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21/06/2016 | MONACO | N°15013

Monaco | Cour d'appel, 21 juin 2016, d. BE. c/ La SOCIÉTÉ ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS DE MONACO


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 21 JUIN 2016

En la cause de :

- Monsieur d. BE., né le 26 décembre 1947 à Marseille (13), de nationalité française, demeurant et domicilié « X1 », X1 à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La SOCIETE ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS DE MONACO, société anonyme de droit monégasque, au capital

de 24.516.661 euros, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie sous le n° 56 S 00523, dont le siège social es...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 21 JUIN 2016

En la cause de :

- Monsieur d. BE., né le 26 décembre 1947 à Marseille (13), de nationalité française, demeurant et domicilié « X1 », X1 à Roquebrune-Cap-Martin (06190) ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La SOCIETE ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS DE MONACO, société anonyme de droit monégasque, au capital de 24.516.661 euros, immatriculée au Registre du Commerce et de l'Industrie sous le n° 56 S 00523, dont le siège social est Place du Casino, 98000 MONACO, prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice, Monsieur Jean-Luc BIAMONTI, domicilié ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 5 novembre 2015 ;

Vu l'exploit d'appel parte in qua et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 décembre 2015 (enrôlé sous le numéro 2016/000113) ;

Vu les conclusions déposées les 23 février 2016 et 4 mai 2016 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS DE MONACO ;

Vu les conclusions déposées le 22 mars 2016 par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de Monsieur d. BE. ;

A l'audience du 10 mai 2016 :

- vu la production de ses pièces par Maître Arnaud ZABALDANO, conseil de d. BE.,

- ouï Maître Thomas GIACCARDI, conseil de la SOCIETE ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ETRANGERS DE MONACO ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel parte in qua relevé par Monsieur d. BE. à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 5 novembre 2015.

Considérant les faits suivants :

Monsieur d. BE., né le 26 décembre 1947, a été embauché par la SOCIÉTÉ ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS DE MONACO (la SBM) en qualité de chef de département du personnel des exploitations hôtelières, balnéaires et sportives à compter du 15 juillet 1980 suivant contrat à durée déterminée du 21 mai 1980.

Par avenant du 13 juillet 1983, il a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 15 juillet 1982.

Par avenant du 17 juillet 2001, la SBM a mis à sa disposition, à titre d'accessoire de son contrat de travail, un logement de fonction, la villa « X1 », située avenue X1 à ROQUEBRUNE-CAP-MARTIN.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 13 décembre 2012, la directrice des ressources humaines de la SBM a informé M. d. BE. de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants :

« Comme suite à nos différents entretiens et notamment à celui du 12 décembre 2012, comme je vous en ai informé, je prends l'initiative de vous notifier sans tarder votre mise à la retraite, l'anniversaire de vos 65 ans survenant le 26 décembre 2012.

Compte tenu de la durée de votre préavis, fixé à trois mois, et des délais postaux usuels, cette mise à la retraite sera effective le 17 mars 2013.

À cette date vous percevrez l'indemnité de départ en retraite de trois mois.

J'ai bien noté que lors de notre entretien vous m'avez dit que vous ne souhaitiez pas consommer de congés avant la date rupture de votre contrat de travail.

Je le déplore d'autant plus que votre compteur de congés n'est pas conforme à ce qu'il devrait être et n'aurait jamais dû dépasser les 125 jours de votre congé de « fin de carrière »  comme cela vous l'a été notifié à plusieurs reprises. Je ne doute pas néanmoins, que vous aurez à cœur de mettre cette période d'activité à profit pour assurer le meilleur suivi aux dossiers en cours.

Je vous remercie également de ne pas oublier les termes de mon courrier du 19 juillet 2012 vous rappelant que la villa « X1 » est mise à votre disposition à titre d'accessoire de votre contrat de travail et qu'il vous faudra donc la libérer au plus tard le 30 juin 2013 ».

Par courrier du 7 mars 2013, le Président délégué de la SBM a informé M. d. BE., qu'en application de l'avenant du 13 juillet 1982, la durée du préavis était de six mois et, qu'en conséquence, sa mise à la retraite serait effective le 17 juin 2013, avec dispense d'exécuter le préavis pour la durée postérieure au 17 mars 2013.

À défaut de conciliation, M. d. BE. a attrait son employeur devant le Tribunal du travail en nullité de la rupture de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 5 novembre 2015, le Tribunal a :

* condamné la SBM à verser à M. d. BE. la somme de 123,48 euros au titre de la redevance parking majorée des intérêts au taux légal à compter du 23 août 2013 et celle de 102,43 euros au titre de l'indemnité de congés payés, majorée des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

* débouté M. d. BE. du surplus de ses demandes,

* fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.

M. d. BE. a relevé partiellement appel du jugement.

Aux termes de son acte d'appel parte in qua et assignation du 17 décembre 2015 et de ses conclusions du 22 mars 2016, il demande à la Cour de réformer partiellement le jugement et de :

* condamner la SBM à lui verser les sommes suivantes :

* rappel de prime de développement commercial :

* pour l'exercice comptable 2012/2013 : 910,90.euros

* pour les exercices comptables 2006 à 2012 : 4.276,00.euros,

* indemnité compensatrice de congés payés sur le rappel de prime de développement commercial : 622,43 euros,

* rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés : 22.959,01.euros

* 250.000 euros dommages et intérêts, avec intérêts de droit à compter de la présentation de la requête,

* condamner la SBM aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Il fait essentiellement valoir que :

Sur la prime de développement commercial :

* il bénéficie du statut de cadre HBS,

* dans leur sentence arbitrale du 19 avril 2012, les arbitres n'ont pas entendu limiter le versement de la prime de développement commercial puisque leur décision a uniquement porté sur le taux d'imputation qui devait être limité dans le calcul de la répartition,

* les cadres d'administration ont été considérés comme détachés à temps partiel par extension aux cadres détachés à plein temps à qui la SBM, en application de l'accord collectif de 1999 maintient le versement de leur prime à 100% dont rien n'est imputé dans le calcul de répartition de la masse globale d'intéressement qui reste ainsi intégralement à la charge de la SBM à hauteur de ces 100%,

* par conséquent et toujours par extension, les cadres dits détachés à temps partiel relèvent du même principe, mais à proportion de leur détachement à temps partiel, avec le maintien du versement de leur prime à 100%, dont 70% à imputer dans le calcul de répartition, et 30% restant à la charge de la SBM,

* la SBM lui a d'ailleurs maintenu le versement à 100% de cette prime,

* en outre, tous les chefs de départements, échelle 3, ont reçu 100% de cette prime.

Sur le rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés :

* en application des articles 1er, 3, 4 et 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956, le concluant a droit à 5 jours ouvrables au titre du congé principal pour la période du 1er mai au 17 juin 2013,

* À ces 5 jours, doivent s'ajouter 6 jours ouvrables au titre du congé pour ancienneté,

* la SBM ne lui ayant soldé que 215 jours ouvrables, son droit est bien de 221 jours, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal,

* en application de l'article 11 de la loi n° 619, la rupture du contrat de travail du concluant étant intervenue le 17 juin 2013, c'est à partir du 18 juin 2013 que son contrat se serait poursuivi s'il n'avait été rompu et que son salaire maintenu aurait dû être calculé,

* la SBM avait donc l'obligation de valoriser la rémunération brute totale mensuelle et différée qu'elle aurait dû continuer à lui verser pendant la période couvrant 221 jours ouvrables, non compris les dimanches et jours fériés dont il aurait bénéficié si son contrat de travail avait été poursuivi, ce qui représente 265 jours calendaires, soit du 18 juin 2013 au 13 mars 2014, multipliés par 446,45 euros par jour,

* comme il n'a perçu que 74.367,12 euros, il a droit à un différentiel de 24.299,48 euros.

Sur les dommages et intérêts :

* La rupture du contrat de travail est irrégulière dès lors que :

* la lettre du 19 juillet 2012 a été signée par la seule Directrice des Ressources Humaines en violation des règles fixées par le Conseil d'administration en matière de délégation de signatures qui imposent que toute révocation d'un salarié soit signée par le représentant légal de l'entreprise ou, s'il l'autorise, par deux signataires agissant conjointement,

* une simple délégation orale ne pouvait suffire à conférer le pouvoir au signataire de la lettre de licenciement,

* la date de rupture ayant été définitivement notifiée le 13 décembre 2012 et le préavis fixé jusqu'au 17 mars 2013, le courrier de la SBM du 7 mars 2013 était irrégulier en ce qu'il imposait unilatéralement au concluant le rétablissement d'un nouveau lien salarial à effet du 18 mars 2013 jusqu'au 17 juin 2013, sans que ce dernier ait manifesté son accord.

* La rupture du contrat de travail est abusive car :

* la SBM a volontairement et unilatéralement « mis à la retraite » le concluant alors qu'en application des articles 26 et 28 de la loi n° 960 du 24 juillet 1974, la liquidation de la pension ne peut être demandée que par le salarié, ce qui démontre qu'il s'agit d'un acte volontaire, cette liquidation pouvant être demandée après 65 ans, le salarié pouvant bénéficier ainsi jusqu'à 70 ans d'une majoration de points,

* la SBM n'a avancé aucun autre motif que l'âge pour imposer au concluant la rupture de son contrat de travail et la liquidation de sa retraite, faisant en cela échec aux dispositions prévues pour le maintien des salariés au-delà des 65 ans,

* il n'existe aucune disposition en droit monégasque sur la mise à la retraite d'office par un employeur.

* La rupture du contrat de travail est discriminatoire car :

* l'âge ne constitue pas un motif valable à lui seul,

* deux autres cadres de plus de 65 ans restaient au service de la SBM.

* Les dispositions de la Convention collective monégasque de l'industrie hôtelière ont été violées et le concluant a subi une perte de chance car :

* le poste de responsable de pilotage des projets de la DRH, dont l'offre a été déposée le 28 novembre 2012 au Service de l'Emploi aurait dû lui être proposé en priorité en application de l'article 18 de la Convention collective monégasque de l'industrie hôtelière telle qu'étendue par Arrêté Ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968,

* en tout état de cause, la rupture du contrat a causé au concluant une perte de chance pour la conservation de son emploi et des salaires et avantages s'y rapportant.

* Le contrat concernant le logement de fonction n'a pas été exécuté de bonne foi car la SBM avait déclaré que le congé du logement avait été donné pour permettre la réalisation de travaux de rénovation qui, à ce jour, n'ont pas été entrepris,

* Ces nombreuses irrégularités, les caractères abusif, vexatoire et discriminatoire de la rupture ont causé au concluant un grave préjudice moral.

Aux termes de ses conclusions du 23 février 2016 et du 4 mai 2016, la SBM demande à la Cour de :

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

* condamner M. d. BE. aux dépens distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Elle soutient en substance que :

Sur la prime de développement commercial :

* elle a respecté la décision des arbitres qui fixe les modalités de calcul de la prime et non les critères d'imputation de répartition de celle-ci,

* elle est même allée au-delà des termes de la sentence arbitrale puisqu'elle a décidé de verser a minima aux cadres ne bénéficiant plus de la prime qu'à 70% le montant qui leur aurait été versé lorsque la prime était de 100 %.

Sur le rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés :

* les congés supplémentaires sont dus au prorata temporis, en fonction du travail effectif au cours de la période de référence, et les six jours supplémentaires de congés payés prévus par l'article 4 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 ne sont pas acquis dès l'ouverture de la période de référence,

* si l'indemnité compensatrice de congés payés est destinée à liquider ceux non pris par le salarié en fin de contrat, elle ne crée aucun droit futur à congés puisqu'elle ne correspond ni à du travail effectif ni à une période assimilée comme telle.

Sur les dommages et intérêts :

* Sur la régularité de la rupture du contrat de travail :

* aucun texte légal n'impose que la lettre de rupture soit signée par le représentant légal de la société employeur et la délégation de pouvoir, qui n'a pas à être donnée par écrit, peut découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement,

* les règles fixées par le conseil d'administration auxquelles se réfère M. d. BE. n'étaient plus applicables en 2012 car il s'agit d'un document administratif désignant spécifiquement M. LA. qui a quitté la direction générale de la SBM depuis le mois de novembre 2011.

* la rupture du contrat de travail n'est pas abusive car la concluante était en droit de mettre fin au contrat de travail de M. d. BE. dès lors qu'il pouvait bénéficier du régime de prévoyance vieillesse,

* elle n'est pas non plus discriminatoire,

* les dispositions conventionnelles n'ont pas été méconnues car elles ne subordonnent pas la régularité de la rupture pour mise à la retraite d'un salarié à la justification préalable des raisons pour lesquelles ce même salarié ne s'est pas vu proposer un poste nouvellement créé et auquel, par ailleurs, par application de l'article 18 de la Convention collective monégasque de l'industrie hôtelière, l'attribution n'est pas un droit s'agissant in fine d'un choix de l'employeur,

* le licenciement n'a pas été mis en œuvre de façon brutale ou vexatoire,

* le délai contractuel de préavis applicable au logement de fonction a été respecté,

* en l'absence de toute faute et de tout préjudice avéré, M. d. BE. doit être débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Sur la prime de développement commercial

Attendu qu'aux termes de la sentence qu'ils ont prononcée le 19 avril 2012 dans le conflit opposant les cadres du département des exploitations hôtelières, balnéaires et sportives de la SBM, dits cadres HBS, les arbitres ont statué sur les conditions d'attribution de la prime de développement commercial (PDC) instaurée par l'avenant du 12 avril 1974 à la Convention collective hôtelière ;

Qu'ils ont décidé que « les cadres HBS qui sont affectés dans l'un des centres de coûts dont la liste est détaillée à l'annexe 2 sont considérés comme cadres détachés à temps partiel pour 30 % de leur activité et en conséquence sont admis au bénéfice de la répartition de la PDC à hauteur de 70 % » ;

Que l'annexe 2 qui visent les « bénéficiaires d'une PDC à 70% » inclut les cadres affectés au «centre de coût 230410 département personnel » ;

Que le nom de M. d. BE. est mentionné dans cette rubrique pour les cinq exercices précédant le prononcé de la sentence, soit les années 2007 à 2011 ;

Attendu que cette sentence signifie, comme l'a jugé à juste titre le Tribunal, que M. d. BE. ne peut prétendre qu'à 70% du montant de la prime, et non, contrairement à ce qu'il prétend, à 100% répartis, à concurrence de 70% à la charge du centre de coût et à hauteur de 30% à la charge de la SBM ;

Que l'examen de son bulletin de paie de mai 2013 (sa pièce 34) fait apparaitre qu'il a perçu une prime de 3.464,81 euros, calculée sur la base de 1.092 points et qui correspond à 70% de la somme de 4.949,73 euros perçue, au titre de cette même prime, par les cadres placés, comme lui, à l'échelle 3, tels que MM. BR., CA., ET., GA. et TA., bénéficiaires d'un taux de 100% correspondant à 1.560 points (ses pièces 35 et 46), étant précisé que les noms de ces derniers n'apparaissent pas dans l'annexe 2 précitée, et que MM. MO., PI. et RO., auxquels il se réfère, n'ont perçu qu'une somme moindre, calculée sur un nombre de points inférieur à 1.560 ;

Que M. d. BE., qui a été rempli ainsi de ses droits, ne peut se prévaloir utilement du versement complémentaire mentionné sous l'intitulé « PDC compte maison » sur ses bulletins de salaire de mai 2013 et mai 2014, cette somme lui ayant été versée par la SBM pour compenser, selon les explications données par cette dernière dans un courrier du 19 mars 2013, les erreurs commises dans le calcul de la prime ;

Qu'il sera donc débouté de sa demande en paiement de rappel de la prime de développement commercial ainsi que de celle en rappel de congés payés afférente, par voie de confirmation du jugement ;

Sur le rappel de l'indemnité compensatrice de congés payés

* Sur le nombre de jours de congés payés acquis par M. d. BE.

Attendu qu'il résulte des articles 1er, 4 et 6 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 qu'après 30 ans dans la même entreprise, la durée de congé exigible est augmentée de 6 jours, dans la limite de 36 jours ouvrables, soit 3 jours par mois, le point de départ de la période prise en considération pour l'appréciation du droit au congé étant fixé au 1er mai de chaque année ;

Que, comme l'a exactement énoncé le Tribunal, le nombre de jours de congés légaux, y compris les 6 jours supplémentaires, doit être calculé au prorata de la période de travail effectuée, l'ensemble des jours de congés n'étant pas acquis dès l'ouverture de l'année de référence ;

Qu'en l'espèce, M. d. BE. pouvait prétendre, au titre de l'année 2013/2014, à 5 jours de congés, correspondant à la période du 1er mai au 17 juin 2013 ;

Que ces 5 jours s'ajoutent au 36 acquis au titre de l'année 2012/2013 et au reliquat de 174 jours arrêté au 1er mai 2012, soit un total de 215 jours, retenu à bon droit par le Tribunal, et non de 221 comme soutenu de façon erronée par M. d. BE. ;

* Sur le calcul de l'indemnité de congés payés

Attendu qu'il résulte des articles 10 et 11 de la loi n° 619 précitée que l'indemnité afférente au congé, qui est égale à 1/10e de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, ne pourra être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler ;

Que ceci ne signifie pas qu'il faille considérer que le contrat de travail s'est poursuivi fictivement au-delà de sa rupture, pour une période équivalent à celle du nombre de jours de congés payés acquis à cette date, comme le soutient M. d. BE. à tort lorsqu'il affirme que « c'est à partir du 18 juin 2013 que son contrat se serait poursuivi s'il n'avait pas été rompu et que son salaire maintenu aurait dû être calculé » (ses conclusions p. 14, 6e alinéa) ;

Que, partant, le Tribunal l'a débouté à bon droit de sa demande en paiement de la somme de 24.299,48 euros, calculée sur une base erronée de 265 jours calendaires du 18 juin au 13 mars 2014 ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Attendu que M. d. BE. souligne en revanche à juste titre l'erreur des premiers juges qui ont pris en compte 26 jours ouvrables au mois d'avril 2013, qui n'en compte que 25, pour calculer l'indemnité compensatrice de congés payés complémentaire ;

Que le salaire par jour ouvrable qu'il convient de prendre en compte est de 360,22 euros (soit 9.005,56 euros correspondant au salaire du mois d'avril 2013 : 25), et non de 346,37 euros (9.005,56 : 26), M. d. BE. pouvant prétendre au paiement d'une indemnité complémentaire de 2.977,75 euros égale à la différence entre la somme de 77.447,30 euros (215 x 360,22) et celle de 74.469,55 euros (215 x 346,37) ;

Que la SBM sera condamnée, en conséquence, à lui payer la somme de 2.977,75 euros, et non 102,43 euros, le jugement étant infirmé sur ce point ;

Sur la rupture du contrat de travail

* Sur la régularité de la rupture du contrat de travail

Attendu que le document intitulé « régime de signature » applicable à compter du 27 juillet 2009, auquel M. d. BE. se réfère stipule que « M. b. LA. signera les contrats d'engagement ou les décisions de nomination des directeurs et des chefs de département et les éventuelles lettres de sanction, de révocation ou d'acceptation de démission les concernant » (sa pièce 12) ;

Que, cependant, comme l'a relevé le Tribunal, ce document ne mentionne pas les lettres de licenciement ou, plus généralement, celles afférentes à la rupture du contrat de travail ;

Que, dès lors, il ne peut être utilement reproché à la SBM de ne pas avoir respecté ses prescriptions à l'occasion de la lettre du 13 décembre 2012 ;

Attendu que, par ailleurs, aucune disposition du droit monégasque n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit ; qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement ;

Attendu qu'au cas présent, la lettre du 13 décembre 2012 a été signée par la Directrice des Ressources Humaines de la SBM, laquelle est chargée de la gestion du personnel et doit être considérée, de ce fait, comme étant délégataire du pouvoir de licencier ;

Qu'en conséquence, le Tribunal a jugé à bon droit qu'aucune irrégularité n'affectait la lettre de licenciement ;

* Sur la validité des motifs de la rupture

Attendu que la survenance de l'âge de la retraite constitue un motif valable de rupture du contrat de travail ;

Que cet âge doit être apprécié à la date d'expiration du contrat de travail et non à celle du prononcé de la rupture de ce contrat ;

Attendu qu'en l'espèce il est constant qu'au jour de l'expiration du préavis, le 17 juin 2013, M. d. BE. avait 65 ans, âge à compter duquel s'ouvre le droit à une pension de retraite en application de l'article 1er de la loi n° 455 du 27 juin 1947 ;

Que le motif de la rupture de son contrat de travail apparaît, dès lors, valable ;

Attendu que, contrairement à ce qu'il affirme, M. d. BE. n'a pas été victime de discrimination dès lors que le motif pris de la survenance de l'âge de la retraite est susceptible d'être appliqué à tous les salariés placés dans une situation semblable ;

Que la seule circonstance que l'employeur, qui conserve l'appréciation de la mise en œuvre du licenciement pour ce motif, ne s'en soit pas prévalu à l'égard de deux cadres supérieurs âgés de plus de 65 ans ne suffit pas à établir l'existence d'une discrimination à l'égard de M. d. BE. ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, le courrier du 7 mars 2013 n'a pas imposé à l'appelant, le rétablissement d'un nouveau lien salarial du 18 mars au 17 juin 2013, puisque le contrat de travail n'a pas été rompu le 17 mars 2013, à défaut d'expiration de la durée du préavis contractuel ;

Que ce dernier ne peut davantage utilement reprocher à la SBM de ne pas lui avoir proposé le poste de responsable de pilotage des projets de la Direction des Ressources Humaines, dès lors que cet emploi, dont l'offre a été déposée le 28 novembre 2012, était prévu en contrat à durée déterminée de trois ans, et que, le 26 décembre 2012, l'appelant atteignait l'âge de la retraite ;

Qu'il n'a pas subi une perte de chance de conserver son emploi et les salaires et avantages s'y rapportant ;

Qu'en outre, M. d. BE. se prévaut, à tort, des règles de liquidation de la pension de retraite régies par les articles 26 et 28 de la loi n° 960 du 24 juillet 1974, qui sont distinctes de celles qui régissent le licenciement ;

Que, par suite, le jugement sera confirmé en ce qu'il a décidé que le licenciement est valide ;

* Sur le caractère abusif du licenciement

Attendu que l'employeur a pris soin, au cours de multiples entretiens et échanges épistolaires courtois avec le salarié, d'informer celui-ci de la survenance prochaine de la rupture de son contrat de travail ;

Que, s'agissant du logement de fonction, dès le mois de juillet 2012, la SBM a évoqué avec M. d. BE. le terme de sa mise à disposition qu'il lui a notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 19 juillet 2012 pour le 30 juin 2013, près d'un an avant, en lui octroyant ainsi un délai de préavis supérieur à celui de neuf mois prévu par l'avenant au contrat de travail du 17 juillet 2001, étant précisé que ce délai court à compter de la lettre recommandée et non à compter de l'expiration des fonctions du salarié ;

Qu'il apparait ainsi que le licenciement de M. d. BE., qui n'a pas été mis en œuvre de façon légère, brutale ou vexatoire, est exempt d'abus, comme l'a exactement retenu le Tribunal qui l'a débouté, à bon droit, de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu que l'appelant qui succombe sur l'essentiel de se prétentions, sera condamné aux dépens de l'instance d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement du Tribunal du Travail du 5 novembre 2015 sauf en ce qu'il a condamné la SAM DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS DE MONACO à verser à M. d. BE. la somme de 102,43 euros au titre de l'indemnité de congés payés, majorée des intérêts au taux légal à compter dudit jugement,

Statuant de nouveau,

Condamne la SAM DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS DE MONACO à payer à M. d. BE. la somme de 2.977,75 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Condamne M. d. BE. aux dépens d'appel qui seront distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Éric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Paul CHAUMONT, Conseiller, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 21 JUIN 2016, par Monsieur Éric SENNA, Conseiller, faisant fonction de Président, assisté de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général Adjoint.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 15013
Date de la décision : 21/06/2016

Analyses

1/ Aucune disposition du droit monégasque n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, qu'elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement.En l'espèce, la lettre avisant le salarié de la rupture de son contrat de travail a été signée par la Direction des Ressources Humaines de la SBM laquelle a été chargée de la gestion du personnel et doit être considérée, de ce fait, comme étant délégataire du pouvoir de licencier, en sorte qu'aucune irrégularité n'affectait la lettre de licenciement.2/ La survenance de l'âge de la retraite constitue un motif valable de rupture du contrat de travail, cet âge devant être apprécié à la date d'expiration de ce contrat et non à celle du prononcé de sa rupture. En l'espèce, il est constant qu'au jour de l'expiration du préavis, Daniel B. avait 65 ans, âge à compter duquel s'ouvre le droit à une pension de retraite en application de l'article 1er de la loi n° 455 du 27 juin 1947 en sorte que le motif de la rupture de son contrat de travail apparait valable.Par ailleurs, contrairement à ce qu'il affirme, d. BE. n'a pas été victime de discrimination, dès lors que le motif pris de la survenance de l'âge de la retraite est susceptible d'être appliqué à tous les salariés placés dans une situation semblable.

Contrats de travail  - Rupture du contrat de travail.

EntrepriseLicenciement - Délégation de pouvoir - Délégataire - Double condition - Disposition de la compétence et de l'autorité nécessaire pour assurer la direction et le contrôle du personnel.


Parties
Demandeurs : d. BE.
Défendeurs : La SOCIÉTÉ ANONYME DES BAINS DE MER ET DU CERCLE DES ÉTRANGERS DE MONACO

Références :

article 4 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
articles 26 et 28 de la loi n° 960 du 24 juillet 1974
articles 1er, 3, 4 et 4 bis de la loi n° 619 du 26 juillet 1956
article 1er de la loi n° 455 du 27 juin 1947
Arrêté Ministériel n° 68-367 du 22 novembre 1968
articles 1er, 4 et 6 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2016-06-21;15013 ?

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