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25/11/2014 | MONACO | N°12757

Monaco | Cour d'appel, 25 novembre 2014, Madame a. GI. épouse RE. c/ La Société Anonyme Monégasque dénommée BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD « BGER »


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014

En la cause de :

- Madame a. GI. épouse RE., née le 12 mai 1951 à TURIN (Italie), de nationalité monégasque, exerçant la profession de responsable des relations publiques du Groupe RE., domiciliée et demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée BANQUE DE GESTION EDMOND DE R

OTHSCHILD en abrégé « BGER », dont le siège social est sis «Les Terrasses», 2 avenue de Monte-Carlo à Monaco, prise en la...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2014

En la cause de :

- Madame a. GI. épouse RE., née le 12 mai 1951 à TURIN (Italie), de nationalité monégasque, exerçant la profession de responsable des relations publiques du Groupe RE., domiciliée et demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD en abrégé « BGER », dont le siège social est sis «Les Terrasses», 2 avenue de Monte-Carlo à Monaco, prise en la personne de son Président délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 20 décembre 2012 (R.2623) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 19 février 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000113) ;

Vu les conclusions déposées les 25 juin 2013, 19 mars et 7 octobre 2014, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD MONACO « BGER » ;

Vu les conclusions déposées les 3 décembre 2013 et 1er juillet 2014, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de a. GI. épouse RE. ;

À l'audience du 21 octobre 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Considérant les faits suivants :

La Cour statue sur l'appel relevé le 19 février 2013 par a. RE. à l'encontre d'un jugement rendu le 20 décembre 2012 par le Tribunal de première instance de Monaco et entend se référer à l'exposé par les premiers juges des faits.

Il suffit, dès lors, de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Le 10 décembre 2001, les époux RE. ont ouvert un compte joint dans les livres de la Banque de Gestion Edmond de Rothschild Monaco, ci-après BGER, qu'ils ont converti le 12 juillet 2006 en compte simple dont a. RE. est devenue l'unique titulaire.

À la date de cette transformation le compte présentait un solde créditeur de 129.776,37 euros.

Par la suite, il a successivement été crédité :

* le 25 juillet 2006, d'un virement de 29.976,08 euros ordonné par al. RE.,

* le 2 août 2006 d'un chèque de 170.000 euros remis à l'encaissement par a. RE.,

* le 9 octobre 2006, d'un virement de 758.000 euros ordonné par al. RE.

Le 31 octobre de la même année, a. RE. a, suivant mandat, confié à la BGER, la gestion de ses avoirs d'une valeur de 1.090.000 euros. Ce mandat a été résilié par ses soins suivant courrier du 9 août 2007.

Reprochant à la BGER d'avoir, postérieurement à la résiliation du mandat de gestion, exécuté de nombreuses opérations spéculatives sur son compte bancaire, sans instruction de sa part, a. RE. a saisi le Tribunal de première instance aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Ce Tribunal a :

* rejeté la demande de bâtonnement présentée par a. GI. épouse RE.,

* dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes de réserves présentées par a. GI. épouse RE.,

* condamné la BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD à verser à a. GI. épouse RE. la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

* ordonné la capitalisation des intérêts,

* débouté a. GI. épouse RE. du surplus de ses demandes,

* débouté la BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

* condamné la BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD aux dépens.

Au soutien de cette décision les premiers juges ont pour l'essentiel, d'une part, caractérisé deux types de fautes à l'encontre de la BGER : un manquement à son obligation d'information lors de la résiliation du mandat et l'exécution d'opérations sans ordre exprès de la titulaire du compte après la résiliation de ce mandat, d'autre part, estimé que ces manquements n'étaient pas à l'origine du préjudice financier invoqué, admettant cependant que leur gravité avait néanmoins généré un préjudice moral à hauteur de 30.000 euros.

Suivant exploit du 19 février 2013, a. RE. a interjeté appel parte in qua de ce jugement signifié le 21 janvier 2013, dont elle a sollicité la réformation partielle pour voir la Cour dire qu'il n'est nullement établi qu'elle ait eu connaissance des opérations litigieuses et condamner la BGER au paiement de la somme de 550.000 euros toutes causes de préjudices confondues, outre intérêts au taux légal à compter du 23 janvier 2008 lesquels seront capitalisés.

Dans le dernier état de ses écrits judiciaires, a. RE. a porté à la somme de 600.000 euros le montant réclamé.

Pour obtenir cette réformation, l'appelante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce en raisonnant par déduction et a refusé à tort de l'indemniser des agissements fautifs de la BGER qu'il avait consacrés.

Elle affirme n'avoir eu aucune connaissance des opérations réalisées sur son compte après la résiliation du mandat de gestion et observe à cet égard que :

* il est erroné de déduire une telle existence de l'information reçue lors de l'exécution du mandat de gestion, dès lors qu'aucune situation patrimoniale éditée en suite de la résiliation du mandat n'a été signée par ses soins et qu'aucun des relevés de portefeuille envoyé par la banque n'a davantage été retourné signé ou portant la mention « bon pour accord » ; rien ne permet d'affirmer que la situation générale au 9 août 2007 éditée le 4 octobre 2010 lui aurait effectivement été remise le jour de la résiliation du mandat de gestion qui est intervenue au demeurant le 23 août 2007,

* les documents qu'elle a versés aux débats sont insuffisants à établir son information au moment de la réalisation des opérations critiquées, s'agissant en réalité d'une information a posteriori,

* le fait d'avoir suivi l'évolution de son portefeuille durant la gestion sous mandat n'implique pas ipso facto la poursuite d'un tel suivi après, dans la mesure où la résiliation du mandat en a au contraire ôté tout intérêt puisque le compte est devenu inactif,

* le courrier adressé par son gestionnaire de compte le 21 avril 2008, qu'elle produit en cause d'appel, est la preuve de ce qu'elle n'était pas au courant de la situation et confirme les témoignages en ce sens.

Elle conteste l'existence, alléguée par l'intimée, d'un mandat tacite entre époux, maintenant n'avoir jamais été avisée des opérations réalisées à son insu sur son compte dans la mesure où le traitement du courrier bancaire y relatif était laissé à son mari avant d'être confié à leur expert-comptable.

Elle observe, au demeurant, que le principe de l'indépendance bancaire entre époux fait échec à l'application des règles du mandat tacite en matière bancaire.

Elle fait valoir qu'il appartient au banquier de s'assurer, non seulement que celui qui réalise des opérations sur le compte de son conjoint dispose d'une procuration pour ce faire, mais encore, dans le cas présent, compte tenu de l'importance des opérations réalisées, tant en terme de fréquence que de montant, qu'elle-même était bien informée desdites opérations. Elle précise n'avoir été qu'une seule fois informée d'un ordre de virement du 21 avril 2008 émanant de son mari, qu'elle a alors cosigné pour régularisation. Elle n'a pour le reste ratifié aucune des autres opérations litigieuses.

Le principe de responsabilité de la banque étant acquis, elle estime avoir droit à la réparation de l'intégralité des préjudices financiers subis par elle à compter du 31 décembre 2007, soit une perte au 30 septembre 2008 de la somme de 475.055,37 euros augmentée des frais engagés pour faire valoir ses droits et de l'indemnité destinée à compenser les tracas liés à la procédure judiciaire, la privation de jouissance de ces sommes et la résistance abusive de la BGER.

Elle réclame enfin la capitalisation des intérêts à compter du 23 janvier 2008 par application de l'article 2009 du Code civil, compte tenu de l'ancienneté des préjudices et des circonstances.

La BGER, intimée et appelante incidente, oppose à titre principal aux prétentions d'a. RE. l'existence d'un mandat tacite entre les époux qui autorisait, selon elle, al. RE. à gérer le compte d'instruments financiers de son épouse. Elle sollicite l'infirmation du jugement ayant consacré une faute de sa part et l'ayant condamnée à payer à sa cliente la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

À titre subsidiaire, elle entend voir la Cour infirmer le jugement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts à a. RE. au titre du préjudice moral en l'absence d'un quelconque manquement de sa part et en l'état de la ratification par a. RE. des opérations passées dont elle avait parfaite connaissance.

En tout état de cause elle demande à la juridiction de :

* constater que l'appelante a abandonné ses prétentions pour la période antérieure au 31 décembre 2007 avec toutes conséquences de droit,

* confirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'absence de manquement au devoir d'information durant l'exécution du mandat de gestion et dans le cadre de l'acquisition des Hedge Funds et des actions PEACE MARK,

* infirmer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et condamner a. RE. à lui payer la somme de 100.000 euros à ce titre pour procédure abusive.

Au soutien de ses prétentions, elle conteste avoir commis la moindre faute dans la tenue du compte d'a. RE. et l'existence d'un préjudice dont elle serait responsable.

Sur l'absence de faute, elle fait en substance valoir que :

* la réclamation d'a. RE. ne porte que sur les opérations initiées postérieurement au 31 décembre 2007, bien qu'un certain nombre d'opérations ait été initié par son mari lors de la période comprise entre le jour de la résiliation du mandat de gestion et cette date,

* a. RE. a été destinataire des relevés bancaires à son domicile : aucun manquement à son devoir d'information, que ce soit au cours de l'exécution du mandat de gestion ou postérieurement à sa résiliation, ne lui est dès lors imputable,

* les opérations litigieuses ont été régulièrement passées par l'époux de sa cliente, investi en vertu de la loi d'un mandat tacite de gestion en application de l'article 1428 du Code civil,

* le compte de dépôt n'exclut pas le contrat de mandat tacite entre époux, de même que le compte-titres, à la condition qu'il ne s'agisse pas d'actes de disposition et que la gestion ait été menée par le conjoint au su de l'époux titulaire du compte,

* en matière d'instruments financiers, le pouvoir de gestion et d'administration recouvre la vente et l'acquisition,

* le fait de ne critiquer que partie des opérations initiées par son mari sur son compte personnel (et plus particulièrement les investissements ayant engendré des pertes) et d'avoir cosigné en avril 2008, afin de le ratifier, un ordre de virement donné préalablement par al. RE. seul est suffisant à établir l'existence d'un mandat tacite entre les époux RE. et la connaissance par l'appelante des opérations initiées sur son compte personnel, ce qu'elle aurait d'ailleurs admis tant en 1re instance, qu'en appel en s'abstenant de critiquer la partie du jugement ayant consacré la régularité des opérations passées au 31 décembre 2007,

* a. RE. ne conteste pas avoir été destinataire des relevés de compte ; la banque n'est pas responsable de la manière dont le couple RE. gère son courrier,

* la nouvelle pièce produite par l'appelante en cause d'appel révèle sa connaissance de l'évolution défavorable de son compte dès avril 2008, alors qu'elle n'a questionné la banque qu'au mois de juillet 2008.

Sur l'absence de préjudice réparable :

Principalement pour le cas où l'existence d'un mandat tacite serait reconnu : la BGER conclut à la confirmation de la décision par substitution de motifs sur le fondement de ce mandat et à son infirmation relativement à l'existence d'un préjudice moral en l'absence de faute de sa part,

Subsidiairement si le mandat tacite n'était pas retenu : la décision sera confirmée sur la ratification par a. RE. des opérations passées sur son compte par son époux, mais infirmée en ce qu'elle a retenu un préjudice moral au mépris de cette approbation de la gestion opérée par son époux.

La BGER fonde enfin sa demande en dommages-intérêt sur l'atteinte à sa réputation, un manque de professionnalisme lui étant reproché par a. RE., et les frais engagés pour se défendre en justice.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu qu'a. RE. a régulièrement interjeté appel le 19 février 2013 du jugement rendu par le Tribunal de première instance le 20 décembre 2012, signifié le 21 janvier 2013 ;

Que l'appel principal est ainsi recevable, de même que l'appel incident régularisé par voie de conclusions en vertu de l'article 428 du Code de procédure civile ;

Attendu que les dispositions du jugement relatives au rejet des demandes de bâtonnement et de réserves ne sont pas débattues en cause d'appel et apparaissent dès lors définitives ;

Que devant la Cour, a. RE. n'articule plus aucun grief ou moyen relativement à l'exécution du mandat de gestion, mais la BGER se défend d'avoir manqué à son devoir d'information à la date de la résiliation du mandat ;

Attendu à cet égard, qu'il n'est pas contesté qu'à la date du 23 août 2007, date d'accusé réception par la BGER valant dénonciation, la banque n'a, en méconnaissance des dispositions contractuelles, ni établi ni adressé de relevé de situation générale du compte, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges ;

Attendu, par ailleurs, qu'a. RE. recherche la responsabilité de la BGER sur la base du fonctionnement de son compte après la résiliation du mandat de gestion le 23 août 2007 ; qu'elle reproche à la BGER d'avoir exécuté sur son compte bancaire, sans instruction de sa part, de nombreuses opérations spéculatives ; que ces opérations ont été en réalité initiées sur ordres de son mari ;

Que la BGER, qui ne prétend pas disposer d'ordres écrits de la part d'a. RE., invoque pour justifier les opérations litigieuses la présomption bancaire édictée par l'article 194 du Code civil ;

Attendu, en droit, que les règles relatives à la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l'égard du banquier dépositaire, lequel est tenu, en sa qualité de professionnel, de ne restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir, peu important la nature des fonds déposés sur le compte ;

Qu'en ce sens le principe général de l'autonomie bancaire des époux relatif au fonctionnement du compte ne s'accommode pas de présomptions de représentation mutuelle des époux à l'égard du banquier dépositaire : le droit de faire fonctionner le compte n'appartient qu'à son titulaire, son conjoint n'a, en cette seule qualité, aucun droit ;

Que toutefois le défaut ou le dépassement de pouvoir peut être couvert par l'aval que l'époux titulaire du compte peut donner à l'ordre passé, sans pouvoir, par son conjoint ; qu'en ce sens, la connaissance de l'acte et le silence gardé à ce sujet constituent une forme de ratification tacite de l'acte litigieux ;

Attendu, en l'espèce, que la gestion du compte effectuée par al. RE., au su de son épouse et sans néanmoins d'opposition, apparaît valable ;

Que les éléments de la cause révèlent en effet qu'a. RE. avait connaissance des opérations réalisées par son conjoint en son nom ;

Que ces opérations figuraient sur les documents bancaires régulièrement adressés par la banque à son domicile, ce qu'elle ne conteste pas, l'argument tiré par elle de la délégation du traitement du courrier à son mari n'étant pas opposable à la BGER et n'apparaissant au demeurant pas sérieux au regard de la composition du portefeuille et des titres détenus, qui imposaient un suivi régulier de leur valeur par nature fluctuante ; qu'il s'avérait ainsi nécessaire pour a. RE. de se tenir informée pour éviter d'éventuelles pertes en raison d'une évolution défavorable des valeurs des titres ; que c'est d'ailleurs ce qu'elle admet avoir fait jusqu'au 31 décembre 2007, puisqu'elle ne conteste aucune des opérations initiées par son mari (au nombre de quinze), confirmant ainsi sa connaissance de la gestion initiée par lui et avalisant les opérations faites en son nom par celui-ci ; que cette situation s'explique d'autant mieux que la plus grosse partie du portefeuille provient de sommes déposées par al. RE. et que la transformation du compte joint initial en compte individuel a été faite à la demande de l'époux, « afin d'éviter d'éventuelles poursuites de créanciers à son égard », selon les déclarations de GI., ancien gestionnaire du compte, dans la sommation interpellative qui lui a été délivrée ;

Qu'il ne peut être sérieusement soutenu par a. RE. qu'à compter de l'année 2008 elle se serait complètement désintéressée du sort de son compte et qu'elle n'aurait découvert qu'en juillet 2008 l'exécution des instructions litigieuses, savoir l'acquisition d'actions PEACE MARKET le 23 janvier 2008 et l'absence de vente des fonds Hedge acquis pour leur part en janvier 2007, alors même que :

* le monde connaissait une crise financière sans précédent,

* le 21 avril 2008 elle était informée par la banque qu'un ordre de virement avait été donné par son mari, ordre qu'elle régularisait en apposant sa signature a posteriori,

* à la même date Giancarlo GI. lui adressait un courriel pour l'aviser de l'évolution défavorable de son compte, précisant également qu'« al. était au courant de l'évolution de ton compte », cette dernière observation ne la faisant pas pour autant réagir ;

Attendu en définitive, qu'il appert de l'ensemble de ces éléments qu'al. RE. avait pris en main la gestion du compte au su de son épouse et sans opposition de sa part, laquelle par son silence et sa volonté de poursuivre les opérations en faveur de ses intérêts, les a ratifiées en pleine connaissance de cause, la Cour observant ici qu'elle ne les a dénoncées qu'à la chute du cours des titres litigieux mais nullement au mois d'avril 2008 lorsqu'elle a été officiellement informée des diligences accomplies par son mari ;

Que la BGER ne saurait donc être tenue pour responsable des pertes enregistrées sur le compte d'a. RE., assimilables en toutes hypothèses en une simple perte de chance ;

Que dès lors a. RE. sera déboutée de sa demande d'indemnisation, qui ne repose au demeurant nullement sur le manquement au devoir d'information caractérisé à l'encontre de la banque ;

Que la décision déférée sera donc réformée sur ce point ;

Attendu qu'a. RE. qui succombe pour l'essentiel sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que la BGER demande la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 100.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Mais attendu que dès lors qu'elle succombe pour partie dans ses prétentions, elle ne peut valablement soutenir que la présente procédure serait abusive ; que sa demande sera donc rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;

Attendu qu'a. RE. supportera la totalité des dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Adoptant les motifs des Premiers Juges et par motifs propres,

Reçoit les appels,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 20 décembre 2012 en ce qu'il a dit que la BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD avait manqué à son devoir d'information à la date de la résiliation du mandat de gestion et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts,

Le réforme pour le surplus des dispositions déférées, et statuant à nouveau,

Dit que la BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD n'est pas responsable des pertes enregistrées sur le compte d'a. RE. courant janvier 2008,

Déboute a. RE. de sa demande d'indemnisation de ce chef,

Rejette en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes conclusions et demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne a. RE. aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, faisant fonction de Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, assistés de Mademoiselle Florence TAILLEPIED, Greffier stagiaire,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 25 NOVEMBRE 2014 par Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12757
Date de la décision : 25/11/2014

Analyses

Les règles relatives à la représentation mutuelle des époux dans leurs rapports avec les tiers sont sans application à l'égard du banquier dépositaire lequel est tenu, en sa qualité de professionnel, de ne restituer les fonds déposés qu'à celui au nom duquel le dépôt a été fait ou à celui qui a été indiqué pour les recevoir. En effet, le principe de l'autonomie bancaire des époux relatif au fonctionnement du compte ne s'accommode pas des présomptions de représentation mutuelle des époux à l'égard du banquier dépositaire : le droit de faire fonctionner le compte n'appartient qu'à son titulaire, son conjoint n'a, en cette seule qualité, aucun droit.Toutefois, le défaut ou le dépassement de pouvoir peut être couvert par l'aval que l'époux titulaire du compte peut donner à l'ordre passé, sans pouvoir par son conjoint.En ce sens, la connaissance de l'acte et le silence gardé à son sujet constituent une forme de ratification tacite de l'acte litigieux.En l'espèce, la gestion du compte effectuée par le mari apparaît donc valable, dès lors que les éléments de la cause révèlent que l'épouse titulaire du compte avait connaissance des opérations réalisées par son conjoint en son nom et a manifesté sa volonté de les prendre à son compte.

Droit de la famille - Mariage  - Opérations bancaires et boursières  - Comptes bancaires.

Banque - Opérations effectuées sur le compte personnel de l'un des époux sur l'ordre de l'autre époux - Ratification tacite de ses opérations par le conjoint titulaire du compte du fait qu'il en a eu connaissance et ne s'y est pas opposé.


Parties
Demandeurs : Madame a. GI. épouse RE.
Défendeurs : La Société Anonyme Monégasque dénommée BANQUE DE GESTION EDMOND DE ROTHSCHILD « BGER »

Références :

article 1428 du Code civil
article 428 du Code de procédure civile
article 2009 du Code civil
article 194 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-11-25;12757 ?

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