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08/04/2014 | MONACO | N°12099

Monaco | Cour d'appel, 8 avril 2014, p. ME. c/ f. NO.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 8 AVRIL 2014

En la cause de :

- Monsieur p. ME., né le 14 juillet 1972 à Porto (Portugal), de nationalité portugaise, agent immobilier, demeurant X - 98000 MONACO,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sandrine DEMARS, avocat au Barreau de Nice, substituant Maître LODS de la SCP KARCENTY-LODS & ASSOCIÉS, avocats au Barreau de Nice,

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur f. NO., né le 22 juil

let 1946 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X à Monaco, agent immobilier exploitant le commerce sous l'ensei...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 8 AVRIL 2014

En la cause de :

- Monsieur p. ME., né le 14 juillet 1972 à Porto (Portugal), de nationalité portugaise, agent immobilier, demeurant X - 98000 MONACO,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sandrine DEMARS, avocat au Barreau de Nice, substituant Maître LODS de la SCP KARCENTY-LODS & ASSOCIÉS, avocats au Barreau de Nice,

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur f. NO., né le 22 juillet 1946 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant X à Monaco, agent immobilier exploitant le commerce sous l'enseigne Y sis X à MONACO,

Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Alain CURTI, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉ,

- Monsieur Jean-Paul SAMBA, syndic à la cessation des paiements de M. f. NO., demeurant X à Monaco,

INTERVENANT VOLONTAIRE, Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Alain CURTI, avocat au Barreau de Nice ;

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 14 avril 2011 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 1er juin 2011 (enrôlé sous le numéro 2011/000133) ;

Vu l'arrêt avant-dire-droit en date du 28 janvier 2014 (R. 2660) ;

Vu les conclusions déposées le 4 mars 2014 par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, aux noms de Jean-Paul SAMBA, et f. NO. ;

Vu les conclusions déposées le 4 mars 2014, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de p. ME. ;

À l'audience du 4 mars 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par p. ME., à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail en date du 14 avril 2011.

Considérant les faits suivants :

Suivant arrêt du 28 janvier 2014 auquel il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits, prétentions et moyens des parties, la Cour, après avoir donné acte à Jean-Paul SAMBA de son intervention volontaire ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de f. NO. exerçant le commerce sous l'enseigne Y et déclaré les appels recevables en la forme, a ordonné la réouverture des débats pour conclusions des parties sur la compétence du Tribunal du Travail pour connaître des demandes accessoires de p. ME. dans la mesure où cette juridiction a estimé qu'en l'espèce l'existence d'un contrat de travail n'était pas établie.

Suite à cette réouverture, p. ME. a conclu à l'existence d'un contrat de travail en réitérant à l'identique les critiques formulées par ses soins à l'encontre du jugement querellé dans ses précédents écrits.

S'agissant toutefois de ses prétentions, il ne poursuit plus désormais la condamnation de f. NO. en l'état de sa mise en cessation des paiements, mais entend simplement voir fixer sa créance telle qu'il l'avait précédemment évaluée, le reste demeurant inchangé.

Pour leur part Jean-Paul SAMBA, ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de f. NO., et ce dernier entendent voir la Cour dire et juger que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail et que le Tribunal du travail n'était pas compétent pour statuer sur les demandes formulées par p. ME., et en conséquence se déclarer incompétente rationae materiae, tout en condamnant p. ME. à payer à f. NO. la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Pour ce faire ils exposent qu'en l'absence de contrat de travail liant les parties, le Tribunal n'avait pas compétence pour connaître des demandes présentées par p. ME. par application des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446, cette compétence à raison de la matière pouvant être opposée en tout état de cause aux termes de l'article 263 du Code de procédure civile, ce texte précisant encore que le Tribunal sera même tenu de la déclarer d'office.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que les demandes de l'appelant sont fondées sur l'existence et l'exécution d'un contrat de travail ;

Attendu qu'il est constant en droit que l'existence ou non d'une relation professionnelle salariée dépend essentiellement des conditions de fait dans lesquelles s'exerce l'activité du travailleur, peu important dès lors la dénomination donnée au contrat et les éléments destinés à créer l'apparence du statut de salarié tels qu'exactement relevés en l'espèce par le premier juge ;

Qu'il incombe dès lors au juge de rechercher l'objet réel du contrat au regard des conditions effectives dans lesquelles l'activité pour autrui a été exercée, lesquelles révèlent, au-delà de l'intention exprimée dans l'acte écrit, la volonté réelle des co-contractants ;

Qu'au sens de l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963, il appartient à celui qui se prétend titulaire d'un contrat de travail, de démontrer le caractère réel de son contrat et en particulier l'existence d'un lien de subordination et celle d'une rémunération ;

Qu'en l'espèce, pour en établir la réalité, p. ME. se fonde sur la convention intitulée « Protocole » signée par les parties en présence le 27 septembre 2005 à l'effet de régir leurs relations ;

Mais attendu, en l'espèce, que les premiers juges, analysant exactement la teneur de la convention précitée, dont l'objet était de définir « les conditions et modalités d'une collaboration fructueuse entre les parties », ont à bon droit retenu que la preuve de l'existence d'une relation salariée n'était pas rapportée ;

Attendu en effet que l'engagement au service de l'autre partie s'entend en premier lieu de l'existence d'un lien de subordination qui se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir d'intervenir directement dans l'exécution des tâches confiées au salarié en donnant des directives précises, d'en contrôler l'exécution et de surcroît d'exercer un pouvoir disciplinaire sur le salarié ;

Que tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce en l'état de la nature des pouvoirs étendus attribués à p. ME. qui s'était vu confier la responsabilité de l'activité de l'agence et pour ce faire, consentir les pouvoirs nécessaires à sa gestion, sa direction et au développement de la clientèle, en étant laissé libre d'organiser son activité comme il l'entendait ; qu'il n'était soumis à aucun contrôle que ce soit d'horaires ou d'exécution de son travail en l'absence de consigne précise à respecter, de compte-rendu précis d'activité à établir ou encore d'obligation de réaliser un chiffre d'affaires déterminé ;

Que les pièces produites révèlent encore qu'il n'a jamais reçu d'ordres ou de directives de la part de f. NO. ;

Que le partage des frais généraux générés par l'activité (constitués notamment des salaires, charges sociales, loyer, téléphone, eau, électricité…) et des bénéfices de l'exercice plaçaient au contraire les deux parties sur un pied d'égalité ; Que d'ailleurs il résulte des pièces produites que p. ME. a participé à l'acquisition du droit au bail ;

Attendu, en second lieu, que fait tout aussi défaut un autre élément nécessaire à la caractérisation d'un contrat de travail : le versement d'un salaire, conçu en droit du travail comme la rémunération attachée à l'emploi, dans la mesure où la convention litigieuse n'a défini aucune rémunération régulière mais uniquement prévu une répartition du résultat de l'exploitation de l'agence entre les deux parties et le partage des bénéfices ;

Attendu qu'en définitive, et nonobstant les termes « contrat de travail » et « lien de subordination » utilisés dans la convention, l'accomplissement effectif de l'activité dans les conditions prévues par le protocole conférait à p. ME. une autonomie incompatible avec l'existence du statut de salarié ;

Attendu en conséquence que le jugement du Tribunal du travail sera confirmé en ce qu'il a retenu que les relations des parties ne relevaient donc pas d'un contrat de travail ;

Qu'en revanche, conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946, la compétence exclusive et d'ordre public du Tribunal du Travail ne concerne que les litiges relatifs à un contrat de travail ; que ce contrat faisant défaut en l'espèce, il n'appartenait pas à cette juridiction de se prononcer sur les demandes accessoires de p. ME. ;

Que cette incompétence ratione materiae peut être soulevée en tout état de cause et même d'office compte tenu du caractère d'ordre public de la loi précitée ;

Qu'il y a donc lieu de réformer le jugement du Tribunal du travail qui a statué sur ces demandes malgré son incompétence ;

Attendu que c'est à juste titre que f. NO. a été débouté de sa demande en dommages-intérêts fondée sur l'abus d'ester en justice qu'aurait commis p. ME., dès lors qu'ainsi que l'ont pertinemment mentionné les premiers juges, il a lui-même participé à créer l'apparence d'un contrat de travail ;

Qu'enfin la décision entreprise sera confirmée du chef des dépens ;

Et attendu que p. ME. qui succombe en totalité doit supporter les dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement comme juridiction d'appel du Tribunal du travail, après arrêt en la forme du 28 janvier 2014,

Confirme le jugement du Tribunal du Travail du 14 avril 2011 en ce qu'il a dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail, a débouté f. NO. de sa demande de dommages-intérêts et a condamné p. ME. aux dépens,

Le réforme en ce qu'il s'est prononcé sur les demandes de p. ME. compte tenu de l'incompétence du Tribunal du travail sur ce point du litige,

Statuant à nouveau,

Se déclare incompétente pour connaître des demandes accessoires de p. ME. en l'absence de contrat de travail,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne p. ME. aux entiers dépens d'appel, en ce compris ceux réservés par arrêt du 28 janvier 2014, avec distraction au profit de Maître PASTOR-BENSA, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 8 AVRIL 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de M. Jean-Jacques IGNACIO, substitut du Procureur Général.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12099
Date de la décision : 08/04/2014

Analyses

Il appartient au demandeur qui se prétend titulaire d'un contrat de travail de démontrer l'existence d'un lien de subordination et celle d'une rémunération.En l'espèce, les premiers juges ont retenu que la preuve de la réalité d'un tel contrat n'était pas rapportée.L'engagement au service d'une partie s'entend, en premier lieu, de l'existence d'un lien de subordination caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir d'intervenir dans l'exécution des tâches confiées au salarié en lui donnant des directives précises et, d'en contrôler l'exécution.Tel n'était pas le cas, en l'espèce, des pouvoirs attribués au demandeur libre d'organiser son activité de l'agence qu'il gérait, comme il l'entendait et n'était soumis à aucun contrôle d'exécution de son travail en l'absence de toutes consignes à respecter.En second lieu, fait également défaut l'autre élément du contrat de travail qui consiste dans le versement d'un salaire dans la mesure où la convention litigieuse n'a défini aucune rémunération régulière mais a uniquement prévu une répartition des résultats de l'exploitation de l'agence entre les deux parties et le partage des bénéfices.En considération des éléments de l'affaire, la Cour d'appel a confirmé le jugement du Tribunal du travail en ce qu'il a retenu que les relations des parties ne relevaient pas d'un contrat de travail et s'est déclarée incompétente pour connaître des demandes en l'absence d'un contrat de travail.

Justice (organisation institutionnelle)  - Contentieux (Social).

Tribunal du travail - CompétenceLe Tribunal du travail étant une juridiction spécialisée - sa compétence d'attribution résulte des dispositions de l'article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946 modifiée qui lui attribuent la connaissance des litiges relatifs aux contrats de travail entre employeurs et salariés Le contrat de travail étant défini par l'article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963 comme la convention par laquelle une personne s'engage à effectuer un travail sous l'autorité et au profit d'une autre personne contre paiement d'un salaire.


Parties
Demandeurs : p. ME.
Défendeurs : f. NO.

Références :

article 1er de la loi n° 729 du 16 mars 1963
article 263 du Code de procédure civile
article 1er de la loi n° 446 du 16 mai 1946


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-04-08;12099 ?

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