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07/01/2014 | MONACO | N°11736

Monaco | Cour d'appel, 7 janvier 2014, SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE c/ C. GA


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 7 JANVIER 2014

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée SOCIETE ANONYME STEPHANE, exploitant le commerce sous l'enseigne ZEGG & CERLATI, dont le siège est sis à Monaco, 24 avenue de la Costa, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Madame V GA, née le 27 novembre 1977 à Monaco, domiciliée et demeurant X à Monaco ;

Ayant...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 7 JANVIER 2014

En la cause de :

- La Société Anonyme Monégasque dénommée SOCIETE ANONYME STEPHANE, exploitant le commerce sous l'enseigne ZEGG & CERLATI, dont le siège est sis à Monaco, 24 avenue de la Costa, agissant poursuites et diligences de son Président Délégué en exercice, domicilié et demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- Madame V GA, née le 27 novembre 1977 à Monaco, domiciliée et demeurant X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail le 25 avril 2013 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 5 juin 2013 (enrôlé sous le numéro 2013/000173) ;

Vu les conclusions déposées les 25 juin 2013 et 18 novembre 2013, par Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, au nom de V GA ;

Vu les conclusions déposées les 17 octobre 2013 et 7 novembre 2013, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SOCIETE ANONYME STEPHANE ;

À l'audience du 20 novembre 2013, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE, à l'encontre d'un jugement du Tribunal du travail du 25 avril 2013.

Considérant les faits suivants :

Suivant jugement du 25 avril 2013, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du travail statuant dans l'instance opposant V. GA. à la SAM dénommée SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE, son ancien employeur, a :

– condamné la société STÉPHANE à payer à V. GA. la somme nette de 12.008 euros au titre de la contrepartie financière à son obligation de non-concurrence et la somme de 1.200 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouté la société STÉPHANE de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts,

– condamné la société STÉPHANE aux dépens de l'instance.

Au soutien de cette décision les premiers juges ont pour l'essentiel fait application du contrat de confidentialité signé le 24 décembre 2007 entre les parties pour en déduire que la clause de non-concurrence était instituée non seulement dans l'intérêt de l'employeur mais également dans celui du salarié et devait être assortie d'une contrepartie financière.

Estimant que la salariée démissionnaire n'avait pas été libérée de l'interdiction de non-concurrence par écrit dans le délai contractuel, les premiers juges l'ont déclarée fondée à solliciter le règlement de cette contrepartie pécuniaire, dans la mesure où la renonciation tardive à ladite clause par la société STÉPHANE ne la déchargeait pas de son obligation de ce chef.

Suivant exploit du 5 juin 2013, la société STÉPHANE a régulièrement interjeté appel de ce jugement du 25 avril 2013 dont elle a sollicité la réformation en toutes ses dispositions.

Elle entend voir à titre principal :

* – dire et juger que V GA ne peut prétendre avoir été soumise à son obligation de non-concurrence,

* – dire et juger qu'elle ne justifie pas avoir été laissée dans l'incertitude quant à son obligation de non-concurrence,

* – dire et juger qu'elle ne justifie de son côté bien qu'étant demanderesse ni avoir respecté cette clause ni avoir subi le moindre préjudice,

* – juger qu'elle ne peut demander quelque somme que ce soit à la société STÉPHANE.

À titre subsidiaire, l'appelante entend voir :

* – dire et juger que V GA ne saurait prétendre avoir été dans l'incertitude au sujet de son obligation de non-concurrence au-delà de la lettre recommandée du 3 octobre 2011 et ne justifie pas avoir respecté son obligation de non concurrence de six mois entre le 20 août 2011 et le 20 janvier 2012 au moment de l'introduction de la présente cause le 11 novembre 2011,

* – dire et juger qu'elle ne saurait revendiquer d'indemnité supérieure aux 45 jours pendant lesquels elle prétend avoir été dans l'incertitude, soit au prorata temporis la somme maximum de 6.004 euros.

L'appelante demande en tout état de cause la condamnation de V GA à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts au titre des préjudices qu'elle lui occasionne tant par ses demandes et sa procédure abusive que par ses propos injustifiés et ses accusations déplacées.

Au soutien de son appel, la société STÉPHANE fait valoir que :

* – c'est dans le seul intérêt de l'employeur qui est donc fondé à y renoncer qu'une clause de non-concurrence a été instaurée dans la relation de travail,

* – l'employeur étant en l'espèce une société de luxe au rayonnement international, c'est lui seul qui peut à sa discrétion décider ou non de se prévaloir de la clause de non-concurrence au regard des qualités de l'employée concernée,

* – la société STÉPHANE n'a à aucun moment imaginé imposer le respect d'une telle obligation à cette salariée démissionnaire qui ne présentait aucun risque pour l'entreprise et ne pouvait donc réclamer le paiement d'une quelconque somme en contrepartie,

* – s'agissant d'un salarié démissionnaire ayant pris l'initiative de la rupture du contrat de travail cet employeur peut seul décider s'il entend lui imposer le respect de l'obligation de non-concurrence, ce salarié ne pouvant réclamer le paiement d'une quelconque compensation s'il ne justifie pas que la clause lui a été imposée et qu'il l'a entièrement respectée,

* – en l'espèce, l'employeur avait au contraire fait savoir à cette salariée démissionnaire qu'il n'entendait pas user de la faculté de lui imposer une obligation de non-concurrence, aucune somme ne lui étant versée lors de la délivrance du solde de tout compte, ni aucune obligation de ce type n'y ayant été mentionnée,

* – le Tribunal du travail a procédé à un renversement impropre de la charge de la preuve au préjudice de l'employeur alors que c'était à V GA demanderesse au titre de la contrepartie financière, de démontrer qu'elle n'avait pas travaillé auprès d'un concurrent et avait donc été privée de trouver un emploi après sa démission,

* – en tout état de cause, sa totale liberté lui a été à nouveau confirmée par un courrier RAR du conseil de la société STÉPHANE dès le 3 octobre 2011, soit avant même qu'elle réitère une demande de paiement d'indemnité dès le 24 octobre de la même année, ce qui démontre sa mauvaise foi,

* – enfin, la volonté de démission de cette salariée procédant de son désir d'élever seule son enfant en bas âge, l'employeur ne pouvait qu'en déduire que son projet n'était pas d'intégrer une entreprise concurrente et a estimé préférable de renoncer à la mise en œuvre de la clause de non-concurrence,

* – la dénonciation formelle du 3 octobre 2011, même tardive, interdit toute compensation pour la période postérieure à cette date dès lors que V GA avait été libérée de son obligation de non concurrence qui s'achevait selon son propre raisonnement le 20 janvier 2012, en sorte qu'il convient à tout le moins de réduire au prorata temporis à 6.004 euros le montant de l'indemnité réclamée,

* – V GA n'a au demeurant jamais démontré avoir respecté une telle obligation au-delà du 3 octobre 2011.

V GA, intimée, entend pour sa part voir débouter purement et simplement la société STÉPHANE des fins de son appel et confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal du travail.

Elle entend en conséquence voir déclarer l'obligation de non-concurrence applicable conformément au contrat de confidentialité du 24 décembre 2007 et condamner la société STÉPHANE à lui payer 12.008 euros au titre de l'indemnité due en contrepartie de cette obligation de non-concurrence, outre la somme de 8.000 euros à titre de dommages intérêts tous préjudices confondus pour procédure abusive et dilatoire.

Au soutien de sa demande de confirmation, elle expose que :

* – en application du contrat de confidentialité, l'employeur peut parfaitement renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence à condition de le notifier au salarié dans un délai de huit jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail,

* – c'est donc à juste titre que la juridiction de première instance a considéré que la lettre de démission avait été réceptionnée par l'employeur le 20 juillet 2011 et que seule la correspondance 3 octobre 2011 mentionnait la volonté de l'employeur de ne pas se prévaloir de la clause de non-concurrence,

* – il est dès lors indiscutable que le délai prévu dans le contrat de confidentialité n'a pas été respecté, les premiers juges n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation,

* – à défaut de recevoir un écrit de l'employeur dans les conditions prévues par la convention, elle était en droit de s'estimer tenue par l'interdiction de concurrence,

* – elle n'a jamais manqué à aucune de ses obligations sur son lieu de travail et a effectué de nombreux dépassements horaires, son employeur ayant toujours été satisfait de ses prestations,

* – elle considère que son employeur avait parfaitement l'occasion de lui notifier son intention de la relever de son obligation de non-concurrence et que, s'il ne la pas fait, c'est au contraire qu'il souhaitait voir appliquer cette clause en sorte qu'elle est fondée à en réclamer la contrepartie financière,

* – les dispositions du contrat de confidentialité sont explicites et tout à fait valables, leur interprétation ne prétend pas à discussion et la société STÉPHANE devant respecter ses propres obligations et réparer le préjudice causé par sa résistance abusive et son attitude dommageable.

Aux termes de nouveaux écrits en date du 15 octobre 2013, la société STÉPHANE, réitérant sa demande de réformation du jugement rendu par le Tribunal du travail le 25 avril 2013 observe notamment :

* – à titre principal, que V GA ne peut prétendre avoir été soumise à une obligation de non-concurrence et ne justifie pas avoir été laissée dans l'incertitude quant à cette obligation alors qu'elle ne s'applique pas en matière de démission et n'établit pas avoir respecté au demeurant cette clause ni avoir subi le moindre préjudice, ne pouvant dès lors solliciter aucune somme à ce titre,

* – à titre subsidiaire, que V GA ne peut prétendre être restée dans l'incertitude au sujet de cette obligation de non-concurrence au-delà de la lettre recommandée du 3 octobre 2011, et elle ne saurait revendiquer d'indemnité supérieure aux 45 jours pendant lesquels elle indique avoir été dans l'incertitude à cet égard du 20 août au 3 octobre 2011, soit au prorata temporis la somme maximum de 696 euros alors surtout qu'elle ne justifie pas avoir respecté l'obligation dont elle se prévaut ni avoir subi de préjudice,

* – en tout état de cause, qu'il convient de condamner l'intimée à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice occasionné par ses demandes, la procédure abusive et les propos proférés.

La société appelante fait grief aux premiers juges d'avoir interprété la clause contractuelle en lui ajoutant des précisions qu'elle ne comporte pas, dès lors que le contrat liant les parties ne précise pas « quelle que soit la nature de la rupture du contrat de travail (licenciement démission) ».

La société STÉPHANE observe à cet égard que le délai de huit jours prévu par la clause litigieuse commençait à courir à partir de la notification de la rupture du contrat travail et n'avait donc vocation à s'appliquer qu'en matière de licenciement et non dans l'hypothèse d'une démission.

En un tel cas, le délai aurait dû être plus long afin de permettre à l'employeur d'échanger avec son salarié pour connaître ses intentions.

La société appelante estime que si elle n'a pas notifié en l'espèce de rupture à sa salariée, le délai prévu par le contrat n'a pas vocation à s'appliquer, la libération de cette employée démissionnaire se déduisant par ailleurs de la teneur du solde de tout compte qui lui a été délivré.

Elle observe que c'est uniquement pour rassurer V GA qu'elle a demandé à son conseil de lui confirmer par courrier du 3 octobre 2011 qu'elle n'entendait pas se prévaloir de la clause de non-concurrence et d'ailleurs que ce n'est que suite à ce courrier que celle-ci a pour la première fois entendu se prévaloir de l'indemnité afférente à cette clause et ce sans jamais justifier s'y être soumise.

La société STÉPHANE explique que V GA ne s'est pas souciée de savoir si elle allait être liée par une clause de non-concurrence ni lors de sa démission le 19 juillet 2011, ni lors de son départ effectif le 20 août 2011, ni à la réception de son solde de tout compte le 9 septembre 2011.

Ce ne serait que trois mois après sa démission et deux mois après l'acceptation du solde de tout compte que cette salariée a interrogé pour la première fois l'employeur au sujet de cette clause, la directrice administrative et financière de la société précisant avoir alors exposé de manière claire à cette salariée ne pas entendre s'en prévaloir.

En tout état de cause, il importe que la juridiction d'appel retienne qu'elle est amenée à se prononcer sur l'application d'une obligation de non-concurrence à ce jour expirée, une condamnation de l'employeur au-delà de cette période de 45 jours correspondant à la période écoulée du 20 août au 3 octobre 2011, revenant en définitive à contraindre l'employeur à user a posteriori d'un droit qu'il n'a pas souhaité revendiquer .

Aux termes d'ultimes écrits en date du 7 novembre 2013, la société STÉPHANE tenant pour répétés ses précédents moyens, fait état d'une décision rendue le 10 octobre 2013 par le Tribunal du travail consacrant l'annulation d'une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail et ordonnant la restitution des indemnités perçues par le salarié d'une banque en considérant qu'une telle restriction conventionnelle contrevenait à l'article 25 de la Constitution monégasque qui énonce que la liberté du travail est garantie.

V GA, intimée, entend pour sa part voir déclarer irrecevable la demande nouvelle formalisée par la société STÉPHANE le 6 novembre 2013, et conclut au rejet de l'ensemble de ses demandes en cause d'appel.

Elle entend voir en conséquence déclarer l'obligation de non-concurrence applicable en l'espèce conformément au contrat de confidentialité du 24 décembre 2007 et condamner la société STÉPHANE à lui payer la somme de 12.008 euros au titre de l'indemnité due en contrepartie de cette obligation, outre la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire.

Au soutien de ses dénégations, V GA reprenant le bénéfice de ses moyens antérieurs, fait valoir que la production de la décision rendue le 10 octobre 2013 par le Tribunal du travail caractérise au sens des dispositions de l'article 431 alinéa 2 du code de procédure civile une demande nouvelle qui doit être déclarée irrecevable.

Elle estime sur le fond que cette décision n'est pas applicable à la présente espèce et ne saurait permettre à la société STÉPHANE de se soustraire à ses obligations, la Cour n'étant pas saisie d'un litige portant sur la validité ou non d'une clause de non-concurrence mais sur le délai octroyé à l'employeur pour renoncer à son bénéfice, le Tribunal du travail ayant seulement rappelé en l'espèce que de telles clauses doivent être limitées dans le temps et l'espace, être raisonnables et non disproportionnées au regard de l'objet du contrat et être assorties d'une contrepartie financière suffisante.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

Attendu quant à la procédure, que V GA excipe sur le fondement des dispositions de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile de l'irrecevabilité de la demande nouvelle qu'aurait formée la société STÉPHANE dans ses écrits du 6 novembre 2013 ;

Que force est cependant de relever que la société STÉPHANE n'a, dans ses conclusions du 6 novembre 2013, formé aucune demande nouvelle, se contentant de produire en cause d'appel une jurisprudence récente du Tribunal du travail pour laquelle elle demande à la Cour d'avoir « tels égards que de droit », une telle invocation caractérisant tout au plus un moyen et n'encourant pas l'irrecevabilité alléguée ;

Qu'il s'ensuit que V GA sera déboutée des fins de sa demande d'irrecevabilité de ce chef, la portée de la jurisprudence susvisée devant être examinée ci-après ;

Attendu sur le fond, que V GA a été embauchée en qualité de vendeuse par la société anonyme monégasque STÉPHANE exploitant le commerce à l'enseigne ZEGG & CERLATI suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 4 décembre 2006, puis suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2008 ;

Que V GA informait son employeur par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 juillet 2011 de son intention de démissionner de ses fonctions avant de le citer devant le bureau de jugement du Tribunal du travail à l'effet d'obtenir sa condamnation au paiement de la contrepartie financière d'une obligation de non-concurrence conventionnelle ;

Qu'il résulte du contrat de confidentialité signé entre les parties le 24 décembre 2007 et en particulier de l'article 5 de cette convention, qu'à l'issue du contrat de travail, le salarié s'engage à ne pas exercer une activité concurrente à celle de l'entreprise, une telle obligation d'une durée de six mois pour chaque année passée au sein de la société s'appliquant à compter du jour où le salarié cesse ses fonctions, dans la limite de trois années pour les salariés bénéficiant de 6 années ou plus d'ancienneté ;

Que ledit contrat stipule que le salarié perçoit en contrepartie de cette obligation de non-concurrence une indemnité forfaitaire égale à un mois de salaire pour chaque année passée au sein de la société, une telle indemnité faisant l'objet d'un versement unique concomitamment au solde de tout compte ;

Qu'enfin, la convention des parties prévoit que l'employeur peut se décharger de l'indemnité susvisée en libérant le salarié de son interdiction de concurrence par l'envoi d'un écrit dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que lorsqu'une clause conventionnelle de non concurrence liant les parties est assortie d'une contrepartie financière, elle apparaît instituée dans l'intérêt tant de l'employeur que du salarié ;

Que dans une telle hypothèse, à défaut de mention expresse dans le contrat de travail, l'employeur ne peut renoncer unilatéralement à sa mise en œuvre sans l'accord du salarié ;

Qu'il demeure néanmoins loisible aux parties d'insérer des dispositions conventionnelles relatives à la levée de l'interdiction de concurrence dont la portée devient alors contraignante ;

Que tel est le cas du présent contrat de confidentialité liant V GA à la société STÉPHANE dont la clause est instituée dans l'intérêt des deux parties et ayant prévu la faculté pour l'employeur de se décharger de l'indemnité mise à sa charge en libérant le salarié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que les premiers juges ont à cet égard à bon droit relevé que la lettre de démission de V GA a été réceptionnée le 20 juillet 2013 et qu'aucun écrit n'a été adressé à cette salariée par la société STÉPHANE dans le délai conventionnel précité pour lui faire part de la renonciation aux effets de la clause de non-concurrence, seul un courrier en date du 3 octobre 2011 l'avisant de cette intention ;

Qu'il est dès lors établi que la salariée démissionnaire n'a pas été libérée de l'interdiction de concurrence dans les conditions prévues par la convention faisant la loi des parties, laquelle ne procède à aucune distinction sur l'origine de cette rupture, en sorte que de telles dispositions contractuelles semblent applicables tant aux licenciement qu'aux démissions ;

Que la jurisprudence du Tribunal du travail en date du 10 octobre 2013 produite en cause d'appel apparaît inapplicable au cas d'espèce dès lors qu'elle trouve son fondement dans les dispositions très spécifiques de la Convention collective monégasque du travail du personnel des banques dérogeant aux principes prétoriens constants du droit du for en matière de clauses contractuelles de non-concurrence ;

Attendu qu'il s'induit de cette analyse que la salariée non libérée de l'interdiction de non-concurrence apparaît en l'espèce fondée à solliciter le règlement de l'entière contrepartie financière prévue au contrat, et ce, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle a subi un préjudice ;

Que les moyens soulevés à titre principal et subsidiaire apparaissent en définitive inopérants, dans la mesure où la convention faisant la loi des parties, au sens des dispositions de l'article 989 du Code civil, ne permet pas de déduire une faculté de calcul au prorata temporis de l'indemnité en cas de renonciation hors délais contractuels par l'employeur aux effets déjà acquis de l'article 5 du contrat de confidentialité instituant la clause de non-concurrence ;

Qu'à cet égard en effet, la dispense tardive de non-concurrence ne décharge pas l'employeur de son obligation au paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice prévue au contrat, dès lors qu'il n'est pas établi que V GA aurait elle-même enfreint son propre engagement en violant l'interdiction de concurrence, la charge de la preuve de cette violation incombant à l'employeur, un tel fait n'étant en l'espèce ni démontré, ni même allégué ;

Attendu que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, y compris du chef des dépens ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée par l'intimée dès lors que la présente procédure n'apparaît pas avoir été exercée de façon abusive ou dilatoire ;

Attendu que les dépens d'appel seront laissés à la charge de l'appelante qui succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la société STÉPHANE en son appel,

Rejette l'exception d'irrecevabilité soulevée par V GA inhérente à la production en cause d'appel d'une jurisprudence du Tribunal du travail à défaut de toute demande nouvelle,

Au fond déboute la société STÉPHANE des fins de son appel et confirme le jugement rendu le 25 avril 2013 par le Tribunal du travail,

Déboute V GA des fins de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne aux dépens d'appel la société STÉPHANE et dit qu'ils seront distraits au profit de Maître Déborah LORENZI-MARTARELLO, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, et Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 7 JANVIER 2014, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assisté de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Michael BONNET, Premier substitut du Procureur Général.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 11736
Date de la décision : 07/01/2014

Analyses

L'intimée V GA excipe sur le fondement de l'article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile de l'irrecevabilité de la demande nouvelle qu'aurait formé la société STÉPHANE dans ses écrits du 6 novembre 2013.Force est cependant de relever que la société STÉPHANE n'a, dans ses conclusions du 6 novembre 2013, formé aucune demande nouvelle, se contentant de produire en cause d'appel une jurisprudence récente du Tribunal du travail pour laquelle elle demande à la Cour d'avoir « tels égards que de droit », une telle invocation caractérisant tout au plus un moyen et n'encourant pas l'irrecevabilité alléguée.Une clause de non-concurrence a été instituée dans l'intérêt des deux parties et ayant prévu la faculté pour l'employeur de se décharger de l'indemnité mise à sa charge en libérant le salarié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours suivant la notification de la rupture du contrat de travail.La dispense tardive de non-concurrence par la société STÉPHANE ne la décharge pas de son obligation au paiement de l'intégralité de l'indemnité compensatrice prévue au contrat, dès lors qu'il n'est pas établi que V GA aurait elle-même enfreint son propre engagement en violant l'interdiction de concurrence, la charge de la preuve de cette violation incombant à l'employeur.

Contrats de travail  - Procédures - Général.

Appel - Demande nouvelle - Recevabilité (oui)Contrat de travail - Contrat à durée indéterminée - Clause de non-concurrence - Effets - Renonciation tardive de l'employeur - Paiement de la contrepartie financière (oui).


Parties
Demandeurs : SOCIÉTÉ ANONYME STÉPHANE
Défendeurs : C. GA

Références :

article 989 du Code civil
article 25 de la Constitution
article 431 alinéa 2 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2014-01-07;11736 ?

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