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13/03/2012 | MONACO | N°8431

Monaco | Cour d'appel, 13 mars 2012, M. D. YC. C. c/ Compagnie Monégasque de Banque CMB


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 MARS 2012

En la cause de :

- M. D. Y. C., né le 26 octobre 1940 à Porto Novo (Bénin), de nationalité française, ingénieur, demeurant X X) ;

Ayant primitivement élu domicile en l'Etude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en celle de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître James Alexandre DUPICHOT ? avocat au Barreau de Paris;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La société anonyme m

onégasque dénommée COMPAGNIE MONEGASQUE DE BANQUE CMB, dont le siège social est 23 avenue de la Costa à Monaco, venant...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 13 MARS 2012

En la cause de :

- M. D. Y. C., né le 26 octobre 1940 à Porto Novo (Bénin), de nationalité française, ingénieur, demeurant X X) ;

Ayant primitivement élu domicile en l'Etude de Maître Patricia REY, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en celle de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par Maître James Alexandre DUPICHOT ? avocat au Barreau de Paris;

APPELANT,

d'une part,

contre :

- La société anonyme monégasque dénommée COMPAGNIE MONEGASQUE DE BANQUE CMB, dont le siège social est 23 avenue de la Costa à Monaco, venant aux droits de CAPITALIA Luxembourg S. A, anciennement dénommée BANCA DI ROMA INTERNATIONAL SA ;

Ayant élu primitivement domicile en l'Etude de Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, puis en celle de Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉE,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 8 octobre 2009 (R.104) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 17 novembre 2009 (enregistré sous le numéro 2010/000051);

Vu les conclusions de déconstitution déposées le 23 février 2010, par Maître Patricia REY, avocat-défenseur, au nom de D. Y. C. ;

Vu les conclusions déposées les 25 février 2010 et 26 octobre 2010, par Maître Géraldine GAZO, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONEGASQUE DE BANQUE ;

Vu les conclusions déposées les 15 juin 2010 et 25 janvier 2011, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de D. Y. C. ;

Vu les conclusions déposées le 24 mai 2011, par Maître Jacques SBARRATO, avocat-défenseur, au nom de la SAM COMPAGNIE MONEGASQUE DE BANQUE ;

À l'audience du 10 janvier 2012, Ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cour statue sur l'appel relevé par D.Y.C., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 8 octobre 2009.

Considérant les faits suivants :

D.Y.C. a partiellement relevé appel du jugement du 8 octobre 2009 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes tendant à la condamnation de la compagnie monégasque de banque (anciennement BANCA DI ROMA INTERNATIONAL) à effectuer sur son compte la contre passation d'opérations litigieuses à hauteur de 36 000 euros, en annulant les intérêts (agios) appliqués sur son compte débiteur et à lui verser en outre la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, mais l'a condamné à payer à cette banque la somme de 30 800 euros outre celle de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Il fait grief à cette décision de ne pas avoir retenu la responsabilité de la Banque alors que celle-ci a manqué de vigilance en effectuant le 8 octobre 2002 un virement de 30 800 euros au profit d'un tiers sans s'assurer qu'il était bien le donneur d'ordre et d'avoir de même exécuté des ordres de paiement de 4 000 euros et 2 000 euros sans s'assurer de leur confirmation par le titulaire du compte.

Il souligne qu'il avait attiré l'attention de la Banque sur la nécessité d'une prudence particulière sur les mouvements pouvant affecter son compte en raison d'un incident précédent d'octobre 2001 au cours duquel un faux ordre de virement avait été présenté à la banque, qu'il avait refusé de confirmer et qui n'avait donc pas été exécuté.

Il précise qu'il avait alors exigé qu'une confirmation téléphonique de ses ordres lui soit systématiquement demandée, ce qui n'a pas été respecté par la banque.

Il ajoute que les ordres de virement ou de paiement litigieux ne sont pas écrits de sa main et que sa signature a été imitée ce qui n'aurait pas dû échapper à la vigilance du banquier, a fortiori compte tenu de ses recommandations.

Il soutient également que le chèque de 36 320,15 euros tiré à son profit et porté au crédit de son compte avant d'être rejeté pour falsification n'a pas été endossé par lui et que la banque aurait dû s'assurer de son encaissement avant d'exécuter trop rapidement les ordres de virement et de paiement dont il conteste être l'auteur et qui ont eu pour effet de placer son compte en position débitrice.

Il conclut donc à la réformation du jugement et à la satisfaction de ses demandes présentées devant les premiers juges.

La COMPAGNIE MONÉGASQUE de BANQUE conclut au contraire à la confirmation de la décision entreprise en faisant valoir :

– que le « rapport d'expertise » en vérifications d'écriture produit par l'appelant ne lui est pas opposable faute d'avoir été contradictoirement établi,

– qu'elle n'était pas tenue de procéder elle-même à une vérification d'écriture et de signature aussi technique son devoir de vigilance la conduisant seulement à rechercher si, à l'évidence, la signature figurant sur les documents litigieux (ordres de virement et de paiement, endos du chèque) était différente de celle apposée à titre de spécimen sur la fiche d'ouverture de compte,

– que de plus D.Y.C. avait signé le 17 juin 2002 un document déchargeant la banque de toute responsabilité en cas d'instruction (téléphonique, par télex ou par fax) « d'un correspondant prétendant être le client »,

– que dès lors, l'ordre de virement téléphonique du 8 octobre 2002 de la somme de 30 800 euros, ayant été de surcroît confirmé par un écrit portant une signature apparemment similaire à celle de D.Y.C., elle n'a commis aucune faute en l'exécutant,

– que les ordres de paiement de 4 000 euros et 2 000 euros au profit d'un sieur S. M-M ont été effectués sur ordres écrits et signés de D.Y.C. et que la banque a pris soin d'établir une photocopie du passeport du bénéficiaire de sorte qu'elle a respecté ses obligations de prudence et de vigilance.

Formant appel incident la COMPAGNIE MONÉGASQUE de BANQUE demande la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure et appel abusifs.

SUR CE,

Attendu qu'il résulte des pièces régulièrement produites aux débats :

– que D.Y.C. a ouvert le 22 mai 1986 un compte « espèces » dans les livres de la BANCA di ROMA INTERNATIONAL (devenue par la suite COMPAGNIE MONÉGASQUE de BANQUE),

– que ce compte n'a pratiquement jamais fonctionné,

– que le 17 juin 2002 D.Y.C. a signé une lettre de décharge de responsabilité de la banque pour ce qui concerne les ordres téléphoniques ou par télex non traités, télécopies ou télégrammes,

– que précédemment, en octobre 2001, ayant contesté être l'auteur d'un ordre de virement, celui-ci fut annulé et l'opération non réalisée,

– qu'à la suite de cet incident le titulaire du compte avait demandé à la banque de faire preuve d'une grande vigilance et d'exiger une confirmation des ordres (ce que la lettre de décharge établie postérieurement le 17 juin 2002 contredit...),

– que le 4 octobre 2002 la banque a reçu, sous enveloppe, un chèque tiré par la Société HERTZ au bénéfice de D.Y.C. d'un montant de 36 320,15 euros, l'endos de ce chèque étant revêtu du nom de D.Y.C. et d'une signature paraissant être la sienne,

– que le montant de ce chèque a été porté au crédit du compte de D.Y.C. le 8 octobre 2002,

– que ce même 8 octobre 2002 la banque affirme avoir reçu un ordre téléphonique de virement de la somme de 30 800 euros au bénéfice d'un sieur K.F. (ce qui a fait l'objet d'une fiche relatant cet ordre téléphonique) ledit ordre étant confirmé par une télécopie datée du même jour mais reçue le 14 octobre et portant la signature paraissant être celle de D.Y.C.,

– que le virement ainsi ordonné a été effectué le 14 octobre au débit du compte de D.Y.C.,

– que la banque recevait ensuite les 17 octobre et 28 octobre deux ordres de paiement par télécopie portant une signature paraissant être celle de D.Y.C. afin de verser les sommes de 4 000 euros et 2 000 euros à un sieur S. M-M, ce que la banque a fait,

– que du fait de l'exécution de l'ordre de virement de 30 800 euros et des ordres de paiement de 4 000 et 2 000 euros le compte de D.Y.C. s'est trouvé en position de débit (de 36 279,72 euros) le chèque de 36 320,15 euros qui avait été dans un premier temps porté au crédit de son compte en ayant ensuite été débité puisque il s'est avéré être falsifié et a été retourné impayé à la banque le 14 novembre 2002, bien que la banque du tiré ait précédemment fait connaître par télécopie le 6 novembre 2002 à la BANCA di ROMA qui l'interrogeait que le chèque avait été payé ;

Attendu que même si les usages bancaires conduisent le banquier à porter immédiatement au crédit du compte le montant d'un chèque tiré au bénéfice de son client afin que sa valeur soit aussitôt prise en considération, il lui appartient de faire preuve d'une très grande prudence et de ne pas exécuter un ordre de virement ou de paiement d'une valeur identique mettant le compte à découvert avant de vérifier que le chèque porté préalablement au crédit a été effectivement honoré et payé, ce, a fortiori, lorsqu'il s'agit, comme tel est le cas, d'un compte qui n'a enregistré pratiquement aucune opération depuis son ouverture remontant à plus de 15 ans...

Attendu d'ailleurs qu'en l'espèce, la Banque s'est elle-même inquiétée du paiement du chèque de 36 320,15 euros reçu le 4 octobre et porté au Crédit du compte de D.Y.C. le 8 octobre puisqu'elle a interrogé la banque du tiré (CCF) le 5 novembre pour savoir si le chèque serait honoré ;

Que cependant elle avait prématurément et imprudemment exécuté l'ordre de virement de 30 800 euros et les ordres de paiement de 4 000 euros et 2 000 euros dès les 14, 17 et 28 octobre soit avant la vérification entreprise le 5 novembre, ce qui a mis le compte à découvert ;

Attendu que ce faisant la banque a manqué à son devoir de vigilance et de prudence et a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de son client ;

Attendu que le jugement entrepris sera donc réformé et que la banque sera déboutée de ses demandes auxquelles les premiers juges avaient fait droit en condamnant D.Y.C. à lui payer la somme de 30 800 euros outre celle de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Attendu en outre que la banque devra régulariser les écritures portées au compte de D.Y.C. en contrepassant les opérations litigieuses pour revenir à la situation de ce compte au 30 septembre 2002 ;

Attendu que la demande de dommages-intérêts de D.Y.C. pour résistance abusive de la banque est fondée en son principe puisqu'il a dû agir en justice et exercer une voie de recours pour faire reconnaître son bon droit ; ce qui caractérise en l'espèce un comportement fautif de la banque ;

Que la somme de 5 000 euros lui sera allouée à ce titre ;

Attendu que l'intimée qui succombe supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

– Réforme le jugement entrepris du tribunal de première instance du 8 octobre 2009,

– Statuant à nouveau,

– Déboute la SAM COMPAGNIE MONÉGASQUE de BANQUE de l'ensemble de ses demandes,

– La condamne à contre-passer les écritures bancaires litigieuses portées au compte n° 2015814/001.000.0001 de D.Y.C. du 8 octobre au 13 novembre 2002 afin que la situation de ce compte soit celle arrêtée au 30 septembre 2002,

– La condamne à payer à D.Y.C. la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

– La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur.

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel, au Palais de Justice, à Monaco, le treize mars deux mille douze par Monsieur Robert CORDAS, premier président, Madame Catherine MABRUT, vice-président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, et Monsieur Thierry PERRIQUET, conseiller, en présence de Monsieur Gérard DUBES, premier substitut du procureur général, assistés de Madame Béatrice BARDY, greffier en chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8431
Date de la décision : 13/03/2012

Analyses

Même si les usages bancaires conduisent le banquier à porter immédiatement au crédit du compte le montant d'un chèque tiré au bénéfice de son client afin que sa valeur soit aussitôt prise en considération, il lui appartient de faire preuve d'une très grande prudence et de ne pas exécuter un ordre de virement ou de paiement d'une valeur identique mettant le compte à découvert avant de vérifier que le chèque porté préalablement au crédit a été effectivement honoré et payé, ce, a fortiori, lorsqu'il s'agit, comme tel est le cas, d'un compte qui n'a enregistré pratiquement aucune opération depuis son ouverture remontant à plus de 15 ans.D'ailleurs, en l'espèce, la Banque s'est elle-même inquiétée du paiement du chèque de 36 320,15 euros reçu le 4 octobre et porté au Crédit du compte de D.Y.C. le 8 octobre puisqu'elle a interrogé la banque du tiré (CCF) le 5 novembre pour savoir si le chèque serait honoré ;Cependant elle avait prématurément et imprudemment exécuté l'ordre de virement de 30 800 euros et les ordres de paiement de 4 000 euros et 2 000 euros dès les 14, 17 et 28 octobre soit avant la vérification entreprise le 5 novembre, ce qui a mis le compte à découvert ;Ce faisant la banque a manqué à son devoir de vigilance et de prudence et a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de son client ;Le jugement entrepris sera donc réformé et la banque sera déboutée de ses demandes auxquelles les premiers juges avaient fait droit en condamnant D.Y.C. à lui payer la somme de 30 800 euros outre celle de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts ;En outre la banque devra régulariser les écritures portées au compte de D.Y.C. en contrepassant les opérations litigieuses pour revenir à la situation de ce compte au 30 septembre 2002 ;La demande de dommages-intérêts de D.Y.C. pour résistance abusive de la banque est fondée en son principe puisqu'il a dû agir en justice et exercer une voie de recours pour faire reconnaître son bon droit ; ce qui caractérise en l'espèce un comportement fautif de la banque ;La somme de 5 000 euros lui sera allouée à ce titre ;L'intimée qui succombe supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Responsabilité (Banque - finance)  - Opérations bancaires et boursières  - Instruments de paiement et de crédit.

BanqueResponsabilité de la banque - Manquement à son obligation de vigilance - - Chèque tiré falsifié - Virement non autorisé par le client.


Parties
Demandeurs : M. D. YC. C.
Défendeurs : Compagnie Monégasque de Banque CMB

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2012-03-13;8431 ?

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