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08/06/2010 | MONACO | N°27388

Monaco | Cour d'appel, 8 juin 2010, S. c/ B.


Abstract

Procédure civile

Instance d'appel - Pièces produites en appel, lesquelles ne l'avaient pas été en première instance - Demande de rejet des ces pièces non fondée

Actes relevant d'un culte

Incompétence du juge civil - Pour contraindre, sous astreinte une partie à concourir à la délivrance d'un certificat religieux de répudiation (gueth) - article 23 alinéa 2 de la Constitution - Responsabilité civile - Refus de délivrance de ce certificat par l'intéressé revêtant en raison de son obstination un caractère fautif, justifiant l'octroi de domma

ges et intérêts sur le fondement de l'article 1229 du Code civil

Résumé

L'explication so...

Abstract

Procédure civile

Instance d'appel - Pièces produites en appel, lesquelles ne l'avaient pas été en première instance - Demande de rejet des ces pièces non fondée

Actes relevant d'un culte

Incompétence du juge civil - Pour contraindre, sous astreinte une partie à concourir à la délivrance d'un certificat religieux de répudiation (gueth) - article 23 alinéa 2 de la Constitution - Responsabilité civile - Refus de délivrance de ce certificat par l'intéressé revêtant en raison de son obstination un caractère fautif, justifiant l'octroi de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1229 du Code civil

Résumé

L'explication soulevée par l'intimée

Dans ses conclusions du 29 mars 2010, C. B. demande le rejet des pièces communiquées par son adversaire (n° 1 à 158) au motif qu'elles auraient du l'être devant les premiers juges, ce qui n'a pas été le cas alors que leur ancienneté permettait de le faire ;

Sollicité également le rejet de la pièce n° 18 (thèse en doctorat de droit de M. G. F.) qui n'a pas été communiquée en temps utile ;

Mais il est loisible aux parties de communiquer en cause d'appel toutes pièces qui leur paraissent utiles aux débats même si elles ne l'ont pas été en première instance, ce, quelle que soit la date à laquelle ces pièces ont été établies ou celle à laquelle elles en ont eu connaissance ;

Dès lors la demande de rejet de ces pièces doit être écartée ;

Par ces mêmes écritures judiciaires C. B. sollicite le rejet des conclusions déposées par l'appelant le 15 mars 2010 au motif qu'elles ne contiennent aucune argumentation ni analyse des pièces qui y sont invoquées ;

Mais ces conclusions, certes succinctes, se réfèrent expressément à l'acte d'assignation contenant appel motivé et que dès lors elles n'encourent pas le grief invoqué ;

Elles doivent être admises pour être soumises à l'appréciation de la Cour ;

1/ Sur la demande tendant à contraindre M. S. à saisir la juridiction rabbinique du litige relatif au divorce religieux

L'article 23 alinéa 2 de la Constitution de la Principauté de Monaco auquel les premiers juges se sont à bon droit référé stipule expressément que : « Nul ne peut être contraint de concourir aux actes et aux cérémonies d'un culte » ;

Le juge civil ne saurait donc contraindre M. S. à accomplir la délivrance du « gueth » en se soumettant à une cérémonie réglementée par sa religion et tendant à cette fin même s'il en a prix l'engagement devant une juridiction de l'ordre religieux ;

L'appel incident de C. B. sera donc rejeté sur ce point ;

2/ Sur la réparation du préjudice invoqué par C. B.

C'est à bon droit qu'au visa de l'article 1229 du Code civil le tribunal a considérée, après avoir relaté l'ensemble des démarches patiemment effectuées par C. B. auprès des différentes instances et juridictions religieuses tant en France qu'en Israël et après en avoir décrit les péripéties, que M. S. commettait un abus de droit fautif en refusant de façon obstinée de délivrer le « gueth » à son épouse.

De même le tribunal a parfaitement caractérisé l'intention de nuire qui résulte du comportement de M. S. bien que cet élément ne soit pas nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, l'abus de droit étant suffisant pour qu'elle soit retenue ;

Pour échapper à cette responsabilité l'appelant ne craint pas de soutenir qu'il appartiendrait à son épouse de l'attraire devant la juridiction rabbinique alors qu'il est démontré qu'il s'y est soustrait à plusieurs reprises malgré les initiatives prises à cet effet par C. B. :

Cet argument est donc totalement dénué de pertinence ;

En retenant la responsabilité civile de M. S. le tribunal, contrairement à ce que soutien l'appelant, ne s'est pas livré à une appréciation des motifs religieux pour lesquels la délivrance du « gueth » était refusée ;

Sans s'immiscer dans le domaine des convictions religieuses, le juge civil peut en effet constater de façon objective que l'exercice d'une prérogative religieuse comme le refus de délivrance du « gueth » constitue au regard des règles du Code civil un fait générateur de préjudice qui oblige celui par la faute duquel il est survenu à le réparer, sans pour autant se livrer à une appréciation des motifs de ce refus ;

Le caractère fautif de cet abus de droit résulte à l'évidence de la résistance obstinée de M. S. pendant plusieurs années, malgré les recommandations qui lui ont été adressées par les autorités rabbiniques et les décisions des juridictions rabbiniques qui ont eu à connaître de ce litige ;

Le préjudice invoqué par C. B. résulte de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve depuis près de dix années de contracter une nouvelle union conforme à ses convictions religieuses ;

Cette situation lui occasionne un préjudice très important en raison de la violence morale qu'elle subit ;

Elle peut donc légitimement prétendre à l'allocation de dommages et intérêts ;

L'octroi de dommages et intérêts ne constitue pas une sanction financière équivalente à une astreinte contrairement à ce que soutiens l'appelant dans ses écritures ;

C'est donc sans se contredire que déclarant irrecevable la demande tendant à contraindre M. S. à délivrer le « gueth » sous astreinte, les premiers juges ont par ailleurs accordé des dommages et intérêts à C. B. ;

En effet les fondements juridiques de l'une et l'autre de ces mesures différent essentiellement en ce que l'astreinte est une sanction financière destinée à assurer pour l'avenir l'exécution d'une obligation ou d'une infraction de faire, tandis que l'allocation de dommages et intérêts constitue la réparation d'un préjudice déjà advenu dont l'existence est avérée et certaine ;

Le tribunal considérant à la fois le préjudice moral et le préjudice financier subis par C. B. du fait des démarches qu'elle à dû accomplir, lui a alloué la somme de 75.000 €.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La cause ayant été débattue hors la présence du public ;

La Cour statue sur l'appel relevé par M. S., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 26 mars 2009.

Considérant les faits suivants :

M. S. de nationalité française et C. B. de nationalité marocaine, tous deux résidents monégasques, se sont mariés le 5 mai 1983 en mairie de Monaco.

De confession juive, ils se sont également mariés religieusement le 8 mai 1983 selon le rite israélite au cours d'une cérémonie à l'association culturelle israélite de Monaco.

Sur demande de l'épouse leur divorce a été prononcé aux torts exclusifs du mari par jugement du Tribunal de première instance du 8 juillet 1999, confirmé par arrêt de la Cour de céans du 30 mai 2000.

C. B. a assigné son ex-époux devant le Tribunal de première instance pour obtenir réparation du préjudice que lui occasionnerait le refus de M. S. de lui délivrer le « gueth » qui selon la loi mosaïque serait indispensable pour lui permettre, étant alors divorcée selon le rite israélite, de contracter un nouveau mariage religieux.

Elle demandait également que M. S. reçoive injonction sous astreinte de saisir le Tribunal rabbinique de Paris à cette fin.

Par jugement du 26 mars 2009 le Tribunal de première instance après avoir rejeté diverses exceptions de procédure a condamné M. S. à payer la somme de 75 000 € à titre de dommages et intérêts à C. B. mais a déclaré irrecevable la demande de cette dernière tendant à contraindre son ex-mari à saisir la juridiction rabbinique.

M. S. a relevé appel principal de cette décision et C. B. appel incident.

Dans leurs écritures judiciaires, les parties soulèvent plusieurs exceptions de procédure avant d'aborder le fond.

SUR CE,

I – Sur les exceptions de procédure

I – 1 les exceptions soulevées par l'appelant

Attendu que M. S. reprend devant la Cour le moyen invoqué en vain devant le tribunal tiré du défaut de traduction par un traducteur assermenté de documents rédigés en langue hébraïque produits par C. B. ;

Qu'il en déduit que l'exactitude de la traduction de ces pièces n'étant pas certaine c'est à tort que le tribunal les a admises ce qui doit entraîner l'annulation du jugement ou tout au moins son infirmation de ce chef en application de l'article 8 de la Constitution aux termes duquel la langue officielle de la Principauté est le français, mais aussi en vertu de la Convention européenne des droits de l'Homme qui pose le principe du droit au procès équitable ;

Attendu de même que l'appelant fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré qu'il renonçait à ses demandes relatives à la production par C. B. des copies de son passeport et de celui de Monsieur T. ainsi que de l'habilitation de ce dernier à effectuer des traductions sur le territoire de l'État d'Israël ;

Attendu que l'intimée reprend pour s'opposer à ces exceptions les moyens et arguments soutenus avec succès devant les premiers juges ;

Attendu qu'ainsi que l'a exactement retenu le tribunal la traduction en langue française de pièces produites par les parties dans une instance n'est pas soumise à un formalisme particulier ;

Que de plus M. S. ne conteste pas la fidélité de la traduction de ces documents qu'il utilise dans ses écritures judiciaires pour les besoins de son argumentation ;

Qu'il produit lui-même une traduction en français de ces mêmes documents à savoir les décisions rendues par les juridictions d'Israël, qui est parfaitement concordante avec la traduction produite par son ex-épouse ;

Qu'il bénéfice donc d'un procès parfaitement équitable ;

Attendu que c'est également à bon droit que le tribunal a constaté que dans ses dernières conclusions M. S. ne soutenait plus sa demande tendant à la communication de passeports qui au demeurant n'a pas été jugée utile aux débats par les premiers juges ;

Attendu que les exceptions soulevées par M. S. doivent donc être écartées par la Cour comme elles l'ont été par le tribunal ;

I –2  les exceptions soulevées par l'intimée

Attendu que dans ses conclusions du 29 mars 2010, C. B. demande le rejet des pièces communiquées par son adversaire (n° 1 à 158) au motif qu'elles auraient du l'être devant les premiers juges, ce qui n'a pas été le cas alors que leur ancienneté permettait de le faire ;

Qu'elle sollicite également le rejet de la pièce n° 18 (thèse en doctorat de droit de Monsieur G. F.) qui n'a pas été communiquée en temps utile ;

Mais attendu qu'il est loisible aux parties de communiquer en cause d'appel toutes pièces qui leur paraissent utiles aux débats même si elles ne l'ont pas été en première instance, ce, quelle que soit la date à laquelle ces pièces ont été établies ou celle à laquelle elles en ont eu connaissance ;

Que dès lors la demande de rejet de ces pièces doit être écartée ;

Attendu que par ces mêmes écritures judiciaires C. B. sollicite le rejet des conclusions déposées par l'appelant le 15 mars 2010 au motif qu'elles ne contiennent aucune argumentation ni analyse des pièces qui y sont invoquées ;

Mais attendu que ces conclusions, certes succinctes, se réfèrent expressément à l'acte d'assignation contenant appel motivé et que dès lors elles n'encourent pas le grief invoqué ;

Qu'elles doivent être admises pour être soumises à l'appréciation de la Cour ;

II – Sur le fond

Attendu que pour obtenir la réformation partielle du jugement entrepris et s'opposer aux demandes de son ex-épouse, M. S. soutient :

– que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré irrecevable la demande de C. B. tendant à le contraindre sous astreinte à saisir le Tribunal rabbinique de Paris pour qu'il soit procédé à la délivrance du « gueth », ce conformément à la jurisprudence de la Cour de Cassation française,

– que les juridictions rabbiniques de France se sont récusées en refusant de connaître d'une telle demande,

– que la délivrance du « gueth » est discrétionnaire et relève de la seule conscience du mari, entièrement libre d'y procéder ou de s'y refuser,

– que par voie de conséquence le tribunal ne pouvait pas retenir sa responsabilité civile sur le fondement de l'abus de droit, l'exercice d'une prérogative religieuse excluant la notion même d'abus de droit,

– que l'engagement qu'il a pu prendre devant la Cour Suprême de l'État d'Israël consigné dans la motivation de la décision rendue par cette juridiction le 29 novembre 2004 est seulement celui de faire valoir ses arguments devant la juridiction rabbinique de France en y exposant les raisons pour lesquelles il s'est opposé au divorce et donc à la délivrance du « gueth »,

– qu'il appartient à C. B. de saisir la juridiction rabbinique de France devant laquelle il comparaîtra,

– que la prise en considération de la jurisprudence française, à défaut de jurisprudence monégasque en la matière, doit conduire à une interprétation et à une application très stricte dans un État fondé sur la religion ainsi que le stipule l'article 9 de la Constitution Monégasque,

– que dès lors il ne peut être contraint de saisir la juridiction rabbinique comme le demande l'intimée dans le cadre de son appel incident,

– qu'il ne peut pas davantage être tenu pour responsable d'un abus de droit générateur de préjudice dans la mesure où les motivations du refus de la délivrance du « gueth » échappent à l'appréciation des juridictions civiles qui ne peuvent en connaître,

– que ce différend relève de la compétence exclusive de la juridiction religieuse, ce d'autant qu'il était défendeur à l'action en divorce intentée devant la juridiction étatique par son épouse,

– que rien ne permet de caractériser la faute qui a été retenue contre lui par les premiers juges qui ont considéré à tort qu'il agissait par vindicte à l'égard de son épouse et afin de lui nuire en lui interdisant de mener librement une nouvelle vie familiale ;

Attendu que l'appelant affirme que son attitude n'est dictée que par sa seule conviction religieuse et sa conscience, qu'elle ne peut donc être appréciée par la juridiction civile et que par voie de conséquence les demandes de C. B. sont irrecevables ;

Attendu que M. S. demande l'allocation de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que C. B. soutient au contraire :

– qu'elle a entrepris de multiples démarches auprès des juridictions rabbiniques en France pour obtenir de son mari la délivrance du « gueth » mais sans succès en raison de l'attitude obstinée et dilatoire de son mari et de son absence aux convocations qui lui ont été adressées à cette fin pour les 12 mars et 23 juillet 2002,

– que de même, elle a saisi les juridictions rabbiniques d'Israël mais en vain, son mari s'étant à nouveau montré intransigeant lors de l'entretien des époux avec le Président du Tribunal rabbinique de Jérusalem du 9 août 2004,

– que la Cour Suprême d'Israël a cependant consigné dans sa décision du 29 novembre 2004 l'engagement pris dans sa requête par M. S. de «  porter le litige relatif au divorce devant le Tribunal rabbinique en France et de respecter cet engagement »,

– qu'il n'en a rien fait multipliant au contraire les procédures contre elle devant les juridictions étatiques tant en matière civile qu'en matière pénale,

– qu'en s'opposant à la délivrance du « gueth », M. S. commet une faute qui lui occasionne un préjudice certain puisqu'elle se trouve maintenue dans la situation de femme mariée au regard de la religion juive, ce qui lui interdit de contracter une nouvelle union et d'avoir de nouveaux enfants qui seraient alors illégitimes,

– que l'attitude de son mari a été stigmatisée par les autorités religieuses dans les recommandations écrites qu'elles lui ont adressées et par les juridictions rabbiniques du premier degré de l'État d'Israël qui l'ont retenu pendant plusieurs mois dans ce pays où il s'était rendu pour un séjour touristique,

– que cette attitude constitue un abus de droit générateur de préjudice pour l'épouse que les juridictions civiles doivent retenir et sanctionner malgré le principe de laïcité ;

Attendu que C. B. demande en conséquence la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts sauf à en porter le montant à 500 000 € en raison de l'aggravation du préjudice subi au fil du temps outre l'obtention d'une somme supplémentaire de 50 000 € en réparation de son préjudice moral ;

Attendu que dans le cadre de son appel incident C. B. demande que soit infirmée les dispositions de ce jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande tendant à contraindre M. S. à respecter l'engagement pris devant la Cour Suprême de Jérusalem à savoir de «  porter le litige relatif au divorce devant la juridiction rabbinique de France » ;

Qu'elle soutient à cet effet :

– que l'engagement unilatéral ainsi pris par son ex-époux peut être rendu exécutoire par le juge civil, un simple devoir moral s'étant transformé en obligation civile dont l'exécution forcée peut être assortie d'une astreinte ;

*

1/ Sur la demande tendant à contraindre M. S. à saisir la juridiction rabbinique du litige relatif au divorce religieux

Attendu que l'article 23 alinéa 2 de la Constitution de la Principauté de Monaco auquel les premiers juges se sont à bon droit référé stipule expressément que : «  Nul ne peut être contraint de concourir aux actes et aux cérémonies d'un culte »

Attendu que le juge civil ne saurait donc contraindre M. S. à accomplir la délivrance du « gueth » en se soumettant à une cérémonie réglementée par sa religion et tendant à cette fin même s'il en a pris l'engagement devant une juridiction de l'ordre religieux ;

Attendu que l'appel incident de C. B. sera donc rejeté sur ce point ;

2/ Sur la réparation du préjudice invoqué par C. B.

Attendu que c'est à bon droit qu'au visa de l'article 1229 du Code civil le tribunal a considéré, après avoir relaté l'ensemble des démarches patiemment effectuées par C. B. auprès des différentes instances et juridictions religieuses tant en France qu'en Israël et après en avoir décrit les péripéties, que M. S. commettait un abus de droit fautif en refusant de façon obstinée de délivrer le « gueth » à son épouse ;

Que de même le tribunal a parfaitement caractérisé l'intention de nuire qui résulte du comportement de M. S. bien que cet élément ne soit pas nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, l'abus de droit étant suffisant pour qu'elle soit retenue ;

Attendu que pour échapper à cette responsabilité l'appelant ne craint pas de soutenir qu'il appartiendrait à son épouse de l'attraire devant la juridiction rabbinique alors qu'il est démontré qu'il s'y est soustrait à plusieurs reprises malgré les initiatives prises à cet effet par C. B. ;

Que cet argument est donc totalement dénué de pertinence ;

Attendu qu'en retenant la responsabilité civile de M. S. le tribunal, contrairement à ce que soutient l'appelant, ne s'est pas livré à une appréciation des motifs religieux pour lesquels la délivrance du « gueth » était refusée ;

Que sans s'immiscer dans le domaine des convictions religieuses, le juge civil peut en effet constater de façon objective que l'exercice d'une prérogative religieuse comme le refus de délivrance du « gueth » constitue au regard des règles du Code civil un fait générateur de préjudice qui oblige celui par la faute duquel il est survenu à le réparer, sans pour autant se livrer à une appréciation des motifs de ce refus ;

Que le caractère fautif de cet abus de droit résulte à l'évidence de la résistance obstinée de M. S. pendant plusieurs années, malgré les recommandations qui lui ont été adressées par les autorités rabbiniques et les décisions des juridictions rabbiniques qui ont eu à connaître de ce litige ;

Attendu que le préjudice invoqué par C. B. résulte de l'impossibilité dans laquelle elle se trouve depuis près de dix années de contracter une nouvelle union conforme à ses convictions religieuses ;

Que cette situation lui occasionne un préjudice très important en raison de la violence morale qu'elle subit ;

Attendu qu'elle peut donc légitimement prétendre à l'allocation de dommages et intérêts ;

Que l'octroi de dommages et intérêts ne constitue pas une sanction financière équivalente à une astreinte contrairement à ce que soutient l'appelant dans ses écritures ;

Attendu que c'est donc sans se contredire que déclarant irrecevable la demande tendant à contraindre M. S. à délivrer le « gueth » sous astreinte, les premiers juges ont par ailleurs accordé des dommages et intérêts à C. B. ;

Qu'en effet les fondements juridiques de l'une et l'autre de ces mesures diffèrent essentiellement en ce que l'astreinte est une sanction financière destinée à assurer pour l'avenir l'exécution d'une obligation ou d'une interdiction de faire, tandis que l'allocation de dommages et intérêts constitue la réparation d'un préjudice déjà advenu dont l'existence est avérée et certaine ;

Attendu que le tribunal considérant à la fois le préjudice moral et le préjudice financier subis par C. B. du fait des démarches qu'elle a dû accomplir, lui a alloué la somme de 75 000 € ;

Que ce montant doit être maintenu, la Cour considérant qu'il correspond à une juste réparation des préjudices soufferts par l'intimée ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts présentée par M. S. sera rejetée puisqu'il se trouve débouté de son appel ;

Attendu qu'il supportera les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

statuant contradictoirement,

– Reçoit les appels des parties,

– Rejette les exceptions de nullité qu'elles soulèvent,

– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– Rejette les demandes plus amples ou contraires des parties,

– Condamne M. S. aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Etienne LEANDRI, avocat-défenseur,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

M. Robert CORDAS, Premier Président ; Mme Catherine MABRUT, Vice-Président, et M. Thierry PERRIQUET, Conseiller ; M. Gérard DUBES, Premier Substitut du Procureur Général ; Mes Jean-Pierre LICARI, et Joëlle PASTOR-BENSA, avocats défenseurs ; Me Paul GUETTA, Avocat au Barreau de Nice.

Note

Cet arrêt confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu le 26 mars 2009 par le Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27388
Date de la décision : 08/06/2010

Analyses

Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Contentieux et coopération judiciaire ; Infractions contre les personnes


Parties
Demandeurs : S.
Défendeurs : B.

Références :

article 9 de la Constitution
article 23 alinéa 2 de la Constitution
article 1229 du Code civil
Code civil
article 8 de la Constitution


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2010-06-08;27388 ?

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