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27/09/2016 | MONACO | N°15351

Monaco | Cour d'appel, 27 septembre 2016, SARL Constantine c/ Syndicat des copropriétaires de l'ouvrage-dalle du terre-plein de Fontvieille


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2016

En la cause de :

- la Société à Responsabilité Limitée dénommée CONSTANTINE, au capital de 15.000 euros, dont le siège social est sis à Monaco, 34, Quai Jean-Charles REY, rez-de-chaussée, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 10 S 05323, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant pa

r ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2016

En la cause de :

- la Société à Responsabilité Limitée dénommée CONSTANTINE, au capital de 15.000 euros, dont le siège social est sis à Monaco, 34, Quai Jean-Charles REY, rez-de-chaussée, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le numéro 10 S 05323, agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'OUVRAGE-DALLE DU TERRE-PLEIN DE FONTVIEILLE, dont le siège est dans le poste principal de sécurité de ce complexe immobilier, pris en la personne de son syndic en exercice, la société anonyme monégasque dénommée « CABINET WOLZOK », au capital de 200.000 euros, ayant son siège social à Monaco 1, rue des Genêts, immatriculée au répertoire du commerce et de l'industrie de la Principauté de Monaco sous le numéro 06 S 04560, elle-même représentée par son Président-délégué en exercice, Monsieur Jacques WOLZOK, domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant primitivement élu domicile en l'Étude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, puis en l'Étude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la même Cour et ayant pour avocat plaidant Maître Florent ELLIA, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 28 mai 2015 (R.5765) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 15 juillet 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000004) ;

Vu les conclusions déposées le 24 novembre 2015 par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, puis le 22 mars 2016 par Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'OUVRAGE-DALLE DU TERRE-PLEIN DE FONTVIEILLE ;

Vu les conclusions déposées les 19 janvier 2016 et 26 avril 2016 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SARL CONSTANTINE ;

À l'audience du 21 juin 2016, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SARL CONSTANTINE à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 28 mai 2015.

Considérant les faits suivants

Suivant contrat du 27 septembre 2010, la SCI EDEN STAR 07 a donné à bail à compter du 1er octobre 2010, à la SARL CONSTANTINE, un local commercial n° 35 constituant le lot 53 de l'immeuble en copropriété EDEN STAR, situé 34 Quai Jean-Charles Rey à Monaco, ainsi qu'une bande de quai bordant la plage amortisseuse, pour y exercer une activité de « snack-bar avec vente à emporter et livraison à domicile ».

Ce contrat faisait suite à un protocole en date du 22 mai 2010, conclu entre le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'OUVRAGE-DALLE DU TERRE-PLEIN DE FONTVIEILLE (le Syndicat des Copropriétaires), représenté par son syndic, et Messieurs g. RU. et c. MU., agissant au nom et pour le compte de la SARL CONSTANTINE, en formation.

Aux termes de ce protocole, la SARL CONSTANTINE s'engageait à exercer dans le lot n° 53 une activité de snack bar avec vente à emporter, limitée à la fourniture de plats chauds déjà conditionnés et de sandwichs et plats froids élaborés sur place, en l'absence d'équipement exigé pour l'exploitation d'une cuisine normale d'un restaurant, les parties convenant, en cas de litige, de recourir à l'arbitrage dans le cadre des articles 940 à 965 du Code de procédure civile.

Des plaintes pour nuisances olfactives pouvant résulter de l'exercice par la SARL CONSTANTINE d'une activité non conforme à celle prévue dans le protocole, ont conduit le Syndicat des Copropriétaires à lui notifier le 27 mai 2013, la mise en œuvre de la procédure d'arbitrage.

Une sentence arbitrale est intervenue le 26 septembre 2013 qui a notamment :

* Déclaré le Syndicat des Copropriétaires recevable en toutes ses demandes,

* Enjoint à la SARL CONSTANTINE, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la sentence, de se mettre en conformité avec l'activité décrite dans le protocole du 22 mai 2010, toute nouvelle infraction constatée, passé ce délai, entraînant une astreinte de 1.000 euros,

* Condamné la SARL CONSTANTINE à payer au Syndicat des Copropriétaires la somme de 3.000 euros en réparation des nuisances olfactives générées par son activité et la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi résultant du recours à la procédure d'arbitrage qu'il a été contraint d'engager.

La sentence arbitrale a été rendue exécutoire par Ordonnance présidentielle du même jour.

Selon exploit du 1er avril 2014, la SARL CONSTANTINE a fait assigner le Syndicat des Copropriétaires en nullité de la clause compromissoire et de l'acte qualifié de sentence arbitrale.

Le Syndicat des Copropriétaires s'est opposé aux demandes de la SARL CONSTANTINE et a sollicité sa condamnation à réparer les préjudices qu'il subit du fait de l'action abusive engagée l'ayant contraint d'organiser sa défense.

Par jugement du 28 mai 2015, le Tribunal de première instance a :

* Déclaré recevable l'appel formé par la SARL CONSTANTINE,

* Dit qu'en participant sans réserve à la procédure d'arbitrage, la SARL CONSTANTINE a renoncé au droit d'invoquer la nullité de la clause compromissoire,

* Dit que les arbitres étaient valablement investis d'une mission les autorisant à se prononcer comme amiables compositeurs,

* Débouté la SARL CONSTANTINE de sa demande de nullité de la clause compromissoire,

* Dit que la rédaction d'un compromis n'était pas nécessaire,

* Débouté la SARL CONSTANTINE de ses demandes fondées sur l'article 964 du Code de procédure civile et de sa demande de nullité du jugement arbitral,

* Débouté la SARL CONSTANTINE du surplus de ses demandes,

* Débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

* Mis les dépens à la charge de la SARL CONSTANTINE distraits au profit de Maître Georges BLOT,

avocat-défenseur.

Pour se prononcer ainsi le Tribunal a retenu que :

* La renonciation à l'appel dans la convention contenant une clause compromissoire n'est pas de nature à empêcher les parties d'invoquer la violation d'une règle d'ordre publique et de saisir le Tribunal de première instance, juge d'appel, par application de l'article 21-3 du Code de procédure civile,

* La clause litigieuse en raison de son caractère mixte ne s'inscrit pas dans le domaine d'application de l'article 940 du Code de procédure civile,

* La nullité résultant du non-respect de ce texte est relative,

* La SARL CONSTANTINE, qui a la qualité de commerçant, a participé à toute la procédure d'arbitrage, a désigné son arbitre, et ne justifie d'aucune réserve,

* Elle a renoncé de ce fait au droit d'invoquer la nullité de la clause,

* Les parties ont valablement convenu de donner pouvoir aux arbitres de se prononcer comme amiables compositeurs,

* La clause compromissoire étant valable, la rédaction d'un compromis n'était pas nécessaire,

* Les exigences de l'article 943 du Code de procédure civile se rapportent au compromis et non à la clause compromissoire,

* Les arbitres ont été désignés conformément aux documents contractuels,

* La SARL CONSTANTINE n'a fait qu'user de son droit d'agir en justice sans que l'on puisse lui reprocher ni dol ni abus.

Appel du jugement a été interjeté le 15 juillet 2015 par la SARL CONSTANTINE.

Dans l'assignation qu'elle a fait délivrer et par conclusions ultérieures des 19 janvier 2016 et 26 avril 2016, elle demande à la Cour de :

* La déclarer recevable,

* Infirmer le jugement rendu le 28 mai 2015,

* Déclarer nulle et de nul effet la clause compromissoire insérée dans le protocole du 22 mai 2010,

* À défaut la déclarer inapplicable,

* Déclarer la sentence arbitrale du 26 septembre 2013 rendue sans compromis ou sur compromis nul,

* Déclarer nulle et de nul effet la sentence arbitrale du 26 septembre 2013,

* Rejeter la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires,

* Le condamner à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

* Elle a formé opposition à l'ordonnance d'exécution rendue par le Président du Tribunal de première instance,

* Le Tribunal n'était pas saisi de l'appel du jugement arbitral, mais il s'est prononcé en qualité de juge d'appel,

* Le compromis et la clause compromissoire prévus à l'article 940 du Code de procédure civile, sont tous deux des conventions d'arbitrage,

* Les effets des deux conventions sont identiques et les articles 940 et suivants du Code de procédure civile traitent indistinctement de la clause compromissoire et du compromis en employant les mêmes termes,

* L'article 964 du Code de procédure civile s'applique indistinctement au compromis et à la clause compromissoire,

* Il est demandé à la juridiction saisie sur le fondement de l'article 964 du Code de procédure civile de constater que la sentence a été rendue sans compromis ou sur compromis nul,

* La nullité de la clause compromissoire dans un acte mixte est une disposition relevant de l'ordre public,

* Le Tribunal n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient de cette constatation, en statuant comme juge d'appel du jugement arbitral et en s'octroyant un pouvoir d'appréciation sur une nullité qualifiée, à tort de relative, et en considérant en tout état de cause que la validité de la clause compromissoire ne pouvait pas être remise en cause,

* Le contrat conclu entre le Syndicat des Copropriétaires et la SARL CONSTANTINE est un acte mixte, dans un domaine où il n'existe pas d'exception légale au principe de prohibition de la clause compromissoire,

* La nullité de la clause compromissoire est une disposition relevant de l'ordre public de direction et chacune des parties peut s'en prévaloir,

* La disposition de l'article 964 du Code de procédure civile qui prévoit que les parties ne peuvent renoncer d'avance à l'exercice de ce recours démontre que l'ordre public en matière d'arbitrage est de direction,

* Sa participation à la procédure d'arbitrage ne s'est faite que pour garantir ses droits et sous les plus expresses réserves,

* Elle a tout au long de la procédure d'arbitrage contesté la recevabilité du Syndicat des Copropriétaires à se prévaloir de la clause compromissoire, soulevé la nullité et à défaut la caducité du protocole, contenant ladite clause,

* Dès lors que la clause compromissoire ne peut recevoir application, le recours à l'arbitrage rendait nécessaire l'intervention d'un compromis,

* Aucun compromis tacite n'a pu se former, lequel ne résulte pas des procès-verbaux d'arbitrage,

* Un tel acte serait nul par méconnaissance des dispositions de l'article 943 du Code de procédure civile, à défaut de déterminer et de délimiter l'objet du litige,

* Elle n'a à aucun moment abusé de son droit, ni le Syndicat des Copropriétaires prouvé l'existence d'un préjudice.

Par conclusions du 24 novembre 2015 et conclusions récapitulatives du 22 mars 2016, le Syndicat des Copropriétaires demande à la Cour de :

* L'accueillir en ses fins et moyens et l'y déclarer recevable et bien fondé,

* Déclarer l'appel irrecevable,

* Subsidiairement,

* Rejeter les prétentions de la SARL CONSTANTINE,

* Confirmer la décision dont appel,

* Y ajoutant,

* Condamner la SARL CONSTANTINE à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, l'ayant contraint à organiser sa défense devant la présente juridiction,

* Condamner la SARL CONSTANTINE aux entiers dépens de la présente instance distraits au profit de Maître Sophie LAVAGNA.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :

* Le Tribunal de première instance a statué en qualité de juge d'appel, et la SARL CONSTANTINE n'est pas recevable à faire appel d'une décision ayant statué sur un appel,

* Le Tribunal a parfaitement retenu qu'en l'état d'une clause compromissoire valable, il n'était nul besoin d'établir un compromis et que l'article 943 du Code de procédure civile ne peut être d'aucune application,

* La mise à néant de l'ordonnance présidentielle du 26 septembre 2013 ne relève pas des prévisions de l'article 964 du Code de procédure civile,

* La demande de nullité ou encore de non applicabilité de la clause compromissoire ne relève pas non plus des demandes autorisées par l'article 964 du Code de procédure civile,

* La SARL CONSTANTINE n'a jamais décliné le recours à l'arbitrage, ni la compétence du Tribunal arbitral,

* La sentence arbitrale a été rendue sur compromis dans lequel l'objet de l'arbitrage a été précisément défini,

* La SARL CONSTANTINE ne peut prétendre que la clause compromissoire ne peut être appliquée s'agissant d'un acte mixte, en se référant à une jurisprudence française obsolète,

* La SARL CONSTANTINE a mis en œuvre une action abusive et avec mauvaise foi, justifiant qu'il soit alloué au Syndicat des Copropriétaires la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi ayant été contraint de se défendre dans le cadre de la présente instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

1°- Sur la recevabilité des appels

Attendu qu'il résulte des articles 940 et suivants du Code de procédure civile, relatifs aux arbitrages en matière civile et en matière commerciale, que les jugements arbitraux ne sont pas susceptibles d'opposition (article 958), mais sujets à appel (article 959) ;

Que par ailleurs, l'article 964 du Code de procédure civile prévoit que l'ordonnance rendant exécutoire le jugement arbitral peut être attaquée par voie d'opposition devant le Tribunal de première instance, en demandant la nullité de l'acte qualifié jugement arbitral, pour les motifs que l'article énumère ;

Qu'en l'espèce, le Tribunal a été saisi, par assignation délivrée 1er avril 2014 à la requête de la SARL CONSTANTINE, d'une demande « aux fins d'opposition à ordonnance déclarant exécutoire une sentence arbitrale », sollicitant la nullité de l'acte qualifié de sentence arbitrale rendue le 26 septembre 2013, invoquant successivement la nullité de la clause compromissoire, son inapplicabilité et l'absence de compromis ;

Que cette demande s'inscrit dans les prévisions de l'article 964 du Code de procédure civile ;

Que c'est par suite d'une erreur que le tribunal a, dans son jugement, déclaré la SARL CONSTANTINE recevable en son appel, s'agissant d'une demande dont il n'était pas saisi, laquelle portait sur la recevabilité de son opposition ;

Que le jugement du 28 mai 2015 ayant été rendu en premier ressort, il peut - et quelles que soient les erreurs qu'il contient - être frappé d'appel, conformément aux dispositions de l'article 422 du Code de procédure civile ;

Que l'appel ayant été interjeté par la SARL CONSTANTINE dans les délais et forme prescrites est recevable ;

Que par suite, l'appel incident du Syndicat des Copropriétaires, qui, sans craindre de se contredire, a contesté la recevabilité de l'appel principal, est recevable ;

2°- Sur la recevabilité de l'opposition

Attendu qu'aux termes de l'article 964 du Code de procédure civile, l'opposition formée à l'encontre de l'ordonnance d'exécution doit tendre à voir prononcer la nullité de l'acte qualifié de jugement arbitral ;

Qu'en l'espèce, la demande formée par la SARL CONSTANTINE, qui invoque la nullité de la clause compromissoire, son inapplicabilité, et l'absence de compromis, a précisément cette finalité ;

Que la société CONSTANTINE doit être déclarée recevable en son opposition ;

3°- Sur le bien-fondé de l'opposition

Attendu qu'il résulte de l'article 964 du Code de procédure civile que la nullité de l'acte qualifié « jugement arbitral » doit être prononcée, notamment lorsque :

* le jugement a été rendu sans compromis ou hors des termes du compromis,

* s'il l'a été sur compromis nul ou expiré.

Attendu que l'article 964 ne fait nulle mention des conséquences, sur la validité du jugement arbitral, d'un jugement rendu hors des termes d'une clause compromissoire, ou sur clause compromissoire nulle ou expirée ;

Qu'il ne fait toutefois nul doute que les conséquences sont celles prévues à l'article 964 du Code de procédure civile, le défaut de sanction pouvant d'autant moins être admis que la clause compromissoire est soumise à des conditions plus restrictives de validité, tenant à la qualité des parties contractantes ;

Attendu qu'en effet, s'il est loisible à toutes personnes de compromettre en matière civile et en matière commerciale, sur les droits dont elles ont la libre disposition, la loi restreint à la matière commerciale, le droit pour les parties, au moment où elles contractent de convenir de soumettre à un arbitrage, toutes contestations qui s'élèveront entre elles ;

Qu'en l'espèce, le protocole en date du 22 mai 2010 ne relève pas de la matière commerciale ;

Que la qualité de commerçant de la SARL CONSTANTINE est insuffisante à modifier la nature mixte de cette convention faisant intervenir le Syndicat des Copropriétaires ;

Qu'il est unanimement admis que la clause compromissoire insérée dans un contrat mixte est nulle pour les deux parties quand bien même elle serait invoquée par le civil contre le commerçant ;

Que la nullité d'une clause compromissoire en matière civile n'est pas couverte par une exécution volontaire de la clause, ce qui aurait pour effet de priver de toute portée la prohibition légale ;

Attendu que cependant, lorsqu'en l'état d'un litige né de l'exécution d'un contrat comportant clause compromissoire qui est nulle, l'acceptation par l'une des parties de l'offre de l'autre, de soumettre leur litige à un Tribunal arbitral, peut valoir compromis ;

Que le compromis, pour être valable, doit alors répondre aux exigences de l'article 942 du Code de procédure civile lequel prévoit que le compromis peut être signé par procès-verbal devant les arbitres choisis, et à celles de l'article 943 du même code qui impose à peine de nullité que le compromis désigne les objets en litige et les noms des arbitres ;

Qu'en l'espèce, la SARL CONSTANTINE, par lettre du 13 juin 2013, a acquiescé à la mise en œuvre d'une procédure d'arbitrage, sans autre réserve que celle tenant à « la validité du protocole » sans conséquence sur son acceptation de recourir à cette procédure, indiquant le nom de l'arbitre qu'elle désignait à cet effet et rappelant la nécessité de définir la mission du collège arbitral ;

Que trois procès-verbaux d'arbitrage ont ensuite été établis les 1er et 24 juillet et 1er août 2013 ayant essentiellement pour objet de fixer l'ensemble des règles procédurales retenues par les arbitres ;

Que la désignation des arbitres ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Que l'objet du litige figure dans le procès-verbal du 1er juillet 2013 qui mentionne un litige de toute nature, y compris ses conséquences pécuniaires dans le cadre du protocole d'accord relatif à l'activité commerciale devant être exercée par la SARL CONSTANTINE dans le lot n° 53 ;

Que ce protocole a établi le cadre dans lequel la SARL CONSTANTINE devait exercer son activité et a fixé les obligations à sa charge pour y parvenir ;

Qu'ainsi, il ne peut être prétendu que l'objet du litige, tel qu'il est mentionné dans le procès-verbal du 1er juillet 2013 est imprécis et ne répond pas aux prescriptions légales, lesquelles n'imposent pas d'en préciser les détails, alors qu'au contraire il ne fait aucun doute que le litige, objet de l'arbitrage, se rapporte à la mise en œuvre et au respect des engagements, que le protocole prévoit, auxquels les parties ont librement consenti ;

Que la SARL CONSTANTINE n'a d'ailleurs jamais contesté l'objet du litige lors de l'instance arbitrale ;

Qu'il importe peu que le procès-verbal du 1er juillet 2013 se réfère à la clause compromissoire contenue dans le protocole, dont la nullité a été constatée, dès lors que cette nullité n'est d'aucune conséquence sur la validité du protocole auquel le procès-verbal renvoie ;

Attendu qu'au cours de la procédure arbitrale mise en €œuvre ayant abouti à la sentence du 26 septembre 2013, la SARL CONSTANTINE a fait valoir ses moyens et ses prétentions, confirmant sa volonté de recourir à cette procédure contrairement à ses affirmations ;

Qu'en effet, limitant sa défense à discuter la recevabilité et le bien fondé des prétentions du Syndicat des Copropriétaires, les mémoires qu'elle a déposés devant cette juridiction ne contiennent nulle réserve sur le recours et la régularité de la procédure, qu'elle n'a contestée pour la première fois que par assignation du 1er avril 2014 ;

Attendu que dans ces conditions, dès lors qu'un compromis est intervenu dans les conditions légales prescrites et que n'est alléguée aucune autre des causes susceptibles d'affecter la régularité du jugement arbitral, énumérées à l'article 964 du Code de procédure civile, la demande en nullité de ce jugement doit être rejetée et la SARL CONSTANTINE doit être déclarée mal fondée en son opposition ;

4°- Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que la SARL CONSTANTINE qui succombe en son appel doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts ;

Qu'aucun abus dans l'exercice de son droit à recours n'est établi, pas plus que ne l'est le préjudice en résultant pour le Syndicat des Copropriétaires, dont la demande en réparation doit être rejetée ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu que la SARL CONSTANTINE qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SARL CONSTANTINE en son appel principal et le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'OUVRAGE-DALLE DU TERRE-PLEIN DE FONTVIEILLE en son appel incident,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL CONSTANTINE de ses demandes fondées sur l'article 964 du Code de procédure civile et de sa demande en nullité du jugement arbitral et en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Reçoit la SARL CONSTANTINE en son opposition,

Dit nulle la clause compromissoire,

Dit régulier le compromis intervenu,

Condamne la SARL CONSTANTINE aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Virginie ZAND, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 27 SEPTEMBRE 2016, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15351
Date de la décision : 27/09/2016

Analyses

Il résulte de l'article 964 du Code de procédure civile que la nullité du jugement arbitral doit être prononcée, notamment lorsque le jugement a été rendu sans compromis ou hors des termes de celui-ci ou s'il l'a été sur compromis nul ou expiré.Si le texte ne fait nullement mention des conséquences, sur la validité du jugement arbitral d'un jugement rendu hors des termes d'une clause compromissoire ou expirée, il ne fait nul doute que les conséquences sont celles prévues à l'article 964 du Code de procédure civile, le défaut de sanction pouvant d'autant moins être admis que la clause compromissoire est soumise à des conditions plus restrictives de validité tenant à la qualité des parties contractantes.En effet, s'il est loisible à toutes personnes de compromettre en matière civile et commerciale sur les droits dont elles ont la libre disposition la loi restreint à la matière commerciale le droit pour les parties au moment où elles contractent de convenir de soumettre à un arbitrage, toutes contestations qui s'élèveront entre elles.En l'espèce, le protocole du 22 mai 2010 ne relève pas de la matière commerciale et la qualité de commerçant de la société Constantine est insuffisante à modifier la nature mixte de cette convention faisant intervenir le syndicat des copropriétaires.La clause compromissoire insérée dans un contrat mixte est nulle pour les deux parties. La nullité d'une clause compromissoire en matière civile n'est pas couverte par une exécution volontaire de la clause, ce qui avait pour effet de priver de toute portée la prohibition légale.Cependant, lorsqu'en l'état d'un litige né de l'exécution d'un contrat comportant clause compromissoire qui est nulle, l'acceptation par l'une des parties de l'offre de l'autre, de soumettre leur litige à un Tribunal arbitral, peut valoir compromis.Le compromis pour être valable doit alors répondre aux exigences de l'article 942 du Code de procédure civile qui prévoit que le compromis peut être signé par procès-verbal devant les arbitres choisis et à celle de l'article 943 du même code qui impose à peine de nullité que le compromis désigne les objets en litige et les noms des arbitres. En l'espèce, la société Constantine a acquiescé à la mise en œuvre d'une procédure d'arbitrage indiquant le nom de l'arbitre qu'elle désignait à cet effet et rappelant la nécessité de définir la mission du collège arbitral.Ceci étant la désignation des arbitres ne fait l'objet d'aucune contestation et l'objet du litige figure dans le procès-verbal du 19 juillet 2013 qui mentionne un litige de toute nature y compris ses conséquences pécuniaires dans le cadre du protocole d'accord relatif à l'activité commerciale devant être exercée par la société Constantine, lequel a établi le cadre dans lequel ladite société devait exercer son activité et a fixé les obligations à sa charge pour y parvenir.Ainsi, il ne peut être prétendu que l'objet du litige est imprécis et ne répond pas aux prescriptions légales lesquelles n'imposent pas d'en préciser les détails alors qu'au contraire le litige objet de l'arbitrage, se rapporte à la mise en œuvre et au respect des engagements, que le protocole prévoit, auxquels les parties ont librement consenti.À cet égard, la société Constantine n'a jamais contesté l'objet du litige lors de l'instance arbitrale, au cours de la procédure arbitrale, elle a fait valoir ses moyens et ses prétentions confirmant sa volonté de recourir à cette procédure contrairement à ses affirmations.En effet, les mémoires qu'elle a déposés ne contiennent nulle réserve sur le recours et la régularité de la procédure.Dans ces conditions, dès lors qu'un compromis est intervenu dans les conditions légales prescrites et que n'est alléguée aucune autre des causes susceptibles d'affecter la régularité du jugement arbitral, énumérées à l'article 964 du Code de procédure civile, la demande en nullité de ce jugement doit être rejetée et la société Constantine doit être déclarée mal fondée en son opposition.

Procédures spécifiques  - Arbitrage interne.

Tribunal arbitral - Jugement - Voie de recours - Opposition à l'ordonnance déclarant exécutoire une sentence arbitrale tendant à voir prononcer la nullité du jugement arbitralRecevabilité (oui) - Jugement arbitral rendu sur un compromis déclaré valable - Opposition mal fondée (oui).


Parties
Demandeurs : SARL Constantine
Défendeurs : Syndicat des copropriétaires de l'ouvrage-dalle du terre-plein de Fontvieille

Références :

Code de procédure civile
article 964 du Code de procédure civile
article 422 du Code de procédure civile
article 943 du Code de procédure civile
articles 940 à 965 du Code de procédure civile
article 21-3 du Code de procédure civile
article 942 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2016-09-27;15351 ?

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