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10/06/2014 | MONACO | N°12307

Monaco | Cour d'appel, 10 juin 2014, La société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO c/ v. CR.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 10 JUIN 2014

En la cause de :

- la société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO, dont le siège social est sis Héliport de Monaco, avenue des Ligures (98000), immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 76 S 01554, prise en la personne de son Président délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,
>contre :

- Monsieur v. CR., demeurant X - CH 1815 Clarens/Montreux (Suisse),

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Sop...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 10 JUIN 2014

En la cause de :

- la société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO, dont le siège social est sis Héliport de Monaco, avenue des Ligures (98000), immatriculée au RCI de Monaco sous le n° 76 S 01554, prise en la personne de son Président délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Monsieur v. CR., demeurant X - CH 1815 Clarens/Montreux (Suisse),

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Danièle RIEU, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 18 avril 2013 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 13 juin 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000181) ;

Vu les conclusions déposées les 22 octobre 2013 et 28 mars 2014, par Maître LAVAGNA, avocat-défenseur, au nom de v. CR. ;

Vu les conclusions déposées le 28 janvier 2014, par Maître BLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM HELI AIR MONACO ;

À l'audience du 29 avril 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM HELI AIR MONACO, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 18 avril 2013.

Considérant les faits suivants :

Suivant jugement du 18 avril 2013, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du travail statuant dans l'instance opposant v. CR. à la SAM dénommée HELI AIR MONACO, ci-après HELI AIR, son ancien employeur, a :

* déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire formée par v. CR. pour la période antérieure au 1er août 2005 ;

* condamné la société anonyme monégasque HELI AIR MONACO à payer à v. CR. :

* la somme brute de 8.587,86 euros à titre de rappel de salaire de base pour la période comprise entre le 1er août 2005 et le 31 mai 2007, ainsi que la somme brute de 858,79 euros au titre des congés payés afférents,

* la somme de 2.270,50 euros au titre de l'indemnité monégasque de 5 %,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2010 et sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

* dit que le licenciement de v. CR. par la société HELI AIR MONACO n'est pas fondé sur un motif valable ou une faute grave et revêt un caractère abusif ;

* condamné la société HELI AIR MONACO à payer à v. CR., la somme brute de 2.746,62 euros à titre de complément d'indemnité de préavis ainsi que la somme brute de 274,66 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2010 ;

* condamné le société HELI AIR MONACO à payer à v. CR. la somme de 2.828,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ainsi que la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

* débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamné la société HELI AIR MONACO aux dépens.

Au soutien de cette décision les premiers juges ont pour l'essentiel retenu, qu'une seule instance pouvait être introduite pour tous les contrats conclus entre les mêmes parties, que l'application du principe de parité minimale devait être admise faute pour l'employeur d'avoir démontré que les conditions de travail n'étaient plus identiques à Monaco et dans la région économique voisine, que les griefs reprochés au salarié pour le licencier n'étaient pas établis et qu'enfin l'abus dans la mise en œuvre de la rupture résultait de la légèreté blâmable dont l'employeur avait fait preuve.

Suivant exploit du 13 juin 2013, la SAM dénommée HELI AIR MONACO a interjeté appel de ce jugement dont il a sollicité l'infirmation, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de rappel de salaire formée par v. CR. pour la période antérieure au 1er août 2005, et entend en conséquence voir :

In limine litis :

« …- Constater que v. CR. n'a pas détaillé, dans sa requête introductive d'instance, les sommes correspondantes aux trois contrats de travail concernés et qu'il n'a pas davantage mentionné le contrat de travail sur lequel portait la contestation de son licenciement ;

* Déclarer irrecevables toutes les demandes formées par v. CR., suivant sa requête introductive d'instance du 5 juillet 2010, reçue le 2 août 2010, lesquelles ne dérivent pas du même contrat de travail, mais de trois contrats de travail distincts et espacés dans le temps ;

* Le débouter en conséquence de la totalité de ses demandes ;

À titre subsidiaire :

Si par impossible, le moyen d'irrecevabilité ci-avant soulevé ne devait pas prospérer :

* Dire et juger qu'il n'appartenait pas à l'employeur, (HELI AIR MONACO) de démontrer que les conditions de travail n'étaient pas identiques à Monaco et dans la région économique voisine ;

* Dire et juger qu'en reprochant à la société HELI AIR MONACO de ne pas avoir démontré l'existence de conditions de travail différentes dans la région de référence, le Tribunal du Travail a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 modifié par la loi n° 1.068 du 28 décembre 1983, et de l'article 1162 du Code civil ;

* Dire et juger qu'au regard de l'arrêt de la Cour de Révision du 14 octobre 2011 (TF/SAM M), l'existence de conditions de travail identiques à Monaco et dans la région de référence, au sens des textes susvisés, est une condition d'application du principe posé de parité des salaires et non une modalité de sa mise en œuvre et qu'elles s'entendent de l'ensemble des dispositions régissant le travail salarié, notamment de l'aménagement de sa durée, de sa flexibilité et de leurs coûts corrélatifs ;

* Dire et juger que dans la branche d'activités spécifique à la société HELI AIR MONACO, les conditions de travail ne sont pas identiques à Monaco et dans la région économique voisine ;

* Débouter purement et simplement v. CR. de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu'elles sont inopérantes et sans fondements ;

* Dire et juger que le licenciement de v. CR. ne revêt aucun caractère abusif et qu'il est fondé sur un motif valable ;

* Dire et juger que v. CR. a été entièrement rempli de ses droits ;

* Condamner v. CR. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation… »

Ajoutant à ses premiers écrits, l'appelante a en outre demandé à la Cour, dans ses conclusions en date du 28 janvier 2014, de :

* constater qu'il n'appartenait pas aux premiers juges, tant en conciliation que par-devant le bureau de jugement, de pallier l'irrégularité de la saisine du Tribunal du travail faite à la requête de v. CR.,

* lui donner acte de ce qu'elle a communiqué et versé aux débats, suivant bordereau de pièces du 17 décembre 2013 (numérotées 6 à 26) les pièces et décisions de justice visées dans son acte d'appel,

* condamner v. CR. à lui rembourser la somme de 12.221,81 euros au titre de sa condamnation prononcée en première instance sous le bénéfice de l'exécution provisoire, augmentée des intérêts de droit au taux légal à compter des présentes.

Au soutien de son appel, la société HELI AIR s'oppose en premier lieu à la recevabilité des demandes de v. CR. au motif que la règle de l'unicité de l'instance suppose un seul et unique contrat de travail et qu'en l'espèce il existe trois contrats de travail distincts.

Sur le fond, l'appelante reproche aux premiers juges :

* d'avoir inversé la charge de la preuve laquelle repose en l'espèce sur v. CR., lequel invoquant l'application du principe de parité minimale doit démontrer que les salariés occupant un emploi de même nature que le sien bénéficient de conditions de travail identiques dans la région voisine,

* d'avoir fait de l'exigence de la notion de conditions de travail identiques une modalité d'application de la règle de l'égalité des salaires en l'appliquant à la résolution d'un problème particulier lié à des faits spécifiques, alors qu'il s'agit en réalité d'une condition de son application,

* de n'avoir pas pris en considération les fautes énoncées dans la lettre de rupture.

Elle fait en substance valoir :

* qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de rapporter la preuve de son existence,

* que v. CR. est défaillant dans l'administration de cette preuve dans la mesure où les documents qu'il produit n'établissent pas que les revalorisations de salaire dans les entreprises de la branche en France s'appliqueraient à Monaco,

* que pourtant les conditions de travail doivent être identiques,

* qu'en réalité les évolutions législatives françaises et les différences notables en matière d'organisation du temps de travail qu'elles ont générées ont conduit à une rupture d'égalité des conditions de travail à Monaco et en France,

* que ces conditions n'étaient pas identiques faute pour le droit monégasque au moment de la période litigieuse de permettre aux entreprises d'adapter l'organisation et la répartition du temps de travail aux contraintes inhérentes à leur activité,

* que les juridictions monégasques ont constaté cette rupture d'égalité dans l'affaire FE. (Tribunal du travail 29 mars 2007, Cour de révision 14 octobre 2011),

* que v. CR. remet en cause les dispositions de ce dernier arrêt,

* qu'il effectue, ainsi que les premiers juges, une mauvaise interprétation de la convention collective des pilotes d'hélicoptères relativement aux modalités d'application des 500 heures de vol incluant 50 heures de nuit,

* qu'en matière de transport aérien le temps de travail s'apprécie en temps de vol et nullement par rapport à une référence de 35 heures par semaine,

* qu'un pilote d'hélicoptère doit accomplir une activité annuelle de 500 heures de vol incluant 50 heures de nuit pour pouvoir prétendre à la rémunération minimale,

* qu'il ne s'agit nullement du seuil à partir duquel des majorations sont dues,

* que les repos compensateurs sont en lien avec les conditions de travail au sens de l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963,

* qu'enfin sur le licenciement, le courrier du 23 octobre 2008 contient les griefs énoncés à l'encontre du salarié.

v. CR., intimé et appelant incident sur le montant des dommages-intérêts alloués, entend pour sa part voir :

* rejeter des débats toutes les pièces ou décisions de jurisprudence non produites par la société HELI

AIR et pour lesquelles aucune référence de publication n'a été donnée,

* confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à porter à 20.000 euros le montant des dommages-intérêts en réparation des préjudices moral et pécuniaire subis ensuite de son licenciement abusif, au paiement de laquelle sera condamnée la société HELI AIR avec intérêts au taux légal sur la somme de 4.000 euros à compter du jugement du 18 avril 2013 et à compter de la décision à intervenir sur le surplus,

* la condamner aux dépens.

Dans ces conclusions du 28 mars 2014, il demande à la Cour de donner acte à la société HELI AIR de la régularisation par ses soins de la communication des pièces visées par elle dans son acte d'appel.

À l'appui de ses prétentions, il soutient que ses demandes, fondées sur l'article11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, sont recevables pour avoir été formulées en une seule et même procédure.

Il estime être fondé à obtenir l'application du principe de parité minimale édictée par ce texte dès lors que l'employeur ne démontre pas que ses conditions d'application n'étaient plus réunies, autrement dit que les conditions de travail n'étaient plus identiques à Monaco et dans la région économique voisine, dans la profession en cause.

Il expose essentiellement que :

* la jurisprudence a précisé que la notion de conditions de travail identiques constituait une condition d'application du principe évoqué qu'il convenait de vérifier pour chaque cas particulier,

* l'analyse générale à laquelle procède la société HELI AIR ne peut de fait être suivie, d'autant qu'elle ne fournit aucune pièce établissant que l'égalité économique avec son homologue français aurait été rompue, contrairement aux faits de l'espèce ayant donné lieu à la décision BA. c/ SNC CARREFOUR qu'elle invoque,

* qu'employé à raison de 39 heures hebdomadaires, il est en droit de prétendre au principe de parité,

* qu'il résulte de l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 20 mars 2008 produit par HELI AIR, qui concerne uniquement le paiement majoré des heures de vol effectuées au-delà de la 500e heure, que l'accomplissement d'une activité annuelle de 500 heures de vol incluant 50 heures de nuit constitue bien le seuil à partir duquel des majorations sont dues,

* qu'il demande à bénéficier du même salaire de base que son homologue français, nullement de son salaire mensuel,

* que l'employeur ne conteste pas autrement que par son opposition de principe les montants des sommes réclamées qui seront retenus,

* que la rupture du contrat de travail n'est pas fondée sur un motif valable dans la mesure où la lettre de licenciement ne constitue pas en elle-même un élément de preuve et qu'il appartient à l'employeur de prouver que les griefs formulés sont justifiés,

* que l'indemnité de préavis versée est insuffisante au regard de son ancienneté,

* que le licenciement revêt un caractère abusif compte tenu de la légèreté blâmable avec laquelle il a été mis en œuvre,

* que les préjudices moral et pécuniaire causés par la rupture justifient de porter à 20.000 euros les dommages-intérêts alloués pour leur réparation.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu quant à la procédure, que l'appel principal régulièrement régularisé dans les délais légaux est recevable ;

Que tout appel incident peut être formé par conclusions même après l'expiration du délai d'appel contre certaines dispositions du jugement déféré n'ayant pas fait l'objet d'un appel principal (CR : 15 mars 2004), en sorte que l'appel incident bien que formé tardivement par la société UBS sera déclaré recevable ;

Attendu qu'il convient à titre liminaire de constater que la société HELI AIR a finalement régularisé en cours de procédure la communication des pièces visées dans son acte d'appel ;

Qu'en outre, la disposition relative à la prescription de la demande de rappel de salaire pour la période antérieure au 1er août 2005, non critiquée en appel, est donc désormais définitive.

Attendu que v. CR. formule deux sortes de demandes, les premières relatives à un rappel de salaires pour la période comprise entre le 1er août 2005 et le 31 mai 2007, les secondes consécutives à la rupture de la relation de travail ;

Attendu qu'il est constant que v. CR. a été embauché en qualité de pilote par la société HELI AIR suivants trois contrats qui se sont succédés ;

Attendu sur la recevabilité des demandes portées devant la juridiction du travail par v. CR. que force est d'observer que celles-ci, bien que dérivant de plusieurs contrats de travail successifs, reposent toutes sur la même relation de travail qui a uni v. CR. à la société HELI AIR, de sorte que l'argument tiré de la multiplicité de ces contrats, qui ne repose au demeurant sur aucun fondement textuel, apparaît indifférent ;

Que conformément à l'article 59 de la loi n°446 du 16 mai 1946 modifiée, v. CR. pouvait en effet légitimement soumettre à la juridiction des demandes dérivant toutes de contrats conclus entre les mêmes parties et ayant constitué une unique relation de travail ;

Que les premiers juges seront donc confirmés en ce qu'ils ont retenu qu'il n'était pas nécessaire d'introduire des instances spécifiques pour chaque contrat de travail soumis à leur appréciation et ont en conséquence écarté le moyen d'irrecevabilité soulevé ;

Attendu sur le bien fondé des demandes relatives à l'exécution de la relation de travail, que v. CR. fonde ses prétentions sur le principe de parité entre les salaires minima français et monégasques édicté par l'article 11 de la loi n° 739 du 16 mars 1963.

Que depuis la modification de ce texte par la loi n°1068 du 28 décembre 1983, la différence de la durée légale du travail entre ces deux pays n'est pas un obstacle à son application compte tenu de la notion du taux horaire théorique, qui résulte de la division des minima français de référence par le nombre d'heures auxquels ils correspondent, déduction faite de leurs majorations pour heures supplémentaires, qui a été insérée par cette modification dans le texte précité ;

Que ce taux horaire théorique a en effet pour vocation d'écarter les effets de la durée légale du travail sur le coût horaire du travail ;

Attendu que l'article 11 précité fait peser sur l'employeur une obligation de faire bénéficier son salarié des taux horaires minima français, sauf à celui-ci à prouver que ses conditions d'application ne sont pas remplies, conformément aux dispositions de l'article 1162 du Code civil qui imposent à celui qui se prétend libéré d'une obligation d'en justifier ;

Que le Tribunal en statuant en ce sens n'a opéré aucun renversement de la charge de la preuve ;

Attendu que l'article 11 invoqué, issu de sa rédaction de 1983, est ainsi libellé :

« Sauf les exceptions prévues par la loi, les montants minima des salaires, primes, indemnités de toute nature et majorations autres que celles prévues par les dispositions législatives relatives à la durée du travail, ne peuvent être inférieurs à ceux qui seront fixés par arrêté ministériel.

Sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, ils seront au moins égaux à ceux pratiqués en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour les conditions de travail identiques, dans les mêmes professions, commerces ou industries de la région économique voisine.

Les montants minima à calculer en fonction de la durée du travail le seront, par application à cette durée, des dispositions qui la réglementent et d'un taux horaire théorique.

Le taux horaire théorique est obtenu en divisant par le nombre d'heures auquel ils correspondent les minima de référence prévus au deuxième alinéa. Déduction faite de leurs majorations pour heures supplémentaires.

Il ne sera pas tenu compte des modifications qui, dans la région de référence, affecteront le salaire, soit directement soit indirectement en raison de changements intervenus dans la durée du travail, lorsque ces modifications trouveront leur cause dans des accords passés par les employeurs avec des contractants autres que leurs salariés ou leurs syndicats ».

Attendu que l'arrêté ministériel pris pour l'application de ces dispositions est l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963, modifié par l'arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984, dont l'article 1er prévoit que les montants minima ne peuvent être inférieurs à ceux qui, en vertu de la réglementation ou de conventions collectives, pour des conditions de travail identiques, sont pratiqués dans des professions, commerces ou industries similaires à Nice ou, à défaut, dans le département des Alpes-Maritimes ;

Attendu que ces dispositions légales et réglementaires fixent les minima salariaux en Principauté par référence à ceux pratiqués pour des emplois de même nature et exercés dans des conditions de travail identiques dans le département français limitrophe ;

Que selon la jurisprudence désormais bien établie en la matière, l'existence de montants minima en Principauté est subordonnée à l'existence effective dans la région de référence d'emplois de même nature et exercés dans des conditions de travail identiques, la Cour de Révision ayant dans son arrêt de principe du 14 octobre 2011 clairement énoncé que « l'existence de conditions de travail identiques à Monaco et dans la région de référence, …, est une condition d'application du principe posé de parité des salaires. » ;

Attendu que la référence faite à des conditions de travail identiques impose, selon la Haute Juridiction, de prendre en considération « l'ensemble des dispositions régissant le travail salarié (doit être pris en considération), notamment dans l'aménagement de sa durée, de sa flexibilité et de leurs coûts corrélatifs. » ;

Attendu en conséquence que le salarié est fondé à demander que son salaire ne soit pas inférieur à celui qui lui aurait été versé en application de la réglementation et des dispositions collectives applicables dans le département des Alpes Maritimes, au regard de ses conditions de travail en Principauté, sous la seule réserve de justifier du montant du taux théorique sur lequel il se base ;

Attendu qu'il appartient à l'employeur qui s'y oppose de démontrer qu'il n'est pas tenu d'appliquer le salaire théorique de référence en raison de la différence existant entre les conditions de travail du salarié concerné et celles de la région de référence ;

Attendu en l'espèce que v. CR., qui réclame à son profit l'allocation du salaire de base de son homologue français, invoque la convention collective française du personnel naviguant technique des exploitants d'hélicoptères et verse aux débats partie de cet accord et de ses avenants relatifs au salaire minima perçu en France pour la période considérée afin de justifier du montant du taux horaire revendiqué ;

Attendu que le taux horaire invoqué correspond strictement au taux horaire théorique défini par l'article 11 alinéa 4 de la loi n°739 en ce qu'il est obtenu en divisant les minima de référence mensuels par le nombre d'heures auxquels ils correspondent, à savoir la durée légale du travail, en dehors de toute majoration pour heures supplémentaires ;

Qu'il est donc en droit de prétendre à l'application de la parité des salaires dans son principe, sauf à l'employeur à démontrer que les conditions d'application de cette parité ne seraient en l'espèce pas remplies ;

Que pour ce faire, la société HELI AIR prétend que les évolutions successives du droit national français sur le temps de travail ont instauré une organisation, un aménagement et un coût du temps de travail radicalement différents du régime hebdomadaire impératif de la durée du travail existant en Principauté tel que résultant des dispositions de l'ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959 et de l'ordonnance d'application n° 5.505 modifiée par l'ordonnance n° 7.910 du 9 février 1984 ;

Qu'elle ne produit aucune pièce justifiant des changements invoqués au sein de la profession concernée de pilote d'hélicoptère, pas même qu'elle ne les allègue au demeurant ;

Qu'elle n'établit pas davantage que la convention collective invoquée ne serait pas applicable dès lors que la rédaction univoque de son article 14 B, repris in extenso par les premiers juges, ne permet pas de considérer, comme elle le soutient erronément, que la référence qu'il contient à une activité annuelle de 500 heures de vol incluant 50 heures de nuit devrait s'entendre comme la condition minimale subordonnant l'application de cet accord collectif, s'agissant en réalité du seuil à partir duquel les majorations éventuelles - qui n'entrent pas dans la détermination du taux horaire théorique - sont dues ;

Que par suite, c'est aux termes d'une motivation exempte de toute critique que les premiers juges ont à bon droit retenu que l'employeur n'avait pas démontré que les conditions de travail n'étaient plus identiques à Monaco et dans la région économique voisine, dans la profession en cause, de sorte que le salarié était fondé à obtenir l'application du principe de parité minimale sur la période du 1er août 2005 au 31 mai 2007 ;

Attendu sur les montants des sommes allouées de ce chef, que la société HELI AIR ne les a pas autrement contestés que par son opposition de principe, étant observé que conformément à l'article 2 de l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963, les rémunérations minimales doivent être effectivement majorées d'une indemnité exceptionnelle de 5 % de leur montant, de sorte qu'il conviendra de les retenir en confirmant également sur ce point la décision entreprise ;

Attendu sur le bien-fondé du licenciement, que la société HELI AIR a formulé un certain nombre de griefs à l'encontre de v. CR. dans la lettre de licenciement ;

Que toutefois un tel document ne constitue pas en lui-même un élément de preuve des fautes qui y sont évoquées et il appartient à l'employeur d'établir les griefs invoqués ;

Attendu en l'espèce que v. CR. a été licencié le 21 octobre 2008 suite au différend intervenu avec son supérieur hiérarchique ;

Qu'il lui est reproché d'avoir commis un certain nombre de fautes dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail signé le 2 mars 2007, et notamment d'avoir refusé de respecter les consignes de vol sur Saint-Tropez données par le responsable des opérations aériennes (RDOA) ;

Attendu à cet égard que force est d'observer que le refus précité reposait sur une note de service adressée le 26 juillet 2008 par mail aux pilotes, toujours en vigueur au moment des faits, elle-même prise par j. CR. en l'état des arrêtés préfectoraux français, et selon laquelle les vols sur Saint-Tropez s'effectueraient désormais uniquement dans les créneaux horaires autorisés ; qu'il n'est nullement justifié que les ordres de vol donnés par le RDOA respectaient les créneaux horaires imposés ; que par suite, le refus légitimement opposé à son supérieur hiérarchique envers lequel v. CR. n'a fait preuve dès lors d'aucun irrespect, ne pouvait constituer un motif valable de rupture, ce qu'ont à bon droit retenu les premiers juges ;

Attendu par ailleurs que les autres griefs formulés ne peuvent légitimer la rupture qu'à la double condition qu'ils s'appliquent au contrat de travail dénoncé et qu'ils soient établis ;

Qu'à cet égard les deux seules pièces produites concernent un incident datant du 22 septembre 2006 et relevant d'un contrat de travail précédent n'ayant pas empêché postérieurement la signature du contrat litigieux, ainsi qu'une demande de congés sans solde, acceptée, qui ne saurait constituer un comportement fautif ;

Que la société HELI AIR ne produit aucune autre pièce au soutien de ses autres reproches ;

Qu'il s'ensuit que le licenciement n'est pas fondé sur un motif valable ;

Attendu sur le montant des sommes allouées de ce chef au titre du complément d'indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement réclamés, que la société HELI AIR indique simplement que la durée de l'ancienneté de v. CR. serait de 18 mois et non de 21 mois comme retenu à tort par les premiers juges ;

Mais attendu que v. CR., embauché à compter du 2 mars 2007 et licencié à compter du 22 octobre 2008 aux termes de la lettre de licenciement du 21 octobre précédent, bénéficiait d'un mois de préavis, de sorte que la durée de son ancienneté au sein de l'entreprise est effectivement de 21 mois ;

Que pour déterminer les montants dus, les premiers juges ont suivi les principes de calcul applicables en la cause ; que leur décision doit être confirmée ;

Attendu sur le caractère abusif du licenciement, que les premiers juges ont pertinemment relevé que l'employeur avait fait preuve d'une légèreté blâmable dans la mise en œuvre du licenciement tenant en effet au déroulement particulièrement léger et peu rigoureux de cette procédure, marqué par :

* une notification verbale de la rupture le 29 septembre 2008,

* la remise d'une attestation ASSEDIC sur la base d'une démission non avérée,

* la tardive régularisation écrite du licenciement le 21 octobre 2008 (date admise par les parties comme étant celle effective de la rupture), soit plus d'un mois après la dénonciation verbale,

* l'invocation inopérante de griefs anciens n'ayant pas été jugés suffisamment sérieux pour empêcher le contrat en cours ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré comme fautive l'exécution de la mesure de licenciement et a condamné la société HELI AIR à réparer le préjudice subi par v. CR. consécutivement à la manière d'agir de son employeur et à l'état de stress qui en est nécessairement résulté ;

Attendu cependant que le préjudice matériel allégué par v. CR. au soutien de sa demande de réformation du montant des dommages-intérêts allouées ne trouve pas sa source dans la rupture et ne saurait donc être indemnisé ;

Que le préjudice subi s'avère en définitive uniquement d'ordre moral comme à bon droit retenu par les premiers juges qui en ont fait une exacte appréciation au regard des circonstances précitées ;

Que la demande de dommages-intérêts sera rejetée ;

Attendu que les dépens d'appel seront compensés entre les parties qui succombent chacune en leur appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Déboute les parties de leurs prétentions,

Confirme le jugement rendu le 18 avril 2013 par le Tribunal du travail en ses dispositions critiquées,

Compense les dépens d'appel.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 10 JUIN 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12307
Date de la décision : 10/06/2014

Analyses

Selon l'article 11 alinéa 2 de la loi n° 739 du 16 mars 1963, les montants minima des salaires doivent être au moins égaux à ceux pratiqués en vertu de la réglementation ou des conventions collectives pour des conditions de travail identiques dans des professions, commerces ou industries similaires dans la région économique voisine, à savoir le département des Alpes-Maritimes.Ce texte fait peser sur l'employeur une obligation de faire bénéficier son salarié des taux horaires minima français, sauf à celui-ci à prouver que ses conditions d'application ne sont pas remplies.L'existence des montants minima en Principauté est subordonnée à l'existence effective dans la région économique voisine d'emplois de même nature et exercés dans des conditions de travail identiques.Tel est le cas, en l'espèce, du salarié qui réclame à son profit l'allocation du salaire de base de son homologue français en invoquant la convention collective du personnel navigant technique des exploitants d'hélicoptères, dès lors que le taux horaire invoqué correspond strictement au taux horaire théorique défini par l'article 11 alinéa 4 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 en ce qu'il est obtenu en divisant les minima de référence mensuels par le nombre d'heures auxquels ils correspondent, à savoir la durée légale du travail, en sorte qu'il est en droit de prétendre à l'application de la parité des salaires, l'employeur n'ayant pas démontré que les conditions d'application de cette parité ne seraient pas remplies. Il s'ensuit qu'au vu de ces textes les premiers juges ont retenu que l'employeur n'avait pas démontré que les conditions de travail n'étaient pas identiques à Monaco et dans la région économique voisine, dans la profession concernée.

Contrats de travail  - Relations transfrontalières.

Contrat de travail - Salaire - Principe de parité entre les salaires minima français et monégasques pour des conditions de travail identiques dans des professions - commerces ou industries similaires.


Parties
Demandeurs : La société anonyme monégasque dénommée HELI AIR MONACO
Défendeurs : v. CR.

Références :

loi n° 1.068 du 28 décembre 1983
loi n° 739 du 16 mars 1963
arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963
article 59 de la loi n°446 du 16 mai 1946
Cour de Révision du 14 octobre 2011
article 11 alinéa 2 de la loi n° 739 du 16 mars 1963
ordonnance-loi n° 677 du 2 décembre 1959
article 1162 du Code civil
ordonnance n° 7.910 du 9 février 1984
article 2 de l'arrêté ministériel n° 63-131 du 21 mai 1963
loi n°1068 du 28 décembre 1983
arrêté ministériel n° 84-101 du 6 février 1984


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-06-10;12307 ?

Source

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