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03/04/2017 | MONACO | N°15967

Monaco | Cour d'appel, 3 avril 2017, Le Ministère public c/ b. PE.


Motifs

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2013/000539

INF. J. I. CAB1/13/11

R. 4111

ARRÊT DU 3 AVRIL 2017

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT, INTIMÉ

Contre :

b. PE., né le 29 octobre 1962 à Charleville-Mézières (08), de Raymond et de Jacqueline LE., de nationalité française, employé de banque, demeurant X1 à Nice (06000) ;

présent, assisté de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

INTIMÉ, APPELANT

Prévenu de :

OMISSION DE DÉCLARATION DE SOUPCONS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

jugeant correctionnellement, après débats à l'a...

Motifs

Cour d'appel correctionnelle

Dossier PG n° 2013/000539

INF. J. I. CAB1/13/11

R. 4111

ARRÊT DU 3 AVRIL 2017

En la cause du :

MINISTÈRE PUBLIC ;

APPELANT, INTIMÉ

Contre :

b. PE., né le 29 octobre 1962 à Charleville-Mézières (08), de Raymond et de Jacqueline LE., de nationalité française, employé de banque, demeurant X1 à Nice (06000) ;

présent, assisté de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

INTIMÉ, APPELANT

Prévenu de :

OMISSION DE DÉCLARATION DE SOUPCONS

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 13 mars 2017 ;

Vu le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel le 22 novembre 2016 ;

Vu les appels interjetés le 6 décembre 2016, par le ministère public à titre principal, et le 12 décembre 2016 par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, pour b. PE., prévenu, à titre incident ;

Vu l'ordonnance présidentielle en date du 14 décembre 2016 ;

Vu la citation, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 6 janvier 2017 ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les conclusions de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur pour b. PE., prévenu, en date du 13 mars 2017 ;

Ouï Eric SENNA, Conseiller, en son rapport ;

Ouï b. PE., prévenu, en ses réponses ;

Ouï le Ministère public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur pour b. PE., prévenu, en ses moyens d'appel et plaidoiries ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement contradictoire en date du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel a, sous la prévention :

« D'avoir à Monaco entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, enfreint les dispositions relatives à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux en omettant de faire une déclaration de soupçons au service d'information et de contrôle sur les circuits financiers, lors de la surveillance des comptes bancaires ouverts et détenus par MI. d. et s-p. SI. dans les livres de la société MONTE PASCHI MONACO devenue la société ANDBANC MONACO SAM ».

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, par les dispositions de l'ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009 et par les articles 4-4, 26 et 29-1 à 29-4 du Code pénal ;

* constaté l'extinction par l'effet de l'amnistie de l'action publique dirigée contre b. PE.

Le ministère public a interjeté appel principal de cette décision par acte de greffe en date du 6 décembre 2016.

Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, pour b. PE., prévenu, a interjeté appel incident de ladite décision le 12 décembre 2016.

Considérant les faits suivants :

Par acte du 9 octobre 2012, le juge d'instruction de Paris saisissait le Procureur général de Monaco d'une commission rogatoire internationale ayant pour objet l'obtention, notamment :

– de tout document attestant l'existence de droits de la part de d. MI. sur le compte n° MC588000010300532300151 ouvert dans les livres de la banque MONTE PASCHI MONACO située 1 avenue des Citronniers à Monaco ;

– des documents d'ouverture, relevés bancaires, copie des virements internationaux et des échanges de mails ou de courriers entre le conseiller financier et le client.

Il exposait qu'une enquête menée par l'office central de répression du trafic illicite de stupéfiants avait révélé l'existence d'un important réseau d'importation de résine de cannabis et de blanchiment impliquant Me., Ma., F. et N. EL., lesquels se livraient à des opérations de blanchiment de l'argent récupéré en espèces auprès des collecteurs de fonds liés au trafic de stupéfiants, via, notamment, la société anglaise YEWDALE LTD (la société YEWDALE).

Il indiquait que :

– la société YEWDALE servait de chambre de compensation pour plusieurs structures offshores détenues par les mêmes individus et avait pour objet de transférer les fonds à l'international et de réaliser des fausses factures pour justifier les mouvements de fonds ;

– les enquêteurs avaient établi ainsi que la société française TERRE NEUVE PRODUCTIONS avait versé la somme totale de 10.190.867 euros, qui dépassait de très loin son bénéfice, à la société YEWDALE en 2009, et que les fonds avaient été virés, à hauteur de 1.832.950 euros, sur le compte précité dont d. MI., ressortissant marocain, était titulaire auprès de la banque MONTE PASCHI MONACO ;

– mis en examen par le juge d'instruction français le 2 septembre 2014, d. MI. avait reconnu les faits et mis en cause notamment s-p. SI., également de nationalité marocaine.

En exécution de la commission rogatoire, la Sûreté publique adressait des réquisitions à la banque MONTE PASCHI MONACO devenue la société ANDBANC MONACO SAM (la société ANDBANC MONACO) depuis le 1er juillet 2011.

À réception de celles-ci, la société ANDBANC MONACO émettait des déclarations de soupçons, les 11 et 12 octobre 2012, concernant d. MI. et s-p. SI.

Le 28 mars 2013, sur réquisitions du Procureur général, une information judiciaire était ouverte à Monaco contre X du chef d'omission de déclaration de soupçons commise courant 2010 à 2013.

Le 18 juin 2014, b. PE. et la société ANDBANC MONACO représentée par Gérard GRISETI, étaient chacun inculpés par le magistrat instructeur.

À l'issue de l'information, le juge d'instruction décidait de renvoyer devant le Tribunal correctionnel la société ANDBANC MONACO pour avoir, entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, enfreint les dispositions relatives à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux en omettant de faire une déclaration de soupçons au service d'information et de contrôle sur les circuits financiers lors de la surveillance des comptes bancaires ouverts et détenus dans ses livres, directement ou indirectement, par d. MI. et s-p. SI., délit prévu et réprimé par les articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, par les dispositions de l'ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009 et par les articles 4-4, 26, et 29-1 à 29-4 du Code pénal.

Par contre, il prononçait un non-lieu à l'égard de b. PE. à la suite de l'amnistie résultant de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015 en retenant que le délit qui lui était reproché était puni d'une peine d'amende, qu'il rentrait dès lors dans le champ d'application de l'article premier de l'ordonnance précitée prévoyant une « amnistie pleine et entière pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 qui ont été ou seront punis d'une peine d'amende » et qu'en application de l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique était éteinte.

Le 21 septembre 2015, le Procureur général relevait appel de l'ordonnance qu'il limitait aux dispositions de non-lieu.

Par arrêt du 14 janvier 2016, la Chambre du conseil de la Cour d'appel a infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a décidé n'y avoir lieu à suivre contre b. PE. et a renvoyé ce dernier devant le Tribunal correctionnel pour y être jugé conformément à la loi pour avoir, à MONACO, entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, enfreint les dispositions relatives à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux en omettant de faire une déclaration de soupçons au Service d'information et de contrôle sur les circuits financiers, lors de la surveillance des comptes bancaires ouverts et détenus par MI. d. et s-p. SI. dans les livres de la société MONTE PASCHI MONACO devenue la société ANDBANC MONACO SAM, délit prévu et réprimé par les articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, par les dispositions de l'ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009 et par les articles 4-4, 26, et 29-1 à 29-4 du Code pénal.

Par jugement du 22 novembre 2016, le Tribunal correctionnel a constaté l'extinction par l'effet de l'amnistie de l'action publique dirigée contre b. PE.

Pour statuer en ce sens, il a considéré que :

– l'article premier de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015 prévoit que l'« amnistie pleine et entière est accordée pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 et qui ont été ou seront punis de peines d'amende » et que l'article 11 du Code de procédure pénale prévoyait que l'action publique s'éteint par l'amnistie,

– le délit reproché au prévenu, à le supposer établi, aurait été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne pouvait être réprimé à son égard que d'une peine d'amende alors qu'une personne morale poursuivie des mêmes faits aurait encourue d'autres peines en application des articles 29-1 et suivants du Code pénal,

– l'extinction de l'action publique devait être constatée, comme l'a jugé la Cour de Révision dans un arrêt en date du 24 mars 2016 sans avoir à apprécier si les faits reprochés à b. PE. étaient ou non caractérisés.

À l'audience fixée pour l'examen de l'affaire, la Cour a invité les parties à s'expliquer sur l'extinction de l'action publique à l'égard de b. PE. pouvant résulter de l'application de l'ordonnance souveraine du 5 janvier 2015.

Le Ministère public a requis la réformation du jugement entrepris sur ce point en faisant valoir qu'en l'état d'une jurisprudence de la Cour de révision évolutive, il appartenait à la Cour d'appel de se prononcer sur le fond des poursuites pénales, ceci à raison de la nature et de l'importance de l'infraction poursuivie et que les effets de l'amnistie ne pouvaient qu'intervenir qu'une fois que le juge pénal s'était prononcé sur la culpabilité du prévenu et sur la peine.

b. PE., assisté de son conseil, appelant incident, a déposé des conclusions aux termes desquelles, il sollicite au principal la réformation du jugement en faisant valoir qu'il entendait soutenir sa relaxe des poursuites engagées à son égard. Sur la portée de l'amnistie, son conseil a soutenu oralement à l'audience et à titre subsidiaire qu'elle devait s'appliquer.

SUR CE,

Attendu qu'aux termes de l'article premier 1) de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015, l'amnistie pleine et entière est accordée pour les délits et contraventions commis antérieurement au 10 décembre 2014 qui ont été ou seront punis de peines d'amende ;

Que selon les dispositions de l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par l'amnistie ;

Attendu qu'il est constant que les faits de la cause ont été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne sont punis que d'une peine d'amende à l'exclusion de toute autre peine et ne font pas l'objet d'une exclusion du champ d'application de l'ordonnance précitée ;

Qu'il s'ensuit que l'action publique se trouve éteinte par application des dispositions précitées ;

Qu'en conséquence, les premiers juges ont constaté, à bon droit, l'extinction de l'action publique à l'égard de b. PE. et le jugement sera confirmé de ce chef ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant en matière correctionnelle, publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels ;

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel en date du 22 novembre 2016 en ce qu'il a constaté l'extinction par l'effet de l'amnistie de l'action publique dirigée contre b. PE. ;

Laisse les frais de l'instance à la charge du Trésor.

Composition

Après débats en audience publique de la Cour d'appel de la Principauté de Monaco, au Palais de Justice, le treize mars deux mille dix-sept, qui se sont tenus devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge au Tribunal de première instance, Madame Carole DELORME, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseillers en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier ;

Après qu'il en ait été délibéré et jugé, le présent arrêt a été signé par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge au Tribunal de première instance, Madame Carole DELORME, Juge au Tribunal de première instance, complétant la Cour et remplissant les fonctions de Conseillers en vertu de l'article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires, magistrats en ayant délibéré et ce en application des articles 58 à 62 de ladite loi ;

Lecture étant donnée à l'audience publique du trois avril deux mille dix-sept par Monsieur Eric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Nadine VALLAURI, Greffier, en présence de Monsieur Jacques DOREMIEUX, Procureur général, et ce en application des dispositions des articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15967
Date de la décision : 03/04/2017

Analyses

Aux termes de l'article premier 1er de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015, l'amnistie pleine et entière est accordée pour les délits et contraventions commis antérieurement au 10 décembre 2014 qui ont été ou seront punis de peines d'amende.Selon les dispositions de l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par l'amnistie.Il convient de rappeler qu'il est constant que les faits de la cause ont été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne sont punis que d'une peine d'amende à l'exclusion de toute autre peine et ne font pas l'objet d'une exclusion du champ d'application de l'ordonnance précitée.Ainsi, l'action publique se trouve éteinte par application des dispositions précitées.En conséquence, les premiers juges ont constaté, à bon droit, l'extinction de l'action publique à l'égard de Monsieur b. PE et le jugement sera confirmé de ce chef.

Procédure pénale - Poursuites.

Procédure pénale - Amnistie - Extinction de l'action publique.


Parties
Demandeurs : Le Ministère public
Défendeurs : b. PE.

Références :

article premier 1er de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015
ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009
ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015
articles 4-4, 26 et 29-1 à 29-4 du Code pénal
article 22 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 58 à 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013
articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009
article premier de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015
article 11 du Code de procédure pénale
Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2017-04-03;15967 ?

Source

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