHPG offrant 16 euros alors que m. F M. sollicite 30 euros ;

Que les premiers juges ont correctement évalué le préjudice subi par l'intéressée à ce titre à la somme de 725 euros, sur la base journalière de 25 euros ;

Que la décision sera confirmée de ce chef ;

Sur le déficit fonctionnel temporaire partiel

Attendu qu'à cet égard, le rapport d'expertise distingue deux périodes :

* l'une, de classe III à 50 %, d'une durée de 14 jours, soit du 22/09/2010 au 09/10/2010,

* l'autre, de classe IV à 75 %, d'une durée de 14 mois, courant de la date précitée jusqu'au 31 décembre 2011, date de la consolidation ;

Que les parties s'accordent sur les périodes et les pourcentages ainsi chiffrés par les experts, mais s'opposent sur le montant de l'indemnisation y afférent ;

Que le CHPG offre de verser les sommes de 112 euros (classe III) et 5.124 euros (classe IV) alors que m. F M. réclame, sans l'expliciter, le paiement d'une somme de 50.000 euros à ce titre ;

Que la perte de qualité de vie de la victime durant ces périodes d'incapacité partielle a été justement appréciée par le Tribunal, en retenant la somme globale de 7.881,25 euros, se décomposant comme suit :

* 14 jours x 12,50 euros (50% de 25 euros) : 175 euros,

* 411 jours x 18,75 euros (75 % de 25 euros) : 7.706,35 euros ; Que la décision mérite donc confirmation sur ce point ;

2. Sur le déficit fonctionnel permanent

Attendu que doit être indemnisé à ce titre le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel, après consolidation, quand l'état de la victime n'est plus susceptible d'amélioration par un traitement médical adapté ;

Attendu que les experts ont fixé l'incapacité permanente dont demeure atteinte m. F M. à 50 % après consolidation, cette dernière étant monophtalme avec une acuité visuelle de 1,5/10, soit 72 % à l'œil gauche ;

Qu'ils observent qu'elle avait auparavant 10/10 à chaque œil avec une altération du champ visuel d'environ 25 % « puisque compensée par la binocularité lors de l'évaluation en dommage corporel du champ de vision » ;

Que si les parties s'accordent sur le pourcentage d'incapacité ainsi retenu par les experts, le CHPG offre de verser une somme qui ne saurait excéder 115.000 euros (en retenant un point à 2.300 euros) tandis que l'intimée chiffre sa demande à ce titre à la somme de 9.457,50 euros dans les motifs et le dispositif concordants de ses dernières écritures ;

Que la Cour se trouve liée par les demandes des parties, quand bien même celles-ci procèdent d'une erreur évidente, de sorte que la proposition formulée par le CHPG, supérieure, en son montant, sera déclarée satisfactoire ;

3. Sur les souffrances endurées

Attendu que doivent être indemnisées à ce titre toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant l'affection et jusqu'à la consolidation ;

Que les experts ont chiffré ce poste de préjudice à 5/7, en se basant sur les douleurs physiques de la rétinite, les soins douloureux, l'opération et les douleurs morales liées à la perte de la vision bilatérale ;

Que le CHPG offre une somme de 16.000 euros pour réparer ces douleurs tandis que m. F M. revendique le paiement à son profit d'une somme de 500.000 euros ;

Que l'intimée soutient qu'elle a dû endurer :

* la perte fulgurante de l'acuité visuelle de son œil droit,

* des douleurs liées à l'inflammation et aux différents traitements,

* l'éviscération de l'œil droit et le port d'une prothèse,

* des douleurs et gênes occasionnées par les pivotements de la prothèse autour de l'œil,

* des douleurs liées au polissage de la prothèse tous les six mois, avec un renouvellement à réaliser tous les six ans,

et qu'elle continue de souffrir à ce jour, comme le confirment les attestations de ses proches et amis ; Que sa douleur physique s'accompagne d'une intense douleur morale :

* ayant eu une parfaite conscience de l'aggravation de son état et un sentiment d'impuissance en constatant que ses inquiétudes n'étaient pas prises en considération, ce qui l'a incitée à consulter un nouveau spécialiste,

* se trouvant désormais dans une situation de malvoyance profonde et dépendante, à l'origine d'un isolement social et d'un état d'angoisse post-traumatique, ayant justifié un suivi psychiatrique de la part du Docteur OOO psychiatre à Menton ;

Qu'au regard des souffrances physiques endurées, non contestées, et des répercussions psychologiques qui en découlent, la réparation de ce poste de préjudice au profit de m. F M. sera portée à 40.000 euros et le jugement réformé à cet égard ;

4. Sur la perte de chance de réduire les séquelles

Attendu que m. F M. soutient qu'elle a subi une perte de chance de voir son état s'améliorer, de ne pas perdre son œil droit et de conserver une acuité visuelle de l'œil gauche justifiant de lui allouer, en réparation du préjudice subi et des séquelles infligées par le manque de professionnalisme du Docteur BBB une somme de 50.000 euros ;

Que le CHPG s'oppose à cette demande considérant qu'il ne s'agit pas d'un poste de préjudice indemnisable, tel qu'énoncé à juste titre par les premiers juges ;

Que l'ensemble des préjudices subis par la patiente donnant précisément lieu au cas présent à une indemnisation au titre de la perte de chance, pareille demande ne peut prospérer au titre d'un poste de préjudice autonome, sauf à faire bénéficier m. F M. d'une double indemnisation contraire aux principes de la responsabilité civile ;

Que la demande présentée à ce titre ne peut donc prospérer, justifiant de la confirmation de la décision de rejet des premiers juges ;

5. Sur le préjudice esthétique

Attendu que la victime peut subir une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation ;

Qu'en l'espèce, les experts ont procédé à une distinction entre le préjudice esthétique temporaire et définitif ;

Que se fondant sur un « œil droit en phtyse (plus petit), puis après éviscération et avant la pose de prothèse », les experts ont évalué le préjudice temporaire à 5/7 et retenu un préjudice esthétique permanent de 3/7 ;

Qu'à cet égard, le CHPG offre d'indemniser le préjudice esthétique définitif à hauteur de 6.000 euros tandis que m. F M. qui poursuit l'indemnisation de ces deux préjudices, sollicite le versement d'une somme unique de 35.000 euros ;

Qu'après avoir subi une éviscération consistant en l'ablation chirurgicale du contenu du globe oculaire qui ne conserve que la sclère (l'enveloppe constituant « le blanc de l'œil » ), m. F M. doit vivre depuis 2011 avec une prothèse oculaire à l'œil droit, soit un œil en silicone dont la pupille reste immobile où qu'elle regarde ;

Que cette prothèse ne lui convient pas en raison de sa taille trop petite et de ses fréquents pivotements autour de l'œil, justifiant, du fait de ces complications douloureuses, de la nécessité de la refixer ou de faire modifier sa taille auprès de l'opticien ;

Que son apparence physique a subi une altération non contestée qui sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 35.000 euros telle qu'arbitrée par les premiers juges ;

6. Sur le préjudice d'agrément

Attendu que ce poste de préjudice tend exclusivement à réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs et peut se traduire par une limitation de la pratique antérieure ;

Qu'il appartient de ce fait à la victime de justifier de la pratique de ces activités sportives, ludiques ou culturelles, par la production de licences sportives, adhésions associatives voire d'attestations ;

Qu'au cas présent, m. F M. sollicite le versement à son profit d'une somme de 150.000 euros, invoquant jusqu'au déclenchement de son infection la pratique de diverses activités sportives (jogging, mini-marathon) outre celle du jardinage et du dessin au fusain ;

Que le CHPG sans contester l'indemnisation de ce préjudice dans son principe, compte tenu de l'indéniable perte de vision, offre de servir une somme de 10.000 euros tout en relevant que l'intéressée ne justifie pas de la pratique antérieure des activités dont elle se prévaut ;

Que la production de deux dessins au fusain, signés « Michèle » corroborent les attestations délivrées par p. ST. et j. ST. aux termes desquelles leurs auteurs relatent notamment la pratique régulière par leur amie du jardinage, de la broderie, du dessin, de la marche, de la nage ;

Que la perte de la vision limite nécessairement m. F M. dans la pratique de ces activités, justifiant de lui allouer en réparation de ce poste de préjudice une somme de 50.000 euros ;

7. Sur le préjudice sexuel

Attendu que ce préjudice recouvre trois aspects, pouvant être altérés séparément ou cumulativement :

* l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels,

* le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité),

* la fertilité (fonction de reproduction) ;

Que l'évaluation de ce préjudice doit être modulé en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime ;

Qu'en l'espèce, m. F M. demande l'allocation d'une somme de 20.000 euros, soutenant subir un préjudice à ce titre, alors que subissant une atteinte dans sa féminité, elle ne se sent plus attirante et désirable et ne souhaite plus entretenir de relation physique ;

Que le CHPG s'oppose à cette demande, en l'absence d'atteinte morphologique susceptible d'empêcher ou d'altérer l'acte sexuel ;

Qu'il est constant que l'atteinte morphologique dont souffre m. F M. a son siège au niveau du visage, de sorte que le premier type de préjudice potentiel n'est pas caractérisé ;

Qu'il est tout aussi constant que la victime, âgée de 50 ans au moment des faits, est mère de trois enfants adultes, ne peut se prévaloir d'une atteinte portée à sa fertilité du fait des séquelles liées à sa pathologie oculaire ;

Qu'il n'est pour le surplus pas établi que l'intéressée entretenait une relation stable avant son infection ;

Que toutefois la disparition de toute libido chez la victime, suscitée par une perte de confiance en elle-même engendrée par la modification d'un élément physique essentiel, en l'occurrence, les yeux, caractérise suffisamment un préjudice associé, sans que la réparation de celui-ci ne soit subordonnée à la présence à ses côtés d'un compagnon régulier ;

Que la décision du Tribunal mérite réformation sur ce point et allocation d'une somme de 15.000 euros à m. F M. sur ce fondement ;

8. Sur le préjudice d'établissement

Attendu que pareil préjudice doit se révéler d'une ampleur telle qu'il fait perdre à celui qui le subit tout espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap ;

Attendu que m. F M. soutient à ce titre que son handicap lié à sa vision défaillante et à l'origine d'un état dépressif, l'empêche de s'engager dans une relation amoureuse et de réaliser un nouveau projet de vie familiale, avançant que son ami l'a quittée en apprenant qu'elle ne guérirait pas ;

Que le CHPG conteste la réalité de ce préjudice soutenant que l'état de la victime ne constitue pas un handicap de nature à empêcher toute relation amoureuse, ni à l'empêcher d'être à nouveau mère, ce qui est, en tout état de cause exclu au regard de son âge et alors qu'elle est déjà mère de trois enfants majeurs et indépendants ;

Qu'au cas présent, nonobstant la gravité indéniable de son handicap, force est de constater que m. F M. désormais âgée de 58 ans, a fondé un foyer composé de trois enfants, présents à la procédure ;

Que par ailleurs ses allégations de rupture de la relation affective qu'elle entretenait, du fait de son handicap, ne se trouvent corroborées par aucune pièce justificative, ses enfants comme p.ST.ne faisant pas état de l'existence d'un quelconque compagnon à ses côtés dans leurs attestations respectives ;

Qu'en l'état de ces éléments, sa demande ne peut prospérer comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges ;

9. Sur les dépenses de santé

Attendu que les dépenses de santé intègrent les frais médicaux et pharmaceutiques, frais d'hospitalisation et tous les frais paramédicaux ou autres, restés à la charge effective de la victime ;

Attendu que les experts indiquent à cet égard que m. F M. porte une prothèse oculaire, nécessitant un polissage tous les six mois et un renouvellement tous les six ans, ainsi que l'usage régulier de collyres lubrifiants ;

Sur les dépenses de santé actuelles

Que m. F M. sollicite l'allocation de la somme de 4.137,47 euros au titre des diverses dépenses de santé auxquelles elle a fait face depuis 2010, comprenant la part des frais médicaux non pris en charge par les organismes sociaux mais également ses frais de déplacement sur Paris et Nice pour se rendre à des consultations médicales régulières ;

Que le CHPG, tout en assurant ne pas vouloir discuter le montant de ces frais, offre une somme limitée à 1.989,97 euros, s'étonnant que les frais de prothèse et de polissage n'aient pas été intégralement remboursés par l'assurance maladie ;

Qu'en tout état de cause, m. F M. a produit aux débats les pièces justifiant de la réalité des dépenses avancées et demeurant à sa charge, notamment les relevés de la sécurité sociale et les états de frais liés à ses déplacements (pièces 23 à 28, 143 à 147) ;

Que suivant attestation délivrée le 6 janvier 2016, son opticien exerçant à Nice sous l'enseigne « Optique médicale LANCON » a également certifié les dates et montants des soins qui lui ont été prodigués ;

Que les doutes élevés par le CHPG ne résistent pas à l'examen de ces pièces et justifient de faire droit à la demande à hauteur de 4.137,47 euros, compte tenu du caractère nécessaire de l'ensemble des dépenses engagées, tel qu'exactement apprécié par le Tribunal ;

Sur les dépenses de santé futures

Attendu que m. F M. ayant sollicité l'allocation d'une somme globale de 20.000 euros au titre de l'ensemble des dépenses de santé et ayant chiffré à 4.137,47 euros le montant des frais déjà engagés, sa demande au titre des dépenses de santé à venir s'établit à 15.862,53 euros ;

Que le CHPG, affirmant que ces dépenses bénéficient d'une prise en charge intégrale par l'assurance maladie, propose de verser une indemnisation dont le montant ne saurait excéder 6.792,50 euros, comprenant un aller-retour par an à Paris ;

Que toutefois, le Tribunal a considéré à juste titre que la réalité de ces dépenses futures de santé comme leur prise en charge partielle par les organismes sociaux ne pouvaient être contestées, justifiant de faire droit à la demande formulée à hauteur de la somme de 15.862,53 euros ;

10. Sur l'incidence professionnelle

Attendu que même en l'absence de perte immédiate de revenus, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail, laquelle peut se traduire par un emploi aussi bien rémunéré mais de moindre intérêt, les frais de reclassement professionnel étant également à inclure dans l'incidence professionnelle ;

Attendu qu'en l'espèce, m. F M. fait état des graves répercussions de son état de santé sur son activité professionnelle, à l'origine d'une perte de chance d'évoluer dans sa carrière pour solliciter son indemnisation de ce chef à hauteur de 50.000 euros ;

Qu'elle expose qu'ayant été embauchée par la Mairie de Menton en 2005 en qualité d'hôtesse d'accueil dans les musées, elle a gravi rapidement les échelons pour occuper le poste de régisseur titulaire à la direction des affaires culturelles de la ville en 2008, puis celui de Responsable de régie du patrimoine de 2010 à 2011 ;

Que parallèlement à cet emploi stable, elle travaillait régulièrement en extra au Café de Paris « pour continuer à subvenir correctement à l'entretien et à l'éducation de ses trois enfants qu'elle a élevé seule » ;

Qu'elle fait valoir qu'entre 2006 et 2011, elle a gravi quatre échelons dans la fonction publique alors que depuis son accident de santé elle n'a gravi qu'un seul échelon en 2014, preuve que son avancement a été gelé du fait de son reclassement dans un poste sans responsabilité ;

Qu'elle précise en effet qu'à raison de son handicap, elle occupe depuis le 12 décembre 2011 un poste de simple agent d'accueil à l'École municipale d'arts plastiques, très en dessous de son potentiel de travail et qui ne lui apporte pas les mêmes satisfactions professionnelles, alors qu'elle n'a plus jamais pu travailler à nouveau dans la restauration ;

Que du fait de l'erreur médicale commise, elle considère n'avoir pu bénéficier ni d'un avancement, ni d'une revalorisation de salaire dus à son ancienneté et son excellent état de service, alors qui plus est que ses droits à la retraite seront fortement minorés ;

Qu'elle appuie ses prétentions en produisant aux débats :

* le courrier de la ville de Menton daté du 11 février 2010 accordant 15 points de bonification indiciaire à compter du mois de mars 2010,

* le certificat administratif de la ville de Menton en date du 12 décembre 2011,

* l'arrêté du 18 mai 2011 portant modification de son régime indemnitaire avec majoration d'un montant brut annuel de 300 euros au titre de l'indemnité complémentaire versée au mois de mai 2011,

* le procès-verbal de vérification en date du 20 juin 2011 dans lequel elle est désignée comme étant le régisseur du service visites guidées et animations du patrimoine,

* ses bulletins de salaires couvrant les périodes de septembre 2010 à décembre 2010, d'août 2011 à décembre 2011, de janvier 2012, de juin et juillet 2012, de janvier 2013 et juin 2013, outre du mois d'avril 2004 et des mois de janvier 2005 à 2015,

* une demande d'autorisation d'embauchage pour les extras auprès de la Société des Bains de Mer en date du 8 juin 2010 et ses bulletins de salaire de septembre à novembre 2006 et de janvier 2008 ;

Que pour offrir une indemnisation limitée à un montant de 10.000 euros, le CHPG insiste sur le fait que m. F M. a pu obtenir un poste en reclassement ;

Qu'au terme de leur rapport, les experts ont retenu que l'intéressée « a perdu son poste à responsabilité au sein des services municipaux de Menton où elle s'occupait de la régie pour les activités culturelles et se déplaçait en scooter. Elle a été reclassée avec difficultés en agent d'accueil, exposée à la poussière (poussière de céramique de la salle voisine) et au courant d'air », tout en liant ce changement de poste aux séquelles ;

Que les pièces communiquées démontrent tout à la fois le reclassement professionnel de l'intéressée et le manque d'intérêt de ses nouvelles fonctions, exercées qui plus est dans des conditions matérielles peu favorables (poussière, courant d'air) ;

Que par contre, l'examen attentif des bulletins de paie de la Mairie de Menton révèle que :

* elle est toujours adjoint Patrimoine 2e classe,

* elle est passée de l'échelon 4 depuis le 1er août 2010 à l'échelon 5 depuis le 1er octobre 2013, qui a été régulièrement majoré,

* que son salaire net de septembre 2010 s'élevait à 1.185, 52 euros tandis que celui de janvier 2015 s'établit à 1.266,36 euros ;

Que l'ensemble de ces éléments n'illustre aucune perte de revenus ;

Que le Tribunal a par ailleurs souligné à bon droit ne pas être en mesure d'évaluer précisément ce poste de préjudice, en l'absence, d'une part d'attestation de l'employeur sur le montant de la perte indemnitaire associée au reclassement et d'estimation des droits à la retraite, d'autre part, de communication des bulletins de salaires de l'intéressée, au titre de son emploi d'une part à la Mairie de Menton depuis janvier 2015, soit plus de quatre ans, et auprès de la Société des Bains de Mer pour la période de juin à septembre 2010 démontrant que l'activité d'extra avait réellement repris ;

Que pour autant, l'incidence de son handicap (malvoyance) sur son emploi (agent d'accueil), objectivement peu valorisant et intellectuellement bien moins intéressant en comparaison de son poste précédent (responsable de régie du patrimoine), conjugué à ses perspectives professionnelles au regard de son âge (58 ans) et de l'emploi exercé (agent d'accueil fonctionnaire), milite en faveur du versement d'une indemnité réparatrice qui sera arbitrée à la somme de 50.000 euros ;

11. Sur les frais d'adaptation du logement

Attendu que m. F M. fait valoir au soutien de sa demande de versement à ce titre d'une somme de 10.000 euros, qu'elle doit procéder au remplacement de l'ensemble des luminaires de son appartement pour obtenir une meilleure visibilité et à des travaux dans la salle de bain pour la rendre plus adaptée à sa cécité ;

Qu'elle produit pour en justifier deux devis d'un montant respectif de 5.922 euros pour la salle de bains et de 1.390,40 euros pour l'éclairage ;

Que le CHPG qui refuse à titre principal d'indemniser ce poste de préjudice, accepte à titre subsidiaire de verser la somme de 7.312,40 euros ;

Que l'importance du handicap dont elle se trouve atteinte, affectant au premier chef sa mobilité, milite en faveur de la reconnaissance du caractère nécessaire de travaux d'adaptation de son logement, de nature à lui assurer des déplacements sécures, quand bien même il n'a pas été demandé aux experts de se prononcer sur le bien-fondé de ce poste de préjudice ;

Que l'indemnité lui revenant à ce titre sera fixée, comme justement apprécié par les premiers juges, à la somme de 7.312,40 euros correspondant au montant cumulé des devis produits ;

12. Sur l'assistance d'une tierce personne

Attendu que la présence de la tierce personne contribue à apporter l'aide nécessaire à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante, permettant également de restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie ;

Que l'indemnisation tient compte des besoins et non de la dépense justifiée à ce titre ;

Que par ailleurs l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime, ni subordonnée à la production de justificatifs ;

Attendu que m. F M. réclame une somme forfaitaire de 500.000 euros, alors que le CHPG opère à bon droit une distinction entre les frais échus du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2016, pour un montant de 36.460 euros, des frais à échoir pour un montant de 223.880,80 euros ;

Attendu que les experts relèvent qu'au regard du handicap majeur dont souffre la victime, « elle a besoin d'une tierce personne pour la cuisine, les courses, l'entretien de la maison. Elle ne peut plus lire son courrier, doit être aidée dans les démarches administratives. Il s'agit d'une tierce personne deux heures par jour sept jours sur sept » ;

Que pour chiffrer ce poste de préjudice, il convient de fixer le coût horaire qui se situe habituellement entre 16 euros et 25 euros de l'heure, en fonction du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne ;

Qu'au cas d'espèce, s'il ressort des pièces produites aux débats, notamment des attestations établies par ses trois enfants, que m. F M. a été assistée jusqu'alors par ces derniers dans les gestes de la vie courante, il résulte dans le même temps du devis non daté établi par le Centre communal d'action sociale de Menton que le tarif horaire de la prestation d'une aide à domicile s'élève à 20,30 euros ;

Que l'assistance bénévole assurée par ses enfants ne peut être indemnisée à moindre coût que celle qui résulterait d'une prise en charge par une aide spécialisée ;

Que la décision rendue en première instance sera donc réformée de ce chef et le taux horaire retenu fixé à 20 euros ;

Qu'en l'état des éléments précités, il sera alloué à la victime :

* les arrérages échus pour la période comprise entre la consolidation et la date de l'arrêt à raison de 2 heures par jour sur la base d'un taux horaire de 20 euros,

* les arrérages à échoir après la présente décision sous la forme de rente, en capitalisant le coût annuel en fonction de l'euro de rente pour une femme de l'âge de la victime, tel que sollicité par cette dernière à hauteur de 27,17 euros ;

Que l'indemnisation lui revenant s'établit ainsi comme suit :

* pour les frais échus du 31 décembre 2011 au 12 mars 2019, soit 2.626 jours : 2 heures x 2.626 jours x 20 euros = 105.040 euros

* pour les frais à échoir sur la base annuelle de 411 jours, intégrant les congés payés (365 + 36) : 2 heures x 20 euros x 411 jours x 27,17 euros de point de rente = 446.674,80 euros

représentant un total de 551.714,80 euros, ramené à 500.000 euros compte tenu de la demande formulée à ce titre par m.F M. ;

Sur l'indemnisation de la victime

Attendu que le préjudice global subi par m. F M. se trouve aux termes des développements précédents évalué à la somme totale de 840.918,75 euros, au titre des séquelles dont demeure atteinte cette dernière ;

Que la perte de chance en rapport avec la faute de service causée par l'erreur de diagnostic et le traitement inadapté imputable à son praticien ayant été retenue à hauteur de 50 %, le CHPG sera tenu d'indemniser m. F M. à proportion de ce pourcentage, représentant une somme de 420.459,37 euros, arrondie à 420.460 euros ;

Sur le préjudice moral des enfants

Attendu que les troubles dans leurs conditions d'existence, dont sont victimes les proches justifiant d'une communauté de vie effective et affective avec la victime directe, peuvent justifier d'une indemnisation de leur préjudice moral et/ou économique propre découlant de la situation de handicap de celle-ci, si se trouve rapportée la preuve d'un préjudice, personnel, direct et certain ;

Que l'évaluation de ce préjudice est nécessairement très personnalisée et spécifique ;

Que le préjudice moral, qui peut être éprouvé au contact de la souffrance de la victime directe, inclut le retentissement pathologique objectivé, que la perception du handicap de la victime a pu entraîner chez certains proches ;

Attendu qu'au cas présent, les enfants de m. F M. sollicitent l'indemnisation de leur seul préjudice moral, à hauteur de 60.000 euros chacun ;

Que le CHPG propose de verser à chacun d'eux une somme qui ne saurait excéder 3.000 euros, s'agissant d'enfants majeurs, vivant hors du foyer de leur mère ;

Que c. DH., âgée de 34 ans, soutient qu'elle a été profondément affectée par l'état de santé de sa mère aussi bien au niveau psychologique que professionnel ; qu'elle a été contrainte d'interrompre une brillante carrière de journaliste impliquant de nombreux voyages à l'étranger pour s'occuper de sa mère ; qu'ayant perdu son poste en CDI du fait de ses nombreuses absences justifiées par l'état de santé de sa mère, elle a entrepris une reconversion professionnelle en qualité d'auto-entrepreneur, travaillant en free-lance ; que cette nouvelle orientation de son activité a mis fin à la relation amoureuse qu'elle entretenait depuis deux ans avec son compagnon ; qu'elle a traversé une profonde dépression en voyant sa mère souffrir au quotidien, ce qui l'a conduit à consulter un psychothérapeute et à suivre des séances d'ostéopathie ;

Qu'elle produit au soutien de ses allégations divers témoignages d'amis, de son ancien compagnon ainsi qu'un certificat médical du Docteur PPP une attestation de Laurent RRR psychothérapeute et une attestation de SSS ostéopathe ;

Qu'il sera en premier lieu observé que sa demande d'indemnisation est strictement limitée à son préjudice moral, de sorte que les développements relatifs à son activité professionnelle seront appréciés sous le seul angle du retentissement psychologique que l'infirmité maternelle a pu avoir à cet égard ;

Qu'au regard de la gravité du handicap dont demeure atteinte sa mère, c. DH. a indubitablement souffert de la dégradation irréversible de son état de santé, induisant dépendance et vulnérabilité ;

Que sa propre souffrance psychique, objectivée par une anxiété réactionnelle à l'origine d'une anorexie associée à des insomnies (certificat médical du Docteur PPP du 7 mars 2012), suivie d'un accompagnement psychothérapeutique mis en place à son profit (attestation de Laurent RRR caractérise suffisamment son préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 15.000 euros ;

Attendu que e. DH., âgé de 32 ans, expose pour sa part qu'après avoir obtenu un BEP Froid et Climatisation pour devenir frigoriste, ses perspectives d'avenir ont été chamboulées car, s'occupant à plein temps de sa mère, il n'a pu accepter que diverses missions de courtes durées (poseur de store, bagagiste à l'aéroport de Nice, voiturier au Vista Palace) ; que se trouvant sans emploi après plusieurs années de dépression, il a dû mettre sa vie personnelle et professionnelle entre parenthèses pour sa mère dont il s'occupe à temps plein en vivant auprès d'elle ;

Qu'il verse aux débats à l'appui de ses prétentions l'attestation de son ami, y. ST. un certificat de travail comme VRP négociateur du 19 avril 2016 au 31 décembre 2016, une attestation de prise en charge par Pôle Emploi datée du 25 octobre 2017 pour la période postérieure et le certificat médical du Docteur TTT psychiatre ;

Que sous les mêmes réserves que celles ci-dessus développées relativement à la limitation de l'indemnisation de son préjudice à sa seule composante morale, il ne peut être contesté qu'e. DH. qui partage le quotidien de sa mère, souffre personnellement de son état, provoquant chez lui des insomnies sévères et un syndrome anxio-dépressif ayant nécessité l'instauration d'un traitement antidépresseur, tel que relaté par le Docteur TTT corroboré par la délivrance d'une ordonnance le 15 mars 2018 ;

Que son préjudice moral sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 15.000 euros ;

Attendu que p. DH AL., âgée de 30 ans, déclare quant à elle ne pas avoir réussi son BTS Banque en 2011, en raison de ses absences de nombreuses journées de cours pour s'occuper de sa mère ; qu'elle s'est résignée à trouver un travail stable dans la vente, que ces nombreuses années traumatisantes ont nécessité un suivi psychologique ;

Qu'elle appuie sa demande sur l'attestation délivrée le 10 avril 2018 par l'UFIP Business School de Nice confirmant son inscription en BTS Banque et sur l'attestation établie le 23 février 2016 par UUU psychologue clinicienne ;

Que comme ces frère et sœur, p. DH AL. a indéniablement souffert moralement de la dégradation de l'état de sa mère, des souffrances et inquiétudes exprimées par cette dernière, provoquant chez elle une angoisse sévère, réactionnelle au traumatisme de son handicap, imposant une prise en charge psychologique sous la forme d'une thérapie EMDR ;

Que l'indemnisation de son préjudice sera arbitré à la somme de 15.000 euros ;

Attendu que la limitation du droit à indemnisation étant opposable aux victimes indirectes, le CHPG sera tenu d'indemniser c. DH. e. DH. et p. DH AL. à concurrence du pourcentage de la perte de chance ci-dessus retenue ;

Sur les demandes de dommages et intérêts pour appel abusif

Attendu que m. F M.et ses enfants soutiennent que le CHPG a été condamné, aux termes du jugement rendu par le Tribunal le 13 juillet 2017, à servir à celle-ci la somme de 439.135,67 euros sous le bénéfice de l'exécution provisoire, qu'il ne lui a pas réglé les sommes dues, la contraignant à recourir aux services d'un huissier ; que son comportement procédural n'a fait que raviver la douleur des membres de la famille ; qu'il a interjeté appel de manière abusive en basant son argumentaire sur le premier rapport d'expertise invalidé par le Tribunal et en faisant établir un rapport extra-judiciaire par un ophtalmologue qui n'a pas la qualité d'expert ;

Que le CHPG précise que la signification du jugement précité est intervenue le 29 septembre 2017, le même jour que le commandement de payer délivré, ne lui offrant aucune latitude pour procéder à une exécution volontaire et que l'exécution forcée a été entreprise par voie de saisie-arrêt dans le cours du délai d'appel ; qu'il conteste les propos portés à son encontre et affirme que le droit d'appel constitue une garantie essentielle des justiciables dans un état de droit ;

Attendu qu'au cas présent, le droit d'interjeter appel, reconnu à tout plaideur, n'a pas dégénéré en abus, le CHPG n'ayant pas agi dans l'intention de nuire aux intérêts de l'intimée mais pour assurer la sauvegarde de ses propres intérêts, en sorte que la demande de dommages-intérêts formée par les intimés à ce titre ne peut prospérer ;

Sur les dépens

Attendu que, partie succombante, le CHPG sera condamné aux entiers dépens ; qu'imputables à l'adversaire d'une partie bénéficiant de l'assistance judiciaire, ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011 ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevables les appels principal et incident,

Constate que les dispositions non appelées du jugement sont définitives,

Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 13 juillet 2017 en ce qu'il a :

* homologué le rapport d'expertise du Professeur HHH et du Docteur III déposé le 20 novembre 2015, avec toutes conséquence de droit,

* débouté m. F M. c. DH. e. DH. et p. DH AL.de leurs demandes dirigées contre le Docteur BBB

* débouté m. F M. de ses demandes d'indemnisation au titre de la perte de chance de réduire les séquelles et du préjudice d'établissement,

* fixé aux sommes suivantes, le préjudice subi par m. F M. du fait de la faute retenue :

* ITP : 725 euros,

* ITT : 7.881,35 euros,

* préjudice esthétique : 35.000 euros,

* dépenses de santé actuelles : 4.137,47 euros,

* dépenses de santé futures : 15.862,53 euros,

* frais d'adaptation du logement : 7.312,40 euros, Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE est tenu de réparer les conséquences dommageables de la faute de service commise au titre du diagnostic et du suivi médical de m. F M. à concurrence de 50% du montant de l'évaluation des préjudices en découlant,

Fixe le préjudice subi par m. F M. du fait de la faute de service commise au titre du diagnostic de son infection et du traitement médical qui lui a été administré aux sommes suivantes :

* IPP : 115.000 euros,

* pretium doloris : 40.000 euros,

* préjudice d'agrément : 50.000 euros,

* préjudice sexuel : 15.000 euros,

* incidence professionnelle : 50.000 euros,

* tierce personne (frais échus et à échoir) : 500.000 euros,

Fixe le préjudice moral propre subi par c. DH. e. DH. et p. DH AL. à la somme de 15.000 euros pour chacun d'eux,

Condamne le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à payer à m. F M.la somme de 420.460 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE à payer à c. DH. e. DH. et p. DH AL. la somme de 7.500 euros à chacun d'eux à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral propre,

Y ajoutant,

Déboute m. F M. c. DH. e. DH. et p. DH AL. de leur demande respective de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne le CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE aux entiers dépens, distraits au profit de l'Administration qui en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur e. SENNA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistés de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 12 MARS 2019, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17913
Date de la décision : 12/03/2019

Analyses

Les avis contradictoires émis par des experts ne peuvent à eux seuls justifier de l'instauration d'une nouvelle mesure d'investigation, alors que le Tribunal n'est pas lié par les constatations, avis ou conclusions de l'expert, en application des dispositions de l'article 368 du Code de procédure civile.L'éventuelle responsabilité du CHPG, établissement public régi par les dispositions de la loi n° 918 du 27 décembre 1971, doit être appréciée selon les règles de droit administratif, étant relevé et non contesté que la patiente se trouvait soignée lors des faits litigieux en régime hôpital et non en régime clinique ouverte. À ce titre, la mise en cause de sa responsabilité suppose l'établissement à son encontre d'une faute de service, comprenant notamment un acte médical au sens strict comme l'est l'établissement d'un diagnostic.Il appartient au praticien qui pose un diagnostic d'apprécier personnellement et sous sa responsabilité l'état de sa patiente sans être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, de pratiquer les examens et investigations propres à l'éclairer, le cas échéant, en présence d'un doute de diagnostic, de recourir à l'aide de tiers compétents ou de concours appropriés.Il incombe au patient de démontrer le lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice qu'il allègue.La Cour ne peut suivre les premiers juges qui ont rejeté l'application au cas d'espèce de la notion de perte de chance au motif que celle-ci permet l'indemnisation d'une victime pour un évènement futur ou incertain, alors que la perte de chance ne s'apprécie pas au regard de la nature du préjudice subi mais du lien causal. Quand la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement du patient a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La perte de chance atténue ainsi l'aléa dont est affecté le résultat. La réparation qui incombe au responsable doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.L'ensemble des préjudices subis par la patiente donnant précisément lieu en l'espèce à une indemnisation au titre de la perte de chance, une demande de réparation pour perte de chance de réduire les séquelles ne peut prospérer au titre d'un poste de préjudice autonome, sauf à faire bénéficier la patiente d'une double indemnisation contraire aux principes de la responsabilité civile.S'agissant des frais d'adaptation du logement, l'importance du handicap dont la patiente se trouve atteinte, affectant au premier chef sa mobilité, milite en faveur de la reconnaissance du caractère nécessaire de travaux d'adaptation de son logement, de nature à lui assurer des déplacements sécures, quand bien même il n'a pas été demandé aux experts de se prononcer sur le bien-fondé de ce poste de préjudice.

Établissement de santé  - Professions et actes médicaux  - Responsabilité (Public).

Responsabilité de la puissance publique - Centre hospitalier - Faute de service commise au titre du diagnostic et du suivi médical - Responsabilité de l'hôpital (oui) - Réparation du préjudice.


Parties
Demandeurs : L'Établissement Public CENTRE HOSPITALIER PRINCESSE GRACE
Défendeurs : Madame m. F M. et autres

Références :

article 368 du Code de procédure civile
loi n° 918 du 27 décembre 1971
arrêté ministériel n° 2012-3012 du 29 mai 2012
article 19 de la loi n° 1.378 du 18 mai 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-03-12;17913 ?

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