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25/06/2013 | MONACO | N°11253

Monaco | Cour d'appel, 25 juin 2013, m. BE. c/ la SAM H.S.B.C. Private Bank (Monaco) S.A.


Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 25 JUIN 2013

En la cause de :

- Mademoiselle M. B., née le 13 mars 1967, de nationalité française, demeurant et domiciliée à Menton 06500 - X ; ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La société anonyme monégasque H. S. B. C. Private Bank (Monaco) S. A., dont le siège social se trouve 17 avenue d'Ostende à Monaco (98000), prise en la person

ne de son Administrateur Délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en ...

Motifs

COUR D'APPEL

R.

ARRÊT DU 25 JUIN 2013

En la cause de :

- Mademoiselle M. B., née le 13 mars 1967, de nationalité française, demeurant et domiciliée à Menton 06500 - X ; ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- La société anonyme monégasque H. S. B. C. Private Bank (Monaco) S. A., dont le siège social se trouve 17 avenue d'Ostende à Monaco (98000), prise en la personne de son Administrateur Délégué en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal du Travail, le 26 avril 2012 ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 juillet 2012 (enrôlé sous le numéro 2013/000032) ;

Vu les conclusions déposées les 2 octobre 2012 (constitution), 27 novembre 2012 et 19 mars 2013, par Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur, au nom de la société H. S. B. C. Private Bank (Monaco) S. A. ;

Vu les conclusions déposées le 22 janvier 2013, par Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur, au nom de M. B. ;

A l'audience du 30 avril 2013, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

La Cour statue sur l'appel relevé par M. B., à l'encontre d'un jugement du Tribunal du Travail du 26 avril 2012.

Considérant les faits suivants :

M. B., employée de la banque HSBC depuis le 1er octobre 1987 et licenciée le 18 décembre 2009 a soutenu que son licenciement ne reposait pas sur un motif valable, qu'il était abusif et irrégulier en la forme.

Par le jugement entrepris, le Tribunal du Travail a dit que ce licenciement reposait sur un motif valable mais revêtait un caractère abusif et a condamné la banque HSBC à lui payer une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts.

M. B. demande à la Cour de confirmer cette décision en ce qu'elle considère que le licenciement était abusif et, statuant de nouveau, de dire et juger qu'il ne repose pas sur un motif valable et de condamner la banque HSBC à lui payer la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle expose essentiellement que sa situation professionnelle s'est dégradée plusieurs années après son embauche, l'obligeant à se justifier en permanence auprès de ses supérieurs qui lui ont reproché une prétendue insuffisance professionnelle et l'ont convoquée devant le conseil de discipline qui a émis un avis confirmant ladite insuffisance, au vu duquel son licenciement a été prononcé en considération des reproches suivants :

«1- a fait preuve d'un investissement très insuffisant dans ses fonctions,

2- avait besoin d'aide dans la plupart de ses tâches quotidiennes,

3- n'a jamais voulu admettre qu'elle avait un rythme de travail inférieur à celui des autres membres de l'équipe et n'y avoir jamais remédié,

4- a refusé à plusieurs reprises d'effectuer des tâches simples, sans motif,

5- s'est livrée depuis plusieurs années à des critiques systématiques de ses collègues, de sa hiérarchie et de l'organisation de la banque,

6- s'est exclue du fonctionnement normal de l'équipe,

7- a accusé ses collègues de vol d'objets personnels, s'agissant de la perte de son badge personnel dont elle devait assurer la garde à titre permanent, d'après le règlement intérieur,

8- a provoqué des échanges d'insultes en accusant ses détracteurs d'en être à l'origine,

9- a cherché à aucun moment de changer d'attitude malgré plusieurs échanges de lettres depuis décembre 2008 »;

Elle fait grief au jugement d'avoir estimé que cette insuffisance était démontrée au vu des éléments versés aux débats, alors que ces derniers ne résistent pas à l'analyse puisque :

- s'agissant des griefs 1) et 2), elle a systématiquement atteint les résultats qui lui étaient fixés ; qu'en 2005 les évaluations du 7 mars et du 15 décembre mentionnent qu'elle s'était « bien adaptée » à sa nouvelle affectation ; que ce n'est qu'en 2008 qu'elle a fait l'objet de la note « 4 », selon laquelle le niveau de performance de l'employé, « n'est pas toujours atteint » ; que cet élément ne peut justifier pour autant un licenciement,

- le grief 3) est inconsistant et fallacieux comme le démontrent l'examen de ses premières évaluations et les tableaux hebdomadaires de répartition des tâches,

- s'agissant du grief 4), elle n'a jamais refusé d'exécuter la moindre tâche conforme aux procédures internes de la banque,

- l'accusation du grief 5) est fausse car elle n'a fait que répondre à des griefs injustifiés,

- s'agissant du grief 6), elle a été victime de discourtoisie de la part de ses supérieurs hiérarchiques mais a entretenu d'excellents rapports professionnels avec la plupart de ses collègues de travail,

- le grief 7) est faux car elle n'a fait qu'inviter par mail celui qui lui avait pris par mégarde son badge à lui restituer,

- le grief 8) appelle la même réponse que pour le grief 6),

- s'agissant du grief 9), elle n'avait pas à changer d'attitude puisqu'elle n'avait rien à se reprocher.

Elle entend voir confirmer d'une part le caractère abusif du licenciement, sur le plan formel car le conseil de discipline ne s'est pas prononcé sur la sanction à appliquer, mais sur l'insuffisance de travail, en sorte qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de saisir la commission paritaire en l'absence d'avis émis par ce conseil s'agissant de la sanction devant lui être infligée, et d'autre part, sur le fond car le motif est fallacieux et qu'elle a subi un harcèlement moral depuis 2002, en ce qu'elle était tributaire d'un planning de travail extrêmement lourd lui ayant causé des problèmes de santé, l'ayant contrainte à solliciter en vain une mutation, tout en se gardant d'absentéisme répété comme le lui reproche la banque ; que l'existence de contradictions entre les extraits du rapport destiné au conseil de discipline a été démontrée et ne peut se justifier que par l'animosité de la hiérarchie à son égard ; que le montant des dommages et intérêts alloués par le tribunal est très inférieur à celui de son préjudice réel et constitue un encouragement pour l'employeur à se comporter avec une légèreté blâmable envers ses salariés.

La banque HSBC conclut au « débouté de M. B. en son appel parte in qua comme étant irrecevable et, en tout cas injustifié en son fondement et ce, par référence aux pièces que la banque HSBC a produites aux débats, qui authentifient le bien fondé de la mesure d'un licenciement par révocation et corrélativement le rejet de toute prétention de celle-ci à l'octroi de dommages et intérêts, alors que les griefs articulés à son encontre ont été pleinement justifiés.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le licenciement de M. B. est intervenu pour un juste motif marqué par une insuffisance professionnelle notoire et un comportement inadmissible envers ses collègues et sa hiérarchie, et aussi, l'application, avec ses effets, du reçu pour solde de tout compte qu'elle a régulièrement signé le 11 mars 2010 sans l'avoir jamais dénoncé.

Dire et juger qu'en pareille circonstance la banque H. S. B. C. requiert à bon droit la condamnation de M. B. au paiement de l'Euro symbolique pour procédure manifestement abusive et vexatoire eu égard aux pièces ayant justifiées le bien fondé de sa révocation. »

Elle soutient essentiellement que le licenciement a été motivé par l'insuffisance de travail résultant de la mauvaise volonté de l'intéressée, comme l'établissent les pièces communiquées au conseil de discipline ; que l'existence du harcèlement dont elle se prétend victime n'est pas démontrée ; que sa demande est irrecevable, d'une part car la décision du conseil de discipline n'a pas été frappée de recours et est définitive, d'autre part en l'absence de contestation du reçu pour solde de tout compte dans le délai de deux mois imparti par la loi, en sorte que la décision doit donc être partiellement infirmée en ce qu'elle a estimé que la saisine du conseil de discipline relevait d'une légèreté blâmable, alors que l'avis de ce conseil est intervenu dans les conditions des articles 25-3 et 25-4 de la convention collective et que les pièces qui lui ont été soumises (rappels à l'ordre, mises en garde, évaluations des performances) suffisaient pour caractériser le bien fondé d'une sanction du second degré ne pouvant être que la révocation ; que l'avertissement qu'elle a reçu le 13 septembre 2002 pour manque de respect et de courtoisie était justifié et n'a pas été contesté ; qu'il en résulte qu'elle ne peut prétendre n'avoir jamais fait l'objet d'un rappel à l'ordre de sa hiérarchie ; qu'elle a toujours adopté une attitude négative dans les postes où elle a été affectée, tel que le démontrent les mails du 28 juin 2007, 4 février 2009, 28 septembre 2009, 4 novembre 2009 ; qu'elle ne démontre pas elle même avoir été victime de discourtoisie de la part de sa hiérarchie.

Sur l'argument selon lequel elle serait irrecevable en ses demandes faute pour elle d'avoir saisi la commission paritaire dans les 15 jours de la notification de l'avis du conseil de discipline, M. B. fait valoir qu'elle a été privée de la chance de saisir cette commission par le fait que le conseil de discipline a omis de se prononcer sur la sanction ; que la saisine de la commission paritaire n'est pas un préalable indispensable à la saisine du Tribunal du Travail car l'article 15 de la convention collective en dispense les parties.

La banque HSBC répond que l'article 15 susvisé est inapplicable au cas d'espèce car il traite d'une situation spécifique inhérente à l'application de l'article 14 relatif au partage des voix au sein de la commission sur l'interprétation d'un texte, lequel n'a rien à voir avec l'article 27 alinéa 8 qui prescrit que l'agent frappé de ladite sanction pourra faire appel devant la commission paritaire ; que si cet appel n'est pas suspensif, il doit être formé dans les 15 jours.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé ;

SUR CE,

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, la Cour se réfère à celui du jugement ;

Attendu que les motifs du Tribunal, lesquels ne sont nullement démentis par les pièces et prétentions soumises en appel sont également et entièrement adoptés par la Cour, notamment en ce qu'ils retiennent à bon droit que l'absence de recours devant la commission paritaire s'avère sans effet sur la présente action, dès lors que l'article 27 alinéa 8 de la convention collective monégasque du travail du personnel des banques, réservant la possibilité pour un agent frappé d'une sanction du 2ème degré prononcée par le conseil de discipline d'interjeter appel de cette décision devant la commission paritaire, ne le prive aucunement de son droit de s'adresser directement aux tribunaux, tiré de l'article 15 du même texte ; que l'examen des courriels et évaluations versés aux débats démontre l'insuffisance professionnelle avérée de M. B. justifiant le principe de son licenciement, sans qu'il soit établi qu'elle ait été l'objet d'un harcèlement moral particulier de la part de sa hiérarchie ;

Attendu que c'est aussi à juste titre, qu'après avoir relevé que le conseil de discipline s'était prononcé seulement sur ladite insuffisance et pas sur la sanction du 2ème degré dans un avis pourtant exigé par l'article 27 de la convention, les premiers juges en déduisent que le licenciement notifié au vu de cette décision incomplète, empêchant M. B. de former un recours sur sa révocation et la privant d'une chance d'obtenir le réexamen de sa situation, n'est pas régulier en la forme, alors par ailleurs que cette salariée faisait l'objet de remarques négatives dès 2006, sans qu'il ait été envisagé de lui notifier dans un premier temps une sanction du premier degré et sans qu'aucun avertissement, blâme ou observation officielle lui soit adressé dans le cadre de l'article 25 de la convention prévoyant la mise en place d'une démarche destinée à « lui confier un travail qui réponde mieux à ses capacités » ;

Que les premiers juges ont ainsi caractérisé la légèreté blâmable de l'employeur dans la mise en œuvre du licenciement de M. B., privée d'une chance de conserver un emploi au sein de l'entreprise et subissant un important préjudice qu'ils ont évalué de manière pertinente à la somme de 25.000 euros ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il ne ressort pas des éléments de la cause que M. B. ait exercé son droit d'appel dans des conditions abusives ayant créé un préjudice à la banque HSBC dans des conditions qu'il conviendrait de réparer par l'allocation de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il convient d'ordonner la compensation des dépens d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTE DE MONACO,

statuant contradictoirement,

Reçoit les appels principal et incident,

Confirme le jugement du Tribunal du Travail en date du 26 avril 2012 en toutes ses dispositions,

Rejette les autres demandes des parties,

Ordonne la compensation des dépens d'appel ;

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel, au Palais de Justice, à Monaco, le 25 JUIN 2013 par Madame Brigitte GRINDA-GAMBARINI, Premier Président, officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur Thierry PERRIQUET, conseiller et Monsieur Marc SALVATICO, conseiller, en présence de Monsieur Michael BONNET, substitut du procureur général, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, greffier en chef adjoint, chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

6

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 11253
Date de la décision : 25/06/2013

Analyses

Le licenciement prononcé sans aucune observation officielle préalable dans le cadre de l'article 25 de la convention collective du personnel des banques est abusif.Une employée de banque embauchée le 1er octobre 1987 avait été licenciée le 11 janvier 2010 pour « insuffisance de travail », après avis du conseil de discipline de l'établissement. Si les évaluations effectuées et l'examen des courriels pouvaient démontrer cette insuffisance professionnelle, la salariée qui tenait pour enfreinte la Convention Collective Monégasque du Personnel des Banques, dont les articles 25 et 27 n'avaient pas été respectés, avait saisi le Tribunal du Travail estimant que le licenciement prononcé n'était pas fondé sur un motif valable et présentait un caractère abusif. Elle faisait notamment valoir que le conseil de discipline, s'il retenait effectivement une insuffisance de travail, ne s'était pas prononcé sur la sanction envisagée, soit le licenciement et que celui-ci était abusif. Elle demandait paiement de la somme de 150.000€ à titre de dommages et intérêts. La banque de son côté estimait que le licenciement motivé par l'insuffisance professionnelle de l'intéressée était justifié par les pièces communiquées au conseil de discipline. Elle concluait à l'irrecevabilité de la demande, en l'absence de recours devant la commission paritaire et à son rejet.Confirmant le jugement du Tribunal du Travail, la Cour d'Appel juge le licenciement mis en œuvre avec légèreté blâmable. Contrairement aux termes de l'article 27 de la convention collective applicable, le conseil de discipline s'était en effet prononcé seulement sur le grief d'insuffisance professionnelle et non sur la sanction du deuxième degré infligée, privant ainsi la salariée d'une chance de réexamen de sa situation par la commission paritaire. La banque avait également contrevenu à l'article 25 du texte conventionnel qui prévoit d'une part que « toute insuffisance de travail ou l'insuffisance professionnelle constatée chez un agent donne lieu à une observation de la direction » et d'autre part que « si l'insuffisance persiste, cette direction en recherche la cause. Si cette insuffisance résulte d'une mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions, la Direction recherche le moyen de lui confier un travail qui réponde mieux à ses capacités… ». Aucune de ces démarches n'avait été, en l'occurrence, effectuée. La salariée, privée d'une chance de conserver un emploi au sein de l'entreprise, se voit ainsi allouer la somme de 25.000 €.

Social - Général  - Rupture du contrat de travail.

Insuffisance professionnelle - Convention collective monégasque du Personnel des Banques - Articles 25 et 27 (non respectés) - Insuffisance professionnelle avérée mais légèreté blâmable de l'employeur dans la mise ne œuvre du licenciement.


Parties
Demandeurs : m. BE.
Défendeurs : la SAM H.S.B.C. Private Bank (Monaco) S.A.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2013-06-25;11253 ?

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