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29/09/2017 | MONACO | N°16347

Monaco | Cour d'appel, 29 septembre 2017, La SAM Société Générale d'Hôtellerie (SOGETEL) MONTE CARLO BAY c/ Monsieur j-f. LO.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017

En la cause de :

- La SAM Société Générale d'Hôtellerie (SOGETEL) MONTE CARLO BAY, dont le siège social se situe 38/40 avenue Princesse Grace à Monaco, immatriculée au répertoire du commerce et de l'industrie de Monaco sous le n° 99S03577, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, demeurant ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Amandine

VETU, avocat au Barreau de Paris ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Monsieur j-f. LO., demeurant X1, ...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2017

En la cause de :

- La SAM Société Générale d'Hôtellerie (SOGETEL) MONTE CARLO BAY, dont le siège social se situe 38/40 avenue Princesse Grace à Monaco, immatriculée au répertoire du commerce et de l'industrie de Monaco sous le n° 99S03577, agissant poursuites et diligences de son Président délégué en exercice, demeurant ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Amandine VETU, avocat au Barreau de Paris ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Monsieur j-f. LO., demeurant X1, 06320 La Turbie ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Aurélie SOUSTELLE, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 14 juillet 2016 ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 13 octobre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000054) ;

Vu les conclusions déposées les 24 janvier 2017, 25 avril 2017 et 27 juin 2017 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de j-f. LO. ;

Vu les conclusions déposées les 7 mars 2017 et 30 mai 2017 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de la SAM SOCIETE GENERALE D'HOTELLERIE (SOGETEL) MONTE CARLO BAY ;

À l'audience du 11 juillet 2017, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM SOCIETE GENERALE D'HOTELLERIE (SOGETEL) MONTE CARLO BAY à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 14 juillet 2016.

Considérant les faits suivants :

M. LO. a été embauché le 1er septembre 2005 par la SAM SOGETEL MONTE CARLO BAY (la société SOGETEL) qui exploite l'hôtel MONTE-CARLO BAY à Monaco, en qualité d'agent de sûreté jour/nuit, sa qualification devenant celle d'agent de sécurité IGH1 tournant jour/nuit à compter du 1er juillet 2010.

Par courrier du 2 octobre 2012, la société SOGETEL lui a notifié une mise à pied conservatoire à compter du 1er octobre 2012 puis elle l'a licencié pour « faute professionnelle grave et perte de confiance » par courrier du 5 octobre 2012 libellé ainsi :

« Comme suite à l'entretien que nous avons eu ce jour 5 octobre 2012 en présence du délégué du personnel titulaire, Jean-Pierre ME., de Vincent WA., Directeur Général Adjoint, de Bruno Di MA., votre Chef de Service et de Luigi MU. Responsable des Ressources Humaines et suite aux faits qui vous sont reprochés, nous sommes au regret de vous signifier votre licenciement pour faute professionnelle grave et perte de confiance. En effet, le 1er octobre 2012, vers 7h30, le Responsable en service, qui était Luigi MU., a été appelé pour valider une intervention du service technique sur une serrure défaillante de la réserve H R 1052 située au 10e étage. Cette intervention s'est avérée urgente car vous étiez resté enfermé dans cette réserve. Le service technique a réussi à vous libérer vers 9h30.

Selon vos dires vous avez décidé vers 5 heures du matin, de prévenir votre collègue Eric AL. que vous alliez vous reposer car vous ne vous sentiez pas bien, votre collègue vous a alors conseillé d'aller soit sur le lagon soit sur le porche d'entrée pour prendre l'air. De votre propre initiative, et sans prévenir votre collègue, vous avez choisi une réserve du 10e étage dans laquelle vous vous êtes enfermé à clef pour, selon vos dires, vous allonger sur des coussins pour vous reposer. Pour mémoire nous avons dans cette réserve des lits d'appoint déjà prêts. Comme vous le savez nous avons une infirmerie au sein de l'hôtel et rien ne vous empêchait de vous y rendre pour vous reposer un instant, il suffisait de prévenir le Responsable de nuit.

Vers 6h45 votre collègue ne vous voyant pas revenir vous a appelé sur votre DECT, et vous l'avez informé que le service technique était en train d'essayer de vous libérer. Le service technique n'ayant pu parvenir à réparer la serrure pour vous libérer a dû faire appel au Responsable en service pour autoriser le percement de la serrure. Le service technique a dû batailler deux heures avec le percement de la serrure pour vous libérer.

Après nous être assuré que vous alliez bien, nous vous avons entendu en présence d'un de vos Responsables, Douglas RO. et vous nous avez confirmé les faits.

Au vu de ces éléments extrêmement graves pour votre personne et pour la société et la perte de confiance qui s'est instaurée, nous ne pouvons plus poursuivre nos relations contractuelles. C'est pourquoi nous sommes dans l'obligation de vous signifier votre licenciement pour faute professionnelle grave.

Votre préavis, que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera réglé, prend effet le 1er octobre 2012 et s'achèvera le 30 novembre 2012. Vous percevrez également votre indemnité de congédiement.

Vous voudrez bien vous présenter au Bureau des Ressources Humaines à compter du 15 octobre 2012 pour y retirer votre solde de tout compte, certificat de travail et attestation ASSEDIC ».

M. LO. a saisi le Tribunal du Travail par requête du 7 mai 2013 en contestation de son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Par jugement du 14 juillet 2016, le Tribunal a :

* débouté M. LO. de ses demandes de rappel de salaires ;

* enjoint à la société SOGETEL de lui délivrer une attestation Pôle Emploi corrigée mentionnant une date de sortie du personnel au 8 décembre 2012, sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard dans le délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision ;

* condamné la société SOGETEL à verser à M. LO. la somme de 89,17 euros à titre d'indemnité complémentaire de préavis outre celle de 8,91 euros au titre des congés payés afférents ;

* dit que ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 ;

* dit que le licenciement de M. LO. ne repose pas sur un motif valable ;

* condamné la société SOGETEL à payer à ce dernier 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

* dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire ;

* condamné la société SOGETEL aux dépens.

La société SOGETEL a relevé appel partiel le 13 octobre 2016 et M. LO. a relevé appel partiel incident.

Aux termes de son exploit d'appel et assignation ainsi que de ses conclusions du 7 mars et du 30 mai 2017, la société SOGETEL demande à la Cour de :

* réformer le jugement du Tribunal du Travail du 4 juillet 2016 en ce qu'il a :

* enjoint à la concluante, sous astreinte provisoire, de délivrer à M. LO. une attestation Pôle emploi modifiée,

* condamné la concluante à verser à M. LO. l'indemnité complémentaire de préavis et les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal,

* dit que le licenciement de M. LO. ne reposait pas sur un motif valable,

* condamné la concluante à verser à ce dernier 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* condamné la concluante aux dépens ;

* confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. LO. de sa demande de rappel de salaires ;

* réduire à tout le moins le montant du rappel de salaires dont il sollicite le paiement ;

* condamner M. LO. aux dépens distraits au profit de Maître LAVAGNA, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

Elle fait essentiellement valoir que :

Sur la date de rupture du contrat de travail et sur l'indemnité de préavis :

* le préavis a commencé à courir le jour de la présentation de la lettre de licenciement, le 8 octobre 2012 et non, comme l'ont décidé les premiers juges, le lendemain, et pris fin le 7 décembre suivant ;

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires :

* en vertu du régime d'équivalence fixé par l'arrêté ministériel n°60-004 du 6 janvier 1960, pris en application de l'ordonnance-loi du 2 décembre 1959, les heures supplémentaires éventuellement réalisées par M. LO. ne pouvaient être décomptées qu'à compter de la 50e heure travaillée ;

* il importe peu que le contrat de travail ne fasse pas référence au régime d'équivalence ou que les bulletins de paie mentionnent une durée de 169 heures mensuelles car le régime d'équivalence s'applique de droit ;

* les salariés bien qu'engagés sur la base de 39 heures hebdomadaires peuvent, du fait de périodes d'inaction, être présents dans l'entreprise pendant 49 heures et de ce fait les heures supplémentaires ne sont décomptées qu'à partir de la 49e heure ;

* de plus, en application de l'article 8 de l'ordonnance-loi du 2 décembre 1959, les heures supplémentaires doivent être décomptées par semaine civile, c'est-à-dire du lundi 0 heures au dimanche 24 heures ;

* par exemple, le calcul de M. LO. pour la semaine allant du lundi 23 au dimanche 29 juin 2008 fait apparaître qu'il n'a réalisé que 41 heures de travail, et, à supposer que des heures supplémentaires lui soient dues, il ne peut donc revendiquer le paiement que de deux heures majorées de 25% ;

* ses calculs se fondent en outre sur des plannings non définitifs qui ne tiennent pas compte de certaines de ses absences ;

* tel est le cas des semaines du 11 au 17 mai 2009, du 18 au 24 janvier 2010, du 8 au 14 février 2010, du 21 au 27 mars 2011 et du 1er au 7 août 2011 ;

* il ne peut, en tout état de cause, prétendre à aucune somme au titre des heures supplémentaires prétendument réalisées au cours de ces semaines ;

* sans reprendre cette demande dans le dispositif de ses conclusions, M. LO. prétend obtenir le paiement de 4.799,58 euros au titre « d'heures non planifiées », correspondant à des heures non réalisées certaines semaines au cours desquelles il a travaillé moins de 39 heures ;

* mais cette demande est fantaisiste car, qu'il ait travaillé 39 heures ou moins par semaine, il a été rémunéré sur la base de 169 heures mensuelles, que ces heures ait été ou non travaillées ;

* il ne peut donc être rémunéré une seconde fois pour des heures non réalisées ;

Sur le licenciement

Sur la validité du motif :

* le 1er octobre 2012, à 5 heures du matin, en plein milieu de son service, M. LO. s'est enfermé à clé intentionnellement pendant une heure dans une réserve isolée du 10e étage de l'hôtel qui dispose de lits d'appoint préparés en vue de leur mise à disposition de la clientèle, sans prévenir son collègue ni sa hiérarchie ;

* un tel comportement est irresponsable et en contradiction avec les principes qui doivent être respectés par les équipes dédiées à la sécurité de l'hôtel ;

* le licenciement reposait donc sur un motif valable, contrairement à ce que le Tribunal a jugé à tort ;

Sur l'abus :

* le salarié a été entendu à 9h20 le 1er octobre 2012, lorsqu'il a quitté la réserve, en présence de l'assistant responsable sûreté-sécurité ;

* il a été mis à pied verbalement le même jour à 19h, ce qui a permis une enquête complémentaire de la part de la concluante ;

* cette mise à pied lui a été confirmée par écrit dès le lendemain ;

* il a été une nouvelle fois entendu le 5 octobre 2012 en présence d'un Délégué du personnel, du Directeur Général Adjoint, du Chef de Service et du Responsable des Ressources Humaines, alors que la loi monégasque n'impose pas la tenue d'un entretien préalable ;

* son licenciement lui a été notifié par courrier du même jour détaillant les faits reprochés ;

* ses indemnités de rupture et de préavis lui ont été versées ;

* la décision de licencier M. LO. n'a donc pas été prise à la légère ou de manière brutale ;

* aucun abus n'est caractérisé ;

* en toute hypothèse la somme de 30.000 euros doit être réduite.

Aux termes de ses conclusions du 24 janvier, 25 avril et 27 juin 2017, M. LO. demande à la Cour de :

* confirmer le jugement en ce qu'il a :

* enjoint à la société SOGETEL de délivrer au concluant, sous astreinte provisoire, une attestation Pôle emploi corrigée ;

* condamné la société SOGETEL à verser au concluant une indemnité de préavis complémentaire, avec intérêts au taux légal ;

* dit que le licenciement du concluant ne reposait pas sur un motif valable ;

* condamné la société SOGETEL aux dépens ;

* infirmer le jugement en ce qu'il a :

* débouté le concluant de sa demande de rappel de salaire ;

* ordonné le versement d'une somme de 87,17 euros à titre de complément d'indemnité de préavis, outre 8,91 euros au titre des congés payés y afférents ;

* condamné la société SOGETEL au paiement d'une somme de 30.000 euros au titre des dommages et intérêts.

Statuant à nouveau :

* condamner la société SOGETEL à lui payer la somme de 6.295,70 euros à titre de rappel de salaires et 629,57 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

* condamner la société SOGETEL à lui payer 579,12 euros au titre du complément de l'indemnité de préavis, outre 57,91 euros au titre des congés payés afférents ;

* condamner la société SOGETEL au paiement de 3.739,69 euros au titre de l'indemnité de licenciement et ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

* condamner la société SOGETEL au paiement de la somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

* condamner la société SOGETEL aux dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Il soutient en substance que :

Sur la date de rupture du contrat de travail, sur l'indemnité de préavis et sur l'indemnité de congédiement :

* la lettre de licenciement ayant été reçue le 8 octobre 2012, le préavis, qui a commencé à courir à cette date en application de l'article 9 de la loi du 16 mars 1963, s'est achevé le 8 décembre 2012 ;

* le certificat de travail qui mentionne le 7 décembre comme date de fin de contrat doit donc être modifié ;

* des indemnités de préavis (579,12 euros et 57,91 euros) et de congédiement (69,53 euros) complémentaires doivent être versées au concluant, étant précisé que le fait que la société SOGETEL lui ait adressé un chèque de 489,95 euros, qui n'a pas été encaissé, ne permet pas de considérer que les sommes à régler au titre de l'indemnité complémentaire et des congés payés afférents ne sont que de 89,17 euros et de 8,91 euros ;

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires :

* le concluant n'a pas travaillé sous le régime de l'équivalence et l'employeur ne justifie pas de périodes d'inaction ;

* il n'applique le régime des équivalences à aucun de ses salariés ;

* dès lors que le concluant a été embauché pour une durée de 39 heures et non de 50 heures de travail, les heures supplémentaires doivent être décomptées dès la 40e heure et non à partir de la 51e ;

* des heures supplémentaires lui sont dues pour la période comprise entre le 1er mai 2008 au 30 novembre 2012 ;

* il n'a pas formé de demande de rappel de salaire pour des heures « non planifiées » ;

* les plannings produits et modifiés par l'employeur, auquel ce dernier se réfère s'agissant des cinq semaines contestées, ne sont pas contresignés par le concluant ;

* celui du mois de mai 2009 produit par la société SOGETEL a été mis à jour le 8 avril 2009 tandis que celui produit par le concluant l'a été postérieurement au 24 avril 2009 et ne comporte pas de mention manuscrite de l'employeur ;

* la production de ce dernier n'est pas de nature à remettre en cause la somme due au concluant ;

Sur le licenciement

Sur la validité du motif :

* la salle de repos n'étant accessible que de 10 h à 20 h et donc pas pour le personnel de nuit, le concluant est allé se reposer quelques instant dans la réserve où il restait joignable par téléphone et où il est resté bloqué en raison de la défaillance de la serrure ;

* cet incident n'a pu entraîner une perte de confiance de l'employeur alors qu'au cours de sept années de service le concluant n'a reçu aucune sanction ;

* le motif invoqué n'a été qu'un prétexte qui ne peut rendre valable le licenciement ;

* à supposer que les faits soient allégués soient avérés, la sanction qui a été infligée est disproportionnée et ne pouvait fonder le licenciement ;

* l'indemnité de licenciement lui est due, déduction faite de l'indemnité de congédiement ;

* le concluant a été brutalement écarté par une mise à pied conservatoire injustifiée ;

* la différence entre les indemnités versées par Pôle emploi et le salaire qu'il aurait dû percevoir s'il était resté chez la société SOGETEL s'élève à 35.315,67 euros ;

* il est fondé à obtenir la somme de 40.000 euros.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les appels, principal et incident, régulièrement formés dans les conditions de fond et de forme prévues par le Code de procédure civile, doivent être déclarés recevables ;

Sur la date de rupture du contrat de travail, sur l'indemnité de préavis et sur l'indemnité de congédiement

Attendu que l'article 9 de la loi n°729 du 16 mars 1963 dispose que la date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai de préavis ;

Que, selon l'article 7, la durée du délai-congé est de deux mois si l'ancienneté du salarié au service d'un même employeur est supérieure à deux années ininterrompues ;

Qu'aux termes de l'article 970, alinéa 2, du Code de procédure civile les délais de procédure fixés par mois seront comptés de quantième à quantième ;

Attendu qu'en l'espèce, il est constant que la lettre de licenciement, envoyée en recommandée, a été présentée à M. LO. le 8 octobre 2012, date à laquelle le délai de préavis de deux mois, puisque le salarié avait à cette date une ancienneté supérieure de deux années ininterrompues au service de la société SOGETEL, a commencé à courir ;

Que ce délai s'est donc achevé le 8 décembre 2012 ;

Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a enjoint à la société SOGETEL de délivrer à M. LO., sous astreinte provisoire, une attestation Pôle emploi corrigée mentionnant une date de sortie du personnel au 8 décembre 2012 ;

Qu'il sera infirmé en revanche en ce qu'il a condamné la société SOGETEL à ne payer à M. LO. que les sommes de 89,17 euros au titre de l'indemnité de préavis complémentaire et de 8,91 euros au titre des congés payés afférents, dès lors qu'il n'y avait pas lieu de déduire la somme de 489,95 euros correspondant au montant du chèque envoyé par l'employeur au salarié, dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas été encaissé ;

Que la société SOGETEL sera donc condamnée à payer de ces chefs à M. LO. les sommes de 579,12 euros et de 57,91 euros ;

Qu'ajoutant au jugement, la société SOGETEL sera également condamnée à payer à M. LO. la somme de 69,53 euros au titre d'indemnité de congédiement complémentaire ;

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires

Attendu que les premiers juges ont omis de statuer sur cette demande ;

Attendu que, selon l'article 8 de l'ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail, les heures effectuées au-delà d'une durée de travail de trente-neuf heures par semaine, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à majoration minimale de 25% pour les huit premières heures et de 50% pour les suivantes ;

Que l'article 1er de l'arrêté ministériel n°60-004 du 6 janvier 1960 fixant le régime des équivalences en matière de durée du travail dispose que sont considérés comme équivalents à une durée de travail effectif de quarante heures par semaine, les temps de cinquante heures pour le personnel occupé à des opérations de gardiennage, de surveillance ou de service incendie ;

Attendu qu'il se déduit de ces dispositions que, d'une part, l'employeur doit décompter les heures de travail par semaine, et, d'autre part, que le régime des équivalences n'est applicable qu'aux heures effectuées par le personnel de gardiennage, de surveillance ou de service incendie que si celles-ci ne correspondent pas à un travail effectif ;

Attendu qu'au cas particulier, il ne ressort pas des plannings produits par les parties que M. LO. ait travaillé sous le régime de l'équivalence puisqu'il apparaît que l'employeur opérait une modulation des heures travaillées sur le mois sur une base contractuelle de 169 heures, et non de 39 heures par semaine ;

Qu'au surplus, la société appelante n'établit pas l'inexistence d'un travail effectif de la part du salarié alors que celui-ci démontre, à l'inverse, qu'il exerçait ses fonctions de surveillance en continu comme le corroborent la note interne du 4 novembre 2006 qui détaille les nombreuses tâches qui doivent être accomplies par les agents de sureté, et les rapports établis par les différents agents de sûreté qui mentionnent leurs nombreuses diligences ;

Qu'il s'ensuit que les heures supplémentaires travaillées par M. LO. devaient être décomptées, par semaine, au-delà de la 39e heure travaillée, et non de la 50e heure ;

Attendu qu'au vu :

* des plannings et des bulletins de salaires produits par les parties ;

* du décompte, semaine par semaine, exposé par M. LO. dans ses conclusions du 27 juin 2017 (p.10 à 12), établi en conformité avec la jurisprudence de la Cour relative à la non-application de l'article 12 de la convention collective des hôtels, restaurants et débits de boisson du 1er juillet 1968 ;

* de la juste observation de la société SOGETEL relative à la semaine du 23 au 29 juin 2008, dont les heures retenues par M. LO. ne correspondent pas à la semaine civile, qui est applicable à d'autres semaines au cours desquelles le salarié a travaillé de 19 heures le dimanche soir au lundi à 7 heures ;

* de l'arrêt de travail de M. LO. du 23 au 24 janvier 2010, produit par la société SOGETEL, qui n'a pas été pris en compte par le salarié ;

il apparaît que la société SOGETEL est redevable des sommes de 5.775,28 euros au titre des heures supplémentaires impayées du 1er mai 2008 au 30 novembre 2012, et de 577,52 euros au titre des congés payés afférents au paiement desquelles la société SOGETEL sera condamnée, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013 ;

Sur le motif du licenciement,

Attendu qu'il résulte des attestations de M. AL. avec lequel M. LO. a été en service du 30 septembre 2012, à partir de 19 heures, jusqu'au 1er octobre 2012, 7 heures, et de M. BA., chef d'équipe sécurité incendie, ainsi que du rapport d'évènement établi le 1er octobre 2012 par M. RO., assistant direction de la sécurité, que, le même jour, à 5 heures, M. LO. a indiqué à M. AL. qu'il était fatigué et qu'il allait se reposer ; que M. LO. est monté dans un local de réserve situé au 10e étage de l'hôtel, où sont entreposés des lits d'appoint, et s'y est enfermé ; qu'à 6 heures, il a téléphoné à M. BA. pour lui demander de le rejoindre au 10e étage ; qu'arrivé sur place à 6h15, M. BA. a rappelé M. LO. qui l'a informé qu'il était bloqué dans la réserve et qu'il n'arrivait pas à faire fonctionner la serrure ; qu'à 6h45, M. AL., inquiet de ne pas avoir de nouvelles de M. LO., a appelé ce dernier qui l'a informé à son tour de la situation ; que, grâce à l'intervention du service de maintenance, M. LO. a pu sortir du local à 9h20 ;

Attendu que si, comme l'admet la société SOGETEL, il n'était pas interdit à M. LO. de prendre quelques instants de repos, surtout après dix heures de service, son attitude consistant à aller s'enfermer, pendant une heure, dans un local équipé de lits d'appoint, éloigné du PC sécurité, et qui plus est sans prévenir son collègue du lieu où il se trouvait, est fautive ;

Que, pour autant, la Cour relève que la note de service précitée du 4 novembre 2016 n'organise ni la durée ni le lieu des temps de repos, pourtant nécessaires au cours d'un travail de nuit de douze heures d'affilée ; que M. LO. observe en outre à juste titre que la salle de repos n'était pas accessible aux agents de nuit et qu'il restait joignable sur son téléphone portable ; que ces éléments atténuent sensiblement la gravité de la faute qu'il a commise ;

Que, par ailleurs, comme le Tribunal, la Cour prend en compte les sept années d'ancienneté du salarié et l'absence de tout incident disciplinaire pendant cette longue période ;

Qu'au regard de ces éléments, elle juge que le licenciement décidé par la société SOGETEL est disproportionné par rapport à la faute commise et à la perte de confiance alléguée ;

Qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. LO. ne reposait pas sur un motif valable ;

Attendu que le jugement ayant omis de reprendre dans son dispositif la somme de 3.739,69 euros au paiement de laquelle il a condamné la société SOGETEL dans ses motifs (p.10) à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement, il y aura lieu d'y ajouter et de condamner la société SOGETEL à verser cette somme à M. LO. ;

Sur le caractère abusif de la rupture

Attendu qu'en observant un délai de cinq jours entre la constatation des faits et la notification du licenciement et en procédant, préalablement à la rupture du contrat de travail, à un entretien contradictoire en présence d'un délégué du personnel, l'employeur n'a pas fait preuve de précipitation ni de légèreté ;

Que, par ailleurs, il n'a pas fait état d'un motif fallacieux ni n'a agi avec l'intention de nuire au salarié ;

Attendu qu'à la lumière de ces considérations, la rupture du contrat de travail n'apparaît pas abusive, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges ;

Qu'en conséquence, M. LO. sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement du 14 juillet 2016 sauf en ce qu'il a condamné la SAM SOGETEL MONTE CARLO BAY à payer à j-f. LO. les sommes de 89,17 euros au titre de l'indemnité de préavis complémentaire et de 8,91 euros au titre des congés payés afférents, ainsi que 30.000 euros pour licenciement abusif,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Condamne la SAM SOGETEL MONTE CARLO BAY à payer à j-f. LO. les sommes de :

* 579,12 euros à titre d'indemnité de préavis complémentaire, outre 57,91 euros au titre des congés payés afférents,

* 69,53 euros au titre d'indemnité de congédiement complémentaire,

* 5.775,28 euros au titre des heures supplémentaires impayées du 1er mai 2008 au 30 novembre 2012, et 577,52 euros au titre des congés payés afférents,

* 3.739,69 euros à titre d'indemnité de licenciement, déduction faite de l'indemnité de congédiement,

ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2013, Déboute j-f. LO. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

Condamne la SAM SOGETEL MONTE CARLO BAY aux dépens distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 29 SEPTEMBRE 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur Général.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 16347
Date de la décision : 29/09/2017

Analyses

S'agissant du rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, il ne ressort pas des plannings produits par les parties que M. LO. ait travaillé sous le régime de l'équivalence puisqu'il apparaît que l'employeur opérait une modulation des heures travaillées sur le mois sur une base contractuelle de 169 heures, et non de 39 heures par semaine ; au surplus, la société appelante n'établit pas l'inexistence d'un travail effectif de la part du salarié alors que celui-ci démontre, à l'inverse, qu'il exerçait ses fonctions de surveillance en continu comme le corroborent la note interne du 4 novembre 2006 qui détaille les nombreuses tâches qui doivent être accomplies par les agents de sureté, et les rapports établis par les différents agents de sûreté qui mentionnent leurs nombreuses diligences ; il s'ensuit que les heures supplémentaires travaillées par M. LO. devaient être décomptées, par semaine, au-delà de la 39e heure travaillée, et non de la 50e heure.La Cour juge que le licenciement décidé par la société SOGETEL est disproportionné par rapport à la faute commise et à la perte de confiance alléguée. Si, comme l'admet la société SOGETEL, il n'était pas interdit à l'intimé de prendre quelques instants de repos, surtout après dix heures de service, elle considère son attitude consistant à aller s'enfermer, pendant une heure, dans un local équipé de lits d'appoint, éloigné du PC sécurité, et sans prévenir son collègue du lieu où il se trouvait, fautive. Cependant, la Cour relève que la note de service du 4 novembre 2016 n'organise ni la durée ni le lieu des temps de repos, pourtant nécessaires au cours d'un travail de nuit de douze heures d'affilée ; et que l'intimé observe en outre à juste titre que la salle de repos n'était pas accessible aux agents de nuit et qu'il restait joignable sur son téléphone portable. Ainsi, ces éléments atténuent sensiblement la gravité de la faute qu'il a commise. Par ailleurs, comme le tribunal, la Cour prend en compte les sept années d'ancienneté du salarié et l'absence de tout incident disciplinaire pendant cette longue période.Enfin et concernant le caractère abusif de la rupture du contrat, il convient de souligner l'observation d'un délai de cinq jours entre la constatation des faits et la notification du licenciement et en procédant, préalablement à la rupture du contrat de travail, à un entretien contradictoire en présence d'un délégué du personnel, l'employeur n'a pas fait preuve de précipitation ni de légèreté. De plus, il n'a pas fait état d'un motif fallacieux ni n'a agi avec l'intention de nuire au salarié. Ainsi, la rupture du contrat de travail n'apparaît pas abusive, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges. En conséquence, le salarié sera débouté de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé de ce chef.

Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail.

Contrat de travail - Licenciement - Rappel de salaire - Heures supplémentaires - Décompte hebdomadaire au-delà de la 39e heure travaillée - Motif valable du licenciement (non) - Caractère abusif de la rupture du contrat (non).


Parties
Demandeurs : La SAM Société Générale d'Hôtellerie (SOGETEL) MONTE CARLO BAY
Défendeurs : Monsieur j-f. LO.

Références :

Code de procédure civile
arrêté ministériel n°60-004 du 6 janvier 1960
article 1er de l'arrêté ministériel n°60-004 du 6 janvier 1960
article 970, alinéa 2, du Code de procédure civile
article 9 de la loi n°729 du 16 mars 1963
article 8 de l'ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2017-09-29;16347 ?

Source

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