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11/02/2014 | MONACO | N°11865

Monaco | Cour d'appel, 11 février 2014, W.R.M. sous l'enseigne Kronometry 1999 c/ Société anonyme Stéphane et Société anonyme monégasque de bijouterie


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 11 FEVRIER 2014

En la cause de :

- la société à responsabilité limitée dénommée W. R. M., exerçant son activité sous l'enseigne KRONOMETRY 1999, au capital de 15.000 euros, dont le siège social est sis à Monaco, « X », X, inscrite au RCI de Monaco sous le n° 06 S 04578, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur w RO, domicilié ès-qualités audit siège,

Ayant primitivement élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en ce

lle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur en cette même Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
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Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 11 FEVRIER 2014

En la cause de :

- la société à responsabilité limitée dénommée W. R. M., exerçant son activité sous l'enseigne KRONOMETRY 1999, au capital de 15.000 euros, dont le siège social est sis à Monaco, « X », X, inscrite au RCI de Monaco sous le n° 06 S 04578, prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur w RO, domicilié ès-qualités audit siège,

Ayant primitivement élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en celle de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur en cette même Cour et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

1.- la société anonyme monégasque dénommée SOCIETE ANONYME STEPHANE, exerçant son activité sous l'enseigne « ZEGG et CERLATI », dont le siège social est sis à Monaco, 24 avenue de la Costa, inscrite au RCI de Monaco sous le n° 56 S 00392, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;

2.- la société anonyme monégasque dénommée SOCIETE ANONYME MONEGASQUE DE BIJOUTERIE, exerçant son activité sous l'enseigne « ZEGG et CERLATI », dont le siège social est sis à Monaco, Place du Casino, inscrite au RCI de Monaco sous le n° 56 S 00658, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, domicilié ès-qualités audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉES,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 12 mai 2011 (R. 4239) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 30 juin 2011 (enrôlé sous le numéro 2012/000024) ;

Vu les conclusions déposées le 24 janvier 2012, 8 novembre 2012 et 9 avril 2013, par Maître MULLOT, avocat-défenseur, au nom des sociétés SOCIETE ANONYME STEPHANE et SOCIETE ANONYME MONEGASQUE DE BIJOUTERIE ;

Vu les conclusions déposées les 22 mai 2012, 22 janvier 2013 et 21 juin 2013, par Maître GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la société WRM ;

À l'audience du 10 décembre 2013, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société à responsabilité limitée WRM à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance en date du 12 mai 2011.

Considérant les faits suivants :

Selon exploit d'assignation en date du 30 juin 2011, la SARL WRM a relevé appel des dispositions d'un jugement en date du 12 mai 2011, lequel sur l'assignation qui avait été délivrée à son encontre par la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE du chef de concurrence déloyale a :

* rejeté la demande de nullité de la pièce n° 5 par elle produite,

* dit qu'elle s'était rendue coupable par le biais de sa campagne publicitaire de concurrence déloyale,

* l'a condamnée à cesser dans le délai de un mois à compter de la signification du jugement toute publicité laissant à penser qu'elle distribuerait à l'enseigne KRONOMETRY 1999 à Monaco les marques IWC, PANERAI, VACHERON CONSTANTIN, CARTIER, JACOB & Co, PIERRE KUNZ, BREITLING, RICHARD MILLE, HUBLOT, FERRARI et FRANCK MULLER sous astreinte de 1.000 euros par manquement constaté, marques dont elle n'est pas le distributeur en Principauté de Monaco,

* condamné la SARL WRM à payer à la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et à la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE la somme de 15.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts,

* débouté les requérantes de leur demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et du surplus de leur demande,

* débouté la SARL WRM de sa demande de dommages-intérêts et mis les dépens à sa charge.

Le Tribunal a considéré pour l'essentiel que :

* la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE exerçant sous l'enseigne ZEGG & CERLATI et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE disposaient de contrats de distribution sélective des marques :

* BREITLING - SAM STÉPHANE avenue des Spélugues,

* BREITLING pour BENTLEY au bénéfice de la SAM STÉPHANE et également pour la place du Casino,

* VACHERON CONSTANTIN pour la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE Place du Casino,

* CARTIER pour la Place du Casino (contrat du 10 mai 2003) pour tous produits, pendulettes, montres Louis Cartier, Pasha, Santos, Panthère, Cougar, Must de Cartier, puis à compter de 2008 SAM STÉPHANE pour l'avenue des Spélugues pour les montres Louis CARTIER, SANTOS, PASHA, Must de CARTIER

* IWC - pour la SAM STÉPHANE, 2 Avenue des Spélugues,

* OFFICINE PANERAI - SAM STÉPHANE avenue des Spélugues et avenue de la Costa pour les montres LUMINO, RADIOMIR, MARE NOSTRUM et les montres FERRARI suivant avenant du 28 juin 2006,

* le débauchage de a HA ne constituait pas de la part de la SARL WRM un détournement de clientèle,

* la preuve de l'existence de contrats ou d'accords de distribution sélective des requérantes portant sur les marques FRANCK MULLER, PIERRE KUNZ, PANERAI, VACHERON CONSTANTIN, IWC, FERRARI et CARTIER, RICHARD MILLE, HUBLOT, JACOB & Cie, DELACOUR, IKEPOD, DE GRISOGONO, BREITLING et BREITLING FOR BENTLEY était rapportée,

* la société WRM avait fait paraître une publicité source de confusion dans l'esprit des consommateurs et propre à créer un risque de désorganisation du réseau de distribution, constituant un acte de concurrence déloyale,

* ces actes leur étaient préjudiciables et justifiaient le montant des dommages-intérêts qui leur étaient alloués.

Aux termes de son exploit d'appel, la SARL WRM sollicite l'infirmation de cette décision et statuant à nouveau de voir débouter la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE de leurs demandes, fins et conclusions et les voir condamner au versement à son profit de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Elle invoque pour l'essentiel que l'absence de faute retenue par le Tribunal fait échec à l'application de la notion de concurrence déloyale, aucun élément du dossier ne permettant d'établir que les publicités auraient entraîné une confusion dans l'esprit du consommateur et en outre que les sociétés intimées ne justifient d'aucun préjudice.

La SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE ont conclu en réponse les 24 janvier, 8 novembre 2012 et 9 avril 2013 pour solliciter :

* la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SARL WRM du chef de concurrence déloyale avec toutes conséquences de droit,

* de voir débouter la SARL WRM de ses prétentions,

* de les voir accueillir en leur appel incident,

* de voir réformer le jugement en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts qui leur ont été accordés et le montant de l'astreinte et statuant à nouveau de ce chef de :

* dire et juger que la SARL WRM a procédé au débauchage du nommé a HA dans des conditions constitutives de concurrence déloyale à sa charge,

* condamner la SARL WRM au versement à chacune d'elles de la somme de 150.000 euros à titre de dommages-intérêts,

* condamner la SARL WRM à cesser dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, toute publicité laissant à penser qu'elle distribuerait à Monaco sous l'enseigne KRONOMETRY 1999, les marques FRANCK MULLER, PIERRE KUNZ, PANERAI, VACHERON CONSTANTIN, IWC, FERRARI, CARTIER, RICHARD MILLE, HUBLOT, JACOB & Cie, DELACOUR, IKEPOD, DE GRISOGONO, BREITLING et BREITLING FOR BENTLEY sous astreinte de 5.000 euros par manquement constaté.

Elles exposent dans leurs conclusions initiales que :

* elles justifient aux débats des contrats de distribution sélective dont elles sont seules à bénéficier en Principauté,

* en condamnant la SARL WRM pour concurrence déloyale, le Tribunal a nécessairement reconnu et sanctionné l'existence d'une faute et ses conséquences préjudiciables quant à un risque de confusion dans l'esprit du consommateur et de désorganisation du réseau de distribution,

* la publicité émanant de la SARL WRM ne mentionne jamais que les marques dont les sociétés intimées ont un contrat sélectif ne sont pas distribuées par elle en Principauté,

* en dépit de la procédure qu'elles ont conduite à son encontre, la SARL WRM persiste à continuer à émettre de la publicité illicite,

* le débauchage à son profit de leur ancien salarié participe de la réalisation par la SARL WRM d'actes de concurrence déloyale à leur endroit,

* le préjudice qu'elles subissent à raison des agissements déloyaux de la SARL WRM a été insuffisamment apprécié par le Tribunal alors qu'elles connaissent une baisse importante de leur chiffre d'affaires,

* le prix de vente unitaire moyen d'une montre dans des conditions illicites soit 8.000 euros justifie leurs demandes de dommages-intérêts à hauteur de 150.000 euros chacune,

* l'astreinte fixée par les premiers juges est également insuffisante pour se révéler dissuasive ;

La SARL WRM a répliqué selon écritures déposées le 22 mai 2012 aux mêmes fins que celles mentionnées au sein du dispositif de son assignation auquel elle a toutefois adjoint une demande complémentaire à l'effet de voir rejeter la pièce adverse n° 84 constituée d'un bordereau de vente à l'exportation établi par la SCS RO & Cie relatif à une montre de marque PANERAI le 13 août 2008 en arguant au fond que :

* il n'existe pas d'acte de parasitisme à l'encontre des intimées de sa part et il n'y a donc pas de faute,

* elle n'a ouvert son magasin que le 25 juillet 2007 soit postérieurement à la prétendue baisse du chiffre d'affaires des intimées,

* les sociétés intimées ne bénéficient pas sur les marques litigieuses de contrats d'exclusivité mais uniquement de contrats de distribution sélective ce qui ne saurait constituer de sa part, en vendant les mêmes marques, un comportement fautif,

* elle n'a commis aucun acte positif de débauchage de salarié,

* il n'existe pas de lien de causalité entre son activité et la diminution du chiffre d'affaires des intimées,

* la demande en augmentation du montant de l'astreinte est infondée,

* ses moyens de défense ne participent d'aucune intention dilatoire.

Les sociétés intimées ont répondu selon conclusions déposées le 8 novembre 2012.

Elles font valoir de manière complémentaire que :

* l'appelante ne produit aucune pièce nouvelle en cause d'appel,

* le comportement constaté par le Tribunal est constitutif de faute à la charge de la SARL WRM,

* postérieurement à la condamnation prononcée à son encontre, la SARL WRM a continué de faire paraître le même type de publicités,

* la concomitance du départ de a HA et de son embauche par la SARL WRM est trop réelle pour ne pas établir l'acte de concurrence déloyale alors que la SARL WRM s'est prévalu à l'appui de ses qualités de ce qu'il avait été formé chez elles,

La SARL WRM a répliqué le 22 janvier 2013 aux mêmes fins que ses écritures antérieures pour arguer de manière complémentaire que :

* les intimées omettent de justifier la distribution exclusive de l'ensemble des marques citées aux débats,

* elles sont d'une parfaite déloyauté en ne produisant pas aux débats les pièces justifiant leur argumentation,

* le fait de vendre un produit relevant du réseau de distribution sélective ne constitue pas en soi un acte fautif,

* le jugement entrepris ne précise pas quel chef de préjudice considéré subi par les intimées a été réparé et le jugement a statué ultra petita,

* récemment la Cour d'appel de Lyon a considéré que ce comportement n'était pas fautif, la captation de clientèle n'étant pas démontrée pas plus que le préjudice,

Les sociétés intimées ont dupliqué toujours aux mêmes fins le 9 avril 2013 mais en expliquant encore que :

* la SARL WRM a continué de faire paraître des publicités trompeuses notamment en juin et juillet 2012,

* elle persiste dès lors à vouloir entretenir une confusion fâcheuse dans l'esprit de la clientèle, le chaland ne pouvant effectivement comprendre à la lecture de la publicité particulièrement large qu'elle réalise que la marque « HUBLOT » notamment n'est pas distribuée en Principauté,

* la SARL WRM fait fi de la condamnation prononcée à son encontre par le Tribunal,

* contrairement à la lecture qu'en fait l'appelante, la Cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 13 décembre 2012 a consacré le comportement fautif de la SAS WRC constitutif de concurrence déloyale du fait d'agissements similaires, même si son préjudice n'était pas établi,

* elles justifient de l'étendue de leur préjudice en lien direct avec les agissements de la SARL WRM,

* le site internet « KRONOMETRY 1999 » entretient la confusion en indiquant une liste de marques prétendument disponibles quel que soit le magasin dont la page est consultée.

La SARL WRM a déposé un nouveau jeu d'écritures dites conclusions n° 3 le 21 juin 2013 aux termes desquelles elle argue que :

* les sociétés intimées ne justifieraient pas du droit à l'exclusivité de la distribution sur l'ensemble des marques dont elles se prévalent,

* les sociétés intimées doivent justifier des conditions selon lesquelles elles se sont procurées les pièces 84, 101, 102 et 104, faute de quoi ces pièces doivent être écartées des débats,

* l'argumentation des intimées est dénuée de fondement, alors même qu'elles ne sont pas en mesure de démontrer une quelconque captation de clientèle, perte de chance ou atteinte à leur image qui leur soient préjudiciables,

* la procédure diligentée à son encontre lui crée préjudice et justifie sa demande de dommages-intérêts.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

ET SUR CE :

Attendu que les pièces produites par les sociétés intimées dont la SARL WRM sollicite le rejet des débats sont constituées de la manière suivante :

* Pièce 84 : « Bordereau de vente à l'exportation établi par la SCS RO & Cie exerçant à l'enseigne KRONOMETRY 1999 à Monaco relatif à une montre de marque PANERAI le 13 août 2008 »,

* Pièce 101 : « Reçu en date du 7 mars 2013 édité par l'établissement KRONOMETRY à Monaco correspondant à la vente d'une montre de marque HUBLOT d'un montant de 5.700 euros »,

* Pièce 102 : « Reçu en date du 29 mars 2013 édité par l'établissement KRONOMETRY à Monaco relatif à une vente supplémentaire d'une montre de marque PANERAI d'un montant de 5.500 euros »,

* Pièce 104 : « Facture établie par l'établissement KRONOMETRY 1999 Monaco du 2 avril 2013 relative à la vente d'une montre de marque PANERAI » ;

Attendu que si ces pièces peuvent légitimement gêner la SARL WRM dans la mise en œuvre de ses moyens de défense dès lors qu'elles tendent, selon l'exploitation qui pourra en être faite au fond, à démontrer l'existence de transactions intervenues en Principauté à partir de l'établissement KRONOMETRY 1999 et portant sur des montres de luxe de marques litigieuses, le seul fait que ces factures soient en possession des sociétés intimées n'établit aucunement, en l'absence de toute démonstration contraire de l'appelante, leur appropriation déloyale ;

Qu'il ne peut être exclu en effet que les sociétés intimées aient chargé des tiers pour les besoins de leur défense au fond, de procéder à de telles acquisitions dans des conditions de parfaite régularité procédurale dès lors que ces pièces ne tendent qu'à établir que certains produits faisant l'objet d'une distribution sélective de la part de la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et de la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE seraient également proposés à la vente en Principauté par la SARL WRM sous son enseigne KRONOMETRY 1999 ;

Qu'il n'y a pas lieu en conséquence d'écarter ces pièces du débat de fond devant la Cour ;

Attendu que la commercialisation de montres de marque est régi par des contrats dits de « distribution sélective» aux termes desquels le titulaire de la marque protégée « concède à un distributeur agréé le droit de vendre au détail les produits portant les marques énumérées … » ;

Que ce type de contrat est conclu personnellement avec un distributeur agréé pour s'exercer en un lieu portant une enseigne commerciale sur un territoire géographique déterminé ;

Que si la SARL WRM peut disposer de contrats de distribution sélective de telle ou telle marque en France, voire aux portes de la Principauté, il lui appartient toutefois de démontrer qu'elle bénéficie d'un tel accord de sélectivité pour les marques qu'elle distribue en Principauté, accord en l'absence duquel elle ne peut se livrer à aucune vente du chef des dites marques ;

Que de la même manière, elle ne peut assurer aucune publicité de nature à laisser penser qu'elle pourrait, à l'instar de ce qu'elle fait en France, distribuer telle ou telle marque à l'égard de laquelle elle ne disposerait pas en Principauté d'un accord préalable de sélectivité ;

Attendu qu'à l'analyse des pièces produites, le Tribunal par un raisonnement à l'encontre duquel aucune critique ne peut valablement être apportée, a à juste titre observé que les deux sociétés intimées, la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE, bénéficiaient d'un contrat de distribution sélective du chef des marques VACHERON CONSTANTIN, BREITLING, BREITLING FOR BENTLEY, CARTIER, IWC et PANERAI ainsi que le reconnaît au demeurant la SARL WRM dans ses écritures du 20 juin 2013, mais également du chef des marques FRANCK MULLER (le Tribunal ayant procédé à un raisonnement a contrario du courrier de Philippe LEMAIRE du 18 mars 2007 - pièce 6), FERRARI (avenant du 28 juin 2006 pièce 74), RICHARD MILLE (pièce n°11), HUBLOT (pièce 28), JACOB & Cie DELACOUR et IKEPOD (pièce 30), DE GRISOGONO (pièces 23 et 76) dont la SARL WRM n'était pas autorisée à procéder à la distribution en Principauté ;

Qu'au regard de ces mêmes pièces, la Cour n'y trouve toutefois pas la preuve de l'existence d'un contrat de distribution sélective de la marque PIERRE KUNZ dont seraient bénéficiaires la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE, de sorte qu'elle ne pourra suivre le Tribunal en ce qu'il a considéré que les sociétés intimées disposaient d'un contrat sélectif à cet égard ;

Que le jugement sera réformé sur ce point ;

Attendu en second lieu, que le Tribunal a également observé qu'à la faveur des annonces publicitaires à laquelle la SARL WRM se livrait et dont il a procédé à la description détaillée, il s'établissait à suffisance que celles-ci étaient de nature à induire l'idée selon laquelle la SARL WRM était en mesure de proposer pas moins de 30 à 32 marques différentes dans tous les magasins établis sous l'enseigne KRONOMETRY 1999 et naturellement au sein de celui sis en Principauté ;

Que le caractère déloyal de la publicité litigieuse mise en œuvre par la SARL WRM, notamment en ce qu'il était constitué d'un pavé de marques se rattachant indistinctement à l'ensemble des établissements KRONOMETRY sis en Europe, a en effet été stigmatisé par les Premiers Juges, dès lors qu'elle ne mentionne jamais que les marques dont elle se prévaut en concurrence avec celles distribuées sous contrat sélectif par les sociétés intimées, ne sont pas commercialisées par elle en Principauté, dans des conditions qui laissent au contraire à penser qu'elle propose ces dernières marques dans tous ses magasins, induisant le chaland dans l'idée selon laquelle il est susceptible de trouver chez KRONOMETRY 1999 en Principauté l'ensemble des marques réservées à la distribution sélective des sociétés intimées ;

Que le Tribunal a à juste titre relevé que l'ajout ultérieur de la mention en bas de page portant sur la liste des marques disponibles dans chaque établissement de vente était insuffisant pour supprimer le risque de confusion, la taille de la police n'étant pas de nature à faire disparaître un tel risque ;

Attendu que pour s'exonérer de tout comportement fautif, la SAM WRM argue de ce qu'elle ne distribuerait plus les marques IWC, BREITLING depuis 2007, FERRARI depuis 2010, qu'elle n'a jamais distribué la marque CARTIER et que ZEGG & CERLATI ne disposerait plus de la concession Richard MILLE depuis 2011 ;

Attendu que la Cour observe sur ces dénégations que si celles-ci ne peuvent en tout état de cause valoir que pour la période de temps postérieure à la cessation de leur caractère déloyal, elles démontrent suffisamment a contrario l'existence de tels comportements fautifs de la part de la SARL WRM pour la période de temps qui leur est antérieure ;

Attendu qu'il résulte d'autre part des pièces 84, 101, 102 et 104 produites par la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE que nonobstant l'absence de contrat de distribution sélective des marques PANERAI et HUBLOT, la SARL WRM procède à la vente de telles montres en Principauté dans des conditions qui établissent parfaitement la réalité de la concurrence déloyale à laquelle elle se livre à l'égard des sociétés intimées ;

Que c'est dès lors à bon droit que le Tribunal a considéré qu'une telle publicité, propre à induire en erreur le consommateur et à l'amener à acquérir auprès de l'établissement KRONOMETRY 1999 sis en Principauté, des montres distribuées sélectivement par la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE, était constitutive de concurrence déloyale et créait un risque de désorganisation du réseau de distribution ;

Attendu sur l'embauche de a HA que c'est également à bon droit que le Tribunal a retenu que celui-ci n'était pas tenu à l'égard des sociétés intimées d'une obligation de non-concurrence d'une part, la Cour observant d'autre part qu'il n'était pas établi que la SARL WRM aurait fait de sa qualité d'ancien salarié auprès de celles-là un argument publicitaire propre à entretenir la confusion de manière parasitaire en véhiculant le fait qu'il était en mesure de présenter au sein de sa structure des offres de produits identiques à ceux dont il avait pu disposer en son temps auprès de son ancien employeur, de sorte que l'embauche de ce dernier a pu à juste titre être considérée par les premiers juges comme ne constituant pas de ce chef un détournement de clientèle ;

Attendu toutefois qu'à raison à la fois du caractère équivoque de la publicité réalisée, conjugué à la proximité géographique et somme toute exiguë résultant de la zone de chalandise que constitue le territoire de la Principauté, le Tribunal a valablement considéré que la SARL WRM s'était rendue coupable de concurrence déloyale à l'égard des sociétés intimées dans des conditions fautives propres à engager sa responsabilité ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Attendu qu'il convient également de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné en conséquence de la concurrence déloyale à laquelle se livrait la SARL WRM de la voir procéder à la cessation de toute la publicité laissant accroire qu'elle distribue les marques litigieuses ;

Que les dispositions du jugement seront toutefois complétées selon les modalités précisées au dispositif ci-après, la Cour ayant considéré supra que la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE ne démontraient pas l'existence d'un contrat de distribution sélective de la marque Pierre KUNZ d'une part, tandis qu'elles se prévalaient d'autre part au titre de leurs contrats de distribution sélective d'autres marques dont elles n'avaient pas fait état ou qui n'avaient pas été retenues par le Tribunal ;

Attendu que la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE démontrent toutefois par la pièce 90 que cette concurrence déloyale s'est poursuivie postérieurement à l'intervention du jugement entrepris et notamment de manière effective à la date du 22 décembre 2011 ;

Qu'à l'effet de voir apporter à la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE la protection que requiert le bénéfice des contrats de distribution sélective dont elles sont titulaires, les modalités pratiques de mise en œuvre de cette interdiction seront toutefois complétées pour voir fixer à 1.500 euros le montant de l'astreinte par manquement constaté du chef des marques VACHERON CONSTANTIN, BREITLING et BREITLING FOR BENTLEY, CARTIER, IWC, PANERAI, FRANCK MULLER, FERRARI, RICHARD MILLE, HUBLOT, JACOB & Cie DELACOUR, IKEPOD et DE GRISOGONO ;

Attendu sur le préjudice que le Tribunal a valablement considéré aux termes d'un raisonnement qui n'appelle aucune critique et que la Cour fait sien que les SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE ne pouvaient valablement soutenir avoir subi une diminution de leur chiffre d'affaires sur le seul examen du courrier de l'expert LECLERCQ, alors même que certaines diminutions étaient antérieures à l'ouverture en Principauté de l'établissement géré par la SARL WRM, la Cour observant d'autre part sur la base de ce même document, que nonobstant la concurrence déloyale dont se prévalent les SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE, les marques JACOB/HOGAN et VACHERON ont connu quant à elle une augmentation entre 2007 et 2011 respectivement de 190,70 % et 167,58% ;

Qu'il ne peut cependant être contesté que les ventes litigieuses réalisées par la société WRM au sein de son établissement monégasque ont nécessairement présenté un caractère occulte même si elles sont favorisées par la proximité géographique dont elle dispose avec son établissement identique sis à Cannes, lequel permet manifestement de mettre à sa disposition en Principauté une montre de marque protégée qui peut lui être acheminée en moins d'une heure ;

Attendu qu'en fixant dès lors à 15.000 euros pour chacune d'elles le montant de dommages-intérêts propre à indemniser la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE du préjudice qu'elles subissaient à raison de la concurrence déloyale dont elles étaient victimes, le Tribunal a réalisé de celui-ci une exacte appréciation ;

Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point de même que sur les dépens ;

Attendu que la SARL WRM qui succombe en l'ensemble de ses prétentions devant la Cour sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et condamnée aux dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement,

Déboute la SARL WRM de sa demande de rejet de pièces,

Confirme le jugement prononcé par le Tribunal de Première Instance le 12 mai 2011 dans toutes ses dispositions déférées sauf en ce qui concerne l'étendue des marques du chef desquelles la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE bénéficient de contrats de distribution sélective et sur le montant de l'astreinte dont est assorti tout manquement constaté,

L'émende de ce seul chef,

Dit que la SAM SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE et la SAM SOCIÉTÉ ANONYME MONÉGASQUE DE BIJOUTERIE disposent de contrats de distribution sélective en Principauté des marques VACHERON CONSTANTIN, BREITLING et BREITLING FOR BENTLEY, CARTIER, IWC, PANERAI, FRANCK MULLER, FERRARI, RICHARD MILLE, HUBLOT, JACOB & Cie DELACOUR, IKEPOD et DE GRISOGONO,

Condamne la SARL WRM à cesser dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, toute publicité laissant accroire qu'elle distribue à Monaco sous l'enseigne KRONOMETRY 1999, les marques VACHERON CONSTANTIN, BREITLING et BREITLING FOR BENTLEY, CARTIER, IWC, PANERAI, FRANCK MULLER, FERRARI, RICHARD MILLE, HUBLOT, JACOB & Cie DELACOUR, IKEPOD et DE GRISOGONO et ce sous astreinte provisoire de 1.500 euros par manquement constaté,

Déboute les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

Condamne la SARL WRM aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

MM. Foret-Dodelin, v.-prés., Perriquet et Salvatico, cons., assistés de Mme SPARACIA-SIOLI, greff. en chef adjt,

Mes Giaccardi et Mullot, av. déf.

Note

Cet arrêt confirme le jugement prononcé le 12 mai 2011 par le Tribunal de première instance en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'étendue des marques objet d'un contrat de distribution sélective.

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