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14/02/2011 | MONACO | N°509108

Monaco | Cour d'appel, 14 février 2011, S. c/ Ministère public en présence de la SAM R. Diffusion et de la Société XL Insurance


Motifs

La Cour,

Attendu que les pièces de joaillerie dont s'agit ont été remises par la SAM R. Diffusion à la société de droit new yorkais GS Distribution représentée par S. en vertu du contrat intervenu entre ces sociétés le 9 septembre 2004, intitulé « contrat des magasins R., bijouterie, montres et accessoires (distribution haut de gamme et USA) » ;

Attendu qu'aux termes de son article 12, ce contrat précise avoir été élaboré en application du droit des États Unis ;

Qu'il s'en déduit que ce contrat se voulait adapté à l'environnement j

uridique et commercial particulier de ce pays, où la seconde société s'était en préambule déclarée ...

Motifs

La Cour,

Attendu que les pièces de joaillerie dont s'agit ont été remises par la SAM R. Diffusion à la société de droit new yorkais GS Distribution représentée par S. en vertu du contrat intervenu entre ces sociétés le 9 septembre 2004, intitulé « contrat des magasins R., bijouterie, montres et accessoires (distribution haut de gamme et USA) » ;

Attendu qu'aux termes de son article 12, ce contrat précise avoir été élaboré en application du droit des États Unis ;

Qu'il s'en déduit que ce contrat se voulait adapté à l'environnement juridique et commercial particulier de ce pays, où la seconde société s'était en préambule déclarée désireuse d'importer et de vendre les produits fabriqués par la première ;

Attendu qu'il est reproché à S. d'avoir à Monaco, dans le cadre de ce contrat, entre 2004 et 2005, détourné ou dissipé lesdites pièces au préjudice de la SAM R. Diffusion pour un montant de 93 019, 24 euros ;

Attendu, quant à l'analyse de ce contrat, que, nonobstant une interprétation spécifique au droit des États Unis auquel il déclare exclusivement se référer, il résulte de ses articles 3.1, 3.2 et 5.1 que la SAM R. Diffusion s'est engagée à vendre à la société représentée par S., qui s'est engagée à les acquérir et à les vendre, des produits R., en s'acquittant de leur prix dans les conditions fixées par son article 5, soit 30 % à la commande sur présentation d'une facture pro forma et 70 % à 30 jours de la livraison ;

Attendu, quant à la mise en application de ce contrat, que le litige survenu entre les parties, soumis, au demeurant, à la compétence exclusive du tribunal du District de New York aux termes de l'article 12 déjà visé, trouve essentiellement son origine dans la demande présentée le 15 février 2005 par le conseil de la SAM R. Diffusion aux États Unis dans le but d'obtenir sa résiliation en application de son article 10.3 § d, motif pris du non paiement depuis plus de 35 jours par GS Distribution de factures pour un montant total de 49 221,79 euros, augmenté d'un intérêt de 2 % par mois ;

Que ce dernier article règle les conditions d'une telle résiliation lorsque l'une des parties rompt l'un quelconque de ses engagements et n'y remédie pas dans les 60 jours suivant la réception de la notification de la plainte portant sur la rupture d'engagement ;

Qu'il s'ensuit que la SAM R. Diffusion, en analysant ce non paiement comme une rupture d'engagement a entendu faire de celui-ci la cause de la résiliation du contrat, qu'elle a, du reste, obtenue de la juridiction américaine ;

Qu'elle a ainsi reconnu l'existence de l'engagement de GS Distribution de payer les factures de ses produits dans les conditions contractuelles susvisées ;

Attendu qu'il ressort en conséquence, tant de son analyse que des conditions dans lesquelles il a été appliqué, que ce contrat relève des dispositions prévues aux articles 1425 et suivants du Code civil ;

Que ces éléments caractérisent donc en droit monégasque l'existence d'un contrat de vente entre les parties, ainsi d'ailleurs que la violation de ce dernier, en ce que S., qui s'était engagé à payer les pièces de joaillerie que la SAM R. Diffusion s'était engagée à livrer à sa société, ne s'est pas exécuté ;

Attendu qu'un tel contrat ne figure pas dans la liste exhaustive des contrats prévus à l'article 337 du Code pénal, dont la violation est de nature à constituer le délit d'abus de confiance ;

Attendu qu'il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point et de relaxer S. de ce chef ;

Attendu, sur le délit de faux, que c'est par des motifs pertinents que la Cour fait siens, que les premiers juges ont relaxé S. de ce chef et qu'il convient de confirmer leur décision sur ce point ;

Attendu, sur le délit d'usage de faux, qu'il est reproché à S. d'avoir fait d'usage d'une facture falsifiée pro forma n° 200323 datée du 27 janvier 2005 en la communiquant aux services des douanes américaines ;

Attendu que cette pièce porte, dans sa partie supérieure, la mention selon laquelle elle a été faxée le même jour à 17 heures 15 depuis un numéro dont il est contesté qu'il corresponde à celui du bureau de Monaco de la SAM R. Diffusion, qui en avait donc connaissance dès cette date ;

Que le bordereau des services des douanes américaines du 28 janvier 2005, à le supposer établi au vu de ce document, vise des marchandises devant être acheminées par la voie aérienne depuis l'aéroport de New York le même jour ;

Attendu que S. établit avoir quitté Nice, où il était arrivé en provenance de Strasbourg le 25 janvier 2005 à 19 heures 10 pour arriver à Rome à 20 heures 20 et être reparti le 28 janvier 20015 à 17 heures 10 pour regagner Nice à 18 heures 25, de sorte qu'il ne pouvait pas se trouver aux Etats-Unis à ces dates ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, l'information selon laquelle le document susvisé a été fourni le 27 janvier 2005 à New York par S., communiquée par le seul responsable du bureau parisien de l'entreprise de transport qui reconnaît se prononcer d'après des documents internes, s'avère en conséquence dénuée de ce caractère probant ;

Attendu que la preuve de la communication de ce document par S. aux autorités américaines n'est donc pas rapportée, de sorte que le délit d'usage de faux n'est pas constitué ;

Attendu, sur l'action civile, qu'il y a lieu en conséquence de déclarer les parties civiles irrecevables en leur constitution ;

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

Statuant contradictoirement à l'encontre de S., et conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'égard des parties civile,

Confirme le jugement du Tribunal correctionnel du 19 octobre 2010 en ce qu'il a relaxé S. du chef de délit de faux en écriture privée de commerce ou de banque,

La réforme pour le surplus,

Renvoie S. des fins de poursuites d'abus de confiance et d'usage de faux,

Déclare la SAM R. Diffusion et la société XL Insurance Compagny Limited irrecevables en leur constitution de parties civiles,

Laisse les frais à la charge du Trésor.

Composition

Mme MABRUT V. pres ; MM. PERRIQUET et CAMINADE cons ; M. DUBES – Mme ZANCHI gref. en chef adjt ; Mes COLIN – SANTUCCI av. bar de Nice, Me ULLOT av. def ; Me RABIER av bar de Paris.

Note

En arrêt réforme en partie le jugement rendu par le tribunal correctionnel du 10 janvier 2011 en prononçant la relaxe du prévenu.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 509108
Date de la décision : 14/02/2011

Analyses

Les pièces de joaillerie dont s'agit ont été remises par la SAM Repossi Diffusion à la société de droit new yorkais GS Distribution représentée par G. S. en vertu du contrat intervenu entre ces sociétés le 9 septembre 2004, intitulé « contrat des magasins REPOSSI, bijouterie, montres et accessoires (distribution haut de gamme et USA) ».Aux termes de son article 12, ce contrat précise avoir été élaboré en application du droit des États-Unis.Il s'en déduit que ce contrat se voulait adapté à l'environnement juridique et commercial particulier de ce pays, où la seconde société s'était en préambule déclarée désireuse d'importer et de vendre les produits fabriqués par la première.Il est reproché à G. S. d'avoir à MONACO, dans le cadre de ce contrat, entre 2004 et 2005, détourné ou dissipé lesdites pièces au préjudice de la SAM Repossi Diffusion pour un montant de 93 019, 24 euros.Quant à l'analyse de ce contrat, nonobstant une interprétation spécifique au droit des États Unis auquel il déclare exclusivement se référer, il résulte de ses articles 3.1, 3.2 et 5.1 que la SAM Repossi Diffusion s'est engagée à vendre à la société représentée par G. S., qui s'est engagée à les acquérir et à les vendre, des produits REPOSSI, en s'acquittant de leur prix dans les conditions fixées par son article 5, soit 30 % à la commande sur présentation d'une facture pro forma et 70 % à 30 jours de la livraison.Quant à la mise en application de ce contrat, le litige survenu entre les parties, soumis, au demeurant, à la compétence exclusive du tribunal du District de NEW YORK aux termes de l'article 12 déjà visé, trouve essentiellement son origine dans la demande présentée le 15 février 2005 par le conseil de la SAM Repossi Diffusion aux États Unis dans le but d'obtenir sa résiliation en application de son article 10.3 § d, motif pris du non paiement depuis plus de 35 jours par GS Distribution de factures pour un montant total de 49 221,79 euros, augmenté d'un intérêt de 2 % par mois.Ce dernier article règle les conditions d'une telle résiliation lorsque l'une des parties rompt l'un quelconque de ses engagements et n'y remédie pas dans les 60 jours suivant la réception de la notification de la plainte portant sur la rupture d'engagement.Il s'ensuit que la SAM Repossi Diffusion, en analysant ce non paiement comme une rupture d'engagement a entendu faire de celui-ci la cause de la résiliation du contrat, qu'elle a, du reste, obtenue de la juridiction américaine.Elle a ainsi reconnu l'existence de l'engagement de GS Distribution de payer les factures de ses produits dans les conditions contractuelles susvisées.Il ressort en conséquence, tant de son analyse que des conditions dans lesquelles il a été appliqué, que ce contrat relève des dispositions prévues aux articles 1425 et suivants du Code civil.Ces éléments caractérisent donc en droit monégasque l'existence d'un contrat de vente entre les parties, ainsi d'ailleurs que la violation de ce dernier, en ce que G. S., qui s'était engagé à payer les pièces de joaillerie que la SAM Repossi Diffusion s'était engagée à livrer à sa société, ne s'est pas exécuté.Un tel contrat ne figure pas dans la liste exhaustive des contrats prévus à l'article 337 du Code pénal, dont la violation est de nature à constituer le délit d'abus de confiance.Il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision des premiers juges sur ce point et de relaxer G. S. de ce chef.Sur le délit de faux, c'est par des motifs pertinents que la Cour a fait siens, que les premiers juges ont relaxé G. S. de ce chef et qu'il convient de confirmer leur décision sur ce point.

Pénal - Général  - Contrat de vente.

Droit PénalAbus de confiance - Contrat de vente : relevant des articles 1425 et suivants du Code civil  - - Violation de ce contrat : non constitutif du délit d'abus de confiance - la vente ne figurant pas sur la liste exhaustive de l'art -  337 du CP - D'où relaxe du prévenu.


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : Ministère public en présence de la SAM R. Diffusion et de la Société XL Insurance

Références :

Code civil
article 377 du Code de procédure pénale
article 337 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2011-02-14;509108 ?

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