Abstract
Procédure civile - Intérêt à agir - Qualité pour agir - Partie au contrat
Vente - Navire - Action rédhibitoire - Vice caché (oui) - Défaut d'étanchéité du navire
Résumé
Il résulte sans équivoque des stipulations de l'acte de vente, que l'intimé est l'acquéreur du navire litigieux. La circonstance que le financement de la transaction ait été assuré par une tierce personne est insuffisante pour remettre en cause les stipulations contractuelles intervenues entre les parties. L'intimé avait donc intérêt et qualité à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés de la chose vendue et était recevable en ses demandes.
La mesure d'expertise judiciaire sollicitée apparait inutile au vu de l'expertise amiable faisant état d'un défaut d'étanchéité du navire. Le rapport d'expertise unilatéral peut servir d'élément de preuve au soutien de l'action en garantie des vices cachés dès lors qu'il est soumis au contradictoire des parties et est corroboré par d'autres pièces versées au dossier de la procédure. Si l'acquéreur a déclaré accepter le navire en l'état où il se trouvait, cette formule générale n'exonère pas pour autant le vendeur de la garantie des vices cachés. En l'espèce, le vice apparait constitutif d'un défaut d'entretien majeur et s'agissant d'un navire, dont la flottabilité est inhérente à la fonction à laquelle il est destiné, ce vice est susceptible de rendre la chose vendue impropre à sa destination. Le vice ne pouvait être décelé sans une analyse complète et l'intimé ne peut être qualifié d'acquéreur professionnel averti en matière de motonautisme. En conséquence, l'action rédhibitoire est fondée. En l'absence de preuve de la connaissance du vice par le vendeur et de sa qualité de professionnel, les demandes complémentaires sont rejetées.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 5 MARS 2019
En la cause de :
* - La Société A, société de droit des Iles de Guernesey, dont le siège social se situe X1 - Guernesey - GY1 3DQ United Kingdom, agissant poursuites et diligences de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
* - Monsieur H j-l., né le 26 novembre 1962 à Nice, de nationalité monégasque, demeurant X2 - 98000 Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Charles LECUYER, avocat près la même Cour ;
INTIMÉ,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 18 juillet 2017 (R. 6944) ;
Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 15 novembre 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000054) ;
Vu les conclusions déposées les 14 février 2018, 26 juin 2018 et 4 décembre 2018 par Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur H j-l.;
Vu les conclusions déposées les 8 mai 2018 et 9 octobre 2018 par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de la Société A ;
À l'audience du 18 décembre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par la Société A à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 18 juillet 2017.
Considérant les faits suivants :
Par acte en date du 24 juillet 2015, j-l. H. a acquis auprès de la société de droit des îles de Guernesey dénommée A un navire de type Y nommé le Z, devenu le W, pour un prix de 45.000 euros.
Le 5 août 2015, ce dernier faisait réaliser des réparations (remplacement des courroies, des pompes de recyclage et d'une bobine d'allumage électronique) auprès de la société B, pour un montant de 1.635 euros TTC.
Entre le 26 et le 28 août 2015, ce navire coulait alors qu'il se trouvait à l'amarrage dans le port de Monaco.
La société C, indiquait à j-l. H. le 24 septembre 2015 ne pas couvrir les dommages subis par le navire aux motifs que le naufrage serait dû à une fuite elle-même causée par une application pauvre d'un produit d'étanchéité sur les tubes de l'hélice du propulseur.
* 1) Instance n° 2016/414
Par acte en date du 5 févier 2016, j-l. H. a assigné la société A devant le Tribunal de première instance, en sollicitant qu'il soit jugé que des désordres avaient affecté le navire, constituant des vices cachés et que soit prononcée la résolution de la vente et la condamnation de la société A au paiement des sommes suivantes :
* - 45.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2015,
* - 1.635 euros au titre des travaux réalisés le 5 août 2015,
* - 4.500 euros de frais d'entreposage,
* - 529,21 euros au titre de la cotisation d'assurance pour l'année 2015-2016,
* - 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier résultant de la présente procédure,
* - 5.000 euros en réparation de son préjudice moral.
* 2) Instance n° 2016/350
Par acte en date du 4 février 2016, j-l. H. a assigné j. PE. devant le Tribunal, en sollicitant qu'il soit jugé que ce dernier avait agi en qualité de mandataire de la société A et qu'en tant que professionnel, il avait engagé sa responsabilité civile délictuelle en cachant sciemment les vices affectant ce navire.
Par jugement en date du 18 juillet 2017, le Tribunal a statué comme suit :
* - ordonne la jonction des instances enrôlées sous les numéros 2016/000350 et 2016/000414,
* - dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces n° 2 bis, 3 bis, 4 bis et 5 bis produites par la société A et j. PE.
* - dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des attestations produites en pièces 2, 3, 4 et 5 par la société A et j. PE.
* - déclare j-l. H. recevable en ses demandes,
* - prononce la résolution de la vente du navire type Y intervenue le 24 juillet 2015 entre la société A et j-l. H.
* - condamne la société A au paiement de :
* 45.000 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2015,
* 1.635 euros au titre des travaux réalisés le 5 août 2015,
* 529,21 euros au titre de la cotisation d'assurance pour l'année 2015-2016,
* - déboute j-l. H. de toutes ses demandes à l'encontre de j. PE.
* - condamne la société A aux dépens de l'instance n° 2016/414 avec distraction au profit de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur et dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens dans l'instance n° 2016/350.
Par acte en date du 15 novembre 2017 et par conclusions récapitulatives en date des 8 mai et 9 octobre 2018, la société A a formé appel parte in qua de ce jugement en ces termes :
* « Réformer la décision attaquée en ce qu'elle a :
* déclaré j-l. H. recevable en ses demandes,
* prononcé la résolution de la vente du navire type Y intervenue le 24 juillet 2015 entre la société A et j-l. H. en application des dispositions de l'article 1483 du Code civil,
* condamné en conséquence la société A au paiement :
* d'une somme de 45.000 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2015,
* d'une somme de 1.635 euros au titre des travaux réalisés le 5 août 2015,
* d'une somme de 529,21 euros au titre de la cotisation d'assurance pour l'année 2015-2016,
* condamné la société A aux dépens de l'instance n° 2016/414,
Et statuant de nouveau,
* déclarer Monsieur j-l. H. irrecevable en son action,
* le débouter de l'intégralité de ses demandes à la fois irrecevables et infondées après avoir constaté que le demandeur ne rapporte pas la preuve de l'existence même d'un vice caché et, s'il échet, organiser une mesure d'expertise judiciaire à la charge de l'acquéreur,
* ainsi, avant-dire droit au fond, ordonner une mesure expertale afin de permettre de déterminer, au contradictoire des parties, l'origine du sinistre et sa cause, de déterminer s'il s'agit ou non d'un vice caché et éventuellement de déterminer les éventuelles fautes qui auraient pu être commises avant et après le naufrage, et de préciser où et dans quel état se trouve le navire litigieux aujourd'hui, le tout aux frais avancés de l'acquéreur, l'expert maritime désigné devant recevoir la mission habituelle en la matière,
* réserver les dépens dans cette hypothèse,
* condamner Monsieur H. au paiement à l'appelante de la somme de 20.000 euros à titre de légitimes dommages et intérêts,
* si par impossible, la Cour devait confirmer la décision entreprise, constater que Monsieur H. a perçu une commission sur le prix de vente à hauteur de la somme de 4.500 euros, laquelle devrait être sujette à répétition en l'état de la résolution de la vente,
* l'y condamner au paiement en tant que de besoin,
* condamner Monsieur j-l. H. aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, aux offres de droit »,
Aux motifs essentiellement que :
* - l'action en résolution de la vente n'est ouverte qu'à l'acquéreur et non à son intermédiaire,
* - j-l. H. a agi en qualité d'intermédiaire professionnel et recherchait un navire d'occasion pour un de ses clients et devait recevoir une commission de 10 % sur la vente,
* - ce client est j. L. qui a procédé au paiement du prix de 45.000 euros par virement sur un de ses comptes,
* - M. H. est un prête-nom et est donc irrecevable pour défaut de qualité à agir,
* - il se présente comme un profane mais est un professionnel reconnu de l'intermédiation à Monaco en étant habitué de ce type de transaction portant sur des navires, au point de solliciter j. PE. un mois après le sinistre, pour la réalisation d'une autre opération,
* - il dispose de 25 ans d'expérience en matière de nautisme,
* - l'action en résolution de la vente pour vices cachés ne peut prospérer en l'absence de la preuve de la triple condition d'existence du vice préalablement à la vente, de la connaissance du vice par le vendeur et de la particulière gravité du vice,
* - entre le 16 et le 24 juillet 2015 des visites et sorties en mer ont eu lieu avant la vente, notamment en présence de l'ingénieur qui s'est occupé de la maintenance du navire,
* - aux termes de l'acte de vente, l'acheteur a déclaré bien connaître le navire et l'accepter dans l'état où il se trouve,
* - s'agissant d'un navire de 35 ans d'âge dont les moteurs avaient été changés et avaient 15 ans, celui-ci n'était pas en parfait état et nécessitait un suivi par une entreprise de restauration, au regard de son ancienneté, ce que j-l. H. connaissait pertinemment comme le prix de vente le reflétait,
* - le vendeur n'est pas tenu des vices apparents,
* - les traces de corrosion sur le moteur étaient parfaitement visibles sur les photographies adressées à l'acheteur avant la vente,
* - l'acquéreur a décidé d'utiliser le navire sans effectuer les réparations complémentaires préconisées et la cause du naufrage peut être la conséquence d'un défaut postérieur à la vente ou d'une mauvaise utilisation et ce d'autant plus que les attestations produites démontrent l'entretien régulier du navire avant la vente,
* - la charge de la preuve de l'existence d'un vice caché repose sur celui qui l'invoque,
* - sa demande subsidiaire d'expertise judiciaire est bien fondée pour déterminer l'origine du sinistre et il ne peut lui être reproché de ne pas l'avoir demandé avant,
* - même si j. PE. n'est plus dans la cause, l'expert pourrait recueillir ses explications,
* - le défaut d'étanchéité tel qu'invoqué par l'intimé comme cause du naufrage, ne ressort que d'un rapport d'expert d'assurance non contradictoire qui ne peut lui être opposé valablement,
* - dans la vente de choses d'occasion, l'acquéreur ne peut invoquer un défaut inhérent à l'usure, dont il est averti, et au fonctionnement nécessairement moins performant que s'agissant d'un objet neuf,
* - il n'est pas certain que les pompes de cales aient été activées à l'amarrage avant le sinistre, ce qui pourrait en être la cause du sinistre,
* - le préjudice moral n'est pas justifié par utilisation personnelle du navire par j-l. H.
Par conclusions en date des 14 février, 26 juin et 4 décembre 2018, j-l. H. appelant incident, sollicite de la Cour de :
* « rejeter la demande de mesure expertale formulée par la société A,
* si par impossible, la Cour entendait faire droit à la demande d'expertise, ordonner que ladite expertise se fera aux frais avancés de l'appelante,
* confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
* déclaré j-l. H. recevable en ses demandes,
* prononcé la résolution de la vente du navire de type Y intervenue le 24 juillet 2015 entre la société A et Monsieur j-l. H. en application des dispositions de l'article 1483 du Code civil,
* condamné en conséquence la société A au paiement :
* d'une somme de 45.000 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2015,
* d'une somme de 1.635 euros au titre des travaux réalisés le 5 août 2015,
* d'une somme de 529,21 euros au titre de la cotisation d'assurance pour l'année 2015-2016,
* accueillir Monsieur j-l. H. en son appel incident,
* réformer le jugement et statuant de nouveau,
* condamner la société A à verser à Monsieur H. les sommes suivantes :
* 402,50 euros au titre des frais d'amarrage du navire,
* 22.800 euros au titre des frais de gardiennage du navire,
* 5.480 euros au titre des frais d'intervention et de sauvegarde du navire,
* 1.058,42 euros au titre des cotisations d'assurances 2016/2017 et 2017/2018,
* 5.000 euros au titre de son préjudice moral,
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour ses frais de justice,
* condamner la société A aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, distraction faite au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation »,
Aux motifs essentiellement que :
* - j. PE. capitaine de navire a été son seul interlocuteur pour l'achat de ce navire et était mentionné dans le contrat de vente comme représentant la société A,
* - il est bien le propriétaire du navire, peu important que d'autres personnes aient pu financer son achat,
* - si Monsieur L. en était propriétaire, il serait partie à cette procédure,
* - j. PE. n'aurait pas manqué de soulever ce point s'il n'avait pas été le véritable acquéreur du navire,
* - ce dernier lui a adressé une fiche descriptive faisant état d'une rénovation complète en 2012 sans lui communiquer le rapport d'inspection de 2011,
* - après deux tentatives de sorties en mer, au début du mois d'août, d'importantes anomalies sont apparues sur le navire, empêchant son fonctionnement normal et l'ayant amené à effectuer plusieurs réparations le 5 et le 6 août 2015, outre l'établissement d'un devis pour remise en état complète auprès de la société B,
* - alors qu'il avait fait part le 8 août 2015 de ses doléances à j. PE. le naufrage était intervenu après une troisième tentative de sortie en mer,
* - le montant total des réparations après naufrage s'est élevé à 25.000 euros,
* - le navire lui avait été présenté lors de la vente comme une embarcation ayant fait l'objet d'une réfection totale et d'un entretien régulier par le chantier naval de Cap d'Ail,
* - si l'aspect extérieur du navire paraissait être en bon état, tel n'était pas le cas d'éléments techniques internes, qui ont entraîné une fuite et son naufrage,
* - il lui a été caché que le navire avait dans le passé déjà subi un naufrage,
* - le défaut d'étanchéité au niveau des tubes propulseurs constitue un vice caché,
* - s'il avait été informé de l'état réel du navire, il ne l'aurait pas acquis au sens de l'article 1483 du Code civil ce qui justifie l'exercice de l'action rédhibitoire,
* - s'il est amateur de plaisance, il ne peut être considéré comme un professionnel averti en matière d'acquisition de navires,
* - il est associé gérant dans une société intervenant dans le milieu artistique,
* - à l'inverse j. PE. est un professionnel en ce domaine et ne peut ignorer les vices affectant la chose vendue,
* - si aucune expertise judiciaire n'a été diligentée, il a tenu informé j. PE. aux intérêts de la société venderesse, de la date d'intervention de l'expert de l'assurance et lui a d'ailleurs demandé son nom,
* - si ce rapport n'a pas été établi au contradictoire de l'autre partie, il est susceptible d'être examiné comme moyen de preuve et a été débattu contradictoirement,
* - l'expertise judiciaire demandée tardivement n'est pas nécessaire et ne pourrait pas se faire en présence de j. PE. qui n'est plus dans la cause,
* - il est justifié des frais d'assurance et d'entreposage du bateau dont il demande le remboursement et a subi un préjudice moral consécutif à l'impossibilité de jouissance du navire.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
Attendu que les appels ont été formés dans les conditions de forme et de délais prévues par le Code de procédure civile et doivent être déclarés recevables ;
Attendu que les dispositions du jugement relatives au rejet de la demande de nullité des pièces numérotées 2, 3, 4 et 5 et ses pièces bis afférentes produites par la société A et j. PE. ne sont pas appelées par l'intimé au terme de son appel incident et sont donc définitives ;
* Sur la recevabilité des demandes de j-l. H.
Attendu que contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante qui conteste que j-l. H. soit le propriétaire du navire sinistré, il résulte sans équivoque des stipulations de l'acte de vente en date du 24 juillet 2015, que j-l. H. est l'acquéreur du navire alors dénommé Z, de type Y ;
Que l'appelante se borne à affirmer que ce dernier n'était qu'un intermédiaire agissant pour le compte d'une tierce personne sans étayer ses allégations du moindre élément de preuve afin de démontrer que ce dernier ne serait pas le propriétaire réel du navire alors que de son côté celui-ci a produit plusieurs pièces (divers devis concernant ce navire établis à son nom par la société B, règlement à son nom de la facture de la société B, police d'assurance de ce bateau souscrite à son nom) faisant ressortir cette qualité ;
Que la circonstance que le financement de la transaction ait été assuré par une tierce personne est insuffisante pour remettre en cause les stipulations contractuelles intervenues entre les parties ;
Que dans ces conditions, les premiers juges ont justement considéré que l'intimé avait intérêt et qualité à agir sur le fondement de la garantie des vices cachés de la chose vendue et était recevable en ses demandes ;
* Sur l'action rédhibitoire fondée sur la garantie des vices cachés
Attendu qu'aux termes de l'article 1483 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ;
Que l'action en garantie des vices cachés, dont il n'est pas contesté en l'espèce qu'elle ait été exercée dans le délai prévu par l'article 1490 du Code civil, peut prospérer quand la chose vendue est affectée d'un défaut, revêtant une certaine gravité, qui la rend impropre à l'usage auquel elle était destinée ;
Que le défaut doit être antérieur ou concomitant à la vente et non apparent pour l'acquéreur ;
Attendu en l'espèce, que suite au sinistre de le « W » survenu à l'amarrage au port de Monaco entre les 26 et 28 août 2015 et à l'instance entreprise par j-l. H. aucune des parties n'a demandé en première instance l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire du navire ;
Que ce dernier a été renfloué et a fait l'objet d'un rapport d'expertise établi par M. MA. mandaté par la société C pour le compte de l'acquéreur assuré ;
Qu'en cause d'appel, l'appelante qui ne sollicite qu'à titre subsidiaire, une expertise judiciaire, se borne à soutenir que le rapport d'expertise unilatéral lui serait inopposable et que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'un vice caché alors que la corrosion affectant les moteurs constituait un vice apparent non couvert et était connu de l'acheteur ;
Que la mesure d'instruction qui est sollicitée tardivement, n'apparaît pas nécessaire à la solution du présent litige dès lors que la réalité du défaut d'étanchéité constaté par l'expert MA. en septembre 2015 au niveau des tubes arrières du propulseur tribord du navire est parfaitement visible sur les photographies qui ont été produites aux débats et non contestées par l'appelante ;
Qu'en outre, le rapport d'expertise unilatéral peut servir d'élément de preuve au soutien de l'action en garantie des vices cachés dès lors qu'il est soumis au contradictoire des parties et est corroboré par d'autres pièces versées au dossier de la procédure ;
Attendu que si la chose vendue portait sur un navire d'occasion, la garantie des vices cachés doit s'appliquer dès lors que le vice est d'une particulière gravité et ne relève pas de défauts qui ne sont dus qu'à l'usure ou à la vétusté ;
Que si l'acquéreur a déclaré accepter le navire en l'état où il se trouvait, cette formule générale n'exonère pas pour autant le vendeur de la garantie des vices cachés ;
Qu'en l'espèce, le vice apparait constitutif d'un défaut d'entretien majeur et s'agissant d'un navire, dont la flottabilité est inhérente à la fonction à laquelle il est destiné, ce vice est susceptible de rendre la chose vendue impropre à sa destination ;
Qu'en effet, il apparait que l'application insuffisante de mastic après réparation n'a pas assuré une étanchéité efficace des tubes arrières du propulseur tribord ;
Que le constat de ce défaut nécessitait une analyse complète du navire en sorte qu'il ne pouvait s'agir d'un vice apparent ;
Attendu que ce vice préexistait à la vente du 24 juillet 2015, dès lors que les réparations qui ont été effectuées le 5 août 2015 postérieurement à la vente, ont porté sur d'autres éléments que les tubes de propulseurs et qu'aucune autre intervention n'a été réalisée jusqu'au naufrage sur ce navire ;
Qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, j-l. H. ne peut être qualifié d'acquéreur professionnel averti en matière de motonautisme, aucun élément ne démontrant qu'il se livrait à titre habituel à l'intermédiation dans ce domaine, alors qu'il exerce les fonctions de gérant d'une SARL monégasque D, dont l'objet social est notamment la commercialisation de toutes œuvres littéraires, musicales et graphiques, chorégraphiques et photographiques ;
Que par ailleurs, l'appelante ne démontre pas que la modicité du prix de 45.000 euros serait le reflet du fait que le navire n'était pas en parfait état alors qu'aucun élément comparatif du marché de l'occasion n'est produit pour ce type d'embarcation révélant un prix de vente anormalement bas ;
Attendu que les conditions prévues par l'article 1483 du Code civil étant réunies et l'acheteur ayant opté pour l'exercice de l'action rédhibitoire, le Tribunal a justement prononcé la résolution de la vente du 24 juillet 2015 et a ordonné à j-l. H. de restituer le navire à la société A et l'a condamnée à lui restituer le prix de vente, soit 45.000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2015 ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 1488 du Code civil, le vendeur qui ignorait les vices de la chose n'est tenu envers l'acquéreur qu'au remboursement des frais occasionnés par la vente qui s'entendent des frais consécutifs à la vente et des frais exposés concomitamment à la transaction ;
Qu'il a été fait droit, à juste titre, aux demandes en paiement de dommages et intérêts de j-l. H. au titre de la cotisation d'assurances pour l'année 2015-2016 à hauteur de 529,21 euros et au titre des réparations réalisées le 5 août 2015 pour un montant de 1.635 euros qui étaient indispensables à la navigation ;
Attendu par contre, que l'intimé ne démontre, ni que la venderesse connaissait les vices affectant la chose vendue, ni la qualité de professionnel de celle-ci dès lors qu'il n'est nullement établi que celle-ci se livrait habituellement au commerce de bateaux de plaisance ;
Que dans ces conditions, l'indemnisation complémentaire au titre des frais d'assurance pour les années suivantes, d'entreposage et de gardiennage du navire ainsi que la réparation du préjudice financier et du préjudice moral, qu'elle réclame au soutien de son appel incident, ont, à bon droit, été rejetées par les premiers juges ;
Attendu en outre, que la société A succombant en ses prétentions a été déboutée, à juste titre, de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et sa demande nouvelle en cause d'appel qui tend à voir déduite une somme de 4.500 euros du prix de vente de 45.000 euros doit être rejetée, faute pour l'appelante de démontrer l'existence du paiement d'une quelconque commission qui aurait été versée à j-l. H. et s'imputant sur le prix de vente ;
Attendu que la société appelante qui succombe a justement été condamnée aux dépens de l'instance n° 2016/414 et sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit les appels,
Les déclare mal fondés,
Constate que les dispositions du jugement relatives au rejet de la demande de nullité des pièces numérotées 2, 3, 4 et 5 et ses pièces bis afférentes produites par la société A et j. PE. sont définitives,
Rejette la demande d'expertise de la société A et sa demande tendant à voir déduite une somme de 4.500 euros du montant du prix de vente,
Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 18 juillet 2017 en toutes ses dispositions déférées,
Condamne la société A aux entiers dépens d'appel distraits au profit de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 5 MARS 2019, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.
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