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17/01/2017 | MONACO | N°15630

Monaco | Cour d'appel, 17 janvier 2017, M. j-l., e., p., m. BR. c/ Mme


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 17 JANVIER 2017

En la cause de :

- Monsieur j-l., e., p., m. BR., né le 28 septembre 1950 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Madame c. MA. épouse BR., née le 30 septembre 1968 à Talence (33000), de nationalités monégasque et française, légalement domi

ciliée X1 à Monaco (98000) et autorisée, suivant ordonnance du 27 octobre 2016, à résider « X2 », X2 à Roquebrune Cap Mar...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 17 JANVIER 2017

En la cause de :

- Monsieur j-l., e., p., m. BR., né le 28 septembre 1950 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant et domicilié X1 à Monaco (98000) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Madame c. MA. épouse BR., née le 30 septembre 1968 à Talence (33000), de nationalités monégasque et française, légalement domiciliée X1 à Monaco (98000) et autorisée, suivant ordonnance du 27 octobre 2016, à résider « X2 », X2 à Roquebrune Cap Martin (06190) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu l'ordonnance de protection rendue par Madame le Président du Tribunal de première instance en date du 27 octobre 2016 (R.600) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 novembre 2016 (enrôlé sous le numéro 2017/000050) ;

Vu les conclusions déposées le 6 décembre 2016 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de c. MA. épouse BR. ;

À l'audience du 13 décembre 2016, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cause ayant été débattue hors la présence du public,

La Cour statue sur l'appel relevé par j-l. BR. à l'encontre d'une ordonnance de protection rendue par Madame le Président du Tribunal de Première Instance du 27 octobre 2016.

Considérant les faits suivants :

Madame c. MA. a contracté mariage, sans contrat préalable avec Monsieur j-l., e., p. BR., né le 28 septembre 1950 à Monaco, de nationalité monégasque, domicilié X1, 98000 Monaco, par devant l'Officier d'État Civil de Monaco le 27 mars 2010.

Le couple a adopté un enfant : j. j., m. BR. MA., née le 25 septembre 2010 à Papeete en Polynésie Française.

Le climat est peu à peu devenu extrêmement conflictuel au sein du couple et Madame MA. commençait à déplorer des violences physiques à son endroit imputables à son mari.

Ainsi, le 6 mai 2016, Madame MA. se disant à nouveau victime des violences de son époux, motivées selon elle par un retard, déposait une main courante auprès des services de la Direction de la Sûreté publique.

Ces violences donnaient lieu à la prescription d'un arrêt de travail de 5 jours par le service des urgences de l'Hôpital de la PALMOSA à Menton.

Madame MA. ayant par la suite fait part à son époux de son intention de se séparer, la tension semble s'être accentuée au sein du couple. Monsieur BR. admettant au demeurant dans un courrier du 10 mars 2015 être l'auteur de pressions psychologiques exercées sur son épouse et reconnaissant « porter atteinte à sa liberté et notamment visionner et espionner ses messages, communications, conversation, etc. ».

Face à ces pressions et dans le but de faire cesser les violences subies, c. MA. sollicitait du Président du Tribunal de première instance une mesure de protection sur le fondement des dispositions de l'article 24-1 du Code civil ;

Madame MA. prétendait à l'instauration des mesures suivantes :

* L'interdiction de paraitre et résider dans le logement de Roquebrune Cap Martin, l'autorisation de résidence séparée et l'attribution de la jouissance dudit logement.

* Quant aux modalités d'exercice de l'autorité parentale et la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant :

* la fixation de la résidence habituelle de j. j. auprès d'elle à la villa « X2 », où elle a sa chambre,

* la fixation du droit de visite et d'hébergement de Monsieur BR., sauf meilleur accord des parties, de la façon suivante :

* une fin de semaine sur deux, du vendredi soir, sortie des classes, au lundi matin, rentrée des classes,

* la moitié de toutes les vacances scolaires de plus d'une semaine, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires, à charge pour Monsieur BR. de récupérer et de ramener sa fille au domicile de la mère,

* la fixation de la part contributive à l'entretien et à l'éducation de j. j., âgée de six ans, à la somme mensuelle de 10.000 euros, s'agissant du montant qui avait été convenu entre les époux lors d'un protocole d'accord rédigé en octobre 2010, et ce, le cinq de chaque mois.

Suivant ordonnance de protection en date du 27 octobre 2016, le Président du Tribunal, faisant application des dispositions de l'article 24-1 du Code Civil, dans sa rédaction issue de la Loi n° 1.382 du 20 juillet 2011 relative à la prévention et à la répression des violences particulières :

* interdisait à j-l. BR. de paraître ou de se rendre dans la villa dénommée « X2 » sise X2, à Roquebrune Cap Martin (06190), qui constitue la résidence habituelle de c. MA. épouse BR. et de l'enfant j. j. ;

* autorisait c. MA. épouse BR. à résider séparément de son époux et avec l'enfant commun mineure j. j. m. BR. MA., X2, X2 à Roquebrune Cap Martin (06190) ;

* attribuait à c. MA. épouse BR. la jouissance de la X2, X2 à Roquebrune Cap Martin (06190) ;

* disait que tous les frais afférents à ce logement seront pris en charge par j-l. BR. ;

* disait n'y avoir lieu, en l'absence d'urgence démontrée et en l'état de la saisine concomitante par la requérante du Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris d'une requête en divorce, de statuer sur les autres demandes qui seront appréciées en leur temps par ce magistrat au contradictoire de j-l. BR. ;

* disait que la présente ordonnance, valable deux mois par l'effet de la loi, pourra être prorogée pour la même durée à la demande d'une des personnes visées au second alinéa de l'article 24-1 du Code civil ;

* rappelait qu'en application des dispositions de l'article 24-1 alinéa 5 du Code civil, l'ordonnance de protection est de plein droit exécutoire à titre provisoire et susceptible d'appel dans les conditions prévues à l'article 420 du Code de Procédure civile.

Suivant exploit du 4 novembre 2016, j-l. BR. interjetait appel de l'ordonnance de protection rendue le 27 octobre 1016 par le Président du Tribunal de première instance dont il sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions tout en concluant au rejet de l'ensemble des demandes de Madame MA.

Il soutient en substance à l'appui de son recours que :

* aucune urgence n'est en l'espèce caractérisée au sens des dispositions de l'article 24 du Code civil, les premiers juges ayant même fait état de « l'absence d'urgence démontrée »,

* les prétendus faits de violences qui lui sont reprochés ne sont pas établis, l'ordonnance de protection supposant que le demandeur soit une victime des faits mentionnés aux articles 230 à 234-1, 236, 236-1, 237 à 239, 243 à 245, 247 et 262 du Code pénal,

* pour rendre une ordonnance de protection il faut qu'au préalable une plainte des faits reprochés ait été déposée, ou que la preuve soit rapportée de l'existence de raisons sérieuses permettant de dire vraisemblable la commission des violences alléguées ou l'imminence l'actualité du danger auquel la victime se trouverait confrontée,

* la main courante du 10 mai 2016 est un simple signalement de faits ne correspondant pas nécessairement à une infraction pénale,

* la requête aux fins d'ordonnance de protection a été déposée à Monaco six mois après ces faits et concomitamment à une requête en divorce déposée au Tribunal de Grande Instance de Paris,

* les faits de violences allégués sont formellement contestés et il est au contraire acquis que c'est l'épouse qui a commis des violences à l'encontre de son mari le 23 octobre dernier,

* la villa située à Roquebrune-Cap-Martin est une des résidences secondaires de la famille et ne correspond pas au domicile de Madame MA. qui réside au domaine de Roqueville à Monaco,

* l'ordonnance de protection déférée a eu pour seul effet d'obtenir l'attribution de la jouissance de cette résidence familiale située en France pour asseoir la compétence territoriale du Juge aux affaires familiales français saisies d'une demande en divorce,

* l'épouse entretient une relation adultérine depuis plusieurs années et n'hésite pas à recevoir son amant dans la résidence secondaire et en présence de l'enfant commune en bas âge, attestant par là même de l'absence de crédibilité de ses allégations.

c. MA., épouse BR., intimée, concluait pour sa part à la nullité de l'attestation communiquée sous la pièce adverse n° 17 et au débouté des fins de l'appel interjeté par son époux, tout en sollicitant la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de première instance le 27 octobre 2016.

Elle expose notamment que :

* elle est victime de menaces, de violences et de harcèlement moral commis par son époux ainsi qu'en attestent certains témoins,

* s'agissant des violences subies le 6 mai 2016, elles ont consisté en des coups perpétrés par son époux car elle était rentrée en retard à leur résidence située en Italie, et ont donné lieu à l'établissement d'un certificat médical en date du 9 mai et à un rapport de diffusion de la Direction de la Sûreté publique le 10 mai 2016,

* l'attestation établie par la concierge de leur résidence italienne produite sous la pièce n° 17 est mensongère et ne respecte pas les prescriptions légales de l'article 324 du Code de procédure civile en sorte qu'elle devra être écartée des débats,

* des violences se sont reproduites, notamment le week-end du 22 octobre 2016, alors qu'elle était en Charente-Maritime pour l'anniversaire de sa sœur, n'ayant toutefois pas donné lieu à un dépôt de plainte de sa part alors même que c'est son mari qui a alors déposé plainte pour des violences prétendument commises sur lui.

* de nouvelles violences ont éclaté dans la soirée du 1er novembre 2016, puisqu'elle a été séquestrée par son mari dans la chambre à coucher de la villa de Roquebrune-Cap-Martin et a été victime des coups de ce dernier ayant donné lieu à l'enregistrement d'une nouvelle main courante par les services de police,

* elle subit un harcèlement moral constant de la part de son époux qui intercepte ses correspondances et la surveille grâce à des caméras installées dans les domiciles français et monégasques,

* l'article 24-1 du Code civil n'impose pas comme préalable à l'instauration d'une ordonnance de protection une quelconque condition d'urgence,

* la saisine du Président du Tribunal de première instance est intervenue le 26 octobre 2016, c'est-à-dire quatre jours après les violences du 22 octobre 2016, qui ont été reconnues par la partie adverse même si elles sont imputées à l'épouse,

* les juridictions monégasques n'ont pas été saisies, contrairement à ce qui est soutenu, pour les besoins de la procédure française de divorce, dès lors que la requête en divorce a été déposée le 17 octobre 2016, c'est-à-dire antérieurement à la requête aux fins de protection,

* Le domicile de Roquebrune-Cap-Martin caractérise bien le domicile effectif des époux, aucune raison ne s'opposant par ailleurs au maintien de la jouissance de la villa située à Roquebrune-Cap-Martin par Madame MA. et sa fille, conformément au souhait exprimé par son époux dans sa proposition de séparation.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel régulièrement interjeté dans les conditions de forme et de fond édictées par l'article 420 du Code de procédure civile, auquel renvoie l'article 24-1 du Code civil résultant des modifications apportées par la loi n° 1382 du 20 juillet 2011, doit être déclaré recevable ;

Sur la demande de rejet des pièces produites par l'intimée

Attendu que le conseil de c. MA. devait conclure, en l'état du calendrier procédural instauré, à l'audience du mardi 6 décembre 2016 lors de laquelle ses pièces devaient également être communiquées à son adversaire ;

Attendu qu'il est établi que les conclusions de c. MA. ont été déposées à la barre de la juridiction à la date prévue, lors de l'audience de mise en état, et ce, sans que les pièces sous-tendant de tels écrits aient alors été communiquées au conseil de la partie appelante ;

Qu'il n'est en effet pas contesté que les pièces numérotées 14 à 31 ont été adressées par fax puis communiquées à la partie adverse plus tard dans la journée alors même que le calendrier procédural prévoyait, conformément aux dispositions de l'article 177 du Code de procédure civile, que les écritures et les pièces dont l'intimée entendrait faire usage seraient communiquées à l'audience du 6 décembre 2016 ;

Attendu que j-l. BR. demande le rejet de telles pièces qui n'ont, à défaut de communication utile, pas pu être utilement exploitées lors d'un rendez-vous avec son avocat-défenseur à l'issue de l'audience susvisée ;

Attendu que, conformément au droit de tout justiciable à un procès équitable, il est loisible à toute juridiction saisie d'une demande en ce sens, de rejeter les conclusions ou les pièces qui n'ont pas été communiquées dans les délais par elle fixés, en sorte qu'il convient en l'espèce de faire droit à la demande de l'appelant et de rejeter des débats les pièces communiquées par c. MA. sous les numéros 14 à 31 ;

Sur la demande de rejet de la pièce produite par j-l. BR. sous le n° 17

Attendu que l'intimée entend voir déclarer nulle la pièce produite par j-l. BR. sous le n° 17 pour non-respect des dispositions légales applicables aux attestations ;

Attendu que le témoignage établi par Madame VE. ne respecte en effet pas les formes prescrites par l'article 324-3° du Code de procédure civile à défaut pour ce témoin de préciser son adresse dans la dite attestation ;

Qu'il s'ensuit que cette attestation sera déclarée nulle et la pièce correspondante écartée des débats ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance de protection entreprise

Attendu que l'appelant fait grief à l'ordonnance entreprise de n'avoir pas respecté les conditions requises par les dispositions de l'article 24-1 du Code civil ;

Attendu que l'article 24-1 du Code civil, applicable à la matière, dispose :

« Dans les vingt-quatre heures de sa saisine, le Président du Tribunal de première instance peut rendre une ordonnance de protection interdisant à l'auteur des faits mentionnés aux articles 230 à 234-1, 236, 236-1, 237 à 239, 243 à 246, 247 et 262 du Code pénal, d'entrer, par quelque moyen que ce soit, y compris les communications électroniques, en relation avec la victime desdits faits ou de paraître ou résider en certains lieux.

Le Président du Tribunal de première instance ne peut être saisi que par la victime, par le Procureur général lorsqu'il est saisi conformément à l'article 37-1 du Code de procédure pénale ou, avec l'accord de la victime, par une association de défense des victimes de violences.

Dans cette ordonnance, le juge peut, le cas échéant, autoriser la résidence séparée des époux. Il peut aussi attribuer la jouissance du logement à la victime de l'une des infractions visées à l'alinéa premier et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement, sauf si des dispositions législatives ou réglementaires ressortissant à des régimes particuliers de location y font obstacle.

Le juge se prononce, s'il y a lieu, sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et sur la contribution aux charges du mariage.

L'ordonnance de protection est valable deux mois et peut être prorogée pour la même durée à la demande de l'une des personnes visées au deuxième alinéa. Elle est exécutoire à titre provisoire et susceptible d'appel dans les conditions prévues à l'article 420 du Code de procédure civile.

Le juge peut, à tout moment, à la demande du procureur général, de l'une des parties ou d'office, après avoir fait procéder à toute mesure d'instruction utile et après avoir invité les parties à présenter leurs observations, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l'ordonnance de protection, en décider de nouvelles, accorder une dispense temporaire pour certaines d'entre elles ou rapporter ladite ordonnance » ;

Attendu que la loi n° 1.382 du 20 juillet 2011 à l'origine du texte précité a pour objet la prévention et la répression de violences nécessitant ou justifiant des modes de répression ou de réparations spécifiques à raison de la vulnérabilité particulière des personnes qui en sont les victimes ou des situations dans lesquelles lesdites violences sont perpétrées ; qu'il en est ainsi notamment de toute forme de violences, de menaces de violences physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques exercées par des personnes partageant ou ayant partagé une communauté de toit avec la victime ;

Attendu que le texte susvisé ne prescrit aucune condition d'urgence telle que visée dans l'alinéa 2 de l'article 24 du Code civil pour les mesures de séquestre ou de saisie prononcées en référé mais conditionne l'ordonnance de protection à la commission d'infractions pénales limitativement énoncées ;

Que si la communauté de toit existant entre les époux ne faisait en l'espèce aucun doute, il était en revanche nécessaire, préalablement à la mesure portant interdiction de contact, de s'assurer que le mari était bien l'auteur présumé des faits mentionnés aux articles 230 à 234-1, 236, 236-1, 237 à 239, 243 à 246, 247 et 262 du Code pénal ;

Attendu à cet égard que si le rapport sur le projet de loi n° 869 relatif à la lutte et la prévention des violences particulières, à l'origine de la loi n° 1.382 du 20 juillet 2011, précise en effet que l'auteur visé par le texte ne doit être, à ce stade de la procédure, qu'un auteur potentiel, c'est-à-dire une personne suspecte bénéficiant de la présomption d'innocence, la mesure instaurée y est qualifiée de « proche dans l'esprit d'une forme de référé violence » ;

Attendu que s'agissant précisément de ce critère de suspicion, l'ordonnance entreprise apparaît essentiellement motivée sur la base de deux éléments probants que sont le rapport établi le 10 mai 2016 par les services de la Sûreté Publique et le certificat délivré le 9 mai 2016 par le docteur COPPOLA ;

Que force est en premier lieu de constater qu'il ne résulte pas des pièces produites que Madame MA. ait déposé, ni au mois de mai 2016 ni ultérieurement, une plainte pénale à l'encontre de son mari du chef des faits de harcèlement ou de violences dénoncés, ni même qu'elle ait saisi l'AVIP (association d'Aide aux Victimes d'Infractions Pénales) dont la brochure lui a pourtant été remise le 10 mai 2016 par les services de police ;

Que l'unique rapport de diffusion susvisé, datant de plus de cinq mois, faisait simplement état du signalement de l'épouse par main courante pour des faits de violences morales et physiques perpétrées le 6 mai 2016 n'ayant déclenché aucune enquête, tandis que le certificat médical du 9 mai 2016 portait mention d'ecchymoses de la face antérieure de la jambe droite, de douleur non circonstanciée de l'avant-bras gauche et d'un traumatisme costal gauche donnant lieu à une radiographie en cours d'interprétation, dont le résultat n'était pas communiqué ;

Qu'aucun élément circonstancié résultant de telles pièces ne permettait alors d'établir de façon objective que j-l. BR. aurait été l'auteur présumé de ces faits quatre jours auparavant ;

Attendu qu'il n'existait en outre, lors du dépôt de la requête, au mois d'octobre 2016, aucun élément objectif récent permettant de considérer comme sérieusement présumée la commission par le mari des infractions précédemment énumérées, ni surtout l'actualité du danger auquel Madame MA. se serait alors trouvé exposée, l'ordonnance entreprise étant simplement motivée par référence aux pièces précitées ;

Attendu que les conditions d'actualité et de gravité requises pour une mesure s'apparentant à un référé violence n'étaient dès lors pas suffisamment établies pour justifier l'instauration de l'ordonnance de protection entreprise ;

Qu'il convient donc d'entrer en voie de réformation à l'encontre de ladite ordonnance, étant à toutes fins utiles observé que la résidence séparée des époux a, dans l'intervalle, été ordonnée par décision du Président du Tribunal de première instance en date du 16 novembre 2016 dans le cadre de la procédure de divorce depuis lors introduite devant cette juridiction ;

Attendu que les dépens de l'instance demeureront à la charge de c. MA. qui succombe en ses prétentions ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare l'appel recevable,

Fait droit à la demande de rejet des pièces communiquées tardivement par c. MA. épouse BR. sous les n° 14 à 31,

Déclare nulle l'attestation produite par j-l. BR. sous la pièce n° 17 et l'écarte des débats, Vu les dispositions de l'article 24-1 du Code civil,

Réforme avec toutes conséquences de droit l'ordonnance de protection en date du 26 octobre 2016,

Laisse les dépens de l'instance à la charge de c. MA. épouse BR. et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Virginie ZAND, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 17 JANVIER 2017, par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, Commandeur de l'Ordre de Saint-Charles assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15630
Date de la décision : 17/01/2017

Analyses

La loi n° 1.382 du 20 juillet 2011 a pour objet la prévention et la répression de violences nécessitant ou justifiant des modes de répression ou de réparation spécifiques à raison de la vulnérabilité particulière des personnes ou des situations dans lesquelles lesdites violences sont perpétrées ; qu'il en va ainsi notamment de toute forme de violences, de menaces de violences physiques, psychologiques, sexuelles, ou économiques exercées par des personnes partageant ou ayant partagé une communauté de toit avec la victime.Ce texte conditionne l'ordonnance de protection à la commission d'infractions pénales limitativement énoncées.Si la communauté de toit existant entre les époux ne fait, en l'espèce, aucun doute, il était en revanche nécessaire, préalablement à la mesure portant interdiction de contact, de s'assurer que le mari était bien l'auteur présumé des faits mentionnés aux articles 230 à 234-1, 236, 236-1, 237 à 239, 243 à 246, 247 ou 262 du Code pénal.À cet égard, le rapport sur le projet de loi relatif à la lutte et la prévention des violences particulières à l'origine de la loi n° 1.382 du 20 juillet 2011 précise que l'auteur visé par le texte ne doit être, à ce stade de la procédure, qu'un auteur potentiel, c'est-à-dire une personne suspecte, bénéficiant de la présomption d'innocence.S'agissant précisément de ce critère de suspicion, l'ordonnance entreprise apparaît essentiellement motivée sur la base de deux éléments probants que sont le rapport établi par les services de la Sûreté publique et le certificat médical.Force est en premier lieux, de constater qu'il ne résulte pas des pièces produites que Mme MA. ait déposé une plainte pénale à l'encontre de son mari du chef des faits de harcèlement ou de violences dénoncés, ni même qu'elle ait saisi l'association d'aide aux victimes d'infractions pénales dont la brochure lui a été remise par les services de police.L'unique rapport de police faisait simplement état du signalement par l'épouse par main courante pour des faits de violences morales et physiques perpétrées n'ayant déclenché aucune enquête, tandis que le certificat médical portait mention d'ecchymoses de la face antérieure de la jambe droite, de douleurs de l'avant-bras gauche et d'un traumatisme costal gauche.Aucun élément circonstancié résultant de telles pièces ne permettait dès lors d'établir de façon objective que j-l. BR. ait été l'auteur présumé de ces faits.Il n'existait en outre, lors du dépôt de la requête aucun élément objectif récent permettant de considérer comme sérieusement présumée la commission par le mari des infractions précédemment énumérées, ni surtout l'actualité du danger auquel Mme M. se serait alors trouvée exposée, l'ordonnance entreprise étant simplement motivée par référence aux pièces précitées.Les conditions d'actualité et de gravité requises pour une mesure qui s'apparente à un « référé violence » n'étaient pas dès lors suffisamment établies pour justifier l'instauration de l'ordonnance de protection entreprise, en sorte qu'il convient d'entrer en voie de réformation à l'encontre de ladite ordonnance, étant à toutes fins utiles observé que la résidence séparée des époux a, dans l'intervalle, été ordonnée dans le cadre de la procédure de divorce depuis lors introduite devant cette juridiction.

Vie privée  - Infractions contre les personnes.

Protection de la vie privée et familialeOrdonnance de protection conditions d'application1/ Commission par l'auteur d'infractions pénales limitativement énumérées2/ Communauté de toit entre l'auteur et la victime de ces infractions.


Parties
Demandeurs : M. j-l., e., p., m. BR.
Défendeurs : Mme

Références :

article 324-3° du Code de procédure civile
article 324 du Code de procédure civile
article 24-1 du Code civil
article 37-1 du Code de procédure pénale
loi n° 1.382 du 20 juillet 2011
loi n° 1382 du 20 juillet 2011
Code pénal
article 177 du Code de procédure civile
article 420 du Code de Procédure civile
articles 230 à 234-1, 236, 236-1, 237 à 239, 243 à 245, 247 et 262 du Code pénal
article 24 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2017-01-17;15630 ?

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