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12/02/2019 | MONACO | N°17760

Monaco | Cour d'appel, 12 février 2019, La Sam A et autres c/ Mademoiselle a. F.


Abstract

Procédure civile - Attestations - Nullité (non) - Intérêt personnel au litige (non)

Baux - Bail commercial verbal - Preuve (non) - Qualification - Prêt à usage - Résiliation - Expulsion (oui)

Résumé

L'attestation n'est pas nulle dès lors que l'intérêt personnel du témoin au présent litige n'est pas établi. Le fait qu'elle est entretenu des liens professionnels avec une partie au litige et qu'elle soit en conflit avec la société administrateur de cette partie est insuffisant. La simple relation de faits dont elle a été personnellement tém

oin ne traduit pas l'expression du ressentiment personnel.

La société appelante ne démontr...

Abstract

Procédure civile - Attestations - Nullité (non) - Intérêt personnel au litige (non)

Baux - Bail commercial verbal - Preuve (non) - Qualification - Prêt à usage - Résiliation - Expulsion (oui)

Résumé

L'attestation n'est pas nulle dès lors que l'intérêt personnel du témoin au présent litige n'est pas établi. Le fait qu'elle est entretenu des liens professionnels avec une partie au litige et qu'elle soit en conflit avec la société administrateur de cette partie est insuffisant. La simple relation de faits dont elle a été personnellement témoin ne traduit pas l'expression du ressentiment personnel.

La société appelante ne démontre pas l'existence d'un bail commercial verbal ayant existé avec l'ancien propriétaire de l'immeuble. Elle ne justifie pas du paiement d'un loyer, ou de la prise en charge de dépenses imputables normalement au propriétaire. Les travaux de rénovation relevant de l'exercice professionnel de la société occupante ne peuvent être pris en compte pour l'appréciation de l'existence d'un bail. La mise à disposition des locaux sans véritable contrepartie exclue la qualification de bail. Au regard des délais de procédure, il convient de limiter à trois mois le délai de préavis pour quitter les lieux. Compte tenu de la décision, les autres parties ne peuvent prétendre à la qualité de sous-locataires et doivent quitter les lieux dans le même délai. En l'absence de bail commercial pour le local principal, il ne peut être pris en considération un bail pour le local accessoire, qui doit suivre le même régime, conduisant à retenir la résiliation du prêt à usage.

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019

En la cause de :

* - 1/ La SAM A, dont le siège social est X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président Administrateur délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

* - 2/ Monsieur p. H., né le 10 novembre 1968 à Paris (XVème), de nationalité française, agent général d'assurances, demeurant en cette qualité X1 à Monaco ;

* - 3/ Monsieur j. S., né le 21 décembre 1978 à Monaco, de nationalité française, agent général d'assurances, demeurant en cette qualité X1 à Monaco ;

Ayant tous trois élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

- Mademoiselle a. F., née le 19 octobre 1983 à Paris (XIIème), de nationalité française, responsable commercial export, demeurant « X2 » - X2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 19 octobre 2017 (R. 470) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 2 janvier 2018 (enrôlé sous le numéro 2018/000074) ;

Vu les conclusions déposées les 20 mars 2018 et 13 novembre 2018 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de Mademoiselle a. F.;

Vu les conclusions déposées le 9 octobre 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de la SAM A, Monsieur p. H. et Monsieur j. S.;

À l'audience du 27 novembre 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM A, Monsieur p. H. et Monsieur j. S.à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 19 octobre 2017.

Considérant les faits suivants :

s. C. est décédée le 28 janvier 2015, laissant pour lui succéder sa filleule a. F. instituée légataire universelle par testament authentique du 20 janvier 2015.

La défunte lui a ainsi transmis les biens immobiliers dont elle était propriétaire à Monaco, comprenant notamment :

* - un petit local situé X3 à Monaco,

* - un local à usage commercial dépendant de l'immeuble Y, X1 à Monaco, comprenant une pièce en rez-de-chaussée et un local à usage de réserve situé au premier sous-sol.

De son vivant s. C. exerçait l'activité d'agent général des sociétés G et H, en vertu d'un mandat dénommé « Traité de nomination » signé le 5 juillet 1980, à l'effet de gérer à compter du 27 mai 1980 le portefeuille de clientèle la société G.

Dans ce cadre, tout en conservant son statut et son activité d'agent général d'assurance, elle s'est ensuite associée avec p. H. et j. S. ses collaborateurs de longue date, au sein de la société anonyme de droit monégasque dénommée « SAM A », créée le 6 février 2004, dont le siège social se situe dans le local commercial situé X1 dont a. F. est devenue propriétaire au décès de sa tante.

p. H. et j. S. y exercent également leur activité d'agent général d'assurance en vertu de traités de nomination respectivement du 1er juillet 2005 et du 1er janvier 2013.

Courant 2004, s. C. a également créé la SAM B, qui exerçait l'activité de gestion immobilière et l'activité de syndic.

À la suite du décès de s. C. la SAM A a transmis au notaire chargé de la succession les appels de charges du syndic de l'immeuble, à fin de les faire régler par la succession.

Par courrier du 15 octobre 2015 le conseil d a. F. a proposé à la SAM A ainsi qu'à p. H. et j. S. de leur consentir un contrat de bail portant sur les locaux moyennant le versement d'un droit au bail de 300.000 euros et d'un loyer mensuel de 10.000 euros.

Par courrier du même jour, elle a avisé le conseil des défendeurs de son souhait de reprendre possession du local situé X1 dans lequel étaient entreposées notamment des archives de la SAM A ainsi que des archives de la SAM B (également constitué en 2004 par sa tante et qui exerçait l'activité de gestion immobilière et l'activité de syndic) en leur demandant de libérer les lieux sous quinzaine.

La SAM B ne s'est pas opposée à cette demande.

La SAM A lui a fait répondre par courrier de son conseil du 22 octobre 2015 que ce local constituait un accessoire au fonds de commerce exploité par la société, de sorte que celle-ci bénéficierait du régime protecteur institué par la loi numéro 490 sur les baux commerciaux, qui s'étendrait également à ce local.

Par acte d'huissier délivré le 7 juillet 2016, a. F. a fait assigner la SAM A, p. H. et j. S. devant le Tribunal de première instance de Monaco aux fins de voir :

* dire et juger la SAM A, p. H. et j. S. occupants sans droit ni titre des locaux situés X1 à Monaco,

* dire et juger la SAM A occupante sans droit ni titre des locaux situés X1 à Monaco,

* et ordonner dans les deux cas leur expulsion sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, et à défaut d'exécution volontaire avec le concours de la force publique.

La SAM A, p. H. et j. S. ont conclu aux fins de voir déclarer le témoignage de c. B. versé au débat par a. F. en pièce n° 37 nul et l'écarter des débats et débouter a. F. de ses demandes.

Par jugement rendu le 19 octobre 2017, le Tribunal de première instance a :

* - débouté la SAM A, p. H. et j. S. de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'attestation établie par Mme B.

* - dit que la SAM A, p. H. et j. S. occupe les locaux situés dans l'immeuble Y, X1 à Monaco en vertu d'un prêt à usage qui leur avait été consenti par s. C. propriétaire des lieux, aux droits de laquelle vient a. F. et constaté la résiliation de ce prêt à usage à l'initiative d a. F.

En conséquence,

* - dit qu'à défaut par la SAM A, p. H. et j. S. de vider les lieux sis X1 à Monaco de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de six mois suivant la signification qui leur sera faite de la décision, il pourra être procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique,

* - dit que la SAM A occupe le local situé X1 en vertu d'un prêt à usage qui lui avait été consenti par s. C. propriétaire des lieux, aux droits de laquelle vient a. F. et constaté la résiliation de ce prêt à usage à l'initiative d a. F.

En conséquence,

* - dit qu'à défaut par la SAM A de vider les lieux situés X1 de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de six mois suivant la signification qui leur sera faite de la présente décision, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

* - débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Pour statuer ainsi le Tribunal a retenu :

* - concernant la demande en nullité d'attestation, qu'il n'est pas démontré que Madame B. aurait un intérêt à la procédure alors que la procédure engagée à l'occasion de son licenciement concerne la SAM B,

* - concernant la demande principale aux fins d'expulsion :

* sur les locaux situés dans l'immeuble Y :

* - à l'encontre de la SAM A :

* qu'il ne ressort pas des pièces produites émanant de s. C. que celle-ci avait consenti un bail verbal,

* que si à défaut de loyer caractérisé par le versement habituel d'une somme d'argent prédéterminée, la contrepartie due par le bénéficiaire peut être recherchée dans la prise en charge de diverses obligations, pouvant être assimilées à un loyer, il n'est pas établi que la SAM A aurait supporté le paiement de sommes importantes en tenant lieu, aux lieu et place de s. C.à qui elles incombaient,

* que faute de démontrer l'instauration d'une contrepartie rigoureuse, régulière et substantielle au défaut de paiement d'un loyer la SAM A ne justifie pas que les conditions d'un bail, et par suite d'un bail commercial, sont réunies à son profit,

* que s. C. a incontestablement mis à la disposition de la SAM A les locaux situés dans l'immeuble Y, sans qu'il ait été instauré une véritable contrepartie, de sorte que cette pratique s'analyse en un prêt à usage, qui ne peut être perpétuel malgré l'absence de convention,

* qu'en l'absence de terme convenu ou prévisible, a. F. venant aux droits du préteur est légitime à y mettre fin en respectant un délai de préavis raisonnable,

* - à l'encontre de p. H. et j. S.:

* qu'en l'absence de bail au profit de la SAM A, ils n'ont pu bénéficier d'une sous-location,

* qu'ils ont bénéficié d'un prêt à usage, gratuit, pour leur exercice personnel en qualité d'agent général, désormais révoqué légitimement par a. F.

* sur le local situé X1 :

* qu'en l'absence de bail commercial pour le local principal de l'exploitation de la SAM A, il ne peut être pris en considération un bail pour ce local accessoire qu'elle a utilisé pour entreposer archives et documentation et qui doit suivre le même régime,

* que le prêt à usage dont elle a bénéficié se trouve en conséquence résilié,

* concernant la demande d'astreinte, qu'aucun comportement d'obstruction en justifiant le prononcé ne se trouve à ce stade caractérisé en l'état de la légitimité de l'occupation initiale et du délai raisonnable accordé aux défendeurs pour quitter les lieux,

* concernant la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, qu'il n'est pas établi que le droit d'agir d a. F. aurait dégénéré en abus alors que les défendeurs succombent pour l'essentiel.

Par exploit signifié le 2 janvier 2018, la SAM A, p. H. et j. S. ont interjeté appel à l'encontre du jugement rendu le 19 octobre 2017, qui leur a été signifié le 5 décembre 2017.

Aux termes de leur assignation et de conclusions intitulées récapitulatives déposées le 9 octobre 2018, les appelants demandent à la Cour de réformer la décision entreprise et statuant à nouveau, de :

* - déclarer nul le témoignage de Madame c. B. produit en pièce n° 37 et l'écarter des débats,

* - débouter a. F. de l'ensemble de ses demandes,

* - dire et juger que la SAM A bénéficie d'un bail commercial relevant du statut des baux commerciaux tel qu'organisé par la loi n° 490, tant pour le local sis X1 dans l'immeuble Y, que pour le local sis X1 qui constitue un accessoire à l'exploitation de son fonds de commerce,

* - dire et juger que p. H. et j. S. bénéficient d'une sous-location dans le cadre de ce bail commercial, pour le local situé X1 ;

* - condamner a. F. au paiement d'une somme de 15.000 euros à chacun des défendeurs, à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Ils exposent que :

* - s. C.était animée par le souhait de voir ses activités d'assurance et d'agence immobilière se poursuivre après sa mort, avec ses salariés, raison pour lesquelles elle a créé les deux sociétés en s'associant avec eux,

* - dans ce même esprit, elle a mis à disposition les locaux commerciaux litigieux qui constituent pour ceux situés dans l'immeuble « Y », le siège social de la SAM A alors que le local situé X1 abritant les archives et dossiers en cours est un local accessoire dépendant du fonds de commerce exploité.

Ils soutiennent que :

* - le témoignage de Madame B. doit être déclarée nul en application des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile, dès lors que cette dernière manifeste un intérêt au procès et que sa démarche s'inscrit dans un esprit de vengeance à l'encontre de la SAM B avec laquelle elle est en litige à la suite de son licenciement,

* - le jugement participe d'une évidente subjectivité, qui a guidé l'analyse des premiers juges,

* - s. C.étant à la fois propriétaire des lieux en février 2004 et leur principale utilisatrice n'avait aucun intérêt à se prêter à elle-même lesdits locaux d'autant que cette solution n'était pas protectrice des intérêts de sa société,

* - la SAM A est titulaire d'un bail verbal de nature commerciale, depuis la fixation du siège social en ses lieux,

* - p. H. et j. S. partageaient l'exploitation du portefeuille d'agent général d'assurance de s. C. et se trouvaient dans les lieux de son fait et au même titre qu'elle. Elle s'est refusée à assujettir leur présence à un bail, voulant ainsi récompenser leur investissement,

* - cette situation doit être analysée en une sous-location consentie par le locataire, la SAM A à p. H. et j. S. en leur qualité d'agent général,

* - a. F. va à l'encontre de la volonté de sa tante qui ne souhaitait pas grever la société de la charge importante que constitue le paiement d'un loyer au prix du marché et a ainsi opté pour un bail verbal offrant un statut protecteur à la société, dont elle était associée majoritaire,

* - l'existence du bail verbal résulte des éléments suivants :

* l'absence de quittances n'est pas significative de l'absence de bail verbal,

* la pièce 28 démontre seulement qu'elle ne se délivre pas de quittance à elle-même,

* la note de renseignements (pièce n° 29) émanant de s. C. annexée à un courrier du 23 septembre 2013, qui mentionne clairement l'existence d'un bail verbal,

* un courrier du conseil d a. F. reconnaît à la SAM A la qualité de locataire (pièce n° 30),

* il se déduit encore de la demande adressée par son conseil le 15 octobre 2015 qui vise à « régulariser cette situation » et propose de se maintenir dans les lieux en régularisant un bail écrit qu'elle a admis l'existence d'un bail verbal par l'utilisation de ces termes,

* l'aveu des conseils d a. F. confirmant l'intention de s. C. qui aurait dû venir appuyer la reconnaissance de l'existence d'un bail verbal par les premiers juges,

* le prix du bail verbal peut ne pas consister en un loyer mais en l'obligation pour le preneur d'assumer des obligations incombant normalement au propriétaire, qui sont dès lors assimilées à un loyer,

* la SAM A a supporté depuis son entrée dans les lieux et jusqu'au second semestre 2014 toutes les charges générées par l'occupation du local au titre de son activité ainsi que les frais liés à l'activité d'agent général de s. C.: charges de copropriété (jusqu'au premier semestre 2014), assurance annuelle multirisque professionnelle,

* les sommes ainsi engagées sont conséquentes ; notamment les locaux ont fait l'objet de travaux de rénovation et d'amélioration à ses frais en 2011,

* les travaux réalisés apportent une plus-value au local commercial qu'ils valorisent, bénéficiant au propriétaire des murs,

* l'ensemble des sommes engagées constitue une contrepartie sérieuse à la jouissance du bien, en rapport avec la valeur locative des lieux qui peut être évaluée entre 3.000 et 5.000 euros par mois, suivant estimations d'agents immobiliers, et non à 10.000 euros mensuels comme le soutient la demanderesse sans en justifier,

* le local en sous-sol présente une hauteur sous plafond inférieure à 2 m et n'est accessible qu'à partir du local principal, par un escalier intérieur,

* de ce fait la surface exploitable pour l'activité d'assurances de la SAM A est de 45 m2 de sorte que le loyer demandé par a. F. ne correspond nullement à la valeur locative réelle des lieux,

* les lieux n'étant pas occupés gratuitement, il appartenait aux premiers juges de rejeter l'existence d'un prêt à usage,

* les locaux étant occupés à un usage commercial, le bail verbal est un bail commercial,

* contrairement à ce que soutient la demanderesse, qui ne s'intéressait nullement aux affaires de sa tante, ainsi qu'il en est attesté par Madame T. qu'elle tente de dénigrer de manière grossière, le local sis X1 n'a jamais été utilisé pour les besoins personnels de la défunte, mais seulement comme local accessoire au fonds de commerce exploité X1 pour l'archivage par les deux sociétés et se trouve qualifié de local de « dépôt » dans l'état descriptif de division de la copropriété,

* - les charges de copropriété de ce local étaient également assumées par la SAM B jusqu'au 26 janvier 2015,

* - à cet égard l'attestation partiale, de pure complaisance, de Madame B. qui manifeste un intérêt au procès en ce qu'elle s'inscrit dans un esprit de vengeance à l'encontre de la SAM B avec laquelle elle est en litige à la suite de son licenciement doit être déclarée nulle, en application des dispositions de l'article 324 du Code de procédure civile,

* - ce local étant un local accessoire à celui situé X1 doit bénéficier du statut des baux commerciaux,

* - a. F. doit être déboutée de ses prétentions au titre d'un prêt à usage et de sa rupture,

* - l'existence d'un bail verbal de nature commerciale doit être consacrée,

* - le jugement devant être réformé en ce qu'il a retenu l'existence d'un prêt à usage, la discussion sur les délais d'expulsion est vaine,

* - si a. F. a manifesté à compter de 2015 sa volonté de voir les appelants quitter les lieux, elle n'en avait pour autant pas le droit comme le lui a signifié le juge des référés, faisant preuve d'acharnement à leur égard,

* - l'instance introduite avait pour seul but de nuire à la SAM A créée par sa tante justifiant de l'exercice de leur droit de recours qui ne peut être qualifié d'abusif,

* - l'action injustifiée poursuivie par a. F. les a contraints à exposer des frais pour défendre leurs droits, justifiant de la condamner au paiement de la somme de 15.000 euros pour chacun à titre de dommages-intérêts.

Par écritures en réponse déposées les 20 mars et 13 novembre 2018, a. F. a demandé à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* - débouté la SAM A, p. H. et j. S. de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'attestation établie par Mme B.

* - dit que la SAM A, p. H. et j. S. occupaient les locaux situés dans l'immeuble Y, X1 à Monaco en vertu d'un prêt à usage qui leur avait été consenti par s. C. propriétaire des lieux, aux droits de laquelle vient a. F. et constaté la résiliation de ce prêt à usage à l'initiative d a. F.

* - dit que la SAM A occupait le local situé X1 en vertu d'un prêt à usage qui lui avait été consenti par s. C. propriétaire des lieux, aux droits de laquelle vient a. F. et constaté la résiliation de ce prêt à usage à l'initiative d a. F.

Et le réformant pour le surplus,

* - de dire et juger qu'à défaut par la SAM A, p. H. et j. S. de vider les lieux sis X1 à Monaco de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de quinze jours suivant la signification qui leur sera faite de la présente décision, il pourra être procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique,

* - de dire et juger qu'à défaut par la SAM A de vider les lieux situés X1 de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de quinze jours suivant la signification qui leur sera faite de la présente décision, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

* - de dire et juger que passé le délai de quinze jours, la décision d'expulsion sera assortie d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

* - de condamner les appelants aux dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sur sa due affirmation.

Elle soutient en substance que :

* - depuis le décès de s. C. la SAM A occupe les locaux sans verser aucune somme ni supporter la moindre charge,

* - elle n'a pas retrouvé de bail dans les affaires de la défunte, raison pour laquelle elle a effectué une proposition de bail aux défendeurs par courrier du 15 octobre 2015,

* - par réponse de leur conseil du 19 octobre 2015, p. H. et j. S. se sont bornés à la renvoyer à saisir le conseil des SAM concernées, sans revendiquer pour eux-mêmes de droit sur les locaux,

* - le conseil de la SAM A a soutenu que celle-ci bénéficiait du régime protecteur des baux commerciaux, tant pour le siège de la société que pour le local situé X1,

* - en exerçant leur activité d'agent général d'assurance dans les locaux de l'immeuble Y, p. H. et j. S. sont ainsi occupants sans droit ni titre ce qui l'a contrainte à les assigner pour obtenir leur expulsion.

Elle fait valoir que :

* - Madame B. n'avait pas à déclarer dans son attestation d'intérêt à la procédure dès lors que la SAM B, dont elle conteste la mesure de licenciement prise à son encontre dans une instance distincte, n'est pas partie à la procédure et que sa partialité dans les termes employés n'est pas établie,

* - en vertu de l'article 1549 du Code civil le bail est un contrat onéreux, dont le loyer, qui doit correspondre à un prix sérieux, est un élément indispensable,

* - en l'absence de loyer ou en cas de versements dérisoires, l'occupation relève d'un prêt à usage et l'occupant ne peut se prévaloir de l'existence d'un bail et en revendiquer les avantages,

* - en l'espèce, il n'a pas été consenti aux défendeurs de bail écrit sur les locaux sis X1,

* - d'ailleurs p. H. et j. S. ont implicitement reconnu ne pas être titulaires d'un bail en demandant à a. F. d'adresser ses demandes aux sociétés,

* - il ne peut non plus être excipé d'un bail verbal aux motifs essentiellement que :

* il n'a jamais été versé de loyer, ni remis de quittance,

* les bilans de la SAM A ne font pas apparaître le paiement de loyers,

* elle ne peut pas plus soutenir qu'elle supporte des dépenses qui s'assimilent au paiement d'un loyer, les dépenses incombant à l'occupant au titre de ses propres frais de fonctionnement et d'exploitation (notamment le renouvellement de son mobilier) ainsi que de son obligation d'entretien et de conservation du bien occupé n'étant pas assimilables à un loyer,

* ces dépenses sont en outre d'un faible montant au regard de la valeur locative des lieux,

* les locaux qui représentent une superficie de 65 m² et la réserve (d'une superficie de 48 m²) ont une valeur locative de 9.000 euros à 10.000 euros par mois,

* depuis le décès de s. C. en janvier 2015, la SAM A lui a fait adresser tous les appels de charges,

* dans un courrier du 23 septembre 2013 adressé à la Direction de l'Expansion Economique, s. C. fait état d'une occupation à titre gracieux de sorte que la qualification de bail doit être écartée au profit de celle de prêt,

* - s'agissant des locaux situé X1, ils ont toujours été utilisés par s. C. qui y entreposait des effets personnels outre des documents de ses sociétés, de sorte qu'il ne peuvent consister en l'accessoire des locaux,

* - la SAM B, qui aurait réglé les charges de ce local dès avant son immatriculation, n'a jamais revendiqué de droit sur ce dernier et les appels de charges sont adressés à la succession depuis le décès de s. C.

* - les locaux situés X1 ne peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux, en l'absence de toute somme versée ou dépense supportée au titre de l'occupation des locaux,

* - le prêt à usage est révocable à tout moment en vertu des articles 1724 et suivants du Code civil et de leur jurisprudence d'application concernant l'occupation d'un bien immobilier,

* - elle a manifesté sa volonté d'y mettre fin par ses courriers du 15 octobre 2015,

* - compte tenu du délai écoulé, l'expulsion des défendeurs doit être ordonnée dans un délai de quinze jours.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

* Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que le jugement rendu le 19 octobre 2017 par le Tribunal de première instance a été signifié le 5 décembre 2017 à la SAM A, p. H. et j. S. ;

Que se trouvant formés dans le respect des règles de délai et de forme applicables, l'appel principal comme l'appel incident seront déclarés recevables ;

* Sur la demande en nullité d'attestation :

Attendu qu'aux termes de l'article 324-4° du Code de procédure civile, l'attestation doit, à peine de nullité, préciser si son auteur a quelque intérêt au procès ;

Attendu au cas présent que Madame B. qui occupait les fonctions d'assistant-syndic dans le département immobilier de la SAM B, société administrateur de la SAM A, avait été désignée pour représenter cette personne morale dans les assemblées générales de la SAM A ;

Que certes, p. H.était présent, en sa qualité de Président administrateur délégué de la SAM A, lorsque la décision de la licencier lui a été signifiée ;

Que celle-ci conteste son licenciement par la SAM B devant le Tribunal du travail ;

Que s'il est constant que Madame B. a entretenu des liens professionnels avec les deux sociétés dont s'agit, force est néanmoins de constater que la SAM B, dont elle critique la décision de licenciement prise à son endroit, n'est pas partie à la présente procédure ;

Que pareillement, Madame B. n'a formé aucune demande à l'égard de la SAM A dans le cadre de la procédure par elle initiée au titre de son licenciement ;

Que la mesure qu'elle conteste dans le cadre d'une instance autonome, concernant une personne morale distincte, ne démontre pas, à elle seule son intérêt au présent litige ;

Que par ailleurs, les appelants admettent dans leurs écritures que l'intéressée ne détenait pas de parts sociales dans le capital de la SAM A ;

Que son intérêt à la procédure n'est donc pas davantage établi de ce chef ;

Attendu que les appelants soutiennent encore que son témoignage est dépourvu de toute force probante eu égard à sa subjectivité et lui font également grief d'avoir délivré pareille attestation « pour aider l'action de Mademoiselle F. » ;

Que toutefois sa connaissance précise du fonctionnement des sociétés précitées et les évènements rapportés ne caractérisent pas en eux-mêmes la partialité de ses déclarations ;

Que la simple relation de faits dont elle a été personnellement témoin ne traduit pas l'expression du ressentiment personnel que les appelants lui imputent à l'encontre de p. H.;

Qu'enfin il ne peut lui être valablement reproché d'avoir établi son attestation « pour aider l'action de Mademoiselle F. », ce mode de preuve visant nécessairement à emporter la conviction des juges ;

Attendu qu'en l'état de ces éléments, il convient de dire n'y avoir lieu au prononcé de la nullité de l'attestation délivrée et de confirmer par la même la décision des premiers juges ;

* Sur la demande d'expulsion :

* 1) Concernant les locaux situés X1 :

* À l'encontre de la SAM A :

Attendu qu'il est constant que la SAM A occupe les locaux appartenant désormais à a. F. dans l'immeuble « Y » situé X1 à Monaco, constitués d'un local à usage commercial en rez-de-chaussée, relié par un escalier à un local en sous-sol à usage de réserve ;

Que les archives de cette société sont entreposées dans le local situé X1 ;

Attendu que l'absence d'écrit caractérisant la nature de cette occupation est admise par l'ensemble des parties ;

Que s'il n'a pas été établi de bail commercial écrit au profit de la SAM A, les appelants soutiennent néanmoins l'existence d'un bail verbal, de nature commerciale ;

Qu'ils prétendent en effet que s. C. propriétaire des immeubles, aurait institué un tel bail pour éviter le paiement d'un loyer au prix du marché dont la charge conséquente aurait obéré le fonctionnement de la structure liée à son activité ;

Qu'elle aurait ainsi souhaité conférer un statut protecteur à la société, tout en lui faisant assurer de nombreux frais et charges ;

Attendu en premier lieu, que l'existence d'un bail verbal ne ressort pas des pièces produites émanant de s. C. ainsi que l'ont justement analysé les premiers juges ;

Qu'en effet, si les appelants entendent conforter la mention figurant dans la notice de renseignement non datée ni signée, produite en pièce n° 29, qui indique à la rubrique intitulée : « titre d'occupation du local : bail verbal », par la production de la lettre signée par s. C. en date du 23 septembre 2013, à laquelle elle se trouvait selon eux jointe, il s'avère que son auteur y précise que l'agence « occupe gracieusement les locaux » dont elle est propriétaire au X1 ;

Que ces deux mentions contradictoires, à supposer que la notice de renseignement ait bien été remplie par s. C. et produite en annexe du courrier signé de sa main, ne permettent pas de caractériser une intention certaine de sa part de consentir un bail verbal à la SAM A ;

Qu'il en va de même de la déclaration de renouvellement d'inscription adressée par s. C.à la Direction de l'Expansion Economique le 28 janvier 2014, au nom de la SAM, portant mention « pas de quittance de loyer, C. est propriétaire des murs des bureaux » ( pièce n° 28 des appelants) ;

Qu'il ne peut en être déduit l'existence d'un bail, mais plutôt qu'il n'y a pas lieu à établir de quittances, précisément en l'absence de bail ;

Qu'au demeurant, dans l'hypothèse où un bail aurait existé, rien n'empêchait s. C. d'établir des quittances en sa qualité de propriétaire des murs, occupés par la société dont elle était l'administrateur, s'agissant d'une personne morale distincte ;

Que ce document confirme par ailleurs l'absence de loyer ;

Attendu qu'en tout état de cause, aux termes de l'article 1549 du Code civil, le louage de choses est un contrat par lequel une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer ;

Attendu que l'aspect synallagmatique de la convention impose des obligations réciproques ;

Que la mise à disposition de la chose a pour contrepartie de celui qui en bénéficie, le paiement d'un loyer, qui peut, à défaut d'être caractérisé par le versement habituel d'une somme d'argent prédéterminée, correspondre à la prise en charge de diverses obligations pouvant être assimilées à un loyer ;

Attendu que les appelants admettent que la SAM A n'était pas assujettie au paiement d'un loyer mais prétendent qu'elle s'acquittait du paiement de sommes conséquentes au titre de charges de copropriété, primes d'assurances, taxes et travaux divers, aux lieu et place de s. C.;

Qu'ils prétendent notamment que la société remboursait 80 % des charges de copropriété du local situé dans l'immeuble Y (part locative et part propriétaire) à s. C. qui en faisait l'avance en réglant directement le montant total depuis son compte BNP (compte d'exploitation), rappelant qu'elle demeurait tenue de leur paiement à hauteur de 20 % au titre de son activité d'agent général ;

Que l'examen conjugué des extraits du compte 61400000 (charges locatives et copropriété) de la SAM A, des décomptes de charges portant appels de fonds, des chèques de paiements adressés au syndic, des extraits du journal détaillé de la SAM A et d'un compte intitulé R, sur les années 2004 à 2013 (pièces nouvelles numérotées 6 bis, 37 bis, 40 bis, 45 bis, 50 bis, 55 bis, 60 bis, 65 bis, 73 bis et 78 bis) tendent à établir la réalité du système mis en place entre les parties relativement au paiement directement opéré par s. C. de la totalité des charges de copropriété auprès du syndic, puis de l'établissement d'un prorata à hauteur de 20/80 entre cette dernière et la société précitée ;

Que les appelants affirment que la société remboursait les montants restant à sa charge par chèques à compter de 2005 ;

Que toutefois le remboursement de la quote-part alléguée ne ressort pas des pièces produites ;

Qu'ainsi en 2004, seul est communiquée copie d'un chèque tiré sur le compte de la SAM A pour un montant de 2.365 euros qui ne correspond pas au montant du remboursement de la quote-part prétendue, mais au règlement intégral de l'appel de fonds selon la mention portée sur celui-ci (dont 20 % ont été ensuite portés au crédit de son compte) ;

Qu'en 2005, les deux appels de fonds produits ont été réglés par s. C. alors qu'il n'est justifié d'aucun remboursement opéré au profit de cette dernière ;

Que pour les années suivantes, si les calculs manuscrits du prorata avancé figurant sur la copie des appels de fonds émis correspondent au montant rapporté aux sommes appelées, il n'est par contre pas établi que les chèques émis au profit de « AGF/SC » correspondent auxdits remboursements, alors que les sommes différent dans tous les cas et que certaines opérations ont par ailleurs été annulées ;

Attendu par ailleurs que les charges locatives incombent au preneur, comme relevé justement par les premiers juges, de sorte que leur paiement n'est pas de nature à constituer une contrepartie pouvant entrer en considération dans les sommes assimilées à un loyer ;

Attendu que les appelants se prévalent également d'autres dépenses, liées notamment à d'importants travaux de rénovation des locaux professionnels et de création de bureaux entrepris en 2011, pour un coût annoncé de 140.497,05 euros (pièces 70, 70-1 et 70-2) ;

Que si l'extrait de la balance générale des comptes de la société arrêtée au 14 décembre 2015 mentionne pareil montant, l'extrait du compte 2135 de la société au 11 décembre 2015 mentionne un total de mouvements débiteurs liés à cette opération de 95.916,68 euros ;

Qu'en tout état de cause, le coût de ces travaux d'ampleur ne peut être imputé à la propriétaire des lieux, s'agissant de dépenses justifiées par l'exercice professionnel de la société ;

Que la lecture du bilan de l'année 2011 confirme que ces investissements sont propres à la SAM A, au regard de la forte augmentation au titre des immobilisations 2011 du poste installations et agencements ainsi que du poste matériel de bureau, par rapport à l'année précédente ;

Que ces améliorations apportent une plus-value au local, profitent au propriétaire des murs et aient été entrepris avec son accord est également indifférent à l'appréciation de la cause ;

Que les appelants ne peuvent valablement prétendre avoir supporté à ce titre des dépenses qui n'incombaient pas à la société, pouvant s'analyser en un loyer ;

Attendu que le surplus des charges invoquées (électricité, frais d'entretien et de réparation), correspondent à des charges courantes, d'ailleurs qualifiées de frais d'exploitation dans les écritures des appelants, qui admettent par la même la normalité de leur prise en charge par la société ;

Attendu également que la simple production d'avis d'échéance de primes d'assurance multirisque professionnelle d'agent général (9, 15, 83, 84, 85, 86, 87, 89 et 90) émis au nom de s. C. ne justifie aucunement du paiement de ces sommes par la SAM A en ses lieux et place ;

Attendu enfin, à supposer que l'ensemble des charges et dépenses dont ils se prévalent ait effectivement été réglé par la SAM A, celle-ci prétend avoir versé à s. C. selon les propres calculs des appelants figurant dans leurs écritures (page 18 des conclusions récapitulatives), entre 2005 et 2013, « près de 150.000 euros, soit près de 1.400 euros par mois » ;

Attendu que les parties s'opposent sur la valeur locative des locaux occupés, les appelants la fixant dans une fourchette allant de 3.000 euros à 5.000 euros, alors que l'intimée l'évalue à 10.000 euros par mois ;

Qu'il sera relevé à cet égard que les estimations réalisées par diverses agences immobilières à la demande des appelants (pièces 24, 25, 104 et 105 de ces derniers) l'ont été :

* - sur la base d'une superficie du local en rez-de-chaussée évaluée à 45 m² (pièces 26 et 27) conduisant à retenir une valeur comprise dans une fourchette de 3.000 euros à 3.500 euros, sans visite des lieux dans le premier cas,

* - sans indication de surface mais après visite des lieux (pièce 104) pour un montant de 4.500 euros à 5.000 euros, en tenant compte de la configuration des lieux,

* - en ciblant deux niveaux d'environ 50 m² au rez-de-chaussée et 40 m² en sous-sol, induisant une valeur locative de 5.000 euros HC par mois, plus ou moins 10 % (pièce 105) ;

Que l'analyse de ces pièces confirme la nécessaire corrélation entre la superficie et le montant du loyer ;

Attendu à cet égard, que l'attestation de propriété en date du 31 juillet 2015, l'attestation notariée du 31 août 2015 et le plan des locaux daté de juin 1985 (pièces 4, 16 et 17) produites par l'intimée révèlent de manière concordante que les locaux dont s'agit présentent une superficie de 65 m² en rez-de-chaussée et de 48,65 m² en sous-sol ;

Que l'estimation de la valeur locative réalisée à sa demande le 19 janvier 2016 après visite retient un prix situé entre 9.000 euros et 10.000 ¿ par mois ;

Que ces évaluations allant du simple au triple, ne permettent pas à la Cour de déterminer de manière précise et certaine la valeur locative des locaux dont s'agit, dont le prix médian s'établit cependant autour de 5.000 euros en les prenant toutes en considération ;

Que le montant cumulé des dépenses dont se prévalent les appelants se révèle donc sans adéquation ni commune mesure avec la valeur locative susceptible d'être retenue sur la base des pièces produites ;

Attendu pour le surplus, qu'ils ne peuvent tirer argument de la terminologie employée par a. F. et ses conseils dans le courrier du 16 juin 2015 qui leur a été adressé, au terme duquel ils leur demandent de confirmer la prise en charge par leurs soins du règlement des charges du local en leur qualité de locataire, alors que dans ce même courrier, indivisible dans sa formulation, ils interrogent clairement la SAM A relativement à « la situation juridique de (son) occupation » du local commercial qui accueille son activité et souhaitent « notamment obtenir la confirmation de l'existence d'un bail souscrit par la SAM et le montant acquitté au titre de cette location » ;

Qu'il s'évince de ce courrier que, partant du présupposé que le local commercial était occupé par la SAM en vertu d'un bail dont elle n'avait pas connaissance, cette dernière se devait de régler l'appel de fonds au titre des charges afférentes, transmises par le syndic au notaire chargé de la succession ;

Qu'il n'en résulte aucune reconnaissance par l'intimée d'un bail au profit de la SAM comme soutenu à tort ;

Qu'ils ne peuvent davantage, sauf à en dénaturer les termes, tirer argument du courrier adressé à leur conseil le 15 octobre 2015 par l'avocat d a. F. proposant de régulariser la situation par l'établissement d'un bail moyennant paiement d'un loyer mensuel de 10.000 euros et versement d'un droit au bail de 300.000 euros pour soutenir que la régularisation poursuivie tendait à établir un bail écrit en l'état d'un simple bail verbal, alors qu'il ressort en préambule de ce même courrier le constat de ce que « aucun bail (n'a) jusqu'alors été conclu », de sorte que p. H. j. S. et la SAM A se trouvent être occupants sans droit ni titre des locaux appartenant à a. F.;

Attendu que l'ensemble de ces charges et dépenses, dont partie incombait en tout état de cause au preneur (charges locatives, travaux de rénovation du local) et dont la SAM A ne démontre pas avoir acquitté l'ensemble en lieu et place de s. C.(charges de copropriété, assurance multirisque professionnelle), ne caractérise pas l'existence d'une contrepartie régulière et substantielle pouvant se substituer au paiement d'un loyer au montant prédéfini et en tenir lieu ;

Que ce faisant, la SAM A ne démontre pas que les conditions d'un bail se trouvent en l'espèce réunies ;

Qu'elle ne peut de ce fait se prévaloir d'aucun bail commercial dont elle serait titulaire ;

Attendu qu'a. F. fait valoir pour sa part, au visa des dispositions des articles 1713 et 1726 du Code civil que la mise à disposition des locaux par la défunte constitue un prêt à usage, révocable à tout moment et que cette révocation est régulièrement intervenue à son initiative, de sorte que la SAM A se trouve désormais occupante sans droit ni titre ;

Attendu que les premiers juges ont retenu, par des motifs que la Cour adopte, que s. C. a incontestablement mis à disposition de la SAM A des locaux situés dans l'immeuble Y, sans qu'il ait été instauré une véritable contrepartie, de sorte que cette pratique des parties s'analyse en un prêt à usage, pour lequel la loi n'exige pas d'écrit, et auquel il a pu être mis fin, en l'absence de terme convenu, en respectant un délai de préavis raisonnable ;

Que cette analyse ne contredit pas le caractère essentiellement gratuit du prêt édicté par l'article 1714 du Code civil au regard du montant des dépenses somme toute limité dont se prévaut la SAM A au titre de son occupation des lieux ;

Attendu enfin qu'en l'absence de délai de préavis fixé, les premiers juges ont considéré qu'il convenait, au regard des démarches à accomplir et des besoins de la société, d'accorder un délai de six mois à celle-ci pour libérer les lieux, à compter de la signification de la décision ;

Qu a. F. a manifesté sa volonté de manière claire et non équivoque de mettre fin à l'occupation des locaux en cause dès le 15 octobre 2015, assignant les appelants à cette fin dès le 7 juillet 2016 devant le Tribunal de première instance qui a statué à cet égard le 19 octobre 2017 ;

Que ce jugement leur a été signifié le 5 décembre 2017 ;

Que le caractère suspensif d'exécution de l'appel interjeté et l'écoulement des délais de procédure ne peuvent pas trop préjudicier à l'intimée, propriétaire des locaux au titre desquels elle assume des charges sans en avoir la jouissance depuis le décès de s. C. survenu le 28 janvier 2015, soit depuis quatre ans révolus ;

Qu'en l'état de ces considérations, il convient de limiter à trois mois le délai de préavis pour quitter les lieux précédemment accordé à la SAM A ;

Attendu que la décision critiquée sera donc confirmée en tous points sauf en ce qu'elle a fixé le délai de préavis à six mois ;

* À l'encontre de p. H. et j. S.:

Attendu que p. H. et j. S. se prétendent sous-locataires des locaux situés X1 dans le cadre du bail dont serait titulaire la SAM A, au titre de leur exercice personnel en qualité d'agent général ;

Attendu toutefois, qu'en l'absence de bail reconnu au profit de la SAM A, ils ne peuvent prétendre à cette qualité, de sorte qu'il convient de considérer qu'ils ont également bénéficié d'un prêt à usage, essentiellement gratuit, désormais régulièrement révoqué ;

Que la décision entreprise sera également confirmée à cet égard, sauf en ce qu'elle a fixé le délai de préavis qui leur a été accordé pour quitter les lieux à six mois, lequel sera réduit à trois mois pour des motifs semblables à ceux ci-dessus exposés ;

* 2) Concernant les locaux situés X1 :

Attendu que les premiers juges ont à juste titre souligné que la demande d'expulsion était dirigée contre la seule SAM A, qui admet dans ses écritures avoir utilisé ce local pour entreposer les archives et documentation dépendant de son activité ;

Qu'ils ont de manière tout aussi pertinente retenu qu'en l'absence de bail commercial pour le local principal, il ne peut être pris en considération un bail pour ce local accessoire, qui doit suivre le même régime, conduisant à retenir la résiliation du prêt à usage ;

Que la décision entreprise sera confirmée sur ce point, sauf en ce qu'elle a fixé à six mois le délai pour quitter les lieux, qui sera ramené à trois mois par la Cour ;

* Sur la demande d'astreinte :

Attendu que l'astreinte constitue une mesure destinée à assurer l'exécution d'une décision de justice et vise à contraindre le débiteur à l'exécution volontaire de l'obligation mise à sa charge ;

Attendu qu'au cas présent, l'exercice de la voie de recours entreprise ne caractérise pas à lui seul un comportement d'obstruction et ne préjuge pas d'une résistance à venir de l'exécution de la décision à intervenir, alors que les enjeux discutés par les parties font suite à une occupation initiale des locaux selon des modalités non soumises à discussion pendant plus de dix ans (2004-2015) ;

Que le déménagement et la réinstallation des appelants en d'autres locaux justifient du délai de préavis ci-dessus accordé ;

Qu'à défaut d'exécution volontaire dans ce délai, le concours de la force publique pourra en tout état de cause être requis ;

Que l'attitude des appelants et les moyens d'exécution dont dispose déjà a. F. ne militent pas en faveur du prononcé d'une mesure de contrainte financière supplémentaire ;

Que la demande présentée à ce titre sera rejetée ;

* Sur les demandes de dommages-intérêts :

Attendu que les appelants réclament l'octroi à leur profit de dommages-intérêts à hauteur de 15.000 euros pour procédure abusive, invoquant les frais que l'action injustifiée d a. F. les a contraints à exposer pour défendre leurs droits ;

Que ces derniers, succombants, ne démontrent pas au cas présent le comportement dolosif de leur adversaire dans la conduite de la procédure ;

Que leur demande à ce titre ne peut donc prospérer ;

* Sur les dépens :

La SAM A, p. H. et j. S. qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare recevables les appels principal et incident,

Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2017 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a accordé à la SAM A, p. H. et j. S. chacun pour ce qui les concerne, un délai de préavis de six mois pour vider les lieux qu'ils occupent,

Le réforme de ce chef et statuant à nouveau,

Dit qu'à défaut par la SAM A, p. H. et j. S. de vider les lieux sis X1 à Monaco de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de trois mois suivant la signification qui leur sera faite de la décision, il pourra être procédé à leur expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique,

Dit qu'à défaut par la SAM A de vider les lieux situés X1 à Monaco de tout effet et de tout occupant de leur chef, au plus tard dans le délai de trois mois suivant la signification qui leur sera faite de la présente décision, il pourra être procédé à son expulsion ainsi qu'à celle de tout occupant de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,

Le complétant,

Déboute la SAM A, p. H. et j. S. de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée à l'encontre d a. F.

Condamne la SAM A, p. H. et j. S. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,

Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, C. de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Mademoiselle Bénédicte SEREN, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 12 FÉVRIER 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, C. de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 17760
Date de la décision : 12/02/2019

Analyses

Procédure civile ; Baux commerciaux


Parties
Demandeurs : La Sam A et autres
Défendeurs : Mademoiselle a. F.

Références :

Code civil
article 324-4° du Code de procédure civile
article 1714 du Code civil
article 324 du Code de procédure civile
article 1549 du Code civil
articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 1713 et 1726 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2025
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-02-12;17760 ?

Source

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