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06/05/2014 | MONACO | N°12158

Monaco | Cour d'appel, 6 mai 2014, l. DE KA. c/ c. m. AM. veuve FE et p. s. v. FE.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 6 MAI 2014

En la cause de :

- Mademoiselle l. DE KA., née le 4 octobre 1959 à Adelaïde (Australie), de nationalité italienne, exerçant le commerce sous l'enseigne « Y», domiciliée en cette qualité X - 98000 Monaco,

bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décisions du Bureau n° 4 BAJ 12 des 24 novembre 2011, 2 décembre 2011, 20 mars 2012 et 4 avril 2012

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avo

cat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

1.- Madame c. m. AM. veuve FE., née le 3 janvier 1922 à Pi...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 6 MAI 2014

En la cause de :

- Mademoiselle l. DE KA., née le 4 octobre 1959 à Adelaïde (Australie), de nationalité italienne, exerçant le commerce sous l'enseigne « Y», domiciliée en cette qualité X - 98000 Monaco,

bénéficiaire de l'assistance judiciaire selon décisions du Bureau n° 4 BAJ 12 des 24 novembre 2011, 2 décembre 2011, 20 mars 2012 et 4 avril 2012

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean-Charles GARDETTO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

1.- Madame c. m. AM. veuve FE., née le 3 janvier 1922 à Pigna (Italie), de nationalité italienne, sans profession, domiciliée X - 98000 Monaco,

2.- Monsieur p. s. v. FE., née le 5 juin 1963 à Monaco, de nationalité italienne, domicilié X - 98000 Monaco,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Jean p. s. v. LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

3.- la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE, ayant son siège social 17 boulevard de Suisse - 98000 Monaco, prise en la personne de son gérant en exercice,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Régis BERGONZI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

4.- Maître Henry REY, Notaire, domicilié 2 rue Colonel Bellando de Castro - 98000 Monaco,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 8 mai 2013 (R.5326) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 19 juillet 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000018) ;

Vu les conclusions déposées le 26 novembre 2013, par Maître BERGONZI, avocat-défenseur, au nom de la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE ;

Vu les conclusions déposées le 21 janvier 2014, par Maître LICARI, avocat-défenseur, au nom de c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ;

Vu les conclusions déposées le 25 février 2014, par Maître ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de Maître Henry REY ;

Vu les conclusions déposées le 25 février 2014, par Maître GARDETTO, avocat-défenseur, au nom de l. DE KA. ;

À l'audience du 4 mars 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par l. DE KA., à l'encontre d'un jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 8 mai 2013.

Considérant les faits suivants :

c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. sont propriétaires d'un local commercial sis X à Monaco, qu'ils ont donné à bail à l. DE KA., laquelle y exploite un commerce de « vente au détail d'objets d'art et décoration, peinture, bijoux, accessoires de mode et vêtements, livres d'art, cartes postales » sous l'enseigne Y «.

Selon acte sous seing privé en date du 16 mars 2011, ils ont convenu de céder ce local à la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE au prix de 445 000 euros, sous la condition suspensive que le locataire n'exerce pas son droit de préemption sur cet immeuble.

Par courrier en date du 12 avril 2011, l. DE KA. a entendu exercer son droit de préemption, sans toutefois donner une suite utile à cette notification dans le délai de 1 mois qui lui avait été ainsi ouvert.

Selon assignation délivrée devant le Tribunal de Première Instance le 29 septembre 2011, c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ont sollicité, au contradictoire de l. DE KA., de la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE et de Maître REY, de voir prononcer la nullité du droit de préemption et de dire et juger que le compromis de vente vaut vente.

Par le jugement désormais entrepris, le Tribunal a :

* dit que l. DE KA. n'a pas exercé régulièrement son droit de préemption pour avoir notifié son intention sans formaliser l'acte de vente,

* dit que la condition suspensive s'est réalisée,

* dit que la promesse synallagmatique de vente du 16 mars 2011 intervenue entre c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. d'une part et la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE d'autre part, au prix convenu devra être constatée par acte authentique dressé par Maître Henry REY,

* condamné l. DE KA. à payer la somme de 10 000 euros à c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. d'une part et celle de 5 000 euros à la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE d'autre part à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

* débouté l. DE KA. et Maître Henry REY de leurs demandes de dommages-intérêts,

* condamné l. DE KA. aux dépens.

Pour statuer ainsi, le Tribunal a considéré pour l'essentiel, que l. DE KA. n'avait pas donné suite à sa décision d'exercer son droit de préemption sur le local commercial à elle donné à bail, de sorte que les conditions légales pour voir prospérer l'exercice effectif du droit de préemption qu'elle avait notifié n'étaient pas remplies, la condition suspensive de non-exercice du droit du preneur s'était réalisée et la promesse de vente devait produire tous ses effets.

Le Tribunal a en outre considéré que le comportement de l. DE KA. était abusif dès lors qu'elle s'était contredite dans son argumentation au préjudice de ses adversaires en ne s'opposant pas à la vente pour ensuite conclure à la caducité de la promesse de vente dans des conditions qui justifiaient sa condamnation à dommages-intérêts.

Aux termes de l'exploit d'appel et assignation dont elle a saisi la Cour le 19 juillet 2013, l. DE KA. sollicite la réformation du jugement en toutes ses dispositions et de voir :

– à titre principal, vu la non-réalisation de la condition suspensive de :

* constater que la promesse de vente était caduque,

* dire que le notaire n'avait pas à régulariser l'acte de vente,

* débouter les hoirs FE. de leurs demandes,

– à titre subsidiaire, vu la promesse de vente de :

* constater que même si la condition suspensive avait pu être réputée réalisée, elle ne l'aurait été que tardivement le 13 mai 2011,

* dire et juger que faute de s'être réalisée dans le délai contractuellement prévu, la condition suspensive doit être réputée avoir défailli,

* dire et juger que le notaire n'avait pas à régulariser l'acte de vente,

* débouter les hoirs FE. de leurs demandes,

– à titre infiniment subsidiaire et vu le principe selon lequel l'exercice d'un droit ne peut être constitutif d'une faute qu'en cas d'abus caractérisé, de :

* constater que les hoirs FE. ne rapportent pas la preuve d'un abus commis par elle dans l'exercice de son droit de préemption, ni dans l'exercice de son droit de se défendre en justice,

* débouter en conséquence les hoirs FE. et la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE de leur demande de dommages-intérêts,

– en tout état de cause de :

* constater que les hoirs FE. ne pouvaient ignorer le caractère totalement infondé de leur demande en ce qu'elle est dirigée contre elle,

* constater qu'en l'assignant et en sollicitant sa condamnation à leur verser des dommages-intérêts ils ont fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice,

* constater qu'ils lui ont causé un grave préjudice et en conséquence les condamner au versement à son profit de la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts.

l. DE KA. expose tant dans son assignation introductive d'instance devant la Cour que dans ses conclusions postérieures déposées le 25 février 2014 que :

* elle avait l'intention d'acquérir le local au sein duquel elle exploite son fonds de commerce mais elle n'a pas pu en obtenir le financement, jusqu'à ce que Maître REY avise les vendeurs de ce que le délai légal de un mois pour régulariser était expiré,

* après que les vendeurs aient demandé au Notaire de procéder à la régularisation de la vente, le Notaire leur notifiait un refus de sa part selon lettre du 14 juin 2011,

* la défaillance de la condition suspensive s'oppose à la perfection de la vente car elle entraîne la caducité de la promesse de vente,

* il résulte clairement de la promesse de vente que celle-ci était soumise à la condition suspensive qu'elle n'exerce pas le droit de préemption qui lui est reconnu par la loi,

* ayant fait signifier par huissier qu'elle exerçait son droit de préemption le 12 avril 2011, la condition suspensive a défailli et la promesse synallagmatique est devenue caduque de sorte que les parties se sont retrouvées dans le même état que si elles n'avaient jamais contracté et le Notaire ne pouvait que refuser de réitérer la vente,

* la seule notification de son intention d'acquérir a entraîné la défaillance de la condition suspensive insérée à la promesse de vente,

* la loi n'a pas prévu les conséquences de la non-réalisation de la vente dans le mois suivant la notification du droit de préemption du locataire et le silence de la loi s'oppose à ce qu'il puisse être déduit de la non-réalisation de la vente postérieurement à l'exercice du droit de préemption, la réalisation de la condition suspensive tenant au non-exercice du droit de préemption ainsi que le prétendent les hoirs FE.,

* même si la vente n'a pas pu être réalisée à son profit, dans le mois suivant l'exercice de son droit de préemption, il n'en demeure pas moins que la condition suspensive a défailli et que la promesse de vente est en conséquence devenue caduque de sorte que le notaire ne pouvait instrumenter la vente entre les promettants et la société bénéficiaire de la promesse,

* l'exercice du droit de préemption se caractérise par la seule notification de l'intention d'acquérir alors que le bénéficiaire n'a pas été mis en demeure d'avoir à régulariser l'acte,

* la défaillance du preneur entraîne sa forclusion mais n'entraîne pas l'anéantissement rétroactif de son droit de préemption ni la réalisation rétroactive de la condition suspensive de non-exercice dudit droit, de sorte que la défaillance de la condition suspensive ne peut être régularisée et c'est à bon droit que le Notaire a refusé de réitérer l'acte de vente suite à l'exercice par elle de son droit de préemption,

* elle n'a jamais renoncé à acquérir le local mais elle n'en a pas trouvé le financement nécessaire dans le délai de un mois,

* la demande des hoirs FE. ne pourra qu'être rejetée faute pour la condition suspensive d'avoir été accomplie dans le délai contractuellement prévu alors que sa défaillance n'a jamais été formellement constatée avant l'introduction de la procédure judiciaire,

* la condition suspensive ayant été réalisée après la date limite prévue par la condition elle-même du 29 avril 2011, la promesse était d'ores et déjà nulle et non avenue car la réalisation de la condition suspensive n'a pu lui rendre sa force obligatoire,

* son comportement ne revêt aucun caractère abusif car elle s'est contentée d'exercer le droit de préemption dont elle disposait ou de se défendre en justice sans faute de sa part, tandis que les actions dirigées à son encontre sont abusives puisqu'elle n'a jamais été mise en demeure de régulariser la vente.

La SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE a déposé des conclusions le 26 novembre 2013 pour solliciter de voir :

* confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,

* rejeter des débats la pièce n° 9 de l. DE KA. non traduite et non accompagnée d'une pièce d'identité en violation de l'article 324 du Code de procédure civile,

* lui donner acte de ce qu'elle fait par les présentes sommations à l. DE KA. » d'avoir à renoncer à son droit de préemption «,

* lui donner acte de ce qu'elle fait par les présentes, sommation à l. DE KA. de s'expliquer tant sur » ce qu'elle comptait faire « que sur ce qu'elle compte faire aujourd'hui pour cesser d'occasionner un préjudice qui ne cesse de s'aggraver tant à l'égard de la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE que des hoirs FE.,

* lui donner acte de ce qu'elle fait par les présentes sommations à l. DE KA. de mettre un terme à cette situation de blocage qui s'éternise, d'écrire une lettre au Notaire Henry REY pour l'autoriser expressément à la passation de l'acte de vente entre les hoirs FE. et elle et d'en justifier dans la présente instance,

* confirmer la condamnation de l. DE KA. au versement à son profit de la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts,

* condamner l. DE KA. au versement à son profit des sommes suivantes :

* 10 000 euros supplémentaires,

* 1 340 euros pour chaque mois écoulé entre l'acte d'appel du 19 juillet 2013 et le jour où la présente décision sera définitive,

* lui donner acte qu'elle se réserve expressément de solliciter dans une procédure ultérieure et distincte la condamnation de l. DE KA. au versement de la somme de 1 340 euros pour chaque mois écoulés entre la passation de l'acte litigieux du 16 mars 2011 et l'acte d'appel adverse du 19 juillet 2013.

Elle argue pour l'essentiel que :

* l. DE KA. a beaucoup tergiversé sur la suite qu'il convenait de donner à l'exercice de son droit de préemption,

* elle subit un préjudice à raison de l'inaction de l. DE KA. puisqu'elle n'a pas pu percevoir les loyers auxquels elle avait droit, lesquels ont été versés au propriétaire des murs,

* l'interprétation que donne l. DE KA. de son droit de préemption est dénuée de sens en ce qu'elle aboutit à empêcher le propriétaire de céder son bien à un autre que son locataire,

* la défaillance du préempteur rend parfaite la promesse de vente par défaillance de la condition suspensive dont elle était assortie,

* l. DE KA. a expressément renoncé à son droit de préempter dans ses écritures du 9 février 2011,

* le fait que l. DE KA. n'ait pas trouvé de financement est indifférent,

* l'appel relevé par l. DE KA. lui crée préjudice à raison de l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de se défendre à nouveau en justice.

c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ont déposé des écritures le 21 janvier 2014 aux termes desquelles ils sollicitent de voir rejeter des débats la pièce n° 9 produite par l. DE KA. et de la voir condamner à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire ainsi qu'aux dépens.

C'est ainsi qu'ils exposent que :

* après les atermoiements que leur a fait subir l. DE KA. ils se sont trouvés dans l'obligation de recourir à justice pour que la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE qui demeurait acquéreur puisse faire valoir ses droits,

* le preneur n'ayant pas donné suite à son intention initiale de préempter, la condition suspensive de non-exercice par lui de son droit de préemption doit être considérée comme réalisée et la promesse de vente doit sortir tous ses effets, de sorte que Maître REY doit passer l'acte définitif de vente entre les parties,

* l. DE KA. se contredit dans ses écritures de première instance où elle écrivait que Maître REY devait passer l'acte et celles d'appel où elle considère que Maître REY était fondé à refuser de passer l'acte,

* l. DE KA. est manifestement impécunieuse ce qui caractérise en soi l'abus qu'elle a fait de son droit de préempter,

* le raisonnement juridique de l. DE KA. est faux car reposant sur un contresens car sa volonté de préempter n'a pas été suivie d'effet ce qui a donné lieu à la réalisation de la condition suspensive et rendue parfaite la promesse de vente qui n'a plus désormais qu'à être régularisée par le notaire dès lors qu'elle porte sur un bien immobilier et toute interprétation différente aurait pour effet pour le locataire de bloquer à jamais la vente de l'immeuble,

* si l. DE KA. a annoncé son intention de préempter, elle n'a jamais exercé ce droit, lequel a expiré après le délai légal de un mois sans nécessité de lui voir délivrer une mise en demeure préalable,

* leur préjudice est patent puisque la vente est toujours bloquée, alors que l. DE KA. n'avait pas le moindre financement pour concrétiser son droit de préemption et que le notaire qu'elle a temporairement mandaté n'est intervenu que pour » faire semblant « qu'elle allait préempter, ce qui révèle le caractère abusif de son comportement.

Maître Henry REY a conclu le 25 février 2014 à l'effet de voir :

* dire qu'il s'en remet à justice au fond,

* le déclarer recevable en son appel incident et obtenir la condamnation de l. DE KA. au versement à son profit de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts outre celle de 5 000 euros de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire.

C'est ainsi qu'il fait valoir qu'il ne lui appartenait pas de prendre position sur l'argumentation tirée de la non-réalisation de l'acte authentique de vente dans le délai de un mois et la reconnaissance du contrat initial, ni davantage de sommer les parties aux fins de régularisation des actes authentiques suite à l'exercice par l. DE KA. de son droit de préemption, une telle mise en demeure de celle-ci ne pouvant avoir lieu qu'à l'initiative des vendeurs et qu'il n'aurait pas du être assigné en qualité de défendeur devant les premiers juges mais seulement à l'effet de voir l'instance se dérouler en sa présence, ce qui lui a au demeurant occasionné un préjudice certain justifiant ses demandes de dommages-intérêts.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

ET SUR CE :

Sur le rejet de la pièce n° 9 :

Attendu qu'il convient d'écarter des débats la pièce n° 9 produite par l. DE KA. dès lors qu'elle n'est pas établie en français ni accompagnée d'un document attestant de l'identité de son auteur ;

Sur le bien-fondé de la demande de l. DE KA. :

Attendu qu'il est constant que le 16 mars 2011, c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ont promis de vendre à la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE qui a accepté, un local commercial leur appartenant tel qu'il était donné à bail commercial à l. DE KA. ;

Qu'en suite de la notification de cette promesse synallagmatique de vente que c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ont réalisée à leur locataire commercial selon acte extra judiciaire de Maître ESCAUT-MARQUET du 17 mars 2011, ils ont régulièrement déclenché au profit de celle-ci l'ouverture du droit de préemption que lui réservent les dispositions de l'article 32 ter de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;

Que l'article 32 ter réserve en effet au preneur d'un local commercial » un droit de préemption en cas de cession à titre onéreux par le propriétaire, en cours de bail ou à son expiration de tout ou partie de ses droits sur le bien loué « ;

Que la promesse synallagmatique rappelle au demeurant qu'elle est expressément conclue sous la condition suspensive que » Madame l. DE KA. locataire susnommée, n'exerce pas le droit légal de préemption lui profitant dans le cadre des dispositions de l'article 32 ter de la loi n°490 « ;

Attendu qu'il s'évince des dispositions légales que l. DE KA. bénéficiait ainsi d'un délai de un mois pour notifier qu'elle entendait exercer son droit de préemption, faculté qu'elle a au demeurant utilisée le 12 avril 2011 selon acte extra judiciaire délivré par le ministère de Maître ESCAUT-MARQUET à c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ;

Attendu que l'article 32 ter dispose encore que » dans ce cas, les parties sont tenues de formaliser l'acte de vente devant notaire dans le mois suivant l'exercice par le preneur de son droit de préemption « ;

Attendu qu'il est constant que ce nouveau délai de un mois n'a pas donné lieu à formalisation par le notaire d'un acte authentique consacrant l'exercice par le preneur de son droit de préemption sur le local ;

Que même si la loi n'a pas prévu un tel cas de figure, il ne saurait valablement être soutenu qu'à défaut de manifestation expresse par l. DE KA. de sa volonté de concrétiser l'exercice de son droit de préemption dans le second délai de un mois en se rendant chez le Notaire, elle ne saurait se voir en quoi que ce soit ouverte la possibilité de bloquer indéfiniment le processus de vente à un tiers du local commercial à elle donné à bail ;

Qu'il ne peut être contesté qu'à l'expiration des délais dont bénéficiait légalement le preneur et du chef desquels il n'a manifestement pas poursuivi dans son intention de préempter, il incombait nécessairement aux vendeurs de solliciter la purge dudit droit de préemption, ce à quoi se sont employés c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. en saisissant le Tribunal de Première Instance ;

Qu'il convient de rappeler en effet que dans le cas d'une vente immobilière conclue sous la condition suspensive du non-exercice par le preneur l. DE KA.) de son droit de préemption, l'acceptation expresse de ce dernier dans le délai fixé rend la vente au tiers (la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE), caduque par défaillance de la condition et la rend ainsi parfaite entre le vendeur c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE.) et le preneur l. DE KA.) ;

Que toutefois si la décision de préemption vient à être annulée ou ne prospère pas utilement, cette annulation présente un caractère rétroactif de sorte que le preneur est censé avoir renoncé à préempter et il doit être fait droit aux demandes des parties au compromis en réitération de la vente ;

Qu'il n'appartenait cependant pas au Notaire de se faire juge de la validité du droit ou de la tentative manifestée par le preneur d'exercer son droit de préemption, de sorte que c'est à bon droit que les vendeurs ont assigné leur preneur aux fins de voir prononcer l'annulation de la tentative de préemption dont il est l'auteur ;

Attendu que sur la base d'un tel raisonnement que la Cour retient valablement pour sien, le Tribunal a légitimement considéré que l. DE KA. n'avait pas régulièrement exercé son droit de préemption et que dès lors la condition suspensive tenant au non-exercice de ce droit telle que contenue au compromis s'était réalisée dans des conditions propres à voir déclarer parfaite la dite promesse synallagmatique de vente ;

Que les prétentions contraires articulées au demeurant de manière inconstante par l'appelante à la faveur de ses écritures tant de première instance qu'en cause d'appel sont dès lors inopérantes ;

Que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a considéré que l. DE KA. n'avait pas exercé régulièrement son droit de préemption et que la promesse de vente qui produisait tous ses effets, devrait être constatée par acte authentique ;

Sur les demandes de donner acte :

Attendu qu'il n'appartient pas à la Cour de donner acte à l'une quelconque des parties de ses intentions procédurales à venir tant dans le présent litige que du chef des procédures qui seront initiées ultérieurement ;

Que la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE sera en conséquence déboutée de ses demandes » de donner acte " telles que formalisées aux points 3, 4 et 5 du dispositif de ses conclusions du 26 novembre 2013 ;

Sur les demandes de dommages-intérêts :

Attendu qu'il est établi à raison de l'assistance judiciaire dont est attributaire l. DE KA., qu'elle dispose nécessairement d'un seuil de revenus inférieur à 20 000 euros annuels, dans des conditions de nature à démontrer en l'absence de toute preuve rapportée par elle de ce qu'elle aurait été en possession d'un capital conséquent à cette fin, qu'elle ne pouvait régulièrement se porter acquéreur des murs au sein desquels elle exerce son activité commerciale et qu'il était donc parfaitement téméraire de sa part de tenter de bloquer le processus de vente à intervenir entre c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. et la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE ;

Attendu toutefois que la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE ne peut valablement prétendre que la témérité dont l. DE KA. a fait preuve, lui aurait fait perdre le droit à la perception de la somme de 1 340 euros mensuellement versée par elle à titre de loyers entre l'acte d'appel du 19 juillet 2013 et la date de restitution du présent délibéré, alors qu'il est manifeste que si l'acquéreur n'est à ce jour pas entré en jouissance de l'immeuble, il ne s'est pas davantage dépossédé du prix dont il a pu bien évidemment continuer à jouir de telle sorte que le préjudice qu'il invoque sur ce point n'est pas établi ;

Attendu qu'en condamnant l. DE KA. d'ores et déjà à verser à la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE, la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, le Tribunal a réalisé du préjudice subi par celle-ci une juste appréciation ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu que c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ne justifient pas objectivement de la réalité du préjudice excédant la somme de 5 000 euros allouée par le Tribunal puis la Cour à la SCI MARIE BLEUE DE LORRAINE seconde partie au même compromis qu'eux, de sorte que le jugement sera réformé de ce chef et il leur sera également accordé la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, dont la charge sera supportée par l. DE KA. ;

Attendu que c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ne démontrent pas qu'en relevant appel du jugement du 8 mai 2013, l. DE KA. ait fait dégénérer de manière fautive l'exercice légitime de la voie de recours de l'appel dont elle disposait ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Attendu que Maître Henry REY sollicite la condamnation de l. DE KA. au versement à son profit de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la réformation du jugement de ce chef ainsi que le versement de la somme de 5 000 euros par l. DE KA. au titre du caractère abusif de l'appel relevé par elle ;

Attendu que la Cour observe que Maître REY a été attrait initialement le 29 septembre 2011 devant le Tribunal de Première Instance en qualité de défendeur à la procédure par les seuls vendeurs des murs c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE., lesquels n'avaient formalisé aucune demande à son encontre alors que cette procédure aurait pu se dérouler en sa présence ;

Que la mise en cause intempestive du notaire résulte donc de l'action initiale de c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. ;

Que Maître Henry REY n'a toutefois présenté devant la Cour aucune demande à leur encontre ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a été débouté par les Premiers Juges de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu qu'il est manifeste que l. DE KA. n'a assigné Maître Henry REY en cause d'appel que parce qu'il était déjà partie à la procédure de première instance ;

Que sa mise en cause devant la Cour ne revêt dès lors pas un caractère abusif à son endroit ;

Qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages-intérêts à son encontre pour appel abusif ;

Attendu que l. DE KA. qui succombe en l'ensemble de ses prétentions devant la Cour sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et condamnée aux dépens d'appel tandis que sa condamnation aux dépens telle que prononcée par le Tribunal sera confirmée ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit les appels,

Écarte des débats la pièce n° 9 produite par l. DE KA.,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 8 mai 2013, à l'exception de celles portant sur le montant des dommages-intérêts accordés à c. m. AM. veuve FE. et à p. s. v. FE.,

Le réforme de ce seul chef,

Condamne l. DE KA. au versement au profit de c. m. AM. veuve FE. et p. s. v. FE. de la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute les hoirs FE. et Maître Henry REY de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires aux présentes dispositions,

Condamne l. DE KA. aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Jean p. s. v. LICARI, Maître Régis BERGONZI et Maître Didier ESCAUT, Avocats-Défenseurs sous leur due affirmation de droit, chacun pour ce qui le concerne,

Dit que les dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 6 MAI 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, substitut du Procureur Général.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 12158
Date de la décision : 06/05/2014

Analyses

La première résultant de la notification par acte extrajudiciaire faite par le preneur au bailleur de ce qu'il exerce son droit de préemption dans le mois suivant la notification par ce dernier des modalités de la cession projetée avec un tiers.La seconde résultant de la réalisation de l'acte de vente devant notaire par le preneur et le bailleur dans le mois suivant l'exercice par le preneur de son droit de préemption (article 32 ter de la loi n° 490 du 24 novembre 1948).C'est ainsi que la Cour d'appel a confirmé le jugement du Tribunal de première instance du 8 mai 2013 qui, après avoir constaté que le preneur s'était contenté de notifier au bailleur son intention d'exercer son droit de préemption sans qu'ait été formalisé l'acte de vente devant notaire, en sorte que la condition suspensive s'étant réalisée, la promesse synallagmatique de vente du local intervenue entre le bailleur et le tiers acquéreur devrait être constatée par acte authentique dressé par Me Henry Rey, notaire.Les juges du second degré ont relevé qu'à défaut de manifestation expresse par le preneur de sa volonté de concrétiser l'exercice de son droit de préemption en se rendant chez le notaire dans le délai d'un mois suivant la notification de son intention de l'exercer, celui-ci n'avait pas régulièrement exercé son droit de préemption, en sorte que la condition suspensive tenant au non exercice de ce droit s'était réalisée rendant ainsi parfaite la promesse synallagmatique de vente litigieuse.

Baux commerciaux  - Contrat de vente.

Baux commerciaux - Cession à titre onéreux du local à usage commercial - Exercice du droit de préemption du preneur soumis à deux conditions cumulatives.


Parties
Demandeurs : l. DE KA.
Défendeurs : c. m. AM. veuve FE et p. s. v. FE.

Références :

article 32 ter de la loi n° 490 du 24 novembre 1948
article 324 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-05-06;12158 ?

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