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28/02/2012 | MONACO | N°8363

Monaco | Cour d'appel, 28 février 2012, BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO c/ F. B.


Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2012

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT (anciennement dénommée BNP PARIBAS PRIVATE BANK Monaco), dont le siège social se trouve à Monaco 15/17 avenue d'Ostende, prise en la personne de son administrateur délégué, M. D. R. demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une

part,

contre :

- M. F. B., demeurant X - Italie ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI,...

Motifs

COUR D'APPEL

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2012

En la cause de :

- La société anonyme monégasque dénommée BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT (anciennement dénommée BNP PARIBAS PRIVATE BANK Monaco), dont le siège social se trouve à Monaco 15/17 avenue d'Ostende, prise en la personne de son administrateur délégué, M. D. R. demeurant et domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

contre :

- M. F. B., demeurant X - Italie ;

Ayant élu domicile en l'Etude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'Appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

INTIMÉ,

d'autre part,

LA COUR,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 14 janvier 2010 (R.2006) ;

Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 mars 2010 (enregistré sous le numéro 2010-000077) ;

Vu les conclusions déposées le 15 novembre 2010, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de F. B. ;

Vu les conclusions déposées les 22 mars 2011 et 28 juin 2011, par Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, au nom de la SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT ;

À l'audience du 10 janvier 2012, vu la production de leurs pièces par les conseils des parties ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la SAM BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT, à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 14 janvier 2010.

Considérant les faits suivants :

F. B., prothésiste dentaire en Italie, a conclu le 1er décembre 1997 avec l'établissement bancaire dénommé UNITED EUROPEAN BANK aux droits duquel se trouve la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT, une convention d'ouverture de compte.

Après l'ouverture de ce compte, il faisait transférer ses avoirs du CRÉDIT FONCIER DE MONACO soit une somme de 546 630 795 lires italiennes qui faisait l'objet d'un dépôt à terme.

Soutenant que ses avoirs avaient été presque entièrement investis par la banque en obligations de l'État argentin, lesquelles avaient perdu toute valeur, il assignait par acte du 3 janvier 2007 la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT pour obtenir sa condamnation au paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 550 000 000 lires italiennes majorées des intérêts de retard au taux légal à compter du 15 février 2005.

Il sollicitait en outre le remboursement d'une somme de 58 000 Deutsch Marks contre restitution des délégations inscrites sur son compte ainsi que la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 14 janvier 2010 le tribunal a :

« – dit que la société anonyme monégasque BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO a procédé à des opérations d'achat de titres non autorisées,

– dit que la société anonyme monégasque BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO a manqué à ses obligations d'information, de conseil, de loyauté et de diligence,

– condamné la société anonyme monégasque BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO au paiement de l'équivalent en euros, au jour du présent jugement, des sommes de 550 000 000 lires italiennes et 58 000 marks allemands, assorties respectivement des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2007 et du 30 avril 2009,

– ordonné la restitution par F. B. à la société anonyme monégasque BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO de la totalité des obligations argentines inscrites sur son compte,

– condamné la société anonyme monégasque BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts. »

Pour parvenir à cette décision, le tribunal a retenu que la banque avait manqué aux obligations de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 en son article 9, en ce qu'elle ne justifiait pas de la preuve de la réception de l'ordre, en son article 5, en ce qu'elle ne s'était pas informée de la situation de la fortune de son client et de ses connaissances en matière d'investissement.

La société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT a interjeté appel du jugement par assignation le 12 mars 2010, elle demande à la Cour de :

– recevoir la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT Monaco en son appel, comme régulier en la forme, et, l'y déclarant bien fondée,

– mettre à néant, en toutes ses dispositions, le jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de première instance de Monaco le 14 janvier 2010, signifié le 15 février 2010,

Et statuant à nouveau :

– écarter des débats l'attestation d'A. B. (pièce adverse n° 3), en ce que celle-ci a un intérêt certain au procès,

– dire et juger que les deux attestations D. K. (pièces adverses n° 5 et n° 18) ne sauraient constituer un élément de preuve, au sens des articles 1.188 et suivants du Code civil,

– écarter en conséquence des débats ces deux attestations,

– dire et juger que F. B. a approuvé l'acquisition des titres litigieux et qu'il en avait une parfaite connaissance,

– dire et juger que la banque n'a commis aucune faute et n'a manqué à aucune de ses obligations,

– débouter F. B. de la totalité de ses demandes, fins et conclusions, en ce qu'elles sont inopérantes et sans fondements,

– condamner F. B. au paiement d'une somme de 5 000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

À titre subsidiaire :

– si, par impossible, la Cour d'Appel devait confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du Tribunal de première instance du 14 janvier 2010 :

– voir déduire des sommes auxquelles la banque a été condamnée, les coupons perçus par F. B. sur la totalité des obligations argentines et ce, depuis leur souscription, la somme de 72 000 euros, correspondant à un retrait en espèces du 6 août 2002, outre toutes sommes et frais, afin de parvenir à la remise en état des avoirs de ce client, avant les investissements effectués,

– ordonner le cas échéant, la compensation entre les créances respectives de chacune des parties,

– condamner F. B. aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Georges BLOT, avocat-défenseur, sous sa due affirmation.

Sur les relations contractuelles entre les parties, elle soutient que :

– par la signature de la décharge téléphonique par F. B., celui-ci a déchargé la banque de toute responsabilité pour avoir exécuté son ordre,

– les relevés de comptes et situations de patrimoine ont été mis à disposition. Il avait donc connaissance des investissements réalisés, cette connaissance a inversé la charge de la preuve,

– il n'a pas protesté pendant 6 ans,

– il a signé deux situations patrimoniales le 11 décembre 2001 et le 1er août 2002,

– il a encaissé les intérêts des obligations sans protester,

– l'attestation de sa sœur doit être écartée, puisqu'en qualité de mandataire sur le compte ouvert à la UNITED EUROPEAN BANK, elle était intéressée au fonctionnement du compte,

– l'attestation de Madame K n'est pas probante et n'est pas conforme aux dispositions de l'article 1.188 du Code civil,

– en 1999, elle ne disposait pas d'élément laissant craindre la faillite de l'État argentin.

À titre subsidiaire, la banque demande dans le cas où la Cour confirmerait le jugement que F. B. restitue les intérêts perçus sur les obligations argentines.

Par conclusions du 15 novembre 2010, F.B. fait valoir :

– que la banque s'est immiscée dans la gestion de ses avoirs en acquérant sans son accord des obligations argentines,

– que ce point est confirmé par l'attestation de Madame K,

– que l'article 1.188 du Code civil est inapplicable en l'espèce puisqu'il est destiné non pas à établir la preuve d'un acte juridique, mais celle d'un fait juridique,

– que la banque se trompe lorsqu'elle soutient, que la charge de la preuve qu'elle a rempli son obligation d'information et de conseil, reposerait sur F. B. alors que c'est à elle de démontrer qu'elle a rempli ses obligations,

– la présomption des coupons et la signature des situations patrimoniales ne dispense pas la banque de son obligation d'information et de conseil,

– la banque ne rapporte pas la preuve qui lui incombe,

– les situations patrimoniales ne permettaient pas à F. B. de connaître la situation économique argentine,

– F.B. s'est résigné après avoir rencontré le responsable de son compte qui lui a dit qu'il s'agissait d'un placement sûr,

– il n'a compris qu'en 2005, lorsque l'échange des obligations lui a été proposé qu'il y avait un risque de défaillance de l'État argentin,

– les obligations n'ont plus aucune valeur.

Il sollicite :

– la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a dit et jugé que la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT a agi sans autorisation de Monsieur B et a manqué à ses obligations d'information et de conseil, de loyauté et de diligence,

– la confirmation le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT au paiement de l'équivalent en euros au jour du jugement des sommes de 555 000 000 de lires italiennes et 58 000 marks allemands, assorties respectivement des intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2007 et du 30 avril 2009,

– que Monsieur B soit recevable et bien fondé en son appel incident,

– l'infirmation du jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau

– la condamnation de la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– que la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT MONACO soit déboutée du surplus de ses demandes,

– À titre subsidiaire, dans le cas où la Cour viendrait à ordonner la restitution des coupons perçus par Monsieur B,

– la condamnation de la société BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT au paiement d'une indemnité correspondant à 10 % de la contre-valeur des sommes de 555 000 000 de lires italiennes et 58 000 marks allemands en réparation du manque à gagner résultant de l'absence de rémunération des avoirs de Monsieur B pendant toute la durée des placements litigieux,

– En tout état de cause,

– que les intérêts soient capitalisés à compter du 3 janvier 2007 pour la somme de 555 000 000 de lires italiennes et du 30 avril 2009 pour la somme de 58 000 marks allemands,

– la condamnation de la SAM BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO aux entiers dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur sous sa due affirmation.

La banque réplique que :

– la situation de l'Argentine n'était pas désespérée en 1999,

Subsidiairement,

– en cas de confirmation, le tribunal ayant restitué à F.B. la totalité de ses avoirs transférés en lires, il convient de déduire les coupons perçus,

– ses autres demandes sont nouvelles en cause d'appel et doivent être rejetées sur le fondement de l'article 431 du Code de procédure civile.

SUR CE,

Sur l'historique du fonctionnement du compte

Attendu que F.B. a ouvert un compte le 1er décembre 1997 à la Banque UNITED EUROPEAN BANK (UEB) devenue la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT ;

Attendu que F.B. n'a pas confié de mandat de gestion à la banque ;

Attendu que si les conditions générales du contrat prévoyaient dans leur article 7 que la banque exécutait les ordres téléphoniques, sous réserves de vérifications de leur authenticité, une annexe au contrat prévoyait une décharge de responsabilité de la banque en cas d'instruction téléphonique ;

Qu'une seconde annexe prévoyait que les relevés de compte restaient à la banque, la banque étant relevée de toute responsabilité si cette conservation causait un inconvénient au client ;

Attendu qu'il confiait une procuration à sa sœur, A. B. ;

Attendu qu'il se déduit de ces constatations que F. B. a ouvert un compte de dépôt, la banque ayant l'obligation de conserver ses fonds et de les lui restituer ;

Attendu que le 17 décembre 1997, F. B. a fait virer la somme de 546 630 795 lires depuis son compte au CRÉDIT FONCIER DE MONACO ;

Que le 18 décembre 1997 a été créé un dépôt à terme de 546 000 000 lires ;

Attendu que n'est communiqué aucun autre relevé de compte courant permettant de connaître l'évolution du compte entre la date de son ouverture et l'arrêt des relations contractuelles ;

Attendu qu'aucune pièce n'est versée par la banque concernant l'acquisition des obligations argentines, celle-ci se contentant d'affirmer dans ses écritures du 28 juin 2011 page 2 « l'acquisition des deux lignes argentines en octobre 1997 et mars 1998 contestées par F.B. dès sa demande introductive d'instance sont les suivantes :

– 8 % argentina / IN DEF OBLIG 1997 – 30/10/2009

– 8 % argentina / STEP-DOWN / IN DE NOTE 1998 – 30/10/2009 »

Attendu que la première ligne d'obligations argentines ne peut manifestement avoir été acquise en octobre 1997 par ou pour le compte de F. B. puisque l'ouverture du compte litigieux est du 1er décembre 1997 ;

Attendu que ne figure au dossier de la banque aucun élément sur la date d'émission desdites obligations ni sur leur date d'acquisition, ni sur les conditions de leur acquisition ;

Attendu que ne figurent au dossier de F. B. que les relevés d'un compte-titre en lires italiennes d'août 1998 à décembre 1998, faisant état de la deuxième ligne d'obligations argentines, celles émises en 1998 pour une valeur de 550 000 000 lires ;

Attendu qu'il résulte d'autre part d'un relevé de portefeuille du 7 septembre 2004 que les obligations « 8 % argentina / IN DEF OBLIG 1997 » ont fait l'objet d'une acquisition en Deutsch Mark pour 58 000 DM à l'aide d'un versement dont le relevé de compte courant initial ne fait pas état mais qui ne peut être soustrait de la remise initiale de 550 000 000 lires entièrement affectée à l'acquisition de la ligne d'obligations émises en 1998 ;

Attendu qu'il résulte encore des pièces parcimonieusement communiquées par la banque notamment de la pièce 8 qu'avaient été acquises 38 SICAV PARVEST EONIA d'une valeur de 38 000 euros qui ont été revendues le 1er août 2002 (pièce n° 2 Me BLOT) ; que lesdites SICAV figurent sur un relevé du 1er août 2002 signé par F.B. ; que la banque affirme que cette acquisition serait intervenue à l'aide de coupons des obligations argentines sans être contredite sur ce point ;

Attendu que postérieurement à cette revente, le 6 août 2002, F.B. a retiré 72 000 euros en espèces de son compte en euros, ce qu'il ne conteste pas ;

Attendu qu'en définitive après cette date, ne figuraient que les deux lignes d'obligations argentines dont la valeur n'a cessé de décroître ;

Attendu qu'en 2005, la banque avisait F. B. que l'État argentin proposait l'échange des obligations ; qu'il protestait contre l'acquisition de ses obligations dont il imputait la responsabilité à la banque ; que la banque, malgré ses nombreuses réclamations adressées de janvier 2005 à septembre 2006, lui opposait une fin de non-recevoir le 12 janvier 2006 ;

Sur la législation applicable

Attendu qu'à l'ouverture du compte le 1er décembre 1997, la banque UEB devenue la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT était tenue aux obligations prévues par la loi n° 1194 du 9 juillet 1997 portant sur les sociétés agréées pour la gestion de portefeuille et les activités assimilées ;

Que la banque était donc soumise aux obligations prescrites par l'article 9 de ladite loi et tenue d'une part à l'obligation d'apporter la preuve du moment de la réception et de la transmission de l'ordre et de la justification que l'ordre devait être donné par le mandant, par l'article 5 d'autre part de s'informer de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement ;

Attendu que pour échapper à la première obligation, la banque soutient sans toutefois l'affirmer que F. B. est à l'origine de ses acquisitions, qu'en tous cas, il les a approuvées par la signature de quelques relevés de portefeuille le 1er août 2002, et puis en 2004, et qu'il avait dégagé la banque de toute responsabilité dans le cas d'un ordre téléphonique mal interprété ;

Attendu que la décharge téléphonique n'a pas pour effet de dispenser la banque de justifier de l'ordre donné par le client, seule l'information écrite n'étant pas exigée ;

Attendu que les documents d'ouverture de compte ne comportaient aucun délai de forclusion pour former des réclamations contre les acquisitions litigieuses ;

Attendu que la banque qui est contractuellement tenue à tout le moins de justifier des actes d'acquisitions des obligations litigieuses, ne verse aux débats aucune pièce concernant lesdites acquisitions, celle-ci affirmant d'une part avoir acquis la première ligne d'obligations en octobre 1997, alors que le compte était ouvert le 1er décembre 1997, aucune ligne d'obligations n'y ayant été transférée et ne fournissant pour la seconde ligne d'obligations aucun document ; que la banque ne justifie d'aucun ordre d'achat des obligations litigieuses, ni même des actes d'acquisitions de ses obligations ;

Attendu qu'il est encore établi que l'attestation K est régulière en la forme ; que courant 1999, alors que ce témoin avait accompagné F. B. en visite à la banque, celui-ci avait découvert ces investissements et s'était plaint de ce placement fait à son insu, en en sollicitant l'annulation ; qu'à cette date, le banquier qu'il avait rencontré avait indiqué à F. B. qu'il s'agissait d'un placement sûr et rentable, et l'avait convaincu de conserver ce placement ;

Attendu que pour faire écarter cette attestation, la banque use d'un moyen de droit et d'un moyen de fait ; qu'elle soutient d'abord que les attestations de la sœur de F.B. et de D.K. devraient être écartées des débats sur le fondement de l'article 1.188 du Code civil ;

Attendu qu'en l'espèce, l'article 1.188 du Code civil prohibe la preuve par témoins contre et outre le contenu des actes authentiques ou sous seing privé de toutes choses excédant la valeur de 1 140 euros ;

Attendu que l'article 1.188 du Code civil n'est pas applicable en l'espèce, s'agissant de rapporter la preuve d'un simple fait juridique, l'acquisition sans ordre d'obligations ;

Attendu que pour faire écarter cette attestation, la banque soutient encore que D.K. serait la secrétaire de F.B., ce qu'elle conteste ; que toutefois la banque ne justifie pas de cette affirmation ;

Qu'elle croit pouvoir tirer de la comparaison entre cette attestation et une lettre de protestation de F. B. adressée en 2005, que la date de la rencontre entre le banquier et F. B. serait antérieure, celui-ci indiquant une rencontre en 1998 ;

Attendu toutefois que l'attestation de D. K. est circonstanciée précise et confirme bien le contenu de l'entretien que F.B. soutient avoir eu avec le banquier dans son courrier précité ;

Attendu enfin, sur ce point, que les 15 et 21 février 2005, F. B. réclamait à la banque que lui soit communiqués le reçu des opérations d'acquisitions des obligations argentines, le relevé bancaire où figurait l'enregistrement des opérations, la copie de l'ordre d'acquisition des obligations ; qu'il renouvelait, faute de réponse, ses demandes le 15 juin 2005 et le 24 septembre 2005 ;

Qu'aucune pièce ne lui était adressée et qu'il lui était répondu, un an après, le 12 janvier 2006 par une fin de non-recevoir ;

Attendu dès lors que F. B., s'il a bien signé deux situations de portefeuille en 2002 et 2004, et a encaissé les coupons d'obligations, n'est pas à l'origine de ces acquisitions ; qu'il démontre qu'elles ont été acquises à son insu à l'initiative de la banque ; que la banque a ainsi géré de fait le portefeuille de F. B. ;

Attendu que la banque devait encore en application des dispositions de l'article 5 de la loi précitée s'assurer de l'expérience de son client en matière d'investissements et de sa situation de fortune ;

Qu'aucune pièce de l'ouverture de compte communiquée par les parties ne le démontre ; que la banque n'essaie pas de démontrer que F. B. était un investisseur avisé ;

Attendu que la totalité des sommes remises par F.B. a été investie dans un seul type de placement, ce qui a eu pour effet de mettre en péril la totalité de l'investissement ;

Attendu au surplus que pèse sur le banquier une obligation d'information et de conseil, celui-ci ayant pris l'initiative d'investir les fonds du client en obligations argentines et de les lui faire conserver jusqu'à leur terme ;

Attendu que la banque ne justifie pas avoir, soit lors de l'acquisition, soit après la découverte par F. B. de l'acquisition des titres, dispensé d'information sérieuse sur les obligations argentines, ni de conseil sur l'équilibre du portefeuille exclusivement investi dans lesdites obligations ;

Attendu qu'au contraire en 1999, il est établi que la banque a présenté ces investissements comme sûrs ;

Attendu toutefois qu'un article de mars 2000 de T. L., gestionnaire de portefeuille de la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT écrivait :

« Depuis 1994, l'Argentine enregistre des déficits publics inférieurs à 2,5 % du PIB. En 1999, ce seuil a été franchi pour la première fois et les comptes du secteur public non financier (SPNF) ont affiché un déficit public de 2,6 % du PIB, soit près de 7,5 milliards de dollars. Le dépassement de ce seuil psychologique a permis de faire prendre conscience du caractère insoutenable de la dérive des finances publiques argentines.

À partir du défaut russe du mois d'août 1998 et tout au long de l'année 1999, les spreads sur les obligations argentines ont connu une très grande volatilité.

Ces garde-fous donnent une visibilité d'environ un an sur l'Argentine mais ne permettent pas d'être assurés de la solvabilité à moyen terme...

Si une dévaluation ne nous semble pas l'évènement le plus susceptible d'arriver, l'occurrence d'un défaut de paiement reste d'actualité ».

Attendu dès lors qu'en restant inerte jusqu'en 2005 à l'égard d'un investisseur non avisé, la banque, responsable de l'acquisition des titres litigieux a manqué à ses obligations d'information et de conseil, la seule lecture des quelques relevés de portefeuille communiqués démontrant la chute inéluctable des titres détenus par F.B. ;

Sur le préjudice

Attendu que F. B. sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la banque à payer l'équivalent en euros de 550 000 000 lires et 58 000 deutsche marks de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2007 et du 30 avril 2009, de condamner la banque au paiement de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts, à titre subsidiaire dans le cas où seraient déduits le montant des coupons perçus, de condamner la banque à lui payer un intérêt de 10 % de la contre-valeur des sommes déposées sur le compte et en tout état de cause dire que les intérêts seraient capitalisés ;

Attendu que la banque UEB devenue la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT était tenue à une obligation de représentation des fonds à elle confiés ; qu'en investissant à sa seule initiative les fonds de son client dans des opérations qui se sont avérées désastreuses, elle n'est pas en mesure de restituer les fonds confiés ; que le tribunal l'a en conséquence justement condamnée au paiement des sommes remises avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de les restituer ; Qu'il y a lieu de confirmer ce jugement sur ce point ;

Attendu que la demande d'anatocisme de F.B. qui n'est pas la conséquence de l'évolution du litige devant la Cour est nouvelle et est dès lors irrecevable ;

Attendu que la banque demande que soit déduit de la condamnation le montant des coupons perçus par F.B. et la somme de 72 000 euros retirée de son compte le 6 août 2002 ;

Attendu que sur le remboursement des coupons, la demande de la banque n'est pas chiffrée ; que l'intégralité des sommes remises en décembre 1997 ayant été investies dans les obligations argentines, les sommes retirées par F.B. peuvent correspondre en tout ou en partie aux coupons perçus ;

Attendu toutefois que la banque ne fournit sur ce point aucune explication ni aucun décompte ;

Attendu dès lors que la demande de remboursement des coupons sera rejetée ; qu'il sera fait droit à la demande portant sur la déduction de la somme de 72 000 euros de la créance de la banque, F.B. ne discutant pas avoir retiré cette somme de son compte dont il ne soutient pas que ledit compte aurait reçu d'autres sommes que les investissements litigieux ; qu'il y a lieu d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

Attendu que la demande de F.B. d'une indemnité de 10 % du montant de la condamnation de la banque au remboursement des sommes investies est formée à titre subsidiaire pour le cas où serait ordonné le remboursement des coupons perçus ; que cette demande nouvelle est recevable car commandée par l'évolution du litige ; qu'elle sera toutefois rejetée en l'absence de condamnation de F.B. à rembourser les coupons des obligations argentines ;

Attendu que les agissements de la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT ont causé à F.B. un préjudice important, le privant de son investissement, lui laissant craindre la perte totale de son épargne, la banque ayant accumulé de graves manquements à ses obligations légales et contractuelles obligeant F.B. à agir en justice ; qu'il en résulte un préjudice moral ; qu'il y a lieu de condamner la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT à payer à F.B. la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts et de condamner la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT aux dépens ; Qu'il y a lieu en conséquence de réformer le jugement de ce chef ;

Que la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT sera condamnée aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

– Confirme le jugement en date du 14 janvier 2010 sauf sur l'indemnisation du préjudice moral complémentaire subi par F.B.,

Y ajoutant,

– Déclare irrecevable la demande d'anatocisme formée par F.B.,

– Condamne F.B. à payer à la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT la somme de 72 000 euros, (soixante douze mille euros),

Réformant sur le préjudice moral,

– Condamne la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT à payer à F.B. la somme de 50 000 euros (cinquante mille euros) à titre de dommages-intérêts,

– Ordonne la compensation entre la créance de F.B. et la créance de la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT,

– Rejette toutes autres demandes des parties,

– Condamne la BNP PARIBAS WEALTH MANAGEMENT aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Ainsi jugé et prononcé en audience publique de la Cour d'appel, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt huit février deux mille douze par Monsieur Robert CORDAS, premier président, Madame Catherine MABRUT, vice-président, chevalier de l'ordre de Saint-Charles, et Monsieur Thierry PERRIQUET, conseiller, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, substitut du procureur général, assistés de Madame Laura SPARACIA-SIOLI, greffier en chef adjoint, chevalier de l'ordre de Saint-Charles.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8363
Date de la décision : 28/02/2012

Analyses

La banque était soumise aux obligations prescrites, d'une part par l'article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997et tenue à l'obligation d'apporter la preuve du moment de la réception et de la transmission de l'ordre et de la justification que l'ordre devait être donné par le mandant, et d'autre part par l'article 5 de s'informer de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement.Pour échapper à la première obligation, la banque soutient sans toutefois l'affirmer que F. B. est à l'origine de ses acquisitions, qu'en tous cas, il les a approuvées par la signature de quelques relevés de portefeuille le 1er août 2002, et puis en 2004, et qu'il avait dégagé la banque de toute responsabilité dans le cas d'un ordre téléphonique mal interprété.La décharge téléphonique n'a pas pour effet de dispenser la banque de justifier de l'ordre donné par le client, seule l'information écrite n'étant pas exigée.Les documents d'ouverture de compte ne comportaient aucun délai de forclusion pour former des réclamations contre les acquisitions litigieuses.La banque qui est contractuellement tenue à tout le moins de justifier des actes d'acquisitions des obligations litigieuses, ne verse aux débats aucune pièce concernant lesdites acquisitions, celle-ci affirmant d'une part avoir acquis la première ligne d'obligations en octobre 1997, alors que le compte était ouvert le 1er décembre 1997, aucune ligne d'obligations n'y ayant été transférée et ne fournissant pour la seconde ligne d'obligations aucun document ; la banque ne justifie d'aucun ordre d'achat des obligations litigieuses, ni même des actes d'acquisitions de ses obligations.

Opérations bancaires et boursières  - Responsabilité (Banque - finance).

BanqueResponsabilité de la banque - Manquement à l'obligation d'information et de conseil - Obligation de s'informer de la situation financière de son client ainsi que de son expérience en matière d'investissement - - Incertitude concernant l'ordre d'achat des obligations argentines.


Parties
Demandeurs : BNP PARIBAS PRIVATE BANK MONACO
Défendeurs : F. B.

Références :

loi n° 1194 du 9 juillet 1997
article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997
loi n° 1.194 du 9 juillet 1997
Code civil
article 431 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2012-02-28;8363 ?

Source

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