La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2015 | MONACO | N°12866

Monaco | Cour d'appel, 13 janvier 2015, a. GE. et f. GE. c/ la société civile particulière dénommée GE.LO., la SCP ANTMAR, m. LO. et f. LO.


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 JANVIER 2015

- Monsieur a. ou a. GE., né le 6 janvier 1949 à Castoréale (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco,

- Monsieur f. GE., né le 8 juin 1978 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco, et en dernier lieu via X - 6500 Bellinzona (Suisse),

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

APPELANTS,

d'une part ;

Contre :
>1. La société civile particulière dénommée GE. LO., dont le siège social se trouve « Immeuble Le Panorama », 57, rue Gr...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 JANVIER 2015

- Monsieur a. ou a. GE., né le 6 janvier 1949 à Castoréale (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco,

- Monsieur f. GE., né le 8 juin 1978 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco, et en dernier lieu via X - 6500 Bellinzona (Suisse),

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

APPELANTS,

d'une part ;

Contre :

1. La société civile particulière dénommée GE. LO., dont le siège social se trouve « Immeuble Le Panorama », 57, rue Grimaldi à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice, M. m. LO., né le 22 août 1945 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, administrateur de sociétés, demeurant et domicilié X à Monaco,

2. La SCP ANTMAR, dont le siège social se trouve « Immeuble Le Panorama », 57, rue Grimaldi à Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice, M. m. LO., né le 22 août 1945 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, administrateur de sociétés, demeurant et domicilié X à Monaco,

3. Monsieur m. LO., né le 22 août 1945 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, administrateur de sociétés, demeurant et domicilié X à Monaco,

4. Monsieur f. LO., né le 5 février 1976 à Gênes (Italie), de nationalité italienne, demeurant et domicilié X à Monaco,

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur,

INTIMÉS

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 mars 2013 (R.4075) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 13 mai 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000165) ;

Vu les conclusions déposées les 16 octobre 2013 et 10 juin 2014, par Maître ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom des SCP GE. LO et ANTMAR et de m. et f. LO. ;

Vu les conclusions déposées les 29 avril et 10 octobre 2014, par Maître MICHEL, avocat-défenseur, au nom de a. et f. GE. ;

À l'audience du 25 novembre 2014, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par a. GE. et f. GE., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 14 mars 2013 (R. 4075),

Considérant les faits suivants :

m. LO. et a. GE. se sont associés en 1985 au sein de la SAM ATLAS MARITIME.

En 2003 ont été créées les SCP ANTMAR et GE.LO. dont le capital est réparti entre les familles LO. et GE.

La gérance de ces sociétés civiles est assurée par m. LO. et a. GE. qui disposent des pouvoirs les plus étendus pour agir ensemble ou séparément.

Le 10 décembre 2003 la société GE.LO. a donné à bail, à compter du 1er décembre, des bureaux à la société ATLAS MARITIME moyennant un loyer de 72.000 euros outre les charges.

Suivant avenant du 13 mai 2008, le loyer a été porté à la somme de 132.000 euros à compter rétroactivement du 1er janvier.

Le 15 septembre 2008, MM. GE. père et fils ont démissionné de leurs fonctions d'administrateur délégué de la société ATLAS MARITIME, laquelle en a pris acte lors de son assemblée générale ordinaire du 3 novembre 2008.

Le 4 mars 2009 le montant du loyer réglé par la société ATLAS MARITIME a été ramené à la somme de 72.540 euros à compter du 1er janvier 2009.

a. et f. GE. estimant que cette décision tendait à favoriser la société ATLAS MARITIME au détriment de la société GE.LO. et de ses associés ont saisi le Tribunal de Première Instance pour voir prononcer la dissolution anticipée des sociétés GE.LO. et ANTMAR.

Par jugement du 14 mars 2013, ce Tribunal les a déboutés de cette demande, a refusé d'accorder des dommages-intérêts pour procédure abusive à m. LO., f. LO. et aux SCP GE.LO. et ANTMAR et enfin a mis les dépens à la charge in solidum de a. et f. GE..

Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu pour la société GE.LO. qu'il n'était pas démontré que l'affectio societatis aurait disparu et que la divergence des associés concernant le prix du loyer fixé par la société GE.LO. aurait paralysé le fonctionnement de cette entité ; ils ont par ailleurs fait état de l'absence de pièces relatives au fonctionnement de la société ANTMAR.

Par exploit en date du 13 mai 2013 (instance enrôlée sous le n° 2013/000165), a. et f. GE. ont interjeté appel du jugement susvisé et ont assigné la SAM ATLAS MARITIME, la SCP GE.LO., la SCP ANTMAR, m. LO. et f. LO. aux fins de voir infirmer cette décision et statuant de nouveau :

« - s'entendre prononcer la dissolution anticipée de la SCP GE.LO. constituée entre la SCP ANTMAR, m. LO. et a. GE. par acte du 17 novembre 2003, enregistré, immatriculée sous le numéro 03 SC 11014, avec toutes conséquences de droit,

* s'entendre également prononcer la dissolution anticipée de la SCP ANTMAR, constituée initialement entre m. LO. et a. GE. par acte du 4 novembre 2003, enregistré, immatriculée sous le numéro 03 SC 11002, avec toutes conséquences de droit,

* ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage et commettre pour y procéder tel notaire qu'il appartiendra, ainsi qu'un juge du siège pour suivre les opérations et faire rapport en cas de contestation,

* condamner tout contestant aux dépens de première instance et d'appel distraits au profit de Maître MICHEL. »

Aux termes de cet exploit et des conclusions postérieures des 29 avril et 10 octobre 2014, il est reproché au Tribunal de s'être livré à une lecture restrictive de l'article 1703-4° du Code civil dont la rédaction avec l'emploi du terme « notamment » ouvrirait un champ d'application plus large de motifs de dissolution anticipée que la seule exigence d'une paralysie absolue de la société posée par les premiers juges.

Il est ainsi soutenu qu'en l'espèce la dissolution serait justifiée par la disparition de l'affectio societatis résultant du comportement volontairement préjudiciable à l'intérêt des associés adopté par m. LO. à l'occasion de l'avenant du 4 mars 2009 conclu unilatéralement peu de temps après le retrait d'a. GE. de la société ATLAS MARITIME, ainsi que par la paralysie du fonctionnement de la société causée par la mésentente profonde et durable qui oppose désormais les deux familles qui ont constitué la société GE.LO.

Il est encore prétendu que rien n'empêche désormais m. LO. de réitérer une décision contraire au pacte sociétal.

En réponse, la SCP GE.LO., la SCP ANTMAR, m. et f. LO. s'opposent aux prétentions des consorts GE. et sollicitent la confirmation de la décision ainsi que la condamnation solidaire des appelants à leur régler la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, en indiquant formaliser un appel incident de chef.

Il est répliqué dans leurs écrits que :

* il n'est nullement démontré en quoi la révision du prix de location, pour autant qu'elle a suscité un désaccord entre associés, aurait fait disparaître l'affectio societatis au sein d'une entité où les co-gérants se sont vu confier les pouvoirs les plus étendus d'agir ensemble ou séparément,

* faute de preuve de difficulté rencontrée dans l'administration de la société GE.LO. il n'est pas établi que la simple mésentente entre associés en paralyse le fonctionnement ; ce désaccord n'est dès lors pas suffisant à entraîner sa dissolution anticipée,

* la baisse du loyer était justifiée pour tenir compte de la conjoncture du marché locatif monégasque en 2009 et pour rétablir le loyer au montant auquel il se trouvait avant l'avenant du 13 mai 2008.

Les parties intimées fondent enfin leur demande de dommages-intérêts sur l'obstination de l'appelant dans ses prétentions malgré l'absence de production de pièces susceptibles de les justifier.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu que le dernier alinéa de l'article 431 du Code de procédure civile ouvre la possibilité au plaideur de réclamer en cause d'appel des dommages-intérêts pour le préjudice subi depuis le jugement ;

Que c'est donc de manière erronée que la SCP GE.LO., la SCP ANTMAR, m. et f. LO., qui réclament « des dommages-intérêts pour appel abusif », indiquent formaliser un appel incident de ce chef, se contentant en réalité ce faisant de mettre en œuvre le texte précité ;

Attendu que l'appel du jugement entrepris du 14 mars 2013 a été régularisé dans le délai imposé par la loi et est donc recevable ;

Attendu que l'article du 1703 du Code civil énonce les causes de dissolution de la société ;

Que la dissolution judiciaire anticipée peut être demandée par un associé lorsqu'il existe de justes motifs, parmi lesquels sont cités à titre d'exemple - article 1703-4° - l'inexécution de ses obligations par un associé ou la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ; que cette liste n'est pas limitative au regard de l'emploi de l'adverbe « notamment » ;

Attendu, en l'espèce, que les consorts GE. invoquent à l'appui de leur demande de dissolution judiciaire de la société GE.LO. la disparition de l'affectio societatis et l'existence d'une mésentente grave et durable assimilable selon eux à une paralysie ;

Attendu qu'il est constant que m. LO. et a. GE. et leurs fils respectifs sont associés dans les SCP GE.LO. et ANTMAR, la famille LO. étant légèrement majoritaire ;

Que selon les statuts de cette société, son administration relève d'une co-gérance réservée à m. LO. et a. GE. qui ont le pouvoir d'agir ensemble ou séparément ;

Attendu que la perte de l'affectio societatis résiderait dans la décision frauduleuse du 4 mars 2009 ; mais attendu qu'il n'est pas démontré que m. LO. aurait pris une décision en fraude des droits d'a. GE. et contraire aux intérêts de la société GE.LO. en ramenant le montant du loyer encaissé par elle au prix du marché locatif, en l'état d'une évidente et trop importante disparité entre le prix réclamé et la valeur locative réelle des biens donnés en location ;

Attendu par ailleurs que si la formule de l'article 1703-4° n'est effectivement pas limitative, la mésentente entre associés ne peut néanmoins les conduire à demander la dissolution de la société que dans la mesure où elle a pour effet d'en paralyser le fonctionnement ; que la simple constatation d'un désaccord entre eux ne suffit pas à cet égard pour obtenir une décision judiciaire de dissolution d'une société, encore faut-il démontrer sa paralysie, ce qu'ont à bon droit relevé les premiers juges ;

Qu'en l'occurrence, il n'est absolument pas avéré qu'une mésentente suffisamment profonde et grave pour qu'il soit mis un terme à la société GE.LO. existerait entre les deux associés ;

Qu'il n'est en effet pas démontré que cette société ne serait pas correctement gérée et ne remplirait pas normalement son objet social, rien ne permettant de retenir que le gérant majoritaire, m. LO., n'aurait d'autre but que de spolier les associés minoritaires, étant ici observé que, depuis le désaccord portant sur l'avenant du 4 mars 2009, aucun autre incident ou prise de position contraire aux intérêts de la société n'a été invoqué par les consorts GE., pas davantage que des problèmes inhérents à la convocation d'Assemblées générales ou encore à la prise de décisions ;

Attendu que les arguments au soutien de la demande de dissolution sont tous relatifs à la société GE.LO., les appelants se contentant d'assurer, sans fournir néanmoins le moindre élément tangible en ce sens, que la société ANTMAR serait également gérée dans les seuls intérêts des consorts LO. ;

Qu'en définitive la décision sera confirmée en toutes ses dispositions frappées d'appel ;

Que l'appel formalisé par les consort GE., qui procède de la faculté qui leur était offerte par la loi et qu'ils ont utilisé sans la faire dégénérer en abus, ne peut ouvrir droit à dommages-intérêts ;

Et attendu qu'a. et f. GE. qui succombent seront solidairement condamnés aux dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit a. et f. GE. en leur appel,

Les en déboutant,

Confirme le jugement entrepris du Tribunal de première instance en date du 14 mars 2013 (R.4075) en ses dispositions appelées,

Déboute la SCP GE.LO., la SCP ANTMAR, m. et f. LO. de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne a. et f. GE. solidairement aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 13 JANVIER 2015, par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12866
Date de la décision : 13/01/2015

Analyses

Aux termes de l'article 1703 du Code civil, tout associé a qualité pour demander en justice la dissolution anticipée d'une société pour justes motifs parmi lesquels figure la mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.Tel n'est pas le cas, lorsque, comme en l'espèce, il n'est constaté entre les associés qu'un désaccord ponctuel relatif à la baisse du prix d'un loyer fixé par la société, au regard de la conjoncture du marché locatif, et alors que la société a continué à fonctionner normalement.

Constitution - dissolution et actes relatifs à la vie de la société  - Dirigeant et associé.

Société - Dissolution judiciaire - Causes - Justes motifs - Mésentente entre associés (oui) - Paralysie du fonctionnement de la société (non) - Rejet de la demande.


Parties
Demandeurs : a. GE. et f. GE.
Défendeurs : la société civile particulière dénommée GE.LO., la SCP ANTMAR, m. LO. et f. LO.

Références :

article 431 du Code de procédure civile
Code civil
article 1703 du Code civil
article 1703-4° du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2015-01-13;12866 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award