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28/01/2014 | MONACO | N°11797

Monaco | Cour d'appel, 28 janvier 2014, MONTE-CARLO GRAND HOTEL SAM ayant pour sigle « FAIRMONT MONTE-CARLO » c/ GR et Compagnie à l'enseigne FRAGRANCE


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 28 JANVIER 2014

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL SAM ayant pour sigle « FAIRMONT MONTE-CARLO », au capital social de 1.041.920,00 euros, dont le siège social est sis 12 Avenue des Spélugues, 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, et agissant également sur poursuites et diligences de son Directeur Délégué en exercice, Monsieur X F RU, domiciliée en cette qualité audit siège ;
r>Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 28 JANVIER 2014

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL SAM ayant pour sigle « FAIRMONT MONTE-CARLO », au capital social de 1.041.920,00 euros, dont le siège social est sis 12 Avenue des Spélugues, 98000 Monaco, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, et agissant également sur poursuites et diligences de son Directeur Délégué en exercice, Monsieur X F RU, domiciliée en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La société en commandite simple dénommée GR et Compagnie à l'enseigne FRAGRANCE, au capital social de 80.000 euros, dont le siège social est 12 avenue des Spélugues Monte-Carlo Grand Hôtel 98000 Monaco, immatriculée au Répertoire du Commerce et de l'Industrie sous le n° 89S02494, agissant poursuites et diligences de son gérant commandité en exercice, Monsieur M A GR demeurant en cette qualité audit siège et domicilié X à MONACO ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Florent ELLIA, avocat au Barreau de Nice ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 février 2013 (R.3510) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 5 avril 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000137) ;

Vu les conclusions déposées les 28 mai 2013 et 8 octobre 2013, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SCS GR et Cie à l'enseigne FRAGRANCE ;

Vu les conclusions déposées les 17 septembre 2013 et 12 novembre 2013, par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL ;

À l'audience du 3 décembre 2013, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 14 février 2013.

Considérant les faits suivants :

La Cour statue sur l'appel relevé le 5 avril 2013 par la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 14 février 2013 et entend se référer à l'exposé par les premiers juges des faits, de la procédure et des prétentions des parties. Il suffit, dès lors, de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Par le jugement susvisé, le Tribunal saisi par la SCS GR & Cie, à l'enseigne FRAGRANCE d'une part et à l'enseigne Cabinet PA d'autre part, d'une action dirigée contre la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL en qualification de leurs rapports juridiques et en invocation du droit à la propriété commerciale, a considéré, après avoir déclaré irrecevables les conclusions déposées par les défenderesses le 6 décembre 2012, que l'existence d'un bail emphytéotique ne s'opposait pas à la reconnaissance du statut des baux commerciaux aux conventions conclues par l'emphytéote, qu'était nulle la clause excluant l'application de la loi n°490, que la société GR & Cie exploitait deux fonds de commerce indépendants, l'un à l'enseigne FRAGRANCE, l'autre à l'enseigne Cabinet PA, que les contrats liant les parties étaient des baux commerciaux s'appliquant aux locaux accessoires loués, que le congédiement formulé par courriers des 14 septembre et 30 novembre 2009 et l'exploit intitulé « mise en demeure réitérative et sommation de déguerpir » étaient nuls, que les contrats venus à échéance respectivement le 31 décembre 2009 pour FRAGRANCE et le 31 janvier 2010 pour le Cabinet PA s'étaient renouvelés pour une durée égale à celle du bail échu pour le premier, à 3 ans pour le second, que le statut des baux commerciaux ne s'appliquait pas aux cabines de soins situées dans l'ancien HEALTH SPA de l'hôtel, et a débouté la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL de l'ensemble de ses demandes.

Dans l'appel dirigé contre la SCS GR & Cie - FRAGRANCE, la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL pour obtenir la mise à néant de la décision entreprise fait essentiellement valoir dans ses écritures, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample de ses moyens et arguments :

* que le rejet injustifié de ses conclusions du 6 décembre 2012 entraîne la nullité de la décision par application des articles 178 et 180 du Code de procédure civile, 6 de la CESDH et de la nécessité d'assurer le contradictoire,

* que le Tribunal a commis une erreur de droit en requalifiant les conventions faisant la loi des parties et en décidant de leur renouvellement, sans aucune qualité pour le faire par référence à l'article 263 du Code de procédure,

* que la nullité est encourue, au visa de l'article 199 alinéa 4 du Code de procédure civile, pour contradiction de motifs sur l'application du bail emphytéotique dans la mesure où l'emphytéote, qui ne peut octroyer plus de droit qu'il ne peut en avoir lui-même, n'a pu conférer la propriété commerciale à son bailleur,

* qu'elle est également encourue pour dénaturation de la teneur du bail emphytéotique,

* que le Tribunal, saisi de deux procédures distinctes, ne pouvait d'office joindre les deux procédures alors que les litiges concernaient des parties différentes et qu'il n'était nullement justifié de connaître le déroulement des autres procédures,

* que l'inexistence d'un droit à la propriété commerciale résulte :

* de la validité de la clause excluant l'application de la loi n°490, dès lors que la renonciation à un droit est licite lorsqu'il est, comme en l'espèce, né ou acquis,

* du défaut de qualité de commerçant indépendant de la société GR & Cie - FRAGRANCE en l'état des conditions particulières incompatibles avec le libre exercice de l'activité auxquelles était soumise la locataire, tenue d'accomplir les prestations sous le nom de l'emphytéote,

* de l'absence de clientèle propre, compte tenu de ce que les produits ne peuvent être vendus qu'avec la marque de l'hôtel,

* de l'inexistence d'un local au sens de l'article 1er de la loi n°490, dans la mesure où l'emplacement mis à disposition est variable dans son étendue et sa localisation en fonction des nécessités de la politique commerciale de l'hôtel, selon les termes de la convention,

* du défaut de qualité du Tribunal pour prononcer un renouvellement de bail, d'autant que la locataire a abandonné les procédures sur saisine du juge de l'article 18 et de la commission arbitrale des loyers commerciaux, instance désormais frappée de péremption,

* que les allégations de la société GR & Cie - FRAGRANCE devront être rejetées dans la mesure où la sommation de déguerpir est restée vaine de même que la mise en demeure réitérative, où les attestations BO établies unilatéralement seront rejetées, où les paiements de la locataire postérieurs au 1er janvier 2010 ont été rejetés et enfin où il n'existe pas de clientèle propre.

En définitive, l'appelante demande à la Cour d'annuler la décision déférée et, évoquant, de :

* rejeter l'ensemble des écrits de son adversaire,

* disjoindre les causes,

* dire et juger que le Tribunal n'avait nulle compétence pour statuer sur un renouvellement de bail,

* déclarer licite les conventions intervenues entre les parties,

* dire et juger l'inexistence d'un local au sens de l'article 1er de la loi n°490,

* déclarer la société GR & Cie - FRAGRANCE occupante sans droit ni titre à compter du 1er janvier

2010,

* dire et juger que l'existence et la teneur du bail emphytéotique excluent la loi sur les baux commerciaux,

* ordonner l'expulsion de la société GR & Cie - FRAGRANCE, et ce, sous astreinte définitive de 5.000 euros par jour de retard jusqu'à complète libération des lieux dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

* la condamner à lui payer une indemnité d'occupation de 10.000 euros par mois à compter du 1er janvier 2010 jusqu'à la remise des clefs et la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive et vexatoire,

* ordonner l'exécution provisoire en application de l'article XXI de la convention liant les parties.

La société GR & Cie - FRAGRANCE, intimée, réplique en demandant la confirmation du jugement critiqué, après avoir en tant que de besoin ordonné la jonction des deux appels interjetés concomitamment à l'encontre de cette décision, et en sollicitant la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Dans ses écritures auxquelles il est expressément renvoyé, elle reprend devant la Cour les moyens et arguments soutenus avec succès devant le premier juge, en soulignant en réponse à l'argumentation développée par l'appelante :

* que la nullité réclamée n'est pas une exception au sens du Code de procédure civile,

* qu'elle ne s'appuie sur aucun fondement légal concernant le rejet de ses écrits judiciaires du 6 décembre 2012,

* que le défaut de qualité prétendu du Tribunal est en réalité une exception d'incompétence infondée puisqu'aucune des juridictions d'exception prévues en la matière n'a de compétence pour statuer au fond du litige,

* que la nullité pour contradiction de motif n'est pas exprimée,

* qu'il est impossible pour l'appelante de solliciter la nullité et de lui opposer une clause tirée du bail,

* que le bail emphytéotique invoqué par l'appelante lui permettait parfaitement de consentir un bail commercial,

* que la jonction ordonnée ne peut être critiquée dans le cadre d'un appel relatif à un jugement qui ne l'a pas ordonnée ; qu'au demeurant la problématique la concernant est la même dans les deux procédures ce qui a conduit l'appelante à présenter deux jeux identiques de conclusions,

* que l'argumentation de l'appelante concluant à l'absence de local ou à l'obligation d'accomplir les prestations sous le nom de l'emphytéote est infondée au regard de la jurisprudence applicable en la matière.

Elle justifie sa demande de dommages-intérêts par les frais colossaux qu'elle a dû engager compte tenu de l'acharnement de la société bailleresse et le trouble subi résultant des multiples procédures qu'elle a engagées à son encontre, faisant observer que l'appelante n'a pas hésité, dans le cadre de la présente procédure, à faire délivrer deux actes d'appel à l'encontre du même jugement.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu que la jonction sollicitée en tant que de besoin, n'a pas lieu d'être ordonnée, dans la mesure où l'appelante y est fortement opposée puisqu'elle a cru devoir mettre en œuvre deux appels à l'encontre d'un unique jugement - alors que la jonction des instances ne crée pas par elle-même de lien juridique entre les parties en cause - et que cette mesure apparaît dans ce contexte inopérante à contribuer à une bonne administration de la justice ;

Attendu que la Cour est saisie de l'appel-nullité du jugement rendu par le Tribunal de Première Instance le 14 février 2013, lequel régularisé dans les délais imposés par la loi, doit être déclaré recevable ;

Attendu, en droit, que toute décision peut être combattue si elle est appuyée sur des motifs contradictoires ou insuffisants, ou a été prise par un Tribunal incompétent, ou encore, procède d'une méconnaissance des principes garantissant les droits de la défense ;

Sur la méconnaissance des droits de l'appelante :

Attendu que la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL fait grief aux premiers juges d'avoir méconnu le principe du contradictoire en rejetant ses conclusions du 6 décembre 2012 pourtant intitulées « utiles et nécessaires à l'expression du contradictoire » ;

Mais attendu que ces écrits, communiqués hors des délais fixés par le Tribunal qui avait renvoyé l'affaire au 13 décembre 2012 pour y être plaidée, ont été à bon droit déclarés irrecevables par les premiers juges en application de l'article 181 du Code de Procédure Civile, compte tenu du calendrier procédural ainsi établi, et ce, dans la mesure où la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL ne soutient pas que la société GR & Cie - FRAGRANCE aurait fait état dans ses propres écrits de demande ou pièce nouvelle de nature à justifier une réponse de sa part afin de garantir ses droits de la défense ;

Attendu que la mesure d'administration judiciaire de jonction ne saurait être sérieusement contestée dans le cadre de l'appel formé uniquement à l'encontre d'un jugement qui ne l'a pas ordonnée ;

Sur la contradiction de motifs :

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision aux termes de l'article 199-4° du Code de procédure civile ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Qu'en l'espèce l'appelante, sous couvert d'une prétendue contradiction de motifs non explicitée, reproche en réalité aux premiers juges d'avoir adopté une position contraire à la sienne ; qu'en effet elle leur fait grief d'avoir méconnu la portée de la situation juridique caractérisée par l'existence d'un bail emphytéotique ; mais attendu à ce propos que ces magistrats ont, à juste titre et par une motivation dénuée de toute contradiction, rappelé que les baux consentis par l'emphytéote ne sont pas exclus du statut protecteur des baux commerciaux, sous la condition qu'ils n'accordent pas au preneur plus de droit qu'il n'en a, de sorte que l'existence d'un bail emphytéotique n'était pas un obstacle à la revendication de ce statut ;

Que la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL ne souffre en l'espèce d'aucune restriction, autre que la durée du bail qui lui a été consentie, dès lors qu'elle est considérée comme propriétaire aux termes de l'article 3.3 de cette convention, de sorte que la dénaturation de la teneur du bail alléguée n'est pas caractérisée ;

Attendu en définitive que la société appelante sera déboutée de la partie de son appel tendant à l'annulation du jugement déféré ; que cet appel n'étant pas limité, il appartient à la Cour de statuer sur le tout par l'effet dévolutif de l'article 429 du Code de procédure civile ;

Qu'à cet égard il convient liminairement d'observer que la disposition relative à l'activité des soins esthétiques dispensée par l'institut FRAGRANCE n'est remise en cause par aucune des parties et s'avère en conséquence définitive ;

Attendu qu'il est admis que la Commission arbitrale des loyers commerciaux, juridiction spécialisée qui n'a compétence que pour statuer sur les matières qui lui sont spécifiquement dévolues par la loi 490 du 24 novembre 1948, ne peut ni interpréter les relations juridiques existant entre les parties, ni statuer sur la qualification d'un contrat de bail ou encore la validité du congé y afférent, toutes questions relevant de la compétence d'attribution des juridictions de droit commun, en sorte que la saisine du Tribunal de Première Instance doit être déclarée régulière ;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 1er de la loi n°490 sur les loyers commerciaux que le droit à la propriété commerciale et donc au renouvellement des baux est reconnu aux locataires qui exploitent depuis au moins 3 ans consécutifs dans lesdits locaux un fonds de commerce ;

Attendu, par ailleurs, que l'article 28 de ce texte législatif déclare nuls, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangement qui auraient pour conséquence directe de faire échec aux dispositions d'ordre public de la loi, s'agissant selon la jurisprudence en la matière d'un ordre public composite dont l'aspect directif dominant interdit d'y déroger ou d'y renoncer ;

Attendu dès lors que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que la clause du contrat conclu entre les parties excluant l'application du statut protecteur des baux commerciaux constituait une violation de l'article 28 précité et devait être déclarée nulle ;

Que c'est également à bon droit que la juridiction a alors recherché si le statut des baux commerciaux revendiqué par le preneur était effectivement applicable aux relations entre les parties ;

Qu'aux termes de l'article 1 précité, le bénéfice de la loi n°490 ne peut être invoqué que par celui qui est à la fois commerçant propriétaire d'un fonds de commerce et locataire depuis au moins trois années consécutives des lieux où est exploité le fonds ;

Attendu qu'en l'espèce la société GR & Cie - FRAGRANCE exerce en Principauté une activité de vente au détail de parfumerie, produits de beauté, bijoux fantaisie, petite bagagerie, petits souvenirs, foulards, cravates, articles de manucure, sous l'enseigne Institut parfumerie FRAGRANCE, pour laquelle elle est inscrite au répertoire du commerce et de l'industrie, et ce plus particulièrement depuis 1989, soit depuis plus de trois ans - ce qui n'est pas discuté - au sein d'un établissement donné à bail par la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL pour l'exercice de son activité commerciale ;

Attendu que dans le cadre de la loi n° 490, les parties conservent la faculté de soumettre leurs rapports à des modalités librement convenues, notamment quant à l'exploitation du fonds de commerce, dans la mesure où elles laissent malgré tout subsister le libre exercice de l'activité commerciale ;

Qu'en matière de baux relatifs à des locaux inclus dans un grand ensemble, il apparaît d'autant plus concevable d'inclure certaines obligations contraignantes compte tenu de la nécessité d'assurer la conformité des exploitations à certaines normes économiques régissant cet ensemble ;

Qu'à cet égard en l'espèce, les premiers juges ont estimé, par une exacte appréciation des faits de la cause non démentis par les pièces du dossier soumis à la Cour, que les quelques restrictions du preneur vis-à-vis de la bailleresse qu'ils avaient pu constater, s'avéraient à elles seules insuffisantes pour rendre inapplicable en l'espèce la loi n°490 au regard des éléments de l'espèce qu'ils avaient par ailleurs relevés caractérisant l'autonomie d'exploitation propre au droit à la propriété commerciale ;

Que ces éléments tiennent, au vu de la motivation adoptée des premiers juges et des motifs propres de la Cour qui s'y rajoutent ou s'y substituent, à :

* l'existence d'une clientèle distincte consacrée tant par une lecture a contrario de l'article IV de la convention qui énonce que « l'emplacement est appelé à être fréquenté par la clientèle de celle-ci (société exploitant l'hôtel) » soit en pratique conjointement à la clientèle propre de la parfumerie faute de tout caractère exclusif, que par l'attestation de l'expert-comptable BO du 15 mars 2010 (pièce n°24),

* la présence d'un matériel propre nécessaire à l'activité,

* l'autonomie des risques commerciaux,

* l'absence de droit sur le nom de l'hôtel et l'existence d'une enseigne commerciale personnelle à l'Institut Parfumerie FRAGRANCE figurant au-dessus de l'entrée du local et dans la vitrine côté gauche (constats d'huissier des 19 mars et 28 décembre 2009),

* l'occupation d'un local identique depuis le début des relations,

* une indépendance dans la gestion du commerce et notamment dans les rapports avec les fournisseurs et la clientèle, ainsi que dans la politique non seulement d'achat mais également de vente des marchandises faute de preuve de demandes particulières et restrictives du bailleur à cet égard ;

Attendu en définitive, que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que la société GR & Cie – FRAGRANCE exploitait dans le local commercial loué un fonds de commerce au sens de l'article 1er de la loi du 24 novembre 1948 modifiée et que le renouvellement de ce bail commercial obéissait en conséquence aux dispositions de cette loi, sans égard pour les accords contractuels contraires prohibés par cette loi et le recours fictif - compte tenu de l'absence de circonstances exceptionnelles marquant le terme de la convention - à la notion de précarité ;

Attendu que la société MONTE CARLO GRAND HOTEL a manifesté son refus de renouvellement de la convention du 14 décembre 2004 à son échéance ;

Que toutefois les premiers juges ont déclaré nul ce congé ainsi que l'exploit intitulé « mise en demeure réitérative et sommation de déguerpir », sans que l'appelante ne le conteste autrement que par son argumentation générale non pertinente tenant à la non application du statut protecteur des baux commerciaux ;

Attendu que faute de renonciation du locataire au bénéficie des dispositions de la loi trois mois au moins avant l'échéance du contrat de location, celui-ci a droit à son renouvellement à cette date sans avoir à accomplir aucune formalité, selon l'article 2 de la loi précitée ;

Qu'ainsi le Tribunal a, là encore, parfaitement considéré que l'institut FRAGRANCE avait droit à renouvellement de son bail, et ce, pour une durée égale à la location échue, soit 5 ans, en application de l'alinéa 2 de ce même texte ;

Qu'en conséquence c'est à bon droit que la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL, succombant, a été déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Attendu en définitive que la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL sera déboutée des fins de son appel et la décision entreprise confirmée en ses dispositions critiquées, y compris du chef des dépens ;

Que par suite la demande relative à l'exécution provisoire de la présente décision sera également rejetée, s'agissant au demeurant d'un arrêt de la Cour d'appel statuant en matière de loyers commerciaux, non susceptible d'un recours suspensif d'exécution ;

Attendu qu'en l'état des éléments de la cause tenant notamment à la spécificité et à la durée de ses relations avec la société GR & Cie, des textes, principes et jurisprudence applicables, la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL ne pouvait sérieusement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et ce d'autant plus en appel au regard des motifs parfaitement clairs et explicites de la décision querellée ; qu'en outre elle a usé de moyens peu sérieux et spécieux au soutien de ses demandes notamment en soumettant à la Cour un contrôle de légalité sans révéler aucune irrégularité commise pour voir en réalité simplement réformer la décision ou encore relativement aux conséquences tirées par elle de l'existence d'un bail emphytéotique ;

Que cette faute a nécessairement été source de troubles et désagréments pour l'intimée et l'a contrainte à engager des frais importants pour se défendre en justice, dont le montant a été au demeurant gonflé par l'artifice procédural utilisé par l'appelante qui n'a pas hésité à faire délivrer deux actes d'appel à l'encontre du même jugement ; que ce préjudice justifie la condamnation de la société MONTE-CARLO GRAND HOTEL à payer à la SCS GR & Cie la somme de 7.000 euros à titre de dommages-intérêts en l'état des éléments d'appréciation dont la Cour dispose ;

Et attendu que la SAM MONTE-CARLO GRAND HOTEL qui succombe essentiellement supportera les dépens de l'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS, et ceux non contraires des premiers juges,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Reçoit l'appel,

Dit n'y avoir lieu à la jonction sollicitée en tant que de besoin par la société en commandite simple GR & Cie,

Déboute la société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL des fins de son appel,

Confirme en ses dispositions frappées d'appel la décision entreprise du 14 février 2013,

Déboute la société anonyme monégasque dénommée MONTE-CARLO GRAND HOTEL de ses prétentions plus amples ou contraires,

La condamne à payer à la société en commandite simple GR & Cie - FRAGRANCE la somme de 7.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Condamne la société anonyme monégasque MONTE-CARLO GRAND HOTEL aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, et Madame Muriel DORATO-CHICOURAS, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 28 JANVIER 2014 Monsieur Gérard FORET-DODELIN, Vice-Président, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11797
Date de la décision : 28/01/2014

Analyses

En droit, toute décision peut être combattue si elle est appuyée sur des motifs contradictoires ou insuffisants, ou a été prise par un Tribunal incompétent, ou encore, procède d'une méconnaissance des principes garantissant les droits de la défense.Les baux consentis par l'emphytéote ne sont pas exclus du statut protecteur des baux commerciaux, sous la condition qu'ils n'accordent pas au preneur plus de droit qu'il n'en a, de sorte que l'existence d'un bail emphytéotique n'était pas un obstacle à la revendication de ce statut.La Commission arbitrale des loyers commerciaux, juridiction spécialisée qui n'a compétence que pour statuer sur les matières qui lui sont spécifiquement dévolues par la loi n° 490 du 24 novembre 1948, ne peut ni interpréter les relations juridiques existant entre les parties, ni statuer sur la qualification d'un contrat de bail ou encore la validité du congé y afférent, toutes questions relevant de la compétence d'attribution des juridictions de droit commun, en sorte que la saisine du Tribunal de Première Instance doit être déclarée régulière.

Procédure commerciale  - Baux commerciaux.

Appel - Violation du principe du contradictoire (non) - Contradiction de motifs (non)Baux emphytéotiques - Statut des baux commerciaux - Conditions - Commission arbitrale des loyers commerciaux - Compétence.


Parties
Demandeurs : MONTE-CARLO GRAND HOTEL SAM ayant pour sigle « FAIRMONT MONTE-CARLO »
Défendeurs : GR et Compagnie à l'enseigne FRAGRANCE

Références :

article 429 du Code de procédure civile
article 199 alinéa 4 du Code de procédure civile
articles 178 et 180 du Code de procédure civile
loi n° 490 du 24 novembre 1948
Code de procédure civile
article 181 du Code de Procédure Civile
article 199-4° du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-01-28;11797 ?

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