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07/01/2014 | MONACO | N°11735

Monaco | Cour d'appel, 7 janvier 2014, Époux SP c/ SARL Hertzich Me Rey


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 7 JANVIER 2014

En la cause de :

- Monsieur B SP, demeurant et domicilié X à Monaco ;

- Madame A SP née VA, son épouse, demeurant et domiciliée X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

- La SARL HERTRICH, dont le siège social est sis 23 Concerte Raphaele, Parc d'activité de la Bouverie à Roquebrune-sur-Argens (83510), pri

se en la personne de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître D...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 7 JANVIER 2014

En la cause de :

- Monsieur B SP, demeurant et domicilié X à Monaco ;

- Madame A SP née VA, son épouse, demeurant et domiciliée X à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTS,

d'une part,

contre :

- La SARL HERTRICH, dont le siège social est sis 23 Concerte Raphaele, Parc d'activité de la Bouverie à Roquebrune-sur-Argens (83510), prise en la personne de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître Roméo LAPRESA, avocat au Barreau de Draguignan ;

- Maître Henry REY, Notaire, demeurant en cette qualité 2 rue Colonel Bellando de Castro à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉS,

d'autre part,

LA COUR,

Vu L'ordonnance de référé rendue le 18 septembre 2013 (R.7691) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 20 septembre 2013 (enrôlé sous le numéro 2014/000044) ;

Vu les conclusions déposées le 21 novembre 2013, par Maître Didier ESCAUT, avocat-défenseur, au nom de la SARL HERTRICH ;

Vu les conclusions déposées le 22 novembre 2013, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de Maître Henry REY ;

À l'audience du 26 novembre 2013, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par B SP et A VA épouse SP, à l'encontre d'une ordonnance de référé du 18 septembre 2013.

Considérant les faits suivants :

L'étude de Maître REY a les 15 et 22 mars 2013 fait publier au journal de Monaco la cession, par les époux SP au profit de la SARL ADRIANO VALENTE, du droit au bail portant sur un local situé 33 rue Plati à Monaco.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mars 2013 adressée à Maitre REY, Notaire, la SARL HERTRICH a formé opposition au paiement du prix de cette cession, en vertu d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 14 février 2013 ayant condamné les époux SP à lui payer la somme en principal de 44.703,92 euros, outre intérêts, celle de 4.000 euros de dommages-intérêts et les dépens.

Par exploit du 14 mai 2013, B et A SP ont fait assigner en référé la société HERTRICH et Maître REY en vue d'obtenir la mainlevée de l'opposition.

Par ordonnance du 18 septembre 2013, le juge des référés se déclarait incompétent pour connaître de cette demande de mainlevée au motif que sa compétence en cette matière était circonscrite aux articles 3 bis et 3 quater de l'ordonnance du 23 juin 2007 dont ne relevait pas la demande précitée.

Suivant exploit d'appel du 20 septembre 2013, les époux SP ont interjeté appel de ladite ordonnance de référé dont ils sollicitent la réformation pour obtenir la mainlevée de l'opposition du 22 mars 2013.

Au soutien de leur appel, B et A SP font essentiellement valoir que les dispositions de l'ordonnance du 23 juin 1907 sur la vente des fonds de commerce ne peuvent être mises en œuvre dans le cadre d'une simple cession d'un droit au bail, en sorte que la présente procédure de référé relève de la compétence de droit commun et que mainlevée de l'opposition qui a été faite sans base légale sera ordonnée, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à la charge solidaire de la société HERTRICH et de Maître REY.

Ils relèvent par ailleurs que la société HERTRICH ne pouvait procéder à aucune forme d'exécution sur leur patrimoine sans autorisation préalable du juge, dans la mesure où elle ne disposait d'aucun titre exécutoire à leur encontre, le jugement portant condamnation, non revêtu de l'exécution provisoire, faisant l'objet d'un appel.

La société HERTRICH s'oppose à titre principal aux prétentions des appelants et sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise ainsi que leur condamnation à lui payer la somme de 2.500 euros pour procédure abusive.

À titre subsidiaire, elle estime que son opposition était régulière en sorte que les époux SP seront déboutés de leur demande de mainlevée et condamnés à des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Elle soutient à cet effet que :

* un droit au bail peut faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée,

* elle bénéficie d'un titre, en l'occurrence le jugement du 14 février 2013 qui a autorité de chose jugée,

* son opposition est une simple mesure conservatoire permettant au créancier d'exécuter une décision judiciaire définitive,

* toute vente peut faire l'objet d'une opposition entre les mains du notaire, y compris celle relative au droit au bail.

Enfin Maître Henry REY a conclu le 21 novembre 2013 pour se voir donner acte de ce qu'il s'en rapporte sur la demande d'infirmation de l'ordonnance de référé du 18 septembre 2013.

Il s'oppose en revanche à la demande de condamnation solidaire au paiement d'une astreinte et des dépens le concernant, faisant valoir à cet égard qu'il n'appartient nullement au notaire d'apprécier la validité de la saisie pratiquée entre ses mains, seuls les époux SP pouvant user des voies de recours nécessaires pour procéder à la mainlevée d'une opposition qu'ils estiment infondée.

Il ajoute en dernier lieu que les appelants avaient accepté le principe de la publication au journal officiel.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.

SUR CE,

1/ Sur la compétence du juge des référés

Attendu qu'il résulte des éléments constants de la cause que B et A SP, condamnés suivant jugement du Tribunal de Première Instance du 14 février 2013 à payer à la société HERTRICH la somme en principal de 44.703,92, outre intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2011, celle de 4.000 euros de dommages-intérêts et les dépens, ont le 1er mars 2013 cédé à la société SARL ADRIANO VALENTE le droit au bail d'un local situé 33 rue Plati à Monaco ;

Que le 22 mars 2013, leur créancière a formé opposition à ladite cession entre les mains de Maître REY ;

Attendu que les époux SP sollicitent la mainlevée de l'opposition pratiquée sur la cession du droit au bail au motif qu'elle n'aurait pas de base légale dès lors que l'ordonnance du 23 juin 1907 lui est inapplicable ;

Que la société intimée assure quant à elle qu'un droit au bail peut faire l'objet d'une mesure d'exécution ;

Que les parties s'accordent toutes deux sur le fait que la cession est limitée au droit au bail ;

Attendu que le texte de 1907, qui prévoit la possibilité pour tout créancier du vendeur d'un fonds de commerce de faire opposition au paiement du prix, n'est applicable qu'aux seules cessions de fonds de commerce ;

Qu'il est à cet égard constant, et cela a déjà été jugé par cette Cour, que la cession du droit au bail n'est pas assimilée de plein droit à la cession d'un fonds de commerce, en particulier lorsqu'il ne peut être soutenu, comme en l'espèce, que le contrat recouvrait en réalité une telle cession dans la mesure où il résulte de l'acte notarié de cession que le fonds de commerce dont le droit au bail est cédé a fait l'objet d'une radiation au Répertoire du Commerce et de l'Industrie le 29 mars 2010 ;

Que par suite c'est donc à tort que le premier juge s'est référé à l'ordonnance sur la vente des fonds de commerce pour apprécier sa compétence, la demande de mainlevée s'emplaçant en réalité dans le cadre du référé de droit commun ; qu'au surplus il sera observé que la compétence spéciale dévolue au magistrat des référés dans le cadre de l'article 3 bis de l'ordonnance en cause concerne la demande d'autorisation du vendeur de toucher son prix malgré l'opposition, demande dont il n'était nullement saisi en l'espèce ;

Attendu que l'article 414 du Code de procédure civile dispose qu'en cas d'urgence le président du Tribunal de Première Instance peut ordonner, en référé, toutes les mesures qui ne préjudicient pas au principal ;

Que la situation d'urgence n'est pas contestée en l'espèce et s'avère caractérisée par l'impossibilité pour le vendeur de toucher son prix de vente en l'état de l'opposition pratiquée ;

Que la demande de mainlevée de l'opposition entrait donc dans le champ de compétence du magistrat des référés dont l'ordonnance sera en conséquence infirmée ;

2/ Sur la régularité de l'opposition pratiquée

Attendu, en droit monégasque, qu'une opposition au paiement d'un prix de cession d'un simple droit au bail ne peut résulter que d'un titre exécutoire ou d'une autorisation judiciaire consacrant un principe de créance ;

Qu'à cet égard, la société HERTRICH ne disposait, au moment de l'opposition, d'aucun titre exécutoire puisque le délai d'appel du jugement de condamnation du 14 février 2013, sur lequel est fondée la mesure conservatoire, signifié le 8 mars suivant et non assorti de l'exécution provisoire, n'avait toujours pas expiré au 22 mars 2013 date de la formalisation de l'opposition litigieuse, en sorte que cette décision n'avait pas encore acquis force de chose jugée et n'était donc pas exécutoire ;

Que cette société n'avait pas davantage été autorisée par le juge à faire bloquer les fonds de ses débiteurs entre les mains d'un tiers ;

Attendu que l'opposition pratiquée par la société HERTRICH entre les mains de Maître REY, Notaire, apparaît ainsi dépourvue de base légale et donc irrégulière, et ce, sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur une éventuelle soumission volontaire des époux SP aux dispositions de l'Ordonnance du 23 juin 1907 résultant des publications au journal de Monaco, en ce que ces publications n'ont pas été effectuées par leurs soins mais par celui du notaire ;

Attendu, par suite, qu'il y a lieu d'ordonner la mainlevée de l'opposition pratiquée le 22 mars 2013 par la société HERTRICH entre les mains du notaire Henry REY sur la cession de droit au bail intervenue entre les époux SP et la société ADRIANO VALENTE, dans les huit jours de la signification du présent arrêt, et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, à la charge de la société HERTRICH seule à l'origine de cette opposition irrégulière et pendant un délai de deux mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit ;

Attendu que la société HERTRICH qui succombe sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts et supportera les dépens tant de première instance que d'appel, à l'exception de ceux de Maître REY qui demeureront à sa propre charge ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Reçoit B et A SP en leur appel,

Les accueillant,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé en date du 18 septembre 2013,

Ordonne la mainlevée de l'opposition pratiquée le 22 mars 2013 par la société HERTRICH entre les mains du notaire Henry REY sur la cession de droit au bail intervenue entre les époux SP et la société ADRIANO VALENTE, dans les huit jours de la signification du présent arrêt, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard passé ce délai, à la charge de la société HERTRICH, et pendant un délai de deux mois, passé lequel il sera à nouveau fait droit,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société HERTRICH aux entiers dépens de première instance et d'appel, à l'exception de ceux de Maître REY qui demeureront à sa propre charge, avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Mme Grinda-Gambarini Mme Dorato-Chicouras cons.

Mr Salvatico cons. Mme Sparacia-Sioli gref en chef adjt.

Mes Licari, Escaut, Pastor-Bensa av. déf.

Note

Cet arrêt a infirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé en date du 18 septembre 2013, qui s'était déclaré incompétent pour connaître de cette demande de main levée.

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