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12/03/2019 | MONACO | N°17912

Monaco | Cour d'appel, 12 mars 2019, Monsieur e. C-M. c/ État de Monaco


Abstract

Procédure civile - Renvoi préjudiciel devant le Tribunal suprême (non) - Appréciation de la légalité d'un acte administratif (non) - Refus de renouvellement d'une convention d'occupation du domaine public - Occupation sans droit ni titre à l'échéance de la convention

Résumé

Il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant le Tribunal suprême, dès lors que le litige ne porte pas sur l'appréciation de la légalité d'un acte administratif, mais sur le refus de renouvellement d'une convention d'occupation précaire du domaine public. Dès lors qu'il n'ex

iste aucun droit au bénéfice d'une occupation privative sans titre du domaine public,...

Abstract

Procédure civile - Renvoi préjudiciel devant le Tribunal suprême (non) - Appréciation de la légalité d'un acte administratif (non) - Refus de renouvellement d'une convention d'occupation du domaine public - Occupation sans droit ni titre à l'échéance de la convention

Résumé

Il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant le Tribunal suprême, dès lors que le litige ne porte pas sur l'appréciation de la légalité d'un acte administratif, mais sur le refus de renouvellement d'une convention d'occupation précaire du domaine public. Dès lors qu'il n'existe aucun droit au bénéfice d'une occupation privative sans titre du domaine public, qui se caractérise par les règles de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité, nul ne peut se prévaloir d'un droit au renouvellement d'une occupation consentie de façon conventionnelle pour une période déterminée. La demande d'expulsion à l'échéance de la convention est donc bien fondée.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 12 MARS 2019

En la cause de :

* - Monsieur e. C-M., né le 15 juillet 1964 à Monaco, de nationalité monégasque, commerçant immatriculé au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro XX, exerçant sous l'enseigne « Y », domicilié en cette qualité X1 à Monaco (98000) et demeurant X2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

* - L'ÉTAT DE MONACO, représenté conformément à l'article 139 du Code de procédure civile, par son Excellence Monsieur le Ministre d'État demeurant en cette qualité, Palais de Gouvernement - X3 sis à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Elisa CORRAZA, avocat au barreau de Paris, substituant Maître Yvon GOUTAL, avocat en ce même barreau ;

INTIMÉ,

EN PRÉSENCE DE :

* Madame le Procureur Général près la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, séant en son Parquet Général, Palais de Justice, rue Colonel Bellando de Castro audit Monaco ;

COMPARAISSANT EN PERSONNE

d'autre part,

LA COUR,

Vu les jugements rendus par le Tribunal de première instance, les 26 janvier 2017 (R. 2570) et 15 février 2018 (R. 3043) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 9 mai 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000148) ;

Vu les conclusions déposées le 19 juin 2018 par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO ;

Vu les conclusions déposées le 26 octobre 2018 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de Monsieur e. C-M.;

Vu les conclusions déposées le 3 décembre 2018 par le ministère public ;

À l'audience du 22 janvier 2019, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Ouï le ministère public ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Monsieur e. C-M.à l'encontre de deux jugements du Tribunal de première instance des 26 janvier 2017 et 15 février 2018.

Considérant les faits suivants :

Suivant acte intitulé « convention d'occupation précaire » en date du 20 novembre 2008, enregistré le 7 avril 2009, l'État de Monaco (Administration des Domaines) a autorisé e. C-M.à occuper des locaux et superficies de plage et promenade, situés X1, relevant du Domaine Public de l'État soit :

* - un local à usage commercial d'une superficie d'environ 80 m2,

* - une parcelle de promenade sise au droit de l'établissement représentant une superficie d'environ 106 m2,

* - une parcelle de plage sise le long du muret de séparation de la société A, d'une superficie d'environ 4,2 m2,

* - une parcelle de plage de 615 m2 sise au droit de l'établissement,

* - une cellule d'une superficie d'environ 56,10 m2.

Lesdits locaux ont été mis à la disposition de l'occupant pour y exercer une activité de snack-bar, plage avec location de parasols et de matelas, sous l'enseigne « Y », pendant une durée de trois années, à compter du 1er avril 2008 pour se terminer le 31 mars 2011, moyennant la paiement d'une redevance annuelle de 31.659,37 euros TTC, sous réserve d'indexation.

Aux termes d'un avenant en date du 3 novembre 2009, la durée de la convention a été portée à cinq années, le terme de la convention advenant le 31 mars 2013, date à laquelle aucun nouveau contrat n'a été conclu entre les parties.

L'activité commerciale de l'établissement à l'enseigne « Y » s'étant toutefois poursuivie, l'État de Monaco a, suivant acte d'huissier en date du 22 septembre 2014, fait signifier à e. C-M. une lettre de mise en demeure datée du 19 septembre 2014 d'avoir à quitter les lieux et à les remettre à la disposition de l'Administration des Domaines au plus tard dans le délai de 30 jours à compter de sa réception. L'huissier de justice a fait mention qu'il avait tenté de remettre l'acte à un employé de l'établissement à l'enseigne « Y », lequel, après avoir joint téléphoniquement e. C-M. n'a pas reçu l'habilitation afin de le recevoir.

Par exploit en date du 19 décembre 2014, l'État de Monaco a fait assigner e. C-M. aux fins de voir :

* - constater que la convention d'occupation précaire conclue entre les parties est parvenue à son terme et n'a pas été renouvelée,

* - constater que depuis le 1er avril 2013, e. C-M. occupe sans droit ni titre les locaux, objet de cette convention,

* - ordonner l'expulsion de corps et de biens d e. C-M. et de celle de tous occupants de son chef desdits locaux, dans les huit jours de la signification du jugement à intervenir et passé ce délai sous astreinte de 500 euros par jour de retard, avec si besoin, l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique,

* - ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux, à l'exception des immeubles par destination devenus la propriété de l'État, dans un garde-meuble à désigner, aux frais, risques et périls d e. C-M. ou dans tel autre lieu au choix de l'État, et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

* - condamner e. C-M. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts au regard des frais exposés en justice, en application de l'article 1229 du Code civil,

* - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Aux termes d'un premier jugement en date du 26 janvier 2017, le Tribunal de première instance répondant aux exceptions soulevées, a :

* - dit n'y avoir lieu de renvoyer les parties devant le Tribunal Suprême aux fins de recours en appréciation de validité fondé sur l'article 90 B de la Constitution,

* - débouté e. C-M. de sa demande de sursis à statuer,

* - renvoyé l'affaire et les parties pour les conclusions au fond du défendeur,

* - réservé les dépens en fin de cause.

Aux termes d'un second jugement en date du 15 février 2018 le Tribunal de première instance statuant sur le fond de la demande, a :

* - dit qu e. C-M. a occupé, à compter du 1er avril 2013, sans droit ni titre les locaux et emplacements relevant du domaine public, objet de la convention d'occupation précaire du 20 novembre 2008, modifiée par son avenant du 3 novembre 2009, situés X1,

* - ordonné, à défaut de libération des lieux dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, l'expulsion de corps et de biens d e. C-M. et de tous occupants de son chef des locaux et emplacements en cause, avec si besoin, l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai,

* - ordonné, en tant que de besoin, le transport et la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux - à l'exception des immeubles par destination devenus la propriété de l'État de Monaco - dans un garde-meuble qu'il désignera, aux frais, risques et périls d e. C-M. ou dans tel autre lieu au choix de l'État de Monaco, et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues à cet égard,

* - débouté les parties du surplus de leurs demandes,

* - condamné e. C-M. aux dépens.

Les premiers juges ont en substance estimé qu'ils n'étaient pas compétents pour se prononcer sur la validité de la décision administrative éventuelle de refus de renouvellement de la convention liant les parties, mais seulement sur l'existence ou l'absence de titre d'occupation concernant l'occupation du domaine public de l'État par Monsieur e. C-M. Ils ont à cet égard relevé que l'occupant n'avait conclu avec l'État aucun avenant ou nouveau contrat à l'échéance de la précédente convention, s'étant dès lors trouvé sans droit ni titre à occuper les locaux et emplacements relevant du domaine public à compter du 1er avril 2013 en sorte que la demande d'expulsion de l'État devait être accueillie.

Suivant exploit en date du 9 mai 2018, Monsieur e. C-M. a interjeté appel des jugements rendus par le Tribunal de première instance les 26 janvier 2017 et 15 février 2018 dont il a sollicité la réformation tout en demandant à la Cour, statuant à nouveau, de :

* - renvoyer les parties devant le Tribunal suprême aux fins de recours sur le fondement de l'article 90 B de la Constitution, visant l'annulation de la décision de refus de renouvellement contenue dans la lettre du 19 septembre 2014 et /ou l'interprétation de la validité de celle-ci,

* - surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal suprême à intervenir,

* - à titre subsidiaire et si par impossible la Cour devait estimer qu'il n'y a pas lieu à question préjudicielle et s'il n'était donc pas fait droit au principal,

* - dire et juger :

* qu'il y a lieu de prononcer la nullité de la décision administrative de refus de renouvellement du contrat de concession litigieuse en l'absence de motivation ou en l'état d'une motivation insuffisante conformément à la jurisprudence du Tribunal suprême,

* constater par voie de conséquence que Monsieur e. C-M. est toujours titulaire d'un droit d'occupation des locaux litigieux,

* dire et juger par voie de conséquence que la demande d'expulsion et les demandes accessoires de l'État de Monaco sont irrecevables puisqu'elles se fondent sur l'occupation sans droit ni titre des locaux litigieux à l'égard desquels Monsieur e. C-M. est toujours titulaire d'un droit d'occupation faute de décision de non-renouvellement valable,

* et débouter en conséquence l'État de toutes ses demandes,

* - en toute hypothèse, condamner l'État de Monaco pour procédure abusive, abus de droit et en l'état de l'atteinte portée aux libertés publiques et plus précisément au droit de propriété, au paiement d'une somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts à son profit, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Monsieur e. C-M. fait en premier lieu grief aux premiers juges de l'avoir débouté des fins de sa demande tendant à renvoyer les parties devant le Tribunal suprême aux fins d'un recours sur le fondement de l'article 90 B de la Constitution visant l'annulation de la décision de refus de renouvellement contenue dans la lettre du 19 septembre 2014. Il soutient à cet égard que le Tribunal de première instance refusant de faire droit à la question préjudicielle soulevée, s'est arrogé une compétence qui ne lui appartient pas dès lors que seul le Tribunal suprême peut se prononcer sur la validité d'une décision administrative consistant en l'espèce en un non renouvellement de convention d'occupation.

L'appelant ajoute que le débat portant sur la validité du refus de renouvellement de la concession litigieuse conditionne directement le sort réservé à la demande d'expulsion le concernant, en sorte qu'il était nécessaire d'attendre la décision du Tribunal suprême.

e. C-M. fait également valoir que tout refus de renouvellement doit être motivé, ce qui n'a pas été le cas, en sorte que le refus qui lui a été opposé de se maintenir sur les lieux doit être considéré comme nul et de nul effet, la convention d'occupation précaire devant alors être considérée comme s'étant renouvelée par tacite reconduction en vertu de la théorie de l'acte administratif nul.

Il déduit de ces circonstances qu'il est toujours titulaire d'un droit d'occupation des locaux, le fait qu'il ait été laissé en place par l'administration des domaines après l'expiration de l'échéance fixée au 31 mars 2013 confirmant au besoin la réalité d'un renouvellement tacite dès lors que ce n'est que par courrier du 19 septembre 2014 que l'État l'a mis en demeure de quitter les lieux.

L'appelant entend également voir réformer la décision déférée en ce qu'il a été débouté des fins de sa demande d'indemnisation. Il affirme que l'autorité administrative a commis un abus en mandatant la société G pour faire procéder à la destruction intégrale des installations caractérisant en réalité son fonds de commerce. Il affirme que les matériels en question n'étaient pas dangereux et que ces destructions ont porté atteinte à son droit de propriété lui causant des préjudices commerciaux et moraux justifiant sa demande d'indemnisation à concurrence d'une somme de 200.000 euros.

L'État de Monaco, intimé, entend voir confirmer le jugement rendu le 15 février 2018 par le Tribunal de première instance et débouter Monsieur e. C-M. de l'ensemble de ses demandes et, en tout état de cause, condamner celui-ci à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nécessité d'engager des frais pour assurer sa défense en première instance et en cause d'appel.

Dans le corps de ses écritures, l'État de Monaco conclut également au bien-fondé de la décision du Tribunal de première instance du 26 janvier 2017 ayant refusé de faire droit à la demande de sursis à statuer.

L'État de Monaco soutient en substance dans ses écritures que :

* - s'il est saisi d'un litige dont la solution dépend de la validité d'un acte relevant du Tribunal suprême, le Tribunal de première instance doit en principe surseoir à statuer et renvoyer les parties à ce pouvoir devant cette juridiction conformément aux dispositions de l'article 90 B de la Constitution,

* - lorsque la réponse à la question posée n'est pas en revanche nécessaire au jugement sur le fond, le Tribunal de première instance déclare n'y avoir lieu à question préjudicielle, ce qui s'est passé au cas particulier, les premiers juges ayant justement constaté l'absence de lien entre l'acte critiqué et la demande d'expulsion objet du litige qui leur était soumis,

* - l'illégalité éventuelle du refus de renouvellement opposé n'aurait pas eu pour conséquence de conférer à Monsieur e. C-M. un titre d'occupation du domaine public, cette question étant totalement indifférente à la résolution du litige aux fins d'expulsion,

* - il n'existe aucun droit à renouvellement des conventions d'occupation du domaine public et la présente convention d'occupation échue ne prévoyait aucunement une possibilité de tacite reconduction,

* - le fait que l'administration des domaines ait toléré le maintien dans les lieux après le terme de la convention n'apparaît pas susceptible de conférer à l'occupant un titre lui permettant d'occuper le domaine public,

* - s'agissant en l'espèce d'un renouvellement de convention d'occupation et non d'une décision unilatérale de l'administration, un défaut de motivation à le supposer avéré n'aurait pas davantage pour conséquence d'induire la nullité de la décision de refus de renouvellement opposée par l'État,

* - en admettant enfin que l'appelant puisse se prévaloir d'une décision de refus de renouvellement aucune irrégularité ne saurait davantage être constatée puisque l'occupant ne pourrait alors que faire état d'une décision implicite de rejet résultant du silence de l'administration pendant plus de 4 mois, ce type de décision n'ayant pas à être motivée au sens de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006,

* - seule une demande de communication des motifs la sous tendant peut alors être formulée dans le délai d'un mois à peine de nullité de la décision et, à défaut d'une telle demande en l'espèce, Monsieur e. C-M. ne saurait se prévaloir du motif tiré de l'absence de motivation de la prétendue décision implicite de rejet,

* - la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par e. C-M. doit être déclarée irrecevable puisqu'elle n'a pas la même cause que la demande d'expulsion d'origine aux sens des dispositions de l'article 382 du Code de procédure civile,

* - une telle demande est en tout état de cause mal fondée puisque l'État n'a commis aucune faute ou abus de nature à engager sa responsabilité, ayant simplement fait procéder le 8 mai 2015 à la mise en décharge des biens dangereux c'est-à-dire des structures de tente en voie d'effondrement et objets hors d'usage à risque sans valeur financière délaissés sur le site de la concession,

* - les autres objets mobiliers ont été récupérés par les employés de Monsieur e. C-M. le 14 juillet 2015 tandis que les pieds de parasol et transat ont été placés par l'État en garde meuble à ses propres frais, avant d'être récemment restitués à leurs propriétaires sans aucune demande de remboursement des factures de garde-meuble.

Aux termes de conclusions complémentaires « sur la question préjudicielle » en date du 25 octobre 2018, Monsieur e. C-M., réitère les termes de la demande principale formée dans son acte d'appel tendant à voir dire qu'il y a lieu à question préjudicielle et à saisine du Tribunal suprême et, modifiant les termes de la demande subsidiaire développée dans le cadre de son acte d'appel, il entend se voir donner acte de ses réserves de conclure sur le fond.

Le Ministère public a conclu le 3 décembre 2018 à la confirmation des jugements entrepris rendus par le Tribunal de première instance les 26 janvier 2017 et 15 février 2018, tout en demandant à la Cour de dire n'y avoir lieu à question préjudicielle.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel a été formé dans les conditions de forme et de délais prévues par le Code de procédure civile et doit être déclaré recevable, étant observé que l'appel du jugement avant-dire droit en date du 26 janvier 2017 apparaît régulièrement formé en même temps que l'appel interjeté à l'encontre du jugement au fond du 15 février 2018 ;

* Sur la demande de renvoi des parties devant le Tribunal suprême et de sursis à statuer

Attendu que le Tribunal de première instance connaît notamment, comme juge de droit commun en matière administrative, de toutes les actions autres que celles dont la connaissance est attribuée par la Constitution ou la loi au Tribunal suprême ou à une autre juridiction, ainsi qu'en dispose l'article 21-2° du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte à cet égard des dispositions de l'article 90 B de la Constitution que le Tribunal suprême statue souverainement en matière administrative sur les recours en interprétation et en appréciation de validité des décisions des diverses autorités administratives et des Ordonnances souveraines prises pour l'exécution des lois ;

Attendu que si le litige soumis au Tribunal de première instance procède d'une action initiée par l'État de Monaco tendant à l'expulsion du bénéficiaire d'une convention d'occupation précaire de locaux se situant sur le domaine public, parvenue à son terme le 31 mars 2013, l'occupant concerné, e. C-M. estime quant à lui que le courrier adressé le 19 septembre 2014 par l'administrateur des domaines et rappelant les termes de l'article 4 de la convention du 20 novembre 2008 caractérise une décision administrative de refus de renouvellement dont la validité doit être appréciée par le Tribunal suprême ;

Mais attendu que si l'appréciation de la validité de cette éventuelle décision administrative pouvait être régulièrement soumise au Tribunal suprême sur renvoi du Tribunal de première instance, il appartenait néanmoins à ce juge civil de déterminer souverainement si un tel renvoi préjudiciel s'imposait pour lui permettre de résoudre le litige soumis ;

Attendu qu'il est constant et non au demeurant contesté, que le domaine public se caractérise par les règles de l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité permettant d'assurer sa protection dans le temps contre tout occupant dépourvu de titre, en sorte que la sanction de l'absence de motivation ou du défaut de validité d'un refus de renouvellement réside exclusivement dans un droit à indemnisation et non dans une prorogation de droits au bénéfice de l'ancien occupant ;

Que dès lors qu'il n'existe aucun droit au bénéfice d'une occupation privative sans titre du domaine public, nul ne peut se prévaloir d'un droit au renouvellement d'une occupation consentie de façon conventionnelle pour une période déterminée ;

Que le débat en l'espèce soumis aux premiers juges reposait simplement sur l'analyse de la convention d'occupation précaire du 20 novembre 2008 et son avenant du 3 novembre 2009, voire leurs modalités, notamment temporelles, de mise en œuvre, en sorte que la solution du différend ne dépendait aucunement de l'appréciation de la validité de la décision notifiée par courrier du 19 septembre 2014 ;

Qu'en effet, aucune annulation d'une décision de non-renouvellement ne saurait avoir pour conséquence de légitimer la poursuite d'une occupation privative du domaine public qui ne serait plus contractuellement consentie ;

Attendu que tel est bien le cas en l'espèce, les premiers juges ayant estimé à bon droit que la solution du litige qui leur était soumis ne dépendait pas de l'appréciation par le Tribunal suprême de la validité du courrier du 19 septembre 2014 signifié le 22 septembre 2014 et ce, à supposer qu'il s'agisse d'un acte administratif ;

Attendu que le jugement rendu le 26 janvier 2017 par le Tribunal de première instance sera dès lors confirmé en ce qu'il a été décidé qu'il n'y avait pas lieu à renvoi préjudiciel devant le Tribunal suprême ;

Attendu qu'il résulte de l'acte d'appel que Monsieur e. C-M. a lié le débat au fond devant la Cour d'appel en développant les termes de sa demande subsidiaire dans l'hypothèse où il ne serait pas fait droit à sa demande principale de renvoi devant le Tribunal suprême ;

Que si par conclusions additionnelles, mais non récapitulatives, en date du 25 octobre 2018, l'appelant apparait avoir sollicité qu'il lui soit donné acte de ses réserves à conclure sur le fond, il résulte tant de la position de l'État de Monaco que de celle du Ministère public exprimées à l'audience lors de laquelle l'affaire a été appelée que l'affaire est en état dès lors que l'appelant a d'ores et déjà fait valoir ses moyens au fond, moyens qu'il a au demeurant développés oralement à la barre de la juridiction ;

Attendu qu'il résulte en effet de ses écritures d'appel que Monsieur e. C-M. a déjà développé ses griefs et exposé l'ensemble de ses moyens au fond dans le cadre de sa demande subsidiaire, sans avoir ultérieurement requis dans le cadre de l'instruction de l'affaire un quelconque délai supplémentaire pour étayer de ce chef son argumentaire ;

Attendu que la Cour régulièrement saisie de l'ensemble des demandes formées dans l'acte d'appel estime conforme à une bonne administration de la justice d'examiner, sans plus attendre, le fond de l'affaire en l'état des moyens déjà développés par les parties, le principe du contradictoire ayant été respecté et aucune méconnaissance des droits de la défense n'étant démontrée ;

* Sur le droit au maintien dans les lieux de Monsieur e. C-M.

Attendu qu'il n'est pas contesté que la parcelle, objet du présent litige, se trouve située X1 où elle faisait l'objet d'une exploitation en nom personnel par Monsieur e. C-M. sous l'enseigne « Y » ;

Attendu que ces locaux et superficies de plages et promenades situées X1 susvisé relèvent du domaine public de l'État, consistant en un local à usage commercial d'environ 80 m², d'une parcelle de promenade aux droits de l'établissement d'environ 106 m², d'une parcelle de plages le long du muret de séparation avec la société A d'environ 4,2 m², d'une autre parcelle de plage de 615 m² au droit de l'établissement et d'une cellule de 56 m² ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 33 de la Constitution, le domaine public se caractérise par les règles de l'inaliénabilité à l'effet d'éviter ses démembrements et de l'imprescriptibilité permettant de le protéger de l'acquisition de droits par des personnes qui l'utiliseraient de façon prolongée dans le temps ;

Qu'ainsi qu'il l'a été précédemment rappelé, une personne privée ne peut bénéficier d'aucun droit à occupation privative du domaine public, ni disposer d'un droit à renouvellement d'une occupation qui lui a été conventionnellement accordée ou encore de droit au maintien sur des terrains et dans des locaux relevant du domaine public ;

Qu'il résulte en l'espèce des stipulations de l'article 4 de la convention du 20 novembre 2008 liant les parties, réitérées dans l'avenant du 3 novembre 2009 que :

« (...) La convention n'est pas renouvelable de plein droit. Le renouvellement de la convention ne pourra résulter que d'un avenant aux présentes ou d'un nouveau contrat.

En cas de non-renouvellement, le bénéficiaire s'oblige à quitter les lieux et à les remettre à la disposition de l'Administration des Domaines » ;

Qu'aux termes de l'avenant du 3 novembre 2009, la durée de la convention a été portée à 5 années et le terme fixé au 31 mars 2013 ;

Attendu qu'il résulte donc de la loi des parties et des stipulations susvisées, totalement dénuées d'équivoque, qu'à défaut de renouvellement de la convention par la conclusion d'un avenant ou d'un nouveau contrat, le « bénéficiaire » ne disposait plus d'aucun droit au renouvellement, ni au maintien dans les lieux ;

Qu'il en résulte que l'occupant était, de plein droit, tenu de quitter les lieux et de les restituer à l'Administration des Domaines en cas de non-renouvellement de la convention ;

Attendu que le fait que Monsieur e. C-M. se soit maintenu dans les lieux au-delà du terme fixé au 31 mars 2013, même avec l'accord tacite de l'Administration des Domaines et pendant une période de temps plus ou moins longue, apparaît totalement inopérant pour priver de ses effets la loi des parties ;

Qu'à supposer même que l'occupant ait formulé une demande de renouvellement ayant pu donner lieu à un rejet tacite, à défaut de réponse positive de l'État de Monaco, le grief tiré de l'absence de motivation de la décision de l'État apparaît également sans portée dans la mesure où le contrôle juridictionnel du Tribunal Suprême -sur le fondement de la loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs- tend simplement à sanctionner le défaut de motivation d'un refus de renouvellement, voire une décision de non-renouvellement injustifiée, non pas en conférant un droit de poursuivre l'occupation du domaine public mais en ouvrant le cas échéant un droit à réparation ;

Attendu qu'en l'état de l'analyse susvisée, il apparaît en définitive que Monsieur e. C-M. n'a conclu avec l'État de Monaco aucun avenant à la convention initiale ni aucun nouveau contrat et s'est trouvé, de fait, en l'état des stipulations contractuelles consenties, être à compter du 1er avril 2013 un occupant sans droit ni titre des locaux et emplacements relevant du domaine public ayant fait l'objet de la convention d'occupation précaire du 20 novembre 2008, modifiée par son avenant du 3 novembre 2009 ;

Attendu que les premiers juges ont par voie de conséquence à bon droit constaté cette occupation sans droit ni titre et accueilli la demande d'expulsion de Monsieur e. C-M. sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'UN MOIS suivant la signification du jugement déféré ;

Attendu que la confirmation du jugement rendu le 15 février 2018 s'impose de ce chef ;

Attendu sur le surplus des dispositions appelées du jugement susvisé, et la demande d'indemnisation formée à titre reconventionnel par e. C-M. que la preuve d'un abus commis par l'État de Monaco n'est pas rapportée dès lors qu'il résultait des énonciations du procès-verbal établi le 24 avril 2015 par Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, que les installations délaissées au niveau de l'emplacement de l'établissement à l'enseigne « Y », présentaient indéniablement un danger eu égard à la présence de débris divers tranchants et rouillés à proximité notamment de la plage et d'un jardin d'enfants, en sorte que leur enlèvement et mise en décharge étaient indispensables pour la sécurité publique ;

Que la preuve n'est pas davantage rapportée d'une atteinte au droit de propriété de Monsieur e. C-M. dans la mesure où les divers transats, tables et pieds de parasol ont été laissés sur le site le 8 mai 2015, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de constat d'huissier du 12 mai 2015 ;

Que de plus, il est désormais établi que Monsieur e. C-M. a sollicité et obtenu la restitution de l'ensemble de ses biens sans que l'État ne lui demande de rembourser les factures de garde-meuble y afférentes ;

Attendu, sur la demande de l'État tendant à l'octroi d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les frais de justice exposés, qu'il n'apparaît pas établi qu e. C-M. aurait commis un abus dans son droit d'appel, ni commis une erreur équipollente au dol, en sorte qu'à défaut de pouvoir lui imputer une faute au sens des dispositions de l'article 1229 du Code civil, l'État sera débouté des fins de sa demande d'indemnisation à l'encontre de l'appelant ;

Attendu que l'ensemble des dépens d'appel demeureront à la charge de Monsieur e. C-M.;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevable l'appel formé par Monsieur e. C-M. à l'encontre des jugements respectivement rendus par le Tribunal de première instance les 26 janvier 2017 et 15 février 2018,

Déboute Monsieur e. C-M. de l'ensemble de ses demandes,

Confirme les jugements rendus les 26 janvier 2017 et 15 février 2018 par le Tribunal de première instance,

Déboute l'État de Monaco des fins de sa demande de dommages-intérêts,

Condamne e. C-M. aux entiers dépens d'appel et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 12 MARS 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 17912
Date de la décision : 12/03/2019

Analyses

Procédure civile ; Propriété des personnes publiques et domaine public ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Monsieur e. C-M.
Défendeurs : État de Monaco

Références :

loi n° 1.312 du 29 juin 2006
article 382 du Code de procédure civile
article 139 du Code de procédure civile
article 90 B de la Constitution
article 33 de la Constitution
article 1229 du Code civil
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
Code de procédure civile
article 21-2° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-03-12;17912 ?

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