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18/11/2008 | MONACO | N°27376

Monaco | Cour d'appel, 18 novembre 2008, K. c/ Mrs L., J. et les autres


Abstract

Baux d'habitation

Droit à la location - Pour deux périodes successives de 6 ans - Loi n° 1.159 du 20 décembre 1992 modifiant l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 - Congé donné par le bailleur à l'issue du bail d'une durée de 6 ans, sans effet - Droit acquis du locataire à la reconduction pour une nouvelle période de 6 ans

Résumé

Le bail liant les parties a été conclu pour une durée de six ans à compter du 1er février 1999, sous l'empire de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 ;

Selon l'article 2 alinéa 2 de la

dite loi tel que modifié par la loi n° 1.159 du 20 décembre 1992, les locaux d'habitation relevant...

Abstract

Baux d'habitation

Droit à la location - Pour deux périodes successives de 6 ans - Loi n° 1.159 du 20 décembre 1992 modifiant l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 - Congé donné par le bailleur à l'issue du bail d'une durée de 6 ans, sans effet - Droit acquis du locataire à la reconduction pour une nouvelle période de 6 ans

Résumé

Le bail liant les parties a été conclu pour une durée de six ans à compter du 1er février 1999, sous l'empire de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 ;

Selon l'article 2 alinéa 2 de ladite loi tel que modifié par la loi n° 1.159 du 20 décembre 1992, les locaux d'habitation relevant du secteur locatif doivent être offerts à la location pour deux périodes successives de six ans, en faveur des personnes appartenant aux catégories protégées par cette loi ;

Les bailleurs contestent à leur locataire la qualité de personne protégée ;

Cependant cette qualité est établie par le courrier du directeur de l'habitat en date du 20 février 2008 confirmant l'inscription de S.K. sur le registre spécial prévu par la loi en qualité de personne protégée depuis le 4 décembre 1992 ce qui lui a permis d'être logée depuis cette date dans des locaux relevant du secteur protégé ;

S.K. s'est vu notifier le 19 juillet 2004 par ses bailleurs un congé pour le 31 janvier 2005 terme du bail ;

Elle revendique à son profit, le bénéfice des dispositions susvisées de l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 modifiée, c'est-à-dire le renouvellement du bail pour une nouvelle période de six ans ;

Les bailleurs contestent ce droit en soutenant que leur locataire y aurait renoncé en signant un contrat de bail d'une seule durée de six ans ;

Cependant cet argument ne saurait prospérer dès lors que le bail prévoit qu'il est conclu en conformité avec les dispositions des lois n° 1.118 du 18 juillet 1988 et n° 1.159 du 29 décembre 1992, cette dernière loi ayant précisément instauré au profit du locataire deux périodes successives de location ;

Il suit de là que le bail a nécessairement intégré dans son champ contractuel le droit pour le preneur au renouvellement du bail pour une nouvelle période de six ans, tel que prévu par la loi susvisée ;

La loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 laquelle a abrogé la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 dispose dans l'article 33 que « les baux en cours consentis sur la base des dispositions de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 modifiée demeurent valables jusqu'à leur terme » ;

Cette disposition ne remet pas en cause le droit accordé au preneur par la loi n° 1.118 précitée ;

Ainsi la validité et la durée des baux consentis sous l'empire de la loi n° 1.118 n'ayant pas été remises en cause par la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, il y a lieu de dire que S.K. avait un droit acquis à la reconduction de son bail pour une nouvelle période de six ans à compter du 1 er février 2005, ainsi qu'elle le sollicite, et que le congé donné le 19 juillet 2004 est sans effet ;

La décision du tribunal doit donc être réformée et les bailleurs déboutés de leur prétention.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par S.K., à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Première Instance du 26 octobre 2006.

Considérant les faits suivants :

M.L., B.L., A.L., M.Z., A.M.F., R. et G.J. sont copropriétaires d'un appartement situé 20 rue G. à Monaco soumis à la loi n° 1.118 du 19 juillet 1988 modifiée relative aux conditions de location de certains locaux à usage d'habitation.

Cet appartement a été loué à S.K. suivant un bail du 1 er février 1999 pour une durée de six ans expirant le 31 janvier 2005.

Les bailleurs ont donné congé à leur locataire le 19 juillet 2004 pour le terme du bail.

La locataire s'est opposée à ce congé en se prévalant des dispositions de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 19 juillet 1988 modifiée, selon lesquelles les locaux relevant de cette loi doivent être offerts à la location pour deux périodes successives de six ans, en faveur des personnes qui appartiennent aux catégories protégées par ladite loi. Elle estime, en effet, bénéficier en vertu de ce texte, d'un droit acquis au renouvellement du bail pour une nouvelle période de six ans.

Par le jugement déféré, le Tribunal de première instance a déclaré valable le congé, a dit que S.K. occupe les locaux sans droit ni titre depuis le 1 er février 2005, a déclaré satisfactoire les règlements effectués par cette dernière à hauteur de 5 509,75 euros, a dit qu'elle devra quitter les lieux dans les deux mois de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard et ordonné à défaut de ce faire, son expulsion avec l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier si nécessaire, a débouté les parties du surplus de leurs demandes, a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que S.K. ne démontrait pas sa qualité de personne protégée lors de la conclusion du bail, que cette qualité acquise en cours de bail par l'effet de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 n'est pas rétroactive, qu'elle ne peut donc se prévaloir d'un droit au renouvellement qui ne lui était pas acquis lors de la conclusion du bail, que la loi n° 1.235 prévoit une reconduction tacite des contrats de location de même qu'elle prévoit que les baux consentis sous l'empire de la loi n° 1.118 ne restent valables que jusqu'à leur terme, qu'il n'existe pas, conséquence, aujourd'hui, pour les personnes protégées en application de la loi n° 1.235 modifiée par la loi n° 1.291 du 21 décembre 2004 de droit au renouvellement du bail.

S.K. a relevé appel parte in qua de ce jugement. Elle demande à la cour de le réformer en ce qu'il a déclaré le congé valable et ordonné son expulsion, et en conséquence, de dire et juger que le contrat de bail conclu sous l'empire de la loi n° 1.118 a été reconduit de plein droit à son échéance pour une nouvelle période de six ans, de dire sans effet de congé donné, de condamner les intimés au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Elle soutient que sa qualité de personne protégée découle de la loi n° 1.118 elle-même puisque les locaux visés ne pouvaient être offerts à la location, selon l'article 2 de la loi, qu'aux personnes appartenant aux catégories protégées énumérées dans son article 5.

Elle fait valoir en outre, que la qualité de personne protégée lui est reconnue par l'article 4 de la loi n° 1.235, repris par la loi n° 1.291 et que l'article 11 de la loi n° 1.235 modifiée prévoit pour les personnes protégées le droit au renouvellement.

En réponse, les bailleurs concluent à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation qu'ils demandent à la cour de fixer à la somme de 10 151,82 euros par voie d'appel incident.

Ils demandent en outre la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 2 500 euros pour appel abusif.

Ils soutiennent essentiellement d'une part, que l'appelante n'établit pas sa qualité de personne protégée lors de la conclusion du bail, d'autre part, qu'elle a renoncé aux règles de protection d'ordre public prévue par la loi n° 1.118 en signant un contrat de bail d'une seule durée de six ans et en acceptant que les modifications à cette loi soient d'application immédiate ce qui a eu pour effet de rendre applicable au bail la loi n° 1.235 qui permet au bailleur de ne pas renouveler le bail.

Les parties ont ensuite développé leur argumentation ainsi qu'il suit :

S.K. fait valoir que :

* sa qualité de personne protégée par la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 est non seulement présumée puisque les locaux visés par cette loi ne peuvent être offerts à la location qu'en faveur des personnes qui appartiennent aux catégories protégées par ladite loi mais cette qualité est établie par un courrier de la Direction de l'Habitat en date du 20 février 2008 précisant qu'elle a été inscrite en qualité de personne protégée le 4 décembre 1992 sur le registre prévu par la loi et renouvelée le 12 juin 1996 permettant ainsi l'attribution de l'appartement objet du bail du 1 er février 1999,

* elle a donc un droit acquis au renouvellement de ce bail pour une nouvelle période de six ans,

* la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 qui a abrogé la loi n° 1.118 ne contient pas de disposition contraire à l'article 2 alinéa 2 de cette loi,

* la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 prévoit dans son article 33 que les baux consentis sur la base des dispositions de la loi n° 1.118 demeurent valables jusqu'à leur terme ce qui signifie, ainsi que le tribunal l'a déjà jugé, dans des affaires similaires, que la durée et la validité des baux inscrits sous l'empire de la loi n° 1.118 ne sont pas remis en cause,

* l'article 4 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 modifiée lui reconnaît également la qualité de personnes protégée,

* cette loi modifiée par la loi n° 1.291 du 21 décembre 2004 instaure un renouvellement de plein droit au bail dont elle bénéficie.

Les bailleurs soutiennent que :

* la preuve de la qualité de personne protégée lors de la conclusion du bail, ne peut résulter des courriers de la Direction de l'Habitat laquelle n'a pas compétence pour attribuer cette qualité.

* la qualité de personne protégée n'a été acquise par l'intéressée qu'à la date de la promulgation de la loi n° 1.291 du 21 décembre 2004, sans effet rétroactif,

* la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 a laissé au bailleur la liberté de ne pas renouveler le bail,

* c'est sous l'empire de cette loi qu'ils ont donné congé à leur locataire et ce congé est donc valable,

* à titre subsidiaire, ils réitèrent l'argumentation déjà développée sur les conditions particulières du bail dérogatoires au droit commun, acceptés par l'intimée,

* sur l'appel incident, ils réactualisent leurs demandes en paiement de l'indemnité d'occupation pour la porter à la somme de 23 633,14 euros dont l'appelante s'est acquittée pour un montant de 17 780,20 euros,

SUR CE,

Considérant que le bail liant les parties a été conclu pour une durée de six à compter du 1er février 1999, sous l'empire de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 ;

Considérant que selon l'article 2 alinéa 2 de ladite loi, tel que modifiée par la loi n° 1.159 du 20 décembre 1992, les locaux d'habitation relevant du secteur locatif doivent être offerts à la location pour deux périodes successives de six ans, en faveur des personnes appartenant aux catégories protégées par cette loi ;

Considérant que les bailleurs contestent à leur locataire la qualité de personne protégée ;

Que cependant cette qualité est établie par le courrier du directeur de l'habitat en date du 20 février 2008 confirmant l'inscription de S.K. sur le registre spécial prévu par la loi en qualité de personne protégée depuis le 4 décembre 1992 ce qui lui a permis d'être logée depuis cette date dans des locaux relevant du secteur protégé ;

Considérant que S.K. s'est vu notifier le 19 juillet 2004 par ses bailleurs un congé pour le 31 janvier 2005 terme du bail ;

Qu'elle revendique à son profit, le bénéfice des dispositions susvisées de l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 modifiée, c'est-à-dire le renouvellement du bail pour une nouvelle période de six ans ;

Considérant que les bailleurs contestent ce droit en soutenant que leur locataire y aurait renoncé en signant un contrat de bail d'une seule durée de six ans ;

Que cependant cet argument ne saurait prospérer dès lors que le bail prévoit qu'il est conclu en conformité avec les dispositions des lois n° 1.118 du 18 juillet 1988 et n° 1.159 du 29 décembre 1992, cette dernière loi ayant précisément instauré au profit du locataire deux périodes successives de location ;

Qu'il suit de là que le bail a nécessairement intégré dans son champ contractuel le droit pour le preneur au renouvellement du bail pour une nouvelle période de six ans, tel que prévu par la loi susvisée ;

Considérant que la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000 laquelle a abrogé la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 dispose dans article 33 que « les baux en cours consentis sur la base des dispositions de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988 modifiée demeurent valables jusqu'à leur terme » ;

Que cette disposition ne remet pas en cause le droit accordé au preneur par la loi n° 1.118 précitée ;

Qu'ainsi la validité et la durée des baux consentis sous l'empire de la loi n° 1.118 n'ayant pas été remises en cause par la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000, il y a lieu de dire que S.K. avait un droit acquis à la reconduction de son bail pour une nouvelle période de six ans à compter du 1 er février 2005, ainsi qu'elle le sollicite, et que le congé donné le 19 juillet 2004 est sans effet ;

Que la décision du tribunal doit donc être réformée et les bailleurs déboutés de leur prétention ;

Considérant sur la demande de dommages et intérêts formée par S.K. que le litige ayant opposé les parties revêtait un caractère complexe et que les bailleurs ont ainsi pu se méprendre sur la portée de leurs droits ; qu'en conséquence, ils n'apparaissent pas avoir agi abusivement ;

Que S.K. sera donc déboutée de sa demande en paiement du dommage et intérêt de ce chef ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la principauté de Monaco,

statuant contradictoirement,

* Infirme le jugement du Tribunal de première instance du 26 octobre 2006,

* Dit et juge que S.K. a droit à la reconduction de son bail pour une nouvelle période de six ans, à compter du 1er février 2005,

* Dit et juge sans effet, le congé notifié par les bailleurs le 19 juillet 2004,

* Déboute S.K. de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

* Condamne les intimés aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Jean-Pierre LICARI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

* Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Mme FRANCOIS prem. prés. ; M. DUBES prem. subst. proc. gén. ; Mes REY, LICARI et PASQUIER-CUILLA av. déf.

Note

Cet arrêt informe le jugement rendu le 26 octobre 2005 par le Tribunal de première instance qui avait déclaré valable le congé à l'issue du bail de 6 ans.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27376
Date de la décision : 18/11/2008

Analyses

Baux


Parties
Demandeurs : K.
Défendeurs : Mrs L., J. et les autres

Références :

loi n° 1.118 du 19 juillet 1988
loi n° 1.235 du 28 décembre 2000
article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 19 juillet 1988
Loi n° 1.159 du 20 décembre 1992
article 2 alinéa 2 de la loi n° 1.118 du 18 juillet 1988
loi n° 1.291 du 21 décembre 2004
article 4 de la loi n° 1.235 du 28 décembre 2000
loi n° 1.118 du 18 juillet 1988


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2008-11-18;27376 ?

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