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02/03/2010 | MONACO | N°2380

Monaco | Cour d'appel, 2 mars 2010, D. S. c/ État de Monaco, D.


Abstract

Vente immobilière - Immeuble dépendant du domaine de l'État

- Acquisition par une épouse de nationalité monégasque mariée à un étranger sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (règlement publié au Journal de Monaco le 15 décembre 1977)

- Acte de vente portant par erreur l'indication non point de ce régime mais de celui de la séparation de biens

- Annulation de la vente : l'erreur commise viciant le consentement de l'État (article 965 alinéa 2 du Code civil), le but du règlement de 1977 étant d'interdire que l'accession à l

a propriété domaniale de l'État ne profite indirectement à un étranger.

Résumé

Il est consta...

Abstract

Vente immobilière - Immeuble dépendant du domaine de l'État

- Acquisition par une épouse de nationalité monégasque mariée à un étranger sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (règlement publié au Journal de Monaco le 15 décembre 1977)

- Acte de vente portant par erreur l'indication non point de ce régime mais de celui de la séparation de biens

- Annulation de la vente : l'erreur commise viciant le consentement de l'État (article 965 alinéa 2 du Code civil), le but du règlement de 1977 étant d'interdire que l'accession à la propriété domaniale de l'État ne profite indirectement à un étranger.

Résumé

Il est constant comme résultant des actes et pièces produits ainsi que des écritures judiciaires des parties qu'une erreur affecte l'acte de vente notarié du 8 juillet 1985 en ce qu'il a mentionné que S. D. épouse S. de nationalité monégasque était mariée « sous le régime légal Monégasque de la séparation des biens » alors qu'en réalité elle l'était sous le régime Français légal de la communauté réduite aux acquêts.

Contrairement à ce qu'invoque l'appelante l'imputabilité de cette erreur est indifférente dans la mesure où l'annulation de la vente litigieuse n'est pas recherchée sur le fondement du dol, c'est-à-dire de l'erreur « provoquée », mais sur celui de l'erreur simple quel qu'en soit le responsable.

Il convient en réalité de vérifier si cette erreur porte sur des qualités essentielles de la personne de l'acheteur conditionnant sa capacité à acquérir et si elle a été déterminante du consentement donné par le co-contractant.

Il résulte du règlement publié au Journal de Monaco du 16 décembre 1977 en vertu duquel la vente litigieuse a été conclue par acte notarié reprenant expressément les dispositions de ce texte, que le système d'accession à la propriété ainsi mis en place l'était au seul bénéfice des personnes ayant la nationalité monégasque (ainsi que le stipule le titre même de ce règlement) y compris aux femmes monégasques mariées à un étranger.

Le texte même comme l'esprit de ce règlement interdisent que par le biais de cessions ou de transmissions quel qu'en soit le mode, le bien immobilier ainsi vendu puisse revenir à un étranger, la politique d'accession à la propriété poursuivie par l'État l'étant au profit de ses seuls nationaux.

Dès lors, ainsi la exactement retenu le tribunal, que la nature du régime matrimonial de la femme monégasque mariée à un étranger est une qualité essentielle ayant déterminé le consentement de l'État vendeur qui a considéré, au vu de la mention erronée affectant l'acte, que l'immeuble vendu ne pourrait en aucun cas être attribué au mari de nationalité étrangère puisque constituant, au contraire, un bien propre de la femme séparée de biens.

C'est donc à bon droit que faisant application de l'article 965 alinéa 2 du Code civil les premiers juges ont considéré que le consentement de l'État à la vente litigieuses avait été ainsi vicié ce qui entraînait l'annulation de l'acte.

La distinction opéré par l'article 3 du règlement de 1977 ne constitue pas une discrimination entre hommes et femmes ainsi que le soutient l'appelante mais, au contraire, permet aux femmes monégasques, même mariées à un étranger, de bénéficier de ses dispositions, à l'instar des hommes de nationalité monégasque, qu'ils soient ou non mariés à une étrangère, mais qui ont, à ce titre, la qualité de « chef de foyer » au sens de l'alinéa 2 de cet article 3.

Par ailleurs le droit de préemption au profit de l'État prévu par le règlement de 1977 ne peut s'exercer aux termes même de l'article 16, qu'en cas de vente de l'immeuble que l'État peut alors décider de racheter.

Cette prérogative ne peut s'exercer dans l'hypothèse d'une attribution du bien par suite de la liquidation d'un régime matrimonial.

Ce moyen soutenu par l'appelante est donc également inopérant ;

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par Madame S. D. épouse S., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 9 octobre 2008.

Considérant les faits suivants :

Madame S. D. épouse S. a relevé appel du jugement rendu le 9 octobre 2008 par le tribunal de première instance qui, à la demande de l'État Monégasque, a prononcé la nullité du contrat de vente dressé par Maître R., notaire, le 8 juillet 1985 portant sur un appartement situé 20 boulevard … à Monaco.

La Cour se réfère pour l'exposé des faits et de la procédure à celui qu'en a exactement fait le tribunal.

Au soutien de son recours l'appelante fait valoir, pour obtenir la réformation de cette décision :

– que l'erreur portant sur la réalité de son régime matrimonial, que le tribunal a retenue comme constituant un vice du consentement entraînant la nullité de l'acte, est exclusivement imputable à l'État co-contractant et au notaire rédacteur ainsi que la Cour d'Appel l'a déjà jugé dans son arrêt du 13 juillet 2006,

– que le jugement entrepris contraire à cet arrêt doit dès lors être infirmé d'autant que cette « erreur » n'a pas pu échapper à la vigilance de l'État compte tenu du caractère exceptionnel de ce type de vente,

– que la discrimination opérée par les premiers juges entre les hommes et les femmes monégasques quant à leur capacité à acquérir un bien immobilier dépendant du Domaine de l'État est contraire aux dispositions de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme,

– que la nature du régime matrimonial ne constitue pas une des qualités substantielles de l'acquéreur au regard de l'article 3 du règlement de 1977 qui fait bénéficier de ses dispositions «  les femmes monégasques mariées à un étranger » sans aucune distinction,

– qu'en tout état de cause le droit de préemption réservé à l'État Monégasque par la réglementation spécifiquement prévue en la matière, éviterait que l'appartement ne devienne propriété d'un étranger par le biais de son attribution dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial,

– que cette liquidation aboutira au contraire à l'attribution de ce bien immobilier à l'épouse compte tenu des récompenses auxquelles elle peut prétendre.

S. D. épouse S. demande en outre la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le conseil de Monsieur M. D. ex époux de S. D. a déposé des conclusions aux termes desquelles il s'en rapporte à Justice n'ayant reçu aucune instruction de son client.

L'État de Monaco conclut principalement à la confirmation du jugement entrepris en reprenant devant la Cour les moyens et arguments soutenus avec succès devant les premiers juges.

À titre subsidiaire, il forme tierce opposition incidente à un jugement du 25 mars 2004 du tribunal de première instance qui, liquidant le régime matrimonial des époux D.-D., a qualifié d'acquêt de communauté le bien immobilier litigieux.

Il demande par ailleurs la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur ce,

Attendu qu'il est constant comme résultant des actes et pièces produits ainsi que des écritures judiciaires des parties qu'une erreur affecte l'acte de vente notarié du 8 juillet 1985 en ce qu'il a mentionné que S. D. épouse S. de nationalité monégasque était mariée «  sous le régime légal Monégasque de la séparation des biens » alors qu'en réalité elle l'était sous le régime légal Français de la communauté réduite aux acquêts ;

Attendu que contrairement à ce qu'invoque l'appelante l'imputabilité de cette erreur est indifférente dans la mesure où l'annulation de la vente litigieuse n'est pas recherchée sur le fondement du dol, c'est-à-dire de l'erreur «  provoquée », mais sur celui de l'erreur simple quel qu'en soit le responsable ;

Attendu qu'il convient en réalité de vérifier si cette erreur porte sur des qualités essentielles de la personne de l'acheteur conditionnant sa capacité à acquérir et si elle a été déterminante du consentement donné par le co-contractant ;

Attendu qu'il résulte du règlement publié au Journal de Monaco du 16 décembre 1977 en vertu duquel la vente litigieuse a été conclue par acte notarié reprenant expressément les dispositions de ce texte, que le système d'accession à la propriété ainsi mis en place l'était au seul bénéfice des personnes ayant la nationalité monégasque (ainsi que le stipule le titre même de ce règlement) y compris aux femmes monégasques mariées à un étranger ;

Que le texte même comme l'esprit de ce règlement interdisent que par le biais de cessions ou de transmissions quel qu'en soit le mode, le bien immobilier ainsi vendu puisse revenir à un étranger, la politique d'accession à la propriété poursuivie par l'État l'étant au profit de ses seuls nationaux ;

Attendu dès lors, ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, que la nature du régime matrimonial de la femme monégasque mariée à un étranger est une qualité essentielle ayant déterminé le consentement de l'État vendeur qui a considéré, au vu de la mention erronée affectant l'acte, que l'immeuble vendu ne pourrait en aucun cas être attribué au mari de nationalité étrangère puisque constituant, au contraire, un bien propre de la femme séparée de biens ;

Attendu que c'est donc à bon droit que faisant application de l'article 965 alinéa 2 du Code civil les premiers juges ont considéré que le consentement de l'État à la vente litigieuse avait été ainsi vicié ce qui entraînait l'annulation de l'acte ;

Attendu que la distinction opérée par l'article 3 du règlement de 1977 ne constitue pas une discrimination entre hommes et femmes ainsi que le soutient l'appelante mais, au contraire, permet aux femmes monégasques, même mariées à un étranger, de bénéficier de ses dispositions, à l'instar des hommes de nationalité monégasque, qu'ils soient ou non mariés à une étrangère, mais qui ont, à ce titre, la qualité de «  chef de foyer » au sens de l'alinéa 2 de cet article 3 ;

Attendu par ailleurs que le droit de préemption au profit de l'État prévu par le règlement de 1977 ne peut s'exercer aux termes même de l'article 16, qu'en cas de vente de l'immeuble que l'État peut alors décider de racheter ;

Que cette prérogative ne peut s'exercer dans l'hypothèse d'une attribution du bien par suite de la liquidation d'un régime matrimonial ;

Attendu que ce moyen soutenu par l'appelante est donc également inopérant ;

Attendu enfin que la tierce opposition au jugement du 25 mars 2004 formée par l'État à titre subsidiaire ne peut être reçue devant la Cour qui n'est saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, que de l'instance ayant donné lieu au jugement du 9 octobre 2008 ;

Attendu que la demande de dommages et intérêts présentée par l'intimé n'est pas motivée et ne peut donc être satisfaite ;

Attendu que les dépens d'appel seront à la charge de S. D. épouse S. qui succombe

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco, statuant contradictoirement,

– Constate que M. D. s'en rapporte à Justice,

– Confirme le jugement entrepris du 9 octobre 2008,

– Déclare irrecevable devant la Cour la tierce opposition formée par l'État de Monaco au jugement du 25 mars 2004,

– Rejette sa demande de dommages et intérêts,

– Condamne S. D. épouse S. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître J. P.-B. et Maître D. E., avocats-défenseurs, sous leur due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

M. Robert CORDAS, Premier Président ; Mme Catherine MABRUT, Vice-Président, M. Gérard FORET-DODELIN, Conseiller, M. Gérard DUBES, Premier Substitut du Procureur Général ; Mes Jean-Pierre LICARI, Joëlle PASTOR-BENSA, Didier ESCAUT, avocats défenseurs ; Me Jean-Pierre GASTAUD, avocat au barreau de Nice. -

Note

NOTE : Cet arrêt confirme le jugement rendu le 9 octobre 2008 par le tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2380
Date de la décision : 02/03/2010

Analyses

Droit des étrangers ; Contrat de vente ; Propriété des personnes publiques et domaine public


Parties
Demandeurs : D. S.
Défendeurs : État de Monaco, D.

Références :

article 965 alinéa 2 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2010-03-02;2380 ?

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