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20/05/2008 | MONACO | N°27375

Monaco | Cour d'appel, 20 mai 2008, Sté B. B. Monaco c/ S.


Abstract

Banque

Dépositaire - Obligation de restitution - Article 1776 du Code civil - Restitutions opérées au détriment du déposant - Manquement de la banque : tenue de vérifier l'authenticité d'ordres de paiement présentant des anomalies

Dépôt

Obligation de restitution du déposant - Article 1776 du Code civil

Incidents relatifs à la preuve par écrit

Vérification des écritures - Article 279 CPC - Possibilité pour la juridiction de statuer immédiatement si elle possède des éléments suffisants

Résumé

L'article 1776 du

Code civil dispose que « le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée ou à celu...

Abstract

Banque

Dépositaire - Obligation de restitution - Article 1776 du Code civil - Restitutions opérées au détriment du déposant - Manquement de la banque : tenue de vérifier l'authenticité d'ordres de paiement présentant des anomalies

Dépôt

Obligation de restitution du déposant - Article 1776 du Code civil

Incidents relatifs à la preuve par écrit

Vérification des écritures - Article 279 CPC - Possibilité pour la juridiction de statuer immédiatement si elle possède des éléments suffisants

Résumé

L'article 1776 du Code civil dispose que « le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée ou à celui... qui a été indiqué pour la recevoir » ;

L'article 1094 du même code édicte que « le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui...» ;

L'article 1162, alinéa 2 prévoit que « ... celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;

Il s'évince de la combinaison de ces dispositions que la banque tenue, en sa qualité de dépositaire, d'une obligation de restitution à son client lui-même ou à la personne désignée par lui, doit justifier que le paiement par elle effectué est libératoire pour avoir été régulièrement réalisé entre les mains de la personne désignée par le déposant ;

Que l'authenticité des deux ordres litigieux respectivement en date des 19 avril 2004 pour le virement de la somme de 65 000 euros sur un compte sis en Thaïlande et 29 avril 2004 pour le virement de la somme de 20 000 euros sur un compte londonien a été immédiatement contestée par H.S. ;

N'ayant pas la possession matérielle de ces deux ordres de paiement qui avaient été traités et conservés par la banque et dont elle lui opposait le paiement intervenu, H.S. ne pouvait dès lors déposer plainte à leur encontre du chef de faux et aucun grief ne peut être articulé à son encontre de ce que seule la banque s'est exécutée de chef ;

Saisie d'une contestation élevée par le déposant à l'encontre de la validité des restitutions réalisées par elle en sa qualité de dépositaire, la banque est infondée à invoquer les règles de la responsabilité contractuelle résultant de la convention de gestion du compte ouvert dans ses livres par H.S., et à se prévaloir de l'absence de commission d'une faute lourde, alors que seules les règles afférentes au dépôt doivent recevoir application en l'espèce ;

C'est ainsi qu'il incombe à la banque en sa qualité de dépositaire, de démontrer qu'en exécutant les deux ordres de paiement reçus par elle et dont elle imputait l'origine à H.S., elle n'a pas commis de faute et qu'elle s'est dès lors valablement libérée de son obligation de restitution à son endroit ;

Les deux ordres de paiement présentaient des anomalies manifestes au regard des ordres précédemment traités par la banque et émanant régulièrement de H.S. ;

Ils avaient été acheminés de manière inaccoutumée non pas par voie télégraphique mais par la poste ;

La présentation matérielle des deux ordres différait des ordres télégraphiques habituels en ce qu'ils ne contenaient pas les mentions des coordonnées téléphoniques et télégraphiques auxquelles la banque pouvait joindre H.S. pour les authentifier ;

La présentation rédactionnelle des deux ordres litigieux différait également quant au style adopté et au contenu de l'expression écrite qui y figurait, dès lors que la cause de l'ordre de paiement, en dérogeant en cela aux précédents, avait été mentionnée par leur scripteur ;

De la même manière, il avait été indiqué que la prise en charge des frais incombait au titulaire du compte ;

Les deux ordres de paiement ayant présenté un mode d'acheminement inhabituel, dans des conditions propres à attirer a minima l'attention de la banque, celle-ci n'a pas été en mesure de présenter à H.S. qui l'a réclamée en vain, l'enveloppe ayant contenu le dernier ordre de paiement ;

H.S. démontre en effet par la production de courriers postés de Côte d'Ivoire à destination de son conseil à Monaco, que les délais moyens de transport d'un courrier de ce type parti d'Afrique à destination de Monaco sont de l'ordre de 8 jours et que le dernier ordre de virement en date du 29 avril 2004 et posté d'Abidjan le jour même, tel qu'acheminé dans les conditions évoquées par la banque, ne pouvait arriver régulièrement le 4 mai à Monaco et être traité ce jour là par la banque ;

Le caractère singulier de cet acheminement n'a pas davantage attiré l'attention de la banque ;

Au regard de l'ensemble de ces anomalies, la banque ne pouvait limiter son contrôle au seul examen formel de la signature apposée sur les deux ordres litigieux ;

Pour tenter d'accréditer l'authenticité du dernier ordre de virement, la banque expose que celui-ci était accompagné d'une seconde lettre qu'elle n'a pas pu ne pas imputer à H.S., dès lors qu'elle contenait un bordereau de remise de trois chèques à porter au crédit du compte sur lequel il lui était demandé de débiter la somme de 20 000 euros :

Toutefois l'économie générale de cette lettre de remise de chèques diffère, notamment dans sa présentation, de celle des lettres ayant accompagné les précédents bordereaux de remise émanant de H.S., pour se rapprocher de manière significative des deux ordres de paiement litigieux :

Cette anomalie aurait du éveiller à nouveau l'attention de la banque ;

Celle-ci ne rapporte pas la preuve de s'être livrée à une étude approfondie de ces courriers notamment en recourant à une contre-vérification par appel téléphonique du donneur d'ordre, sachant que tous les précédents ordres de virements télégraphiques qui lui étaient parvenus et qu'elle avait traités à la satisfaction de H.S. contenaient de telles indications, et qu'elle en était dès lors régulièrement en possession par la consultation de ses archives ;

Le mode d'acheminement de ces courriers par voie postale ne dispensait pas la banque d'effectuer les mêmes vérifications que lorsqu'elle était saisie par voie télégraphique :

Il est dès lors établi que ces deux ordres de paiement ainsi que la lettre de remise des 3 chèques n'ont pas été traités par la banque avec l'attention approfondie qu'ils méritaient notamment en raison de leur provenance étrangère et de ce que leur authenticité ne pouvait être intrinsèquement garantie ;

La banque a failli à son obligation de s'assurer que les noms et les références bancaires des deux bénéficiaires désignés par les deux ordres de virement litigieux, émanaient bien de la volonté incontestée de H.S. ;

Si les signatures figurant sur chacun des deux ordres de paiement litigieux empruntaient à l'original dont disposait la banque certaines similitudes, elles présentaient toutefois des différences perceptibles notamment quant à la taille de la signature contrefaite laquelle était dilatée que l'originale ;

Aux termes de l'article 279 du Code de procédure civile, le Tribunal saisi en cours d'instance d'un incident de vérification d'écritures peut statuer immédiatement s'il possède des éléments d'appréciation suffisants ou ordonner la comparution des parties à cette fin puis instaurer une mesure d'expertise ;

Ces dispositions légales n'emportent pas obligation pour le tribunal d'ordonner un examen graphologique s'il possède des éléments suffisants pour asseoir sa décision ;

En l'espèce le tribunal disposait par la comparaison des signatures litigieuses avec les originaux des éléments suffisants pour statuer immédiatement sans recourir à une procédure de vérification plus étendue des écritures ;

Aucun grief ne peut être articulé à son encontre de ce chef ;

Dès lors que les premiers juges ont valablement considéré que la banque ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle s'était régulièrement libérée de son obligation de restitution des fonds et l'ont condamnée au paiement des sommes réclamées par H.S. ;

Le refus apporté par la banque à recréditer le compte de H.S. du montant des sommes qu'elle avait irrégulièrement débitées, alors qu'elle ne pouvait ignorer le caractère frauduleux des deux ordres de paiement litigieux n'a pas manqué de générer un préjudice au détriment de celui-ci ;

C'est à bon droit que les premiers juges ont satisfait à la demande de dommages-intérêts par lui présentée ;

Il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la Société B. B. PLC à l'encontre d'un jugement prononcé le 31 mai 2007 par le Tribunal de première instance.

Considérant les faits suivants :

H. S. qui demeure en Côte d'Ivoire, a assigné en paiement la Société B. B. PLC à Monaco, à laquelle il fait grief d'avoir indûment honoré deux ordres de virement de 65 000 euros et de 20 000 euros, par le débit du compte ouvert par lui dans les livres de la banque, au profit de deux comptes étrangers sis à Londres et à Bangkok

Aux termes du jugement déféré, le tribunal a considéré que la banque tenue d'une obligation de restitution à l'égard du déposant, ne rapportait pas la preuve qu'elle s'était valablement libérée de cette obligation, et l'a condamnée au versement au profit de H. S. de la somme de 85 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 février 2007, outre la somme de 7 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Selon acte délivré le 31 juillet 2007 par le ministère de Maître Notari, la Société B. B. PLC a fait délivrer assignation devant la Cour d'appel en intimant H. S.

Elle conclut à l'infirmation de la décision entreprise, au rejet de toutes les prétentions de H. S., et forme une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure téméraire et abusive.

Elle soutient qu'elle a été particulièrement vigilante dans sa manière de traiter les deux ordres de paiement litigieux, alors que les précédents courriers aux mêmes fins de H. S. revêtaient des différences entre eux, que le dernier ordre de paiement litigieux était accompagné d'un bordereau de remise de trois chèques sur son compte, ce qui ne pouvait qu'accréditer le fait que cet ordre de paiement émanait bien de lui, et qu'aux termes des dispositions générales de la convention de compte courant la liant à H. S., elle n'est responsable que de sa faute lourde, dont H. S. ne rapporte pas la preuve qu'elle l'ait commise.

Elle fait grief à H. S. de n'avoir pas déposé plainte pour faux et usage de faux et de s'être contenté de l'actionner devant la juridiction civile, sans même requérir la mise en place d'une procédure en vérification d'écriture.

Elle argue enfin que cette procédure lui crée un préjudice par le discrédit qu'elle porte sur ses activités de banque, dans des conditions propres à fonder sa demande de dommages-intérêts.

Par conclusions déposées le 2 octobre 2007, H. S. sollicite la confirmation du jugement.

Il rappelle que le banquier dépositaire des fonds n'est pas libéré par un acte falsifié, sauf pour lui à rapporter la preuve qu'il a avec diligence, effectué les vérifications nécessaires pour s'assurer de la crédibilité du faux ordre de transfert.

Il expose que tous les ordres de paiement dont il était l'auteur indiquaient systématiquement ses références téléphoniques et télégraphiques, dans des conditions propres à permettre à la banque de le joindre préalablement avant de procéder au paiement et que les deux ordres litigieux, arrivés de surcroît par la voie postale, ne contenaient pas ces indications.

Il observe que la lettre du 29 avril 2004 contenant le bordereau de remise de trois chèques dont se prévaut la banque est un faux, car il a acheminé ces trois chèques selon lettre du 22 mars 2004 postée le même jour à Abidjan, sachant que si cette lettre a été datée et postée ainsi que l'indique la banque le 29 avril, les délais de son acheminement de l'Afrique vers la France sont tels qu'elle ne pouvait pas être traitée par la banque le 4 mai 2004.

Il indique que la banque n'a pas été en mesure de produire l'enveloppe d'acheminement du courrier reçu et traité par elle le 4 mai.

Il fait valoir que le visa de décharge apposé par la banque sur ces deux ordres litigieux a été appliqué sans recherches particulières.

Il argue que la banque est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'avoir fait toute diligence pour s'assurer de l'authenticité des deux ordres de paiement litigieux, alors que la nature atypique et donc anormale de ces deux ordres ne pouvait lui échapper et qu'il se déduit de la plainte déposée par la banque, qu'elle a conscience que ces deux ordres étaient des faux.

Il observe en dernier lieu que la responsabilité de la banque n'est pas recherchée en sa qualité de prestataire d'un service financier qui se serait révélé défectueux, mais en sa qualité de dépositaire des fonds lui appartenant et comme tel, tenu pour se prétendre libérée de son obligation de restitution, de démontrer le fait à l'origine de l'extinction de son obligation de paiement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 décembre 2007, la Société B. B. PLC a maintenu que le tribunal aurait du recourir à une expertise graphologique plutôt que de procéder lui-même à l'examen de la régularité des signatures apposées sur les deux ordres litigieux.

Elle réaffirme avoir traités ces ordres avec la plus grande minutie et ne pas y avoir décelé d'anomalies, alors que la présentation matérielle de ceux-ci ne justifiaient pas qu'elle recoure à un contre-appel de complément, d'autant que le dernier ordre de paiement était accompagné d'un bordereau de remise de 3 chèques alors qu'elle n'a jamais reçu la lettre que H. S. dit avoir expédiée le 22 mars 2004.

Elle insiste en dernier lieu sur les dispositions contractuelles régissant le compte courant de H. S. de nature à exclure sa responsabilité sauf en cas de faute lourde.

SUR CE,

Considérant que l'article 1776 du Code civil dispose que « le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée ou à celui... qui a été indiqué pour la recevoir » ;

Que l'article 1094 du même code édicte que « le paiement doit être fait au créancier ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui... »

Que l'article 1162, alinéa 2 prévoit que « ... celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation » ;

Qu'il s'évince de la combinaison de ces dispositions que la banque tenue, en sa qualité de dépositaire, d'une obligation de restitution à son client lui-même ou à la personne désignée par lui, doit justifier que le paiement par elle effectué est libératoire pour avoir été régulièrement réalisé entre les mains de la personne désignée par le déposant ;

Considérant que l'authenticité des deux ordres litigieux respectivement en date des 19 avril 2004 pour le virement de la somme de 65 000 euros sur un compte sis en Thaïlande et 29 avril 2004 pour le virement de la somme de 20 000 euros sur un compte londonien a été immédiatement contestée par H. ;

Que n'ayant pas la possession matérielle de ces deux ordres de paiement qui avaient été traités et conservés par la banque et dont elle lui opposait le paiement intervenu, H. S. ne pouvait dès lors déposer plainte à leur encontre du chef de faux et aucun grief ne peut être articulé à son encontre de ce que seule la banque s'est exécutée de chef ;

Considérant que saisie d'une contestation élevée par le déposant à l'encontre de la validité des restitutions réalisées par elle en sa qualité de dépositaire, la banque est infondée à invoquer les règles de la responsabilité contractuelle résultant de la convention de gestion du compte ouvert dans ses livres par H. S., et à se prévaloir de l'absence de commission d'une faute lourde, alors que seules les règles afférentes au dépôt doivent recevoir application en l'espèce ;

Que c'est ainsi qu'il incombe à la banque en sa qualité de dépositaire, de démontrer qu'en exécutant les deux ordres de paiement reçus par elle et dont elle imputait l'origine à H. S. elle n'a pas commis de faute et qu'elle s'est dès lors valablement libérée de son obligation de restitution à son endroit ;

Considérant que les deux ordres de paiement présentaient des anomalies manifestes au regard des ordres précédemment traités par la banque et émanant régulièrement de H. S. ;

Qu'ils avaient été acheminés de manière inaccoutumée non pas par voie télégraphique mais par la poste ;

Que la présentation matérielle des deux ordres différait des ordres télégraphiques habituels en ce qu'ils ne contenaient pas les mentions des coordonnées téléphoniques et télégraphiques auxquelles la banque pouvait joindre H. S. pour les authentifier ;

Que la présentation rédactionnelle des deux ordres litigieux différait également quant au style adopté et au contenu de l'expression écrite qui y figurait, dès lors que la cause de l'ordre de paiement, en dérogeant en cela aux précédents, avait été mentionnée par leur scripteur ;

Que de la même manière, il avait été indiqué que la prise en charge des frais incombait au titulaire du compte ;

Que les deux ordres de paiement ayant présenté un mode d'acheminement inhabituel, dans des conditions propres à attirer a minima l'attention de la banque, celle-ci n'a pas été en mesure de présenter à H S qui l'a réclamée en vain, l'enveloppe ayant contenu le dernier ordre de paiement ;

Que H. S. démontre en effet par la production de courriers postés de Côte d'Ivoire à destination de son conseil à Monaco, que les délais moyens de transport d'un courrier de ce type parti d'Afrique à destination de Monaco sont de l'ordre de 8 jours et que le dernier ordre de virement en date du 29 avril 2004 et posté d'Abidjan le jour même, tel qu'acheminé dans les conditions évoquées par la banque, ne pouvait arriver régulièrement le 4 mai à Monaco et être traité ce jour là par la banque;

Considérant que le caractère singulier de cet acheminement n'a pas davantage attiré l'attention de la banque ;

Considérant qu'au regard de l'ensemble de ces anomalies, la banque ne pouvait limiter son contrôle au seul examen formel de la signature apposée sur les deux ordres litigieux ;

Considérant que pour tenter d'accréditer l'authenticité du dernier ordre de virement, la banque expose que celui-ci était accompagné d'une seconde lettre qu'elle n'a pas pu ne pas imputer à H. S., dès lors qu'elle contenait un bordereau de remise de trois chèques à porter au crédit du compte sur lequel il lui était demandé de débiter la somme de 20 000 euros ;

Considérant toutefois que l'économie générale de cette lettre de remise de chèque diffère, notamment dans sa présentation, de celle des lettres ayant accompagné les précédents bordereaux de remise émanant de H. S., pour se rapprocher de manière significative des deux ordres de paiement litigieux ;

Que cette anomalie aurait du éveiller à nouveau l'attention de la banque ;

Considérant que celle-ci ne rapporte pas la preuve de s'être livrée à une étude approfondie de ces courriers notamment en recourant à une contre-vérification par appel téléphonique du donneur d'ordre, sachant que tous les précédents ordres de virements télégraphiques qui lui étaient parvenus et qu'elle avait traités à la satisfaction de H. S., contenaient de telles indications, et qu'elle en était dès lors régulièrement en possession par la consultation de ses archives ;

Considérant que le mode d'acheminement de ces courriers par voie postale ne dispensait pas la banque d'effectuer les mêmes vérifications que lorsqu'elle était saisie par voie télégraphique ;

Considérant qu'il est dès lors établi que ces deux ordres de paiement ainsi que la lettre de remise des 3 chèques n'ont pas été traités par la banque avec l'attention approfondie qu'ils méritaient notamment en raison de leur provenance étrangère et de ce que leur authenticité ne pouvait être intrinsèquement garantie ;

Que la banque a failli à son obligation de s'assurer que les noms et les références bancaires des deux bénéficiaires désignés par les deux ordres de virement litigieux, émanaient bien de la volonté incontestée de H. S.,

Considérant que si les signatures figurant sur chacun des deux ordres de paiement litigieux empruntaient à l'original dont disposait la banque certaines similitudes, elles présentaient toutefois des différences perceptibles notamment quant à la taille de la signature contrefaite laquelle était plus dilatée que l'originale ;

Qu'aux termes de l'article 279 du Code de procédure civile, le Tribunal saisi en cours d'instance d'un incident de vérification d'écritures peut statuer immédiatement s'il possède des éléments d'appréciation suffisants ou ordonner la comparution des parties à cette fin puis instaurer une mesure d'expertise ;

Considérant que ces dispositions légales n'emportent pas obligation pour le tribunal d'ordonner un examen graphologique s'il possède des éléments suffisants pour asseoir sa décision ;

Considérant qu'en l'espèce le tribunal disposait par la comparaison des signatures litigieuses avec les originaux des éléments suffisants pour statuer immédiatement sans recourir à une procédure de vérification plus étendue des écritures ;

Qu'aucun grief ne peut être articulé à son encontre de ce chef ;

Considérant dès lors que les premiers juges ont valablement considéré que la banque ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle s'était régulièrement libérée de son obligation de restitution des fonds et l'ont condamnée au paiement des sommes réclamées par H. S. ;

Considérant que le refus apporté par la banque à recréditer le compte de H. S. du montant des sommes qu'elle avait irrégulièrement débitées, alors qu'elle ne pouvait ignorer le caractère frauduleux des deux ordres de paiement litigieux n'a pas manqué de générer un préjudice au détriment de celui-ci ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont satisfait à la demande de dommages-intérêts par lui présentée ;

Qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Considérant que la Société B. B. PLC qui succombe en ses prétentions en cause d'appel en supportera les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

* Déboute la société B. B. PLC des fins de son appel,

* Confirme le jugement du 31 mai 2007 en toutes ses dispositions,

* Condamne la société B. B. PLC aux dépens d'appel distraits au profit de Maître Jacques Sbarrato avocat défenseur, sous sa due affirmation,

* Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Mme François, prem. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor-Bensa et Sbaratto, av. déf. ; Me Chollet, av. bar. de Marseille.

Note

Cet arrêt confirme le jugement rendu le 31 mai 2007 par le Tribunal de première instance.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27375
Date de la décision : 20/05/2008

Analyses

Responsabilité (Banque, finance) ; Opérations bancaires et boursières


Parties
Demandeurs : Sté B. B. Monaco
Défendeurs : S.

Références :

Article 1776 du Code civil
CPC
article 279 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2008-05-20;27375 ?

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