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22/01/2019 | MONACO | N°17624

Monaco | Cour d'appel, 22 janvier 2019, Madame t. BU.-BA. née BU. c/ Monsieur j-m.VE. et Monsieur p.VE.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 22 JANVIER 2019

En la cause de :

- Madame t. BU.-BA. née BU., le 24 juillet 1973 à X1 de nationalité bulgare, épouse séparée de biens de Monsieur n. BA. demeurant à X1 (Bulgarie) - X1;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Florent ELLIA, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

1/Monsieur j-m. VE., né le 8 octobre 1956 à Monaco, de nationalité française,

demeurant X2 à Monaco ;

2/ Monsieur p. VE., né le 14 septembre 1968 à Monaco, de nationalité française, demeurant X3 à Monac...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 22 JANVIER 2019

En la cause de :

- Madame t. BU.-BA. née BU., le 24 juillet 1973 à X1 de nationalité bulgare, épouse séparée de biens de Monsieur n. BA. demeurant à X1 (Bulgarie) - X1;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Florent ELLIA, avocat au barreau de Nice ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

1/Monsieur j-m. VE., né le 8 octobre 1956 à Monaco, de nationalité française, demeurant X2 à Monaco ;

2/ Monsieur p. VE., né le 14 septembre 1968 à Monaco, de nationalité française, demeurant X3 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'Étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat en cette même Cour ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel, le 13 juin 2017 (R.6008) ;

Vu l'assignation en tierce opposition devant la Cour d'appel du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 11 août 2017 (enrôlé sous le numéro 2018/000022) ;

Vu l'arrêt avant dire droit en date du 17 avril 2018 ;

À l'audience du 20 novembre 2018, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'assignation en tierce opposition devant la Cour d'appel de Madame t. BU.-BA. née BU. à l'encontre d'un arrêt de la Cour d'appel du 13 juin 2017.

Considérant les faits suivants :

Par acte sous seing privé en date du 4 juillet 1995, l'hoirie de a. VE. composée de sa veuve, j. PI. et de ses enfants j-m. et p. VE. a donné à bail commercial pour une durée de 9 années à compter du 1er juillet 1995 à t d.NG. épouse H. T. D. des locaux situés au n° 9 de la rue Grimaldi et 10 de la rue de la Turbie pour y exercer l'activité de Bar-restauration, moyennant paiement d'un loyer mensuel fixé à partir du 1er juillet 1997, à la somme de 9.000 francs payable par trimestres anticipés, révisable chaque année en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, outre les charges évaluées à 4.000 francs par an, payables selon la même périodicité que le loyer.

La location susvisée a été renouvelée par avenant en date du 21 décembre 2004 enregistré le 23 février 2005, pour une durée de 9 années à compter du 1er juillet 2004 pour se terminer le 30 juin 2013 aux mêmes conditions, à l'exception du montant du loyer porté à 2.300 euros par mois à compter du 1er juillet 2007, outre les charges.

Une clause conventionnelle stipule la résiliation de plein droit du bail à défaut de paiement d'un seul terme de loyer à son échéance ou d'exécution d'une seule de ses conditions, un mois après une mise en demeure de payer ou d'exécuter la condition contenant déclaration de son intention d'user du bénéfice de ladite clause demeurée totalement ou partiellement sans effet.

Aux termes d'un acte authentique reçu le 1er août 2008 par Maître Nathalie AUREGLIA-CARUSO, t d.NG. assistée de M. Christian BOISSON, Syndic de la cessation des paiements de Mme NG. a cédé à n. BA. les éléments de son fonds de commerce, comprenant notamment le droit au bail, moyennant le prix de 930.000 euros, ladite cession ayant été dument autorisée par le Tribunal de première instance suivant jugement en date du 12 juin 2008.

Suivant exploit d'huissier en date du 16 juin 2016, j-m. et p. VE. venant aux droits de j. PI. veuve VE. en qualité de propriétaires des locaux donnés à bail à n. BA. ont délivré commandement à n. BA. de s'acquitter de la somme de 162.573,29 euros, représentant les loyers et charges restant dus au 30 juin 2016, ce commandement se référant à la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et intégralement reproduite.

Ce commandement étant selon eux resté infructueux, j-m. et p. VE. ont par exploit du 25 juillet 2016 fait assigner n. BA. en référé à l'effet de voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial liant les parties par l'effet de la clause résolutoire et ordonner l'expulsion de n. BA. et de tous occupants de son chef des locaux commerciaux situés 9, rue Grimaldi et 10, rue de la Turbie à Monaco, avec, le cas échéant le concours de la Force Publique et d'un serrurier.

Suivant ordonnance en date du 15 février 2017, le juge des référés a :

« - dit n'y avoir lieu d'écarter des débats la pièce communiquée le 23 décembre 2015 sous le numéro 7 par le conseil de n. BA. au conseil des consorts VE.

* constaté la résiliation de plein droit, à la date du 17 juillet 2016, par le jeu de la clause résolutoire qui y est contenue, du bail commercial conclu le 4 juillet 1995 entre l'hoirie VE. et t d. NG. épouse H. T. D. cédé a n. BA. selon acte authentique reçu le 1er août 2008 par Maître AUREGLIA portant sur des locaux situés au 9, de la rue Grimaldi et au 10, de la rue de la Turbie, suite à la délivrance le 16 juin 2016 d'un commandement de payer les loyers arriérés demeuré infructueux,

* ordonné en conséquence, à défaut pour n. BA. d'avoir volontairement libéré les locaux désignés ci-dessus de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision, son expulsion immédiate de corps et des biens avec le concours de la Force Publique et d'un serrurier, si nécessaire,

* déclaré irrecevable, comme excédant la compétence du juge des référés, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formulée par n. BA.

* condamné n. BA. aux dépens de la présente ordonnance, distraits au profit de Maître Christine PASQUIER- CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ».

Le Juge des référés a, pour l'essentiel, constaté que son office résultait de la convention des parties et que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 17 juillet 2016, alors même que le bailleur n'avait fait preuve d'aucune mauvaise foi dans la mise en œuvre, le 16 juin 2016, de cette clause conventionnelle.

Suivant exploit en date du 28 février 2017, n. BA. a interjeté appel de l'ordonnance de référé susvisée contradictoire de j-m. et p. VE. à l'effet de voir la Cour :

« - déclarer son appel recevable et bien fondé,

* infirmer l'ordonnance de référé du 15 février 2017 en toutes ses dispositions et, Statuant à nouveau :

* constater que Monsieur n. BA. soutient que les travaux préconisés par l'expert BENICHOU et pour lesquels les consorts VE. ont été condamnés ne sont pas de nature à lui permettre la poursuite de son projet,

* constater que les consorts VE. ont parfaitement connaissance de la position de Monsieur BA. depuis 2011,

* constater que la Cour de Révision a confirmé le jugement rendu le 20 février 2014 qui, dans les mêmes circonstances, a considéré que les bailleurs ne pouvaient pas se prévaloir de la clause résolutoire,

* constater que le commandement a été délivré le jour où le jugement en date du 16 juin 2016 a été rendu et alors même que ledit jugement n'est pas revêtu de l'exécution provisoire,

* dire que dès lors que Monsieur BA. a saisi la Cour d'appel en suite du jugement intervenu le 16 juin 2016, le Juge des référés n'est pas compétent pour ordonner une mesure qui aurait nécessairement des conséquences irréversibles et qui, en ce sens, préjudicierait au principal,

* dire qu'il n'entre pas dans les compétences du juge des référés d'apprécier le bien-fondé des demandes de Monsieur BA. dans le cadre de la procédure d'appel du jugement du 16 juin 2016 pour en déduire l'absence de contestation sérieuse,

En conséquence,

* dire qu'il existe une contestation plus que sérieuse faisant obstacle au jeu de la clause résolutoire, dès lors que c'est avec une parfaite mauvaise foi qu'il a été délivré un commandement alors même que les locaux sont inexploitables, que les travaux envisagés sont inopérants et qu'une procédure au fond en désignation d'expert est en cours,

* dire que Monsieur BA. n'a commis aucun abus de droit dès lors qu'il soutient que les bailleurs ne sauraient se prévaloir de la clause résolutoire,

* dire qu'il n'y a pas lieu à référé,

* renvoyer les consorts VE. à mieux se pourvoir, en tant que de besoin,

* dire que les consorts VE. ne sauraient se prévaloir de la mise en œuvre de la clause résolutoire dès lors qu'ils agissent de parfaite mauvaise foi,

* dire qu'il n'existe aucune urgence à ordonner l'expulsion de Monsieur BA. dès lors que les travaux mis à la charge des consorts VE. n'ont pas été réalisés,

* dire recevable Monsieur BA. en ses demandes dès lors que l'arrêt rendu par la Cour de Révision en date du 29 octobre 2015 a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la Cour d'appel en date du 7 avril 2015 si bien que les consorts VE. ne sauraient se prévaloir du principe de l'autorité de la chose jugée,

* en conséquence débouter les consorts VE. de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

* condamner les consorts VE. au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de Monsieur BA. à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* condamner les intimés aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ».

Suivant arrêt en date du 13 juin 2017, la Cour d'appel recevant n. BA. en son appel, a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 février 2017 par le juge des référés et a condamné l'appelant aux entiers dépens de première instance et d'appel, retenant en substance que :

* la compétence du juge des référés ressort d'une clause attributive de compétence convenue par les parties au contrat de bail, sans que les critères requis par les dispositions de l'article 414 du Code de procédure civile ne soient requis,

* le commandement visant la clause résolutoire, valablement délivré, est demeuré infructueux, sans mauvaise foi démontrée des bailleurs dans la mise en œuvre de la clause résolutoire stipulée au bail, justifiant du constat de la résiliation de plein droit du bail et du prononcé de l'expulsion du preneur.

Suivant exploit en date du 11 août 2017, Madame t. BU.-BA. épouse séparée de biens de Monsieur n. BA. a fait assigner Messieurs j-m. et p. VE. en tierce-opposition devant la Cour d'appel à l'effet de :

* voir dire et juger qu'elle est co-titulaire du droit au bail conformément à l'acte de cession du 1er août 2008, accessoirement co-indivisaire de ce droit au bail en l'état de la conversion du régime matrimonial des époux en séparation de biens,

* voir en conséquence rétracter la décision rendue le 13 juin 2017 et dire et juger que le commandement de payer du 16 juin 2016 est dépourvu d'effets pour ne lui avoir pas été délivré,

* infirmer en toutes ses dispositions la décision du juge des référés du 15 février 2017 et débouter les consorts VE. de l'intégralité de leurs prétentions en disant n'y avoir lieu à référé.

Au soutien de ce recours en tierce-opposition, Madame t. BU.-BA. expose pour l'essentiel qu'elle n'était ni présente, ni représentée, lors de la procédure devant la Cour d'appel et que le commandement objet du litige délivré au seul Monsieur BA. était dépourvu de toute efficacité juridique en ce qui concerne la mise en œuvre de la clause résolutoire à défaut d'avoir été délivré à chacun des deux époux.

Elle expose à cet égard que l'acte du 1er août 2008 la mentionne comme co-titulaire du bail et en déduit la nécessité pour le propriétaire de lui délivrer également le commandement de payer visant la clause résolutoire afin de mettre en œuvre utilement la procédure d'expulsion.

Par écritures en date des 28 novembre 2017 et 20 février 2018, j-m. et p. VE. intimés, ont conclu :

* in limine litis, au visa des dispositions des articles 259 à 261 du Code de procédure civile, aux fins de voir ordonner que Madame t. BU.-BA. fournisse caution à hauteur de 20.000 euros au regard des frais et dommages-intérêts résultant du procès auxquels elle pourrait être condamnée,

* subsidiairement au débouté des fins de sa tierce-opposition,

* à titre infiniment subsidiaire à l'irrecevabilité de sa tierce opposition, tout en sollicitant à titre reconventionnel sa condamnation au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de leurs écritures, ils contestent avoir fait une présentation fallacieuse de la situation aux juridictions saisies, soutenant que Monsieur BA. lui-même s'est constamment présenté, dans le cadre des diverses procédures, dont il est lui-même à l'initiative, comme seul acquéreur et titulaire du bail.

Ils objectent pour le surplus que Madame BU. BA.:

* n'apparait nullement comme acquéreur des éléments du fonds cédé, parmi lesquels figure le droit au bail y figurant seulement comme épouse commune en biens de l'acquéreur, ce qui ne saurait lui conférer la qualité de co-titulaire du bail,

* ne justifie pas de la communauté de biens qui aurait existé au jour de l'acquisition des éléments du fonds par son époux,

* ne pouvait en aucun cas se porter elle-même acquéreur des éléments du fonds cédé, dont la cession était subordonnée à peine de nullité, à l'autorisation du juge commissaire ainsi qu'à l'homologation du Tribunal de première instance, en vertu des dispositions de l'article 538 du Code de commerce, respectivement consenties le 25 février 2008 et le 12 juin 2008 au seul profit de Monsieur BA. qui s'est d'ailleurs trouvé ensuite seul immatriculé comme commerçant au registre du commerce et de l'industrie pour l'exploitation des locaux sis 9, rue Grimaldi et 9, rue de la Turbie et avait seul vocation à exploiter un fonds dans lesdits locaux,

* ne pouvait davantage se prévaloir d'un droit éventuel en renouvellement dudit bail en application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948, alors que celui-ci expirait le 30 juin 2013 et n'a jamais fait l'objet d'un renouvellement par écrit en l'état du litige opposant Monsieur BA. aux consorts VE.

* ne pourrait le cas échéant que prétendre, au regard du statut d'épouse commune en biens qu'elle invoque, à la revendication en valeur du droit au bail à l'encontre de son seul époux en cas de dissolution éventuelle de leur régime matrimonial,

Ils ajoutent :

* qu'aucune disposition légale monégasque ne confère à l'épouse de co-titularité sur le bail dont le droit a été acquis par son époux et que même les dispositions de l'article 1751 du Code civil Français limitent cette mesure au bail du local sans caractère professionnel ni commercial et servant effectivement à l'habitation des époux,

* que, bien que revendiquant la co-titularité du bail, Madame BU.-BA. se désintéresse de toute obligation y afférentes, n'ayant notamment jamais manifesté l'intention de payer l'arriéré de loyers, dont le statut dont elle se prévaut la rendrait nécessairement codébitrice solidaire de la somme de 195.117,21 euros,

* ils soutiennent encore l'irrecevabilité de la tierce opposition formulée par un tiers représenté à la décision attaquée, en se prévalant des dispositions de l'article 1250 du Code civil, prévoyant la faculté pour chacun des époux d'administrer les biens communs, sauf à répondre des fautes commises dans sa gestion, rendant les actes accomplis sans fraude par l'un opposable à l'autre,

* ils invoquent enfin le caractère manifestement abusif de la tierce opposition qui s'inscrit selon eux dans la stratégie globale d'épuisement procédural mise en œuvre par Monsieur BA. à l'égard de ses ex-bailleurs.

Par conclusions en réplique déposées le 16 janvier 2018, Madame t. BU.-BA. ne faisant valoir aucun moyen en défense sur la demande de versement d'une caution judiciaire formulée par les intimés a réitéré le bénéfice des moyens développés dans son assignation en tierce-opposition devant la Cour d'appel.

Elle affirme à nouveau sa qualité de co-titulaire du bail commercial au regard des stipulations précises de l'acte de cession du 1er août 2008 et soutient que les intimés ne peuvent arguer du non-paiement des loyers qu'ils n'ont pas appelés ni commandés à son endroit.

Par arrêt rendu le 17 avril 2018, la Cour d'appel, faisant droit à l'exception soulevée in limine litis, a :

* enjoint à Madame t. BU.-BA. de verser à titre de caution la somme de 5.000 euros à la caisse des dépôts et consignations avant le 1er juin 2018,

* renvoyé la cause et les parties à l'audience du 19 juin 2018 à 9 heures pour l'instauration d'un calendrier de procédure au fond,

* réservé les dépens en fin d'instance.

Par récépissé en date du 29 mai 2018, il est justifié de la consignation auprès de la caisse des dépôts et consignations de la caution judiciaire fixée par l'arrêt en date du 17 avril 2018.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la tierce opposition

Attendu que conformément aux dispositions de l'article 436 du Code de procédure civile, toute personne peut former tierce opposition à un jugement ou à un arrêt qui préjudicie à ses droits et lors duquel, ni elle, ni ceux qu'elle représente n'auront été appelés ;

Que l'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique et ne l'autorise à invoquer que les moyens qu'il aurait pu présenter s'il était intervenu à l'instance avant que la décision ne fût rendue ;

Attendu qu'en l'espèce, pour justifier de son intérêt à agir, Madame BU.-BA. prétend qu'elle n'était ni présente ni représentée lors de la procédure devant la Cour d'appel et que l'arrêt rendu le 13 juin 2017 préjudicie à ses droits en ce qu'elle est co-titulaire du droit au bail, ce dernier ayant été acheté par les époux mariés sous le régime de la communauté légale, converti depuis en séparation de biens, ce qui porte les effets d'une indivision existant entre les époux preneurs ;

Attendu que les consorts VE. concluent pour leur part au débouté de la tierce opposition formulée, faute pour Madame BU. d'être co-titulaire du bail et de rapporter la preuve de la communauté de biens qui aurait existé au jour de l'acquisition des éléments du fonds, et très subsidiairement à son irrecevabilité, au motif de la représentation de l'intéressée par son mari commun en biens, tel que prévu par les dispositions de l'article 1250 du Code civil ;

Qu'en tout état de cause, il ressort de l'acte portant réitération de cession d'éléments de fonds de commerce, dressé le 1er août 2008 par devant Maître AUREGLIA, notaire à Monaco, que l'acte est passé entre Monsieur H. T. D. et Madame H. T. D. son épouse, représentée par Monsieur Christian BOISSON, syndic liquidateur judiciaire, cédants, et :

« Monsieur n. BA. commerçant, domicilié et demeurant à Monaco ... époux de Madame t BU. de nationalité bulgare, né à X1(Bulgarie) le 30 mai 1973.

Marié avec Madame BU. sous un régime de communauté de biens, régime légal bulgare, à défaut de contrat de mariage préalable à leur union célébrée à X1(Bulgarie) le 28 janvier 2001.

Ladite acquisition étant faite pour le compte de la communauté de biens existant entre Monsieur et Madame BA.

Madame BA. née BU. demeurant même adresse que son époux, à Monaco, de nationalité bulgare, née à X1(Bulgarie) le 24 juillet 1973, ici présente et intervenante ;

Ci-après dénommé sous le vocable le cessionnaire  ».

Qu'il s'évince clairement des termes de cet acte que Madame t. BU. ne peut se prévaloir de la qualité de co-titulaire du droit au bail des locaux dont s'agit, seul son mari y étant mentionné comme cessionnaire ;

Que la simple indication de l'identité de cette dernière, complétant en cela l'état civil de son époux et son statut marital, ne lui procure aucun droit de co-titularité comme elle le prétend à tort, étant encore relevé que l'examen attentif des termes employés révèle que le vocable « cessionnaire » figure dans l'acte dont s'agit au singulier, contrairement à celui de « cédants » ;

Qu'il convient également de relever qu'aux termes du jugement rendu le 12 juin 2008, annexée après mention à l'acte dressé le 1er août 2008, le Tribunal de première instance de Monaco a homologué la cession soumise à l'autorisation préalable du juge commissaire (page 7 de l'acte) mentionnant expressément que « par ordonnance en date du 25 février 2008, le juge commissaire a autorisé la cession de gré à gré du fonds de commerce ... à n. BA. » ;

Que par ailleurs, force est de constater que la qualité de co-indivisaire découlant de cette acquisition, dont elle entend se prévaloir, résulte des seules déclarations des parties portées à l'acte ;

Que si Madame t. BU. produit aux débats une pièce intitulée « certificat relatif au régime matrimonial et à sa conversion en régime de la séparation de biens » (pièce n° 5) et trois autres réunies sous l'appellation « certificat de régime matrimonial traduit et apostillé » (pièces 6.1, 6.2 et 6.3), force est de constater que ces documents concernent le régime matrimonial de l'intéressée à la date du 27 octobre 2014 et pour la période du 1er octobre 2009 au 7 août 2017, soit dans les deux cas postérieurement à l'établissement de l'acte de réitération de cession du 1er août 2008, lequel est au demeurant à ces dates le régime légal de « séparation de bien » ;

Que Madame t. BU. ne verse aux débats aucun document officiel attestant de la réalité du régime de communauté de biens dont les parties ont fait état dans l'acte précité, notamment leur acte de mariage ;

Que bien plus, le certificat (pièce n° 5) et l'attestation (pièce n° 6) dont elle se prévaut ne mentionnent aucun changement de régime matrimonial se contentant d'attester de la situation de cette dernière à une date ou pour une période donnée ;

Qu'il n'est pas davantage démontré que le « régime légal bulgare » serait le régime de communauté de biens, alors que l'attestation produite en pièce 6-1 mentionne que le régime matrimonial de l'intéressée pour la période du 1er octobre 2009 au 7 août 2017 est le « régime légal de séparation de bien » ;

Qu'enfin, à supposer que les époux aient été soumis à un régime matrimonial de communauté de biens au moment de l'établissement de l'acte portant réitération de cession du 1er août 2008, Madame t. BU. ne s'explique pas sur le sort qui aurait été donné au bien litigieux à l'occasion du changement de régime matrimonial qu'elle évoque, qui a nécessairement pris en compte l'ensemble de leurs actifs à cette date ;

Attendu qu'en l'absence de tout élément probant à cet égard, la Cour ne peut que constater que Madame t. BU. ne justifie pas davantage de la qualité de co-indivisaire dont elle se prévaut au titre de la cession d'éléments de fonds de commerce intervenue le 1er août 2008 ;

Que faute de justifier de sa qualité de co-titulaire comme de co-indivisaire du droit au bail, Madame t. BU. ne peut valablement prétendre que l'arrêt qu'elle critique préjudicie à ses droits, de sorte qu'elle ne démontre pas son intérêt à agir en tierce opposition contre l'arrêt rendu le 13 juin 2017 ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Attendu que j-m. et p. VE. sollicitent à titre reconventionnel la condamnation de Madame t. BU. au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, soutenant que la tierce opposition formulée s'inscrit dans une stratégie globale d'épuisement procédural mise en œuvre par Monsieur BA. à l'égard de ses ex-bailleurs ;

Attendu que l'action en justice représente l'exercice d'un droit ;

Que l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits, n'est pas en soi, constitutive d'un abus, sauf démonstration non rapportée au cas d'espèce, d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol ;

Qu'en effet, Madame t. BU. en formant tierce opposition exerce un droit qui lui est propre, distinct de ceux dont est titulaire son époux, Monsieur n. BA. quand bien même celui-ci aurait déjà épuisé l'ensemble des voies de recours qui lui étaient offertes ;

Que la demande présentée à ce titre sera donc rejetée ;

Sur les dépens

Attendu que les dépens de la procédure seront à la charge de Madame t. BU. partie succombante ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare Madame t. BU. irrecevable en sa tierce opposition à l'encontre de l'arrêt prononcé par la Cour d'appel le 13 juin 2017,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par j-m. VE. et p. VE.

Condamne Madame t. BU. aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistées de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 22 JANVIER 2019, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Madame Sylvie PETIT-LECLAIR, Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 17624
Date de la décision : 22/01/2019

Analyses

Conformément aux dispositions de l'article 436 du Code de procédure civile, toute personne peut former tierce opposition à un jugement ou à un arrêt qui préjudicie à ses droits et lors duquel, ni elle, ni ceux qu'elle représente, n'auront été appelés.L'effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés qu'elle critique et ne l'autorise à invoquer que les moyens qu'il aurait pu présenter s'il était intervenu à l'instance avant que la décision ne fût rendue.En l'espèce, en l'absence de tout élément probant, la Cour ne peut que constater que l'appelante ne justifie pas de la qualité de co-titulaire ni de celle de co-indivisaire du droit au bail. Dès lors, elle ne peut valablement prétendre que l'arrêt qu'elle critique préjudicie à ses droits. Partant, elle ne démontre pas son intérêt à agir en tierce-opposition contre cet arrêt.L'action en justice représente l'exercice d'un droit. L'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soit constitutive d'un abus, sauf démonstration d'une intention de nuire, d'une malveillance ou d'une erreur équipollente au dol. En formant tierce-opposition, l'appelante a exercé un droit qui lui est propre, distinct de ceux dont est titulaire son époux, quand bien même celui-ci aurait déjà épuisé l'ensemble des voies de recours qui lui étaient offertes.

Procédure civile.

Tierce-opposition - Recevabilité - Intérêt à agir (non)Procédure abusive pour recours en tierce-opposition (non).


Parties
Demandeurs : Madame t. BU.-BA. née BU.
Défendeurs : Monsieur j-m.VE. et Monsieur p.VE.

Références :

article 1250 du Code civil
articles 259 à 261 du Code de procédure civile
loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 436 du Code de procédure civile
article 414 du Code de procédure civile
article 538 du Code de commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2019-01-22;17624 ?

Source

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