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26/11/2013 | MONACO | N°11635

Monaco | Cour d'appel, 26 novembre 2013, P L c/ Association Caisse de Congés Payés du Bâtiment (CCPB)


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

En la cause de :

- Monsieur P. L., né le 11 mai 1963 à X (ALPES DE HAUTE PROVENCE), de nationalité monégasque, demeurant et domicilié à Monaco, X ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- L'association dénommée CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT (en abrégé CCPB), dont le siège social est sis 6 boulevard des Moulins à Monaco

, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicil...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

En la cause de :

- Monsieur P. L., né le 11 mai 1963 à X (ALPES DE HAUTE PROVENCE), de nationalité monégasque, demeurant et domicilié à Monaco, X ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Franck MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- L'association dénommée CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT (en abrégé CCPB), dont le siège social est sis 6 boulevard des Moulins à Monaco, prise en la personne de son Président en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail en date du 4 octobre 2012 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 novembre 2012 (enrôlé sous le numéro 2013/000060) ;

Vu les conclusions déposées les 22 mai 2013 et 18 octobre 2013, par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, au nom de la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT ;

Vu les conclusions déposées le 26 août 2013, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de P. L. ;

A l'audience du 22 octobre 2013, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par P. L., à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 4 octobre 2012.

Considérant les faits suivants :

Par jugement du 4 octobre 2012, auquel il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des faits de la cause, le Tribunal du travail statuant dans l'instance opposant P. L. à l'association dénommée CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT (ci-après CCPB), son ancien employeur, a débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes ;

Au soutien de cette décision, les premiers juges ont relevé :

- que la convention signée par les parties le 1er mars 1995 prévoit expressément que la démission ou le licenciement du salarié sera réglé par référence à la Convention et les avenants entre le personnel cadre et la direction de la CCSS,

- que la convention collective nationale française du 25 juin 1968 des agents de direction et des agents comptables des organismes de sécurité sociale et d'allocations familiales n'est pas applicable,

- que la CCPB ne s'est pas volontairement soumise à l'intégralité de cette convention collective en l'état des pièces produites,

- que les demandes en paiement d'un complément d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement doivent être rejetées tout comme la demande afférente à la prime de 13ème mois dont la réalité n'est pas rapportée,

- que la modification du contrat travail proposée à P. L. est la conséquence d'un contexte économique délicat et présentait un intérêt réel pour l'association dont les choix de gestion n'ont pas à être appréciés par le Tribunal du travail,

- que la preuve d'aucune intention de nuire n'est rapportée, ni celle du caractère abusif de la rupture découlant du refus de la proposition de modification du contrat travail,

- qu'aucune précipitation ne peut être reprochée à l'employeur qui n'était pas tenu de prévoir un entretien préalable,

- que la demande en paiement de dommages intérêts doit par voie de conséquence être rejetée tout comme la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, le salarié ayant pu se méprendre sur la portée de ses droits en l'état de la rédaction de son contrat.

Par acte d'huissier du 16 novembre 2012, P. L. a régulièrement interjeté appel du jugement précité signifié le 17 octobre 2012 à l'effet de voir la Cour :

- réformer la décision entreprise,

- et statuant à nouveau :

- faire droit aux demandes de P. L. résultant du billet d'avis du 4 février 2010 et d'un procès-verbal de non conciliation du 1er mars 2010,

- constater que le licenciement ne repose pas sur un motif valable et qu'il est abusif,

- condamner la Caisse de congés payés du bâtiment au paiement des sommes suivantes :

149.857,45 euros à titre d'indemnité contractuelle de licenciement,

22.748,40 euros à titre de complément d'indemnité de préavis (préavis conventionnel de six mois),

3.209,04 euros au titre de congés payés sur préavis,

2.014,69 euros au titre de la prime de 13ème mois pour la période du 1er janvier au 7 avril 2010,

400.000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif,

avec intérêts de droit à compter de la fin du contrat sur les salaires et à compter de la saisine du tribunal sur les indemnités,

- condamner la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT à délivrer le dernier bulletin de salaire, le certificat travail, le reçu pour solde de tout compte et l'attestation ASSEDIC dûment modifiée.

Au soutien de son appel, P. L. fait valoir que :

- la convention collective nationale des agents de direction et agents comptables des caisses a vocation à s'appliquer,

- l'analyse des différents contrats signés par la Caisse de congés payés du bâtiment révèle que l'employeur a systématiquement appliqué cette convention collective nationale française du 25 juin 1968 pour l'ensemble de ses obligations dans le cadre de la rupture de contrat de travail,

- l'inspection du travail a au demeurant émis un avis conforme en renvoyant l'employeur à l'application d'une telle convention collective dans le cas de M. L., l'assistante de ce dernier ayant au demeurant préparé un projet de bulletin de paie calculé sur la base de cette convention,

- la commune intention des parties a toujours été de se référer à cette convention collective pour les indemnités de licenciement, P. L., étant dès lors fondé à obtenir six mois de rémunération au titre du préavis, au lieu des trois qu'il a perçus, outre l'indemnité de congés payés sur préavis et la prime de 13ème mois sur l'année 2010 ou au prorata temporis,

- il s'est vu notifier son licenciement du fait de son refus d'accepter la proposition de l'employeur de modifier substantiellement son contrat de travail en changeant ses horaires et en diminuant sa rémunération,

- cette modification ne répondait pas à un intérêt réel pour l'entreprise, une baisse de 60 % de son salaire n'ayant aucun impact sur le bilan de l'entreprise s'élevant à plus de 17 millions d'euros, alors même que des réserves de 15 millions d'euros étaient disponibles et auraient pu permettre à la CCPB de faire face aux difficultés évoquées,

- au contraire, il semble que Mme P. M. ait succédé à P. L. au titre des fonctions qu'il exerçait auparavant avec une rémunération supérieure à celle qui lui fut proposée en 2009 et dont le refus a entraîné le licenciement,

- la CCPB n'est pas une entreprise commerciale, mais une association à but non lucratif ayant pour vocation de servir des prestations de congés payés aux salariés du bâtiment en sorte qu'elle ne s'est jamais trouvée dans l'impossibilité de faire face à ses obligations,

- la motivation de l'employeur de se séparer de son directeur n'était donc pas justifiée par de telles difficultés économiques, le licenciement étant non seulement fondé sur un motif non valable mais revêtant un caractère abusif dès lors qu'il s'est agi d'un motif fallacieux, P. L. s'étant vu conférer le rôle de bouc émissaire,

- l'abus de droit est en outre renforcé par les conditions tout à fait humiliantes dans lesquelles la rupture est intervenue par le biais d'une rétrogradation vexatoire à un rôle de simple employé administratif,

- sa demande de réparation des préjudices moral et financier subis apparaît dès lors justifiée à concurrence d'une somme de 400.000 euros.

La CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT, intimée, conclut quant à elle à la confirmation du jugement rendu par le Tribunal du travail le 4 octobre 2012 et sollicite la condamnation de P. L. à lui verser la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

Au soutien de sa demande, la CCPB, intimée, fait valoir pour l'essentiel que :

- seul le droit monégasque a vocation à s'appliquer en l'espèce, le contrat de travail ne renvoyant pas à la convention collective invoquée par le salarié et la loi monégasque s'appliquant au délai de préavis et au calcul de l'indemnité de licenciement,

- il n'est pas justifié d'une application systématique généralisée de la convention française collective du 25 juin 1968,

- la prime de 13ème mois n'est pas due et ne saurait être allouée au prorata du temps de présence d'un salarié, seule une prime de fin d'année correspondant au salaire de décembre devant lui être allouée,

- le licenciement est fondé sur un motif valable dès lors que la modification proposée par l'employeur répondait à un intérêt réel pour l'entreprise en l'état des difficultés économiques avérées de la Caisse des congés payés,

- l'économie d'une partie significative du salaire de P. L. sur plusieurs années permettait incontestablement de participer à l'assainissement de la situation financière de la Caisse de congés payés, celle-ci ayant légitimement proposé à ce salarié une rémunération conforme à ses possibilités financières,

- l'affirmation avancée par P. L. selon laquelle la caisse des congés payés disposerait de 17 millions d'euros de réserves ne repose sur aucune pièce justificative, seul le fonds de réserve obligatoire statutaire ayant été respecté,

- Mme M., salariée occupant le poste de secrétaire administratif qui avait été initialement proposé à P. L., perçoit un salaire conforme au salaire mensuel qui lui avait été offert, en sorte qu'aucun abus n'en résulte,

- les conditions de la rupture ont été respectueuses des droits du salarié et le motif de celle-ci est avéré et n'a rien d'un prétexte fallacieux, contrairement à ce que soutient l'appelant,

- en l'état des motifs incontestables du Tribunal du travail et de l'absence de réelles critiques développées à l'encontre de cette décision, le recours apparaît entaché d'abus et devra donner lieu à une réparation chiffrée à 15.000 euros.

Réitérant ses précédentes demandes, l'appelant entend aux termes d'écrits ultérieurs voir débouter la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT de l'ensemble de ses prétentions.

Il estime que la CCPB a toujours appliqué la convention collective nationale française des agents de direction et agents comptables des caisses dans les relations de travail qui la lient à tout son personnel sans en limiter l'application aux retraites contrairement à ce qui est soutenu.

Il expose qu'au-delà de la rédaction peu précise du contrat de travail, la commune intention des parties était bien de soumettre la relation de travail à cette convention, laquelle a été appliquée de manière générale et constante depuis environ 50 ans, ce que confirmerait le bulletin de salaire de Mme F. faisant apparaître cette application dans le calcul de son indemnité de départ à la retraite.

P. L. réitère son argumentation inhérente à l'absence de motif valable de licenciement et au caractère abusif de la rupture, rappelant à cet égard que la CCPB n'est pas une entreprise commerciale mais une association à but non lucratif, en sorte qu'elle ne s'est jamais trouvée dans l'impossibilité de faire face à ses obligations et que son bilan comptable ne peut pas être analysé à la lumière de certaines pratiques et règles commerciales.

Il rappelle en particulier :

- que les fonds propres de la Caisse sont très supérieurs au minimum statutaire, ce qui prouverait à suffisance l'existence d'une gestion saine et performante par le directeur sous l'aval du conseil d'administration,

- que la proposition qui lui a été faite de réduire de près des deux tiers sa rémunération n'a aucune justification et devait nécessairement conduire à un refus de sa part, ce qui démontre que l'intention de son employeur était bien de provoquer son licenciement,

- que ce licenciement a au demeurant caractérisé la seule mesure prise pour restreindre les coûts de fonctionnement de la Caisse et ne répondait dès lors pas à un intérêt réel pour l'entreprise,

- qu'une telle décision intervenue pour un faux motif présentait un caractère abusif d'autant plus grave qu'elle est intervenue alors que le directeur avait déjà 15 ans d'ancienneté dans l'entreprise.

P. L. fait enfin valoir que le préjudice qui en est résulté est pour lui très important puisqu'il n'a pas été en mesure de retrouver en Principauté un travail correspondant à sa qualification, qu'il a perdu durant deux années l'équivalent de la moitié de sa rémunération et se trouve depuis le mois de février 2012 en fin de droits vis-à-vis de Pôle emploi et sans aucune couverture sociale.

Par d'ultimes écrits et conclusions récapitulatives, la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT réitère l'ensemble de ses moyens tout en précisant que le contrat de travail ne renvoie pas à la convention collective invoquée par P. L., laquelle n'a en l'espèce aucun caractère obligatoire, en sorte que seule la loi monégasque a vocation à s'appliquer pour calculer le délai de préavis et l'indemnité de licenciement.

L'intimée observe que l'ensemble des attestations, avis et autres contrats produits par l'appelante caractérisent des moyens de preuve ne pouvant être invoqués pour remettre en cause la teneur d'un contrat qui a entre les parties la même valeur qu'un acte authentique.

Elle rappelle par ailleurs qu'il n'existait en l'occurrence aucune application généralisée de la convention collective française dans l'entreprise, les seuls éléments de référence cités par l'appelant apparaissant inopérants et dépourvus dans le cas d'espèce de toute force probante.

S'agissant de la prime de 13ème mois, la Caisse congés payés du bâtiment observe que P. L. n'a développé dans son exploit du 16 novembre 2012 aucun grief précis à l'encontre de la décision du Tribunal du travail en sorte que la décision des premiers juges sera de ce chef entièrement confirmée en ce qu'elle a débouté P. L. de sa demande.

S'agissant du motif du licenciement, la CCPB précise que P. L. a lui-même reconnu les difficultés économiques de la Caisse à trois reprises :

- lorsqu'il a notifié à la CCPB son refus de modification du contrat de travail en exposant qu'il avait parfaitement connaissance de la situation financière de l'entreprise pour avoir scrupuleusement accompli ses fonctions de directeur,

- dans une requête aux fins de saisie-arrêt du 26 mai 2010, aux termes de laquelle il invoque le risque de carence de la CCPB eu égard aux difficultés économiques qu'elle rencontre pour justifier de l'urgence sous-tendant sa demande de mesures conservatoires,

- dans ses secondes écritures de première instance où il indiquait alors que son licenciement avait été motivé par l'effet de la crise.

Au-delà de ces aveux, l'intimée rappelle que les difficultés de son entreprise et la nécessité de modification du contrat de travail de son directeur étaient amplement justifiées et résultent à suffisance des pièces produites. La modification du contrat de travail de P. L. s'est donc trouvée justifiée par l'intérêt réel de l'entreprise alors que les bilans produits démentent catégoriquement le chiffre avancé de 17 millions d'euros de réserve, la CCPB ne disposant au 30 avril 2010 que de 907.195 euros.

Le licenciement de P. L. n'est donc pas intervenu de façon brutale celui-ci ayant conservé les clés de son bureau jusqu'au 13 janvier 2010 après avoir fait part de son refus le 16 septembre 2009, aucune intention de nuire ni légèreté n'étant imputable à l'employeur.

En l'état des motifs incontestables adoptés par le Tribunal du travail le présent recours apparaît réellement abusif et doit conduire la Cour à admettre l'octroi d'une réparation à son profit chiffrée à 15.000 euros pour procédure abusive.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu que P. L. a été employé par l'association dénommée CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT à compter du 1er septembre 1994 en qualité de directeur d'administration suivant contrat à durée indéterminée ;

Que par lettre du 6 octobre 2009, il s'est vu notifier son licenciement pour refus de modification de son contrat de travail ;

Que le contrat liant les parties signé le 1er mars 1995 stipule, sous le titre « débauchage ou départ volontaire de l'intéressé », que la convention et ses avenants entre le personnel cadre et la direction de la CCSS seront appliqués en cas de débauchage ou de départ volontaire de l'intéressé ;

Que sous la rubrique « indemnité de licenciement », ledit contrat prévoit que la convention et ses avenants entre le personnel cadre et la direction de la CCSS seront appliqués tandis que pour tout ce qui n'est pas prévu dans le contrat de travail, les deux parties se reporteront à la législation en vigueur et à la convention collective nationale des agents de direction et agents comptables des caisses ;

Attendu que les premiers juges en ont déduit qu'il résultait de la commune intention des parties de ne pas soumettre aux dispositions de la convention collective nationale des agents de direction et agents comptables des caisses la démission et le licenciement du salarié, et d'appliquer dans ces deux types d'hypothèses la convention et les avenants entre le personnel cadre et la direction de la CCSS ;

Attendu que P. L. déduit pour sa part l'intention commune de l'employeur et du salarié d'éléments extérieurs à leur propre convention, faisant notamment référence à des contrats signés entre la CCPB et d'autres directeurs ou à l'avis donné par l'inspection du travail renvoyant l'employeur à l'application de la convention collective nationale française du 25 juin 1968 ;

Attendu cependant que l'absence de toute convention collective entre le personnel cadre et la direction de la CCSS ne peut à elle seule induire l'application, par substitution, de la convention collective française précitée et permettre d'écarter l'application des règles du droit commun monégasque ;

Qu'à cet égard en effet, les premiers juges ont à juste titre relevé que les pièces communiquées n'étaient pas de nature à établir que la CCPB se serait volontairement assujettie à l'intégralité des dispositions de cette convention collective française, alors même que le contrat de travail de P. L. excluait l'application de cet accord collectif en matière de démission et de licenciement et qu'aucune clause d'application subsidiaire ne prévoyait, à défaut, une quelconque référence à celle-ci ;

Attendu que les différentes pièces versées aux débats, les attestations, l'avis de l'inspecteur du travail, le projet de bulletin de paie établi par l'assistante de P. L. ou la production des conventions passées avec deux salariés de la CCPB n'apportent aucune preuve contraire aux dispositions expresses et non équivoques du contrat travail ayant entre les parties, par l'effet des dispositions de l'article 1169 du Code civil, la même foi qu'un acte authentique ;

Que les témoignages versés aux débats, dont on peut relever qu'ils sont afférents à des situations très différentes de celle ayant présidé au départ de P. L. établissent tout au plus l'octroi de certains avantages de la convention collective française et ne sauraient aucunement démontrer la volonté claire et non équivoque de la CCPB de faire application à ses salariés de toutes les dispositions de cette convention collective étrangère ;

Que le projet de bulletin de salaire établi pour la période du mois de septembre 2009 n'apparaît pas avoir la valeur probante que lui confère l'appelant dès lors qu'il a été établi à son initiative, ce qui lui interdit de s'en prévaloir ;

Qu'en ce qui concerne l'audit social de la Caisse de congés payés réalisé par M. Garino, force est de relever que cette étude apparaît strictement limitée aux minima salariaux (coefficients, primes diverses, avancements) visés par les conventions collectives françaises sans qu'il puisse en être déduit l'applicabilité de cette convention collective pour la détermination de la durée du préavis et pour le calcul de l'indemnité de licenciement ;

Que les contrats de travail de Mme F. et de M. P. ne font pas plus référence à la convention collective française invoquée par P. L. que son propre contrat de travail, en sorte que leur production apparaît également de ce chef inopérante ;

Attendu que c'est en définitive à bon droit et par une juste appréciation des faits de la cause non démentie par les pièces du dossier produites en appel que le Tribunal du travail, faisant référence aux dispositions de l'article 1007 du Code civil qui prévoient que, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, soit en l'occurrence en faveur de la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT, a estimé qu'il n'était pas établi que la CCPB se serait volontairement soumise à l'intégralité des dispositions de la convention collective nationale française du 25 juin 1968 ;

Qu'il y a en conséquence lieu de confirmer la décision du Tribunal du travail ayant rejeté la demande en paiement de complément d'indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Attendu sur la demande d'octroi d'une prime de 13ème mois qui serait calculée prorata temporis, que la preuve de son caractère conventionnel ou d'un usage en la matière n'est pas rapportée en cause d'appel par P. L., le contrat de travail prévoyant simplement le versement d'une prime de fin d'année correspondant au salaire du mois de décembre et ne spécifiant nullement l'existence d'un droit à une fraction de cette prime en cas de départ de l'employé en cours d'année ;

Qu'il s'ensuit que la décision des premiers juges sera confirmée en ce que la demande formée de ce chef par P. L. a été rejetée ;

Attendu sur le caractère abusif du licenciement, que P. L. estime que la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT a abusé de son droit unilatéral de résiliation en l'état de son refus d'accepter une proposition qui tendait à modifier de façon substantielle son contrat de travail en portant une atteinte vexatoire à ses fonctions et en réduisant de manière conséquente sa rémunération ;

Attendu qu'il est de principe que la modification de l'un des éléments substantiels de tout contrat de travail suppose l'accord du salarié et contraint, en cas de désaccord, l'employeur à procéder au licenciement de celui-ci ;

Que le 3 septembre 2009, la Caisse de congés payés du bâtiment adressait à P. L. un courrier aux termes duquel la définition de ses fonctions et de sa rémunération étaient modifiées à compter du 1er octobre 2009 ;

Qu'il y était notamment fait état de l'impossibilité d'effectuer des placements financiers autres que des dépôts auprès des établissements bancaires du fait des statuts de la Caisse des congés payée du bâtiment en sorte que la suppression de la gestion financière qui lui avait été confiée s'imposait pour l'avenir ;

Qu'il lui était ainsi notifié la suppression de son poste de directeur et son remplacement par celui de simple secrétaire administratif moyennant une rémunération mensuelle de 3.200 euros, soit donc une somme inférieure à celle qu'il percevait lors de son embauche s'élevant à 3861,83 euros et une réduction de plus de 60 % par rapport à sa dernière rémunération ;

Que suivant courrier du 16 septembre 2009, P. L. refusait une telle modification de son contrat et il était licencié par lettre du 6 octobre 2009 ;

Attendu que le refus du salarié d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail ne présente pas en lui-même un caractère fautif, la modification suggérée devant, pour constituer un motif valable de licenciement, répondre à un intérêt réel pour l'entreprise ;

Attendu qu'à cet égard, les premiers juges ont à bon droit fait référence aux conséquences de la crise financière sur les placements en valeurs mobilières de la Caisse de congés payés du bâtiment, laquelle a été contrainte de vendre certains titres et de s'orienter vers des placements en dépôts à terme tout en supprimant la gestion y afférente, assurée jusqu'ici par P. L. ;

Attendu quant aux difficultés rencontrées par la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT _ au demeurant reconnues par P. L. devant une autre instance juridictionnelle au soutien d'une requête tendant à l'admission d'une mesure conservatoire _ que les pièces produites attestent qu'en l'état de l'accroissement du passif exigible en 2008, le solde de l'actif disponible ne s'élevait alors qu'à 249.162,45 euros, cette situation s'étant aggravée en 2009 puisque l'insuffisance d'actif atteignait déjà 1.447.142,85 euros ;

Que pour faire face en partie à de telles difficultés la CCPB a proposé à P. L. non seulement une modification de son propre contrat entraînant une diminution de sa rémunération, mais également un plan de restructuration du personnel devant lui permettre de limiter ses charges, ce que ce salarié alors directeur administratif ne justifie pas avoir réalisé pour le compte de son employeur ;

Qu'en outre, les bilans produits aux débats par la Caisse de congés payés du bâtiment révèlent que le fonds de réserve statutaire et obligatoire s'élevant pour les exercices 2008/2009 à plus de 3 millions d'euros avait chuté au 30 avril 2010 à la somme de 907.195 euros, ce que les premiers juges ont parfaitement relevé au titre des choix de gestion opérés par l'employeur tout en observant que les effets positifs se sont manifestés par une réduction importante de la situation déficitaire dès la fin du mois d'avril 2010 par rapport à l'exercice précédent ;

Qu'en tout état de cause, il n'est pas sérieusement contestable, sans qu'il y ait lieu de porter un jugement de valeur sur les choix de gestion opérés par cette entreprise, que la Caisse de congés payés du bâtiment ne pouvait raisonnablement conserver certains titres litigieux dont la dépréciation déjà acquise, et encore envisageable dans un contexte de crise économique mondiale, aurait pu aggraver sa situation financière, alors en outre qu'il n'est pas démontré par les pièces produites que les actifs immobiliers de la CCPB aient alors été sous-évalués ;

Attendu qu'il résulte des circonstances de l'espèce que la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT a tenté de réduire son déficit en utilisant de façon importante ce fonds de réserve statutaire obligatoire et en réduisant la charge salariale induite au titre du salaire le plus élevé en cours au sein de ses effectifs ;

Qu'en définitive et par des motifs que la Cour fait siens, les premiers juges ont parfaitement démontré que le choix opéré par l'employeur n'était pas fautif et correspondait à l'intérêt de l'entreprise, aucune intention de nuire de la CCPB n'étant établie dès lors que seule était concernée la suppression de la gestion financière assurée par P. L., que P. M. a bénéficié de conditions de rémunération semblables à celles proposées à P. L. et qu'aucune brutalité ou précipitation n'a entaché la mise en œuvre du licenciement, l'entretien préalable ne procédant pas en Principauté de Monaco d'une obligation légale ;

Attendu que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions, en ce compris la condamnation aux dépens, P. L. devant être débouté de l'ensemble de ses prétentions en cause d'appel ;

Attendu qu'il apparaît cependant que P. L. n'a pas fait dégénérer en abus son droit d'action en l'état notamment des termes pouvant paraître ambigus de son contrat de travail faisant référence à une convention inexistante entre le personnel cadre et la direction de la CCSS, en sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée pour appel abusif par la CCPB ;

Attendu que les dépens d'appel demeureront à la charge de P. L. qui succombe ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,

statuant contradictoirement, comme juridiction d'appel du Tribunal du travail,

Reçoit P. L. en son appel,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2012 par le Tribunal du travail,

Déboute la CAISSE DE CONGES PAYES DU BATIMENT des fins de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,

Condamne P. L. aux dépens d'appel distrait au profit de Maître Arnaud Zabaldano avocat-défenseur sous sa due affirmation,

Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Vu les articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,

Composition

Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, Conseiller, et Monsieur Marc SALVATICO, Conseiller, assistés de Madame Béatrice BARDY, Greffier en chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles,

Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,

Lecture est donnée à l'audience publique du 26 NOVEMBRE 2013, par Madame Brigitte GRINDA GAMBARINI, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, assistée de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, Greffier en chef adjoint, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence de Monsieur Gérard DUBES, Premier substitut du Procureur Général, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

14

Note

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 octobre 2012 par le Tribunal du travail et déboute la CCPB de sa demande en dommages intérêts pour appel abusif.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11635
Date de la décision : 26/11/2013

Analyses

Social - Général  - Rupture du contrat de travail.

Contrat de TravailContrat à durée indéterminée : Licenciement - Circonstances : proposition faite à l'employé directeur d'administration de modifier substantiellement son contrat en raison de la suppression du service de gestion financière dont il était chargé - Refus de celui-ci d'où son licenciement et son action en indemnisation devant la juridiction du travail - Arrêt confirmatif de la Cour d'appel : rejet des demandes en complément de préavis de congés payés - d'indemnité de licenciement de prime d'un 13e mois - car non fondées : non prévues par le contrat ou par l'usage et non soumises à la Convention collective nationale française - les dispositions expresses du contrat de travail ayant valeur d'acte authentique (article 1159 du Code civil) et devant être interprétées en cas de doute en faveur de celui qui a contracté l'obligation (art - 1007 du Code civil) - licenciement non fautif - non abusif la CCPB ayant de contrainte en raison de la crise économique de supprimer la source de gestion financière donc par voie de conséquence le poste de directeur d'administration.


Parties
Demandeurs : P L
Défendeurs : Association Caisse de Congés Payés du Bâtiment (CCPB)

Références :

articles 58 à 62 de la loi n° 1398 du 24 juin 2013
article 1159 du Code civil
article 1169 du Code civil
art. 1007 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2013-11-26;11635 ?

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