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18/02/2014 | MONACO | N°11892

Monaco | Cour d'appel, 18 février 2014, a AL NO c/ a SH MO


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 18 FEVRIER 2014

En la cause de :

- Monsieur a AL NO, né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, demeurant et domicilié 1060 X (Autriche) ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur a (disant se prénommer m a) SH MO, né le 5 juin 1974 à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, négociateur immobilier, domici

lié « X », appartement X - 98000 Monaco,

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la C...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 18 FEVRIER 2014

En la cause de :

- Monsieur a AL NO, né le 20 septembre 1970 à Téhéran (Iran), de nationalité autrichienne, demeurant et domicilié 1060 X (Autriche) ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- Monsieur a (disant se prénommer m a) SH MO, né le 5 juin 1974 à Téhéran (Iran), de nationalité iranienne, négociateur immobilier, domicilié « X », appartement X - 98000 Monaco,

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 10 mai 2012 (R. 4452) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 29 juin 2012 (enrôlé sous le numéro 2012/000013) ;

Vu les conclusions déposées les 27 novembre 2012, 23 avril 2013 et 15 octobre 2013, par Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m a SH-MO ;

Vu les conclusions déposées les 22 janvier et 28 mai 2013, par Maître LAJOUX, avocat-défenseur, au nom de a AL NO ;

À l'audience du 7 janvier 2014, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par a AL NO, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 10 mai 2012.

Considérant les faits suivants :

La Cour statue sur l'appel relevé le 29 juin 2012 par a AL NO à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 10 mai 2012 et entend se référer à l'exposé par les premiers juges des faits et de la procédure.

Par le jugement susvisé, le Tribunal saisi par ce dernier d'une action en restitution de la somme de 450.000 euros, correspondant à une commission versée dans le cadre de la promesse de vente des droits de la société IMMOPLACE ESTABLISHMENT, dirigée contre a SH MO, salarié de l'agence ROYAL RIVIERA IMMOBILIER, et ce suite à la résolution de la vente, a déclaré le demandeur irrecevable en son action, en raison de son état de faillite personnelle (décision du Tribunal de commerce de Vienne - Autriche du 24 octobre 2008) lui supprimant la libre disposition de ses droits, et l'a condamné à payer au défendeur la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Pour obtenir l'infirmation de la décision entreprise, a AL NO reproche en premier lieu aux premiers juges d'avoir soulevé d'office un moyen d'ordre privé non invoqué par les parties.

Il soutient en second lieu que l'action était recevable en faisant essentiellement état :

* de la simple faculté, exclusive de toute obligation, pour le syndic de faillite étranger d'être présent à la présente procédure en l'absence de toute décision judiciaire d'exequatur,

* du principe de territorialité selon lequel les effets complets d'un jugement n'ont lieu sur le territoire de la Principauté qu'après exequatur de la décision, de sorte qu'il pouvait jouir librement de ses droits devant les juridictions monégasques,

* de l'absence de portée extra-territoriale immédiate du jugement autrichien de nature à priver le créancier des mesures d'exécution individuelles déjà prises, dans la mesure où l'exequatur ne confère d'effet au jugement étranger qu'à partir de son prononcé,

* du refus du syndic autrichien d'intervenir dans le cadre des procédures monégasques,

* de ce que ses droits nés de l'accord conclu le 17 septembre 2007 ne peuvent être intégrés dans la masse de l'insolvabilité aux termes d'un courrier du syndic,

* de la clôture de la procédure d'insolvabilité suivant décision du tribunal de commerce de Vienne du 8 avril 2013,

Il sollicite en conséquence l'évocation sur le fond du litige, auquel il n'a pas été donné une solution définitive, au visa de l'article 433 du Code de procédure civile.

À cet égard il précise ne plus demander la validation de la saisie-arrêt pratiquée suivant ordonnance du 31 mars 2010 compte tenu que l'établissement bancaire ne détient plus aucun compte au nom de l'intimé, mais sollicite uniquement sa condamnation à lui payer la somme de 500.000 euros en principal, outre 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée.

À cet effet il invoque l'applicabilité de la loi n° 1252 du 12 juillet 2002 dans la mesure où le contrat de cession concernait l'achat de biens d'habitation -le fait de vendre des actions étant selon lui une simple modalité d'exécution-, dont l'article 12 conditionne le paiement d'une commission à la réalisation de la vente suivant acte authentique qui fait défaut en l'espèce.

a SH MO, intimé, réplique en demandant la confirmation du jugement critiqué en ce qu'il a déclaré a AL NO irrecevable en son action.

Dans le cas contraire, à titre subsidiaire, il conclut au rejet des prétentions de l'appelant en l'état du mandat qui les liait et sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et en réparation des préjudices matériel et moral.

Dans ses écritures il rappelle dans le domaine des faits que suite au mandat de recherches de biens immobiliers qui lui a été donné, a été signé le 17 septembre 2007 un contrat portant sur la cession des droits de la société IMMOPLACE, propriétaire de biens d'habitations intéressant a AL NO, mais que toutefois suite à un différend né entre le vendeur et l'acquéreur la vente a été résolue.

Il estime que la réouverture des débats s'imposait en l'état de la fraude commise par l'appelant ayant consisté à cacher sa faillite personnelle et de la découverte de cette situation par la juridiction en cours de délibéré.

S'agissant des effets du jugement de faillite autrichien, il soutient que a AL NO est dénué de capacité à agir dans la mesure où il fait l'objet d'une procédure de faillite antérieure à l'introduction de la présente instance.

Pour ce faire il écarte l'application du principe de territorialité au motif que la limitation des droits du failli, question qui intéresse l'état et la capacité des personnes, est corrélative à la seule existence du jugement étranger.

Il observe par ailleurs que la décision du Tribunal de commerce de Vienne, de laisser la libre disposition des droits du failli appelant, est limitée à l'exercice de toute action à l'encontre de la société IMMOPLACE et de la Fondation ZARKA et s'avère donc inapplicable en la cause.

Il ajoute enfin que le refus du syndic liquidateur autrichien d'intervenir en la cause est indifférent, de même que la clôture postérieure de la faillite autrichienne.

À titre subsidiaire, sur le fond, il assure que :

* l'article 12 de la loi du 12 juillet 2002 est inapplicable dans la mesure où le contrat ne porte pas sur la vente directe des immeubles mais sur des valeurs mobilières qui ne constituent pas des titres non-négociables au sens du droit luxembourgeois,

* son droit à commission trouve son origine dans la parfaite exécution du mandat de recherches caractérisée par le contrat précité,

* qu'en toutes hypothèses si la Cour devait appliquer la loi invoquée, la vente est parfaite au sens de l'article 1426 alinéa 1er du Code civil, en sorte que le contrat de vente doit être considéré comme ayant été effectivement conclu au sens de l'article 12 de ce texte et que la commission est due.

Des dommages-intérêts lui seront alloués en l'état des motifs dénués de sérieux et de l'absence réelle de critiques qui rendent l'appel abusif ; cette voie de recours l'ayant contraint à exposer de nouveaux frais pour se défendre et ayant porté atteinte à sa réputation, son préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme réclamée de ce chef.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que l'appel formé dans les délais légaux est recevable ;

1/ Sur la recevabilité du moyen soulevé par le Tribunal

Attendu que le Tribunal commercial de Vienne (Autriche) a, par jugement du 24 octobre 2008, ouvert une procédure de faillite à l'encontre d a AL NO ;

Qu'en l'état de ce jugement, le Tribunal de Première Instance a, suivant remise au rôle du 30 juin 2011, réouvert les débats pour conclusions des parties sur ce point, ce qu'elles ont fait, a SH MO excipant alors de l'irrecevabilité de l'action de la partie demanderesse dénuée selon lui de capacité à agir ;

Qu'il suit qu'il n'est nullement établi que le Tribunal a, ce faisant, statué par un moyen retenu d'office ;

Qu'il résulte en effet des motifs de son jugement qu'il a simplement introduit la question de la recevabilité de l'action intentée devant lui par a AL NO, laquelle s'analyse en une exception tirée du défaut de capacité à agir que le juge peut soulever d'office ;

Que ce n'est qu'ensuite et après les conclusions des parties invitées à s'expliquer sur cette question, que cette juridiction a en définitive déclaré le demandeur irrecevable en son action ;

Que le grief formulé à cet égard apparaît dès lors inopérant ;

2/ Sur la recevabilité de l'action initiée par a AL NO

Attendu que selon le principe de l'universalité de la faillite reconnu en droit international privé, une procédure de liquidation judiciaire étrangère produit ses effets partout où le débiteur a des biens, sous réserve des traités internationaux ou d'actes communautaires et dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques étrangers, ce qui s'avère le cas pour la Principauté de Monaco (cf. Cour d'appel 29 juin 2010) ;

Attendu qu'en effet la loi relative aux faillites, en tant qu'elle règle l'état et la capacité du failli, relève du statut personnel, de sorte que la faillite prononcée produit indépendamment de tout exequatur -qui reste toutefois indispensable pour procéder à des mesures d'exécution forcée- ses effets dans l'ordre interne monégasque ;

Que cette mesure constituant une atteinte à la capacité du débiteur, l'action en justice introduite par lui s'avère irrecevable dans la mesure où celui-ci a été dessaisi de l'ensemble de ses droits au jour du prononcé de cette mesure ;

Attendu, en l'espèce, qu'en droit autrichien, l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire entraîne effectivement la suspension des instances en cours, à l'exception de celles portant sur des droits qui ne concernent pas des biens faisant partie du patrimoine du failli ;

Que c'est le cas des droits d a AL NO à l'encontre de la société IMMOPLACE ESTABLISHMENT et de la fondation ZARKA qui ont été expressément séparés « de l'actif de l'insolvabilité et mis à la disposition de la partie défaillante (ALMASSI) » suivant jugement du Tribunal commercial de Vienne du 22 juin 2011.

Que toutefois et en l'absence d'une décision du même ordre relative aux droits de l'appelant à l'encontre d a SH MO, celui-ci s'en est trouvé immédiatement dessaisi au jour de l'ouverture de la procédure collective autrichienne, de sorte que l'action en revendication introduite par ses soins à l'encontre de ce dernier s'avère irrecevable ;

Que le refus d'intervention du syndic autrichien à la présente procédure n'est pas de nature à priver de ses effets ladite mesure ;

Que l'irrégularité liée au défaut de capacité d'ester en justice d a AL NO affectant l'appel ne saurait pas davantage être couverte par la clôture de cette faillite intervenue postérieurement à l'expiration du délai d'appel ;

Attendu que par suite, aux termes des présents motifs et de ceux non contraires des premiers juges, il y a lieu de débouter a AL NO de l'ensemble de ses demandes et de confirmer la décision entreprise, excepté du chef des dommages-intérêts ;

Attendu à cet égard que dans la mesure où les effets d'une faillite étrangère sont dans certains États subordonnés à l'exequatur en vertu du principe de territorialité qui cohabite en droit international avec celui d'universalité, a AL NO ne saurait être considéré comme ayant introduit abusivement la présente procédure ;

Que pas davantage il ne saurait dès lors être admis qu'il a fait dégénérer en abus l'appel qu'il a introduit ;

Qu'a SH MO sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;

Et attendu qu a AL NO qui succombe doit supporter les dépens tant de première instance que d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL,

Statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Confirme le jugement du Tribunal de première instance en date du 10 mai 2012 en ce qu'il a déclaré a AL NO irrecevable en son action et l'a condamné aux dépens ;

Le réforme en ce qu'il a octroyé à a (ou m a) SH MO des dommages-intérêts pour procédure abusive,

Statuant sur ce point, dit n'y avoir lieu à l'octroi de dommages-intérêts,

Déboute a SH MO de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne a AL NO aux dépens d'appel, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 18 FEVRIER 2014, par Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de M. Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11892
Date de la décision : 18/02/2014

Analyses

Selon le principe de l'universalité de la faillite reconnu en droit international privé, une procédure de liquidation judiciaire étrangère produit ses effets partout où le débiteur a des biens, sous réserve des traités internationaux ou d'actes communautaires et dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques étrangers, ce qui s'avère le cas pour la Principauté de Monaco (cf. Cour d'appel 29 juin 2010).En effet, la loi relative aux faillites, en tant qu'elle règle l'état et la capacité du failli, relève du statut personnel, de sorte que la faillite prononcée produit indépendamment de tout exequatur -qui reste toutefois indispensable pour procéder à des mesures d'exécution forcée- ses effets dans l'ordre interne monégasque.Cette mesure constituant une atteinte à la capacité du débiteur, l'action en justice introduite par lui s'avère irrecevable dans la mesure où celui-ci a été dessaisi de l'ensemble de ses droits au jour du prononcé de cette mesure.

Procédures collectives et opérations de restructuration  - Commerce et développement.

Droit international privé - Faillites - Principe de l'universalité - Effets.


Parties
Demandeurs : a AL NO
Défendeurs : a SH MO

Références :

loi n° 1252 du 12 juillet 2002
article 433 du Code de procédure civile
Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-02-18;11892 ?

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