La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/05/2008 | MONACO | N°27333

Monaco | Cour d'appel, 6 mai 2008, G. B. c/ SAM BANQUE SAFRA (ex Banque du Gothard)


Abstract

Banque

Mandat de gestion pour dépôt à terme s'analysant en un simple contrat de dépôt obligeant la banque à la restitution des avoirs déposés, augmentés des intérêts des dépôts à termes - Opérations d'acquisitions et de cessions initiés par la banque, inopposables au mandant - Responsabilité de la Banque tenue sur le fondement d'une obligation de résultat, de restituer les avoirs

Résumé

Lors de l'ouverture de son compte de dépôt le 13 avril 2000, B. G. a signé une convention dite « mandat de gestion pour dépôts à terme » autori

sant la banque à effectuer des investissements sous forme de dépôts à terme, le montant, la durée et ...

Abstract

Banque

Mandat de gestion pour dépôt à terme s'analysant en un simple contrat de dépôt obligeant la banque à la restitution des avoirs déposés, augmentés des intérêts des dépôts à termes - Opérations d'acquisitions et de cessions initiés par la banque, inopposables au mandant - Responsabilité de la Banque tenue sur le fondement d'une obligation de résultat, de restituer les avoirs

Résumé

Lors de l'ouverture de son compte de dépôt le 13 avril 2000, B. G. a signé une convention dite « mandat de gestion pour dépôts à terme » autorisant la banque à effectuer des investissements sous forme de dépôts à terme, le montant, la durée et les conditions de placement étant déterminés à la discrétion de la banque, celle-ci décidant elle-même du bien fondé du renouvellement du dépôt à terme ;

Il a signé le même jour une lettre de décharge portant sur la transmission des ordres par téléphone, télex ou télécopie ;

Il est précisé dans cette convention « il est évident que l'exécution de mes ordres sera effectuée par vos soins, même si elle n'est pas suivie d'une confirmation écrite immédiate, toutefois je m'engage à vous faire parvenir dans les meilleurs délais, ou la contresigner lors d'une prochaine visite. J'assume tous les risques particulièrement ceux provenant d'une erreur de transmission ou de compréhension résultant de cette manière de procéder et même d'une erreur de votre part quant à mon identité. Je m'engage à renoncer de ce fait à tous recours ou toute procédure juridique envers la Banque, qui pourrait résulter d'une mauvaise transmission d'exécution par téléphone, télex ou télécopie. »

La convention intitulée « mandant de gestion pour dépôt à terme » s'analyse en un simple contrat de dépôt qui oblige la banque à la restitution des avoirs déposés augmentés des intérêts des dépôts à termes ;

Le document dit « décharge téléphonique » n'a d'autre effet que de faire assumer au client la responsabilité d'une erreur dans l'exécution d'un ordre téléphonique ;

En l'espèce B. G. ne se plaint pas d'erreurs dans la transmission d'ordres téléphoniques, mais de l'absence d'ordres de sa part pour l'exécution des achats et ventes de titres opérés sur son compte sur la période allant du 16 mai 2000 pour les premiers achats au 4 septembre 2000 pour le dernier achat, soit une période de 3 mois et demi, aucune autre opération d'achat ou de vente n'ayant été opérée par la suite ; la décharge téléphonique n'est donc d'aucune utilité sur ce point si ce n'est qu'il se déduit de ce document que la règle reste l'écrit, le client devant signer l'ordre ou confirmer l'ordre par écrit ;

B. G. qui a versé ses fonds les 3 et 15 mai 2000, indique sans être contredit, qu'il avait cherché à joindre A. R. en août 2000 par téléphone sans y parvenir et s'était aperçu fin septembre 2000 en venant à la banque, que celui-ci avait quitté l'établissement ; qu'il avait alors pris connaissance de l'état des investissements sur ses comptes et qu'il lui avait été indiqué qu'une solution allait être trouvée ;

Il lui incombe en raison de la connaissance qu'il avait, en vertu de la clause care off, de l'état de ses avoirs et des investissements, de rapporter la preuve de ce que les investissements ont été faits à son insu ;

L'article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 relative à la gestion de portefeuille et des activités boursières ou assimilées dispose : « Toute société agréée pour exercer les activités visées aux chiffres 1 et 2 (2 : la transmission d'ordres sur les marchés financiers) de l'article 1 doit pouvoir apporter la preuve du moment de la réception ainsi que celui de la transmission de chaque ordre » ;

L'article 10 de l'ordonnance souveraine du 16 septembre 1999 dispose : « les sociétés agréées doivent mettre en place une organisation interne adéquate permettant de justifier en détail l'origine et la transmission des ordres et notamment l'individualisation des opérations effectuées » ;

Enfin l'article 6 des conditions générales de la convention d'ouverture de compte approuvée par B. G. stipule : « les ordres du client doivent être transmis par écrit. Pour les ordres transmis par tout autre moyen, la banque se réserve la possibilité de surseoir à leur exécution. Tout ordre doit indiquer :

Le sens de l'opération (achat ou vente)

La désignation précise de la valeur sur laquelle porte la négociation,

Le nombre de titres faisant l'objet de l'opération. Le client fixe la durée de validité de l'ordre dans les conditions prévues par le règlement du marché sur lequel il intervient ; »

L'article 17 stipule : « l'ordre sera aussitôt horodaté pour être exécuté dans les meilleurs délais » ;

Dès lors il convient d'examiner à la lumière des textes et des conventions les opérations critiquées par B. G. ;

B. G. démontre qu'il n'a signé aucune situation patrimoniale, qu'il n'a signé aucun des ordres dont le seul initiateur est A. R. qui en est aussi le seul signataire ; qu'aucun des ordres n'est horodaté ;

Plusieurs ordres constituent des achats groupés et non des ordres individualisés conformément à la loi, qu'ainsi :

La fiche 49 de la banque révèle un achat de 50 000 titres TIM RISP pour un montant de 302 770 euros affectés à deux clients soit 25 000 titres à ALF 31 et 25 000 titres à « Coucorucu » ;

La fiche 51 de la banque du Gothard mentionne un achat de 500 000 titres BCA ROMA pour un montant de 692 050 euros affectés pour 250 000 titres au compte ALF 31, 150 000 titres au compte Coucorucu et 100 000 titres au compte UMBERTO, ce qui suppose au surplus, que les titulaires de ces comptes auraient donné au même moment les mêmes ordres à A. R., pour un achat global de 500 000 titres ;

Enfin toutes acquisitions et cessions ont cessé le 4 septembre 2000, date proche du départ d'A. R. de la banque, B. G. n'ayant pu le rencontrer fin septembre 2000, fait non contesté par la banque du Gothard, ce qui confirme que B. G. n'était pas l'initiateur des ordres de bourse litigieux ;

La banque ne soutient pas qu'elle disposerait d'enregistrements téléphoniques des dits ordres, se retranchant derrière le document de décharge téléphonique pour dire qu'elle n'avait aucune preuve à se ménager ;

L'absence de toute confirmation écrite des ordres de bourse passés par A. R., de toute approbation de cette gestion par B. G., et par l'absence de toute opération boursière postérieure au 4 septembre 2000, B. G. démontre que la banque du Gothard, par son employé A. R., a seule initié les opérations de bourse sur son compte ;

Ni la situation de fortune supposé de B. G., attestée par A. R. lors de l'ouverture de compte, ni les conventions qui liaient B. G. à la banque du Gothard n'autorisaient cet établissement à de telles opérations ;

Les opérations d'achats et de vente de titres opérées par la banque du Gothard sur le compte de B. G. lui sont donc inopposables ;

Les relations contractuelles entre les parties sont régies par le contrat d'ouverture d'un compte de dépôt et la convention d'autorisation de dépôts à terme ;

La banque est tenue sur ce fondement à une obligation de résultat celle de restituer ses avoirs à B. G. ;

Ce dernier avait déposé le 15 mai 2000 une somme de 1 600 733,82 euros ; qu'il échet de condamner la banque du Gothard devenue J. Safra au paiement de cette somme ;

B. G. a été privé de ces fonds depuis cette date ; il sollicite que lui soit alloué de ce chef à titre de dommages et intérêts complémentaire, les intérêts qu'il aurait perçus si les fonds avaient été investis en dépôt à terme, sans toutefois en préciser le taux ; il sollicitait dans son exploit initial, à ce titre, les intérêts au taux légal ;

Cette demande apparaît fondée ; en effet, ces fonds placés conformément aux conventions auraient du porter intérêts depuis leur dépôt et il y a lieu en conséquence de condamner la banque du Gothard devenue J. Safra au titre de ce chef de préjudice au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 1 600 733,82 euros à compter du 15 mai 2000.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par B. G. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 30 mars 2006,

Considérant les faits suivants :

B. G. a ouvert le 13 avril 2000 dans les livres de la Banque du Gothard un compte de dépôt intitulé Courocucu portant le n° 17359 sur lequel il a déposé en deux virements successifs opérés le 3 mai 2005 et le 15 mai 2005 la somme de 1 600 733,82 euros et confiait à la banque un mandat de gestion de dépôt à terme le 13 avril 2000.

Soutenant que ces fonds auraient été perdus dans des opérations boursières hautement spéculatives sans son accord et en l'absence de mandat de gestion, il faisait, le 14 avril 2004, assigner la société anonyme banque J. Safra ex Banque du Gothard pour obtenir la condamnation de cet établissement à lui restituer la somme de 1 600 733,82 euros outre intérêt au taux légal à compter de l'assignation et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 235, § 6 du Code de procédure civile.

Par conclusions postérieures, il sollicitait la condamnation de la banque au paiement d'une somme de 1 601 000 euros outre intérêt au taux légal à compter des dépôts.

La banque du Gothard s'opposait à la réclamation soutenant que l'action était irrecevable, subsidiairement mal fondée et sollicitait la condamnation de B. G. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 30 mars 2006, le tribunal a :

– déclaré recevable l'action de B. G.,

– dit que la société Banque du Gothard avait manqué à ses obligations de conseil, de diligence et de loyauté,

– dit que la société J. Safra avait procédé à des opérations d'achat et de vente de titres non autorisées,

– constaté que B. G. n'établissait pas son préjudice, le déboutait de ses demandes d'indemnisation,

– débouté la société J. Safra de sa demande reconventionnelle,

– ordonné la compensation des dépens.

Sur le fond, le tribunal a retenu que le mandat de gestion de dépôts à terme s'analysait non en un mandat de gestion mais en un compte de dépôt et démontrait la volonté de B. G. de conserver ses fonds, qu'il appartenait au client de démontrer que les ordres contestés n'avaient pas été passés, que l'article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 relative à la gestion de portefeuille impose à la banque de justifier que l'ordre d'achat a été donné par le mandant, la banque ne le démontrant pas en l'espèce.

Enfin le tribunal, pour refuser l'indemnisation de B. G. a estimé qu'il n'établissait pas la preuve de son préjudice.

Par exploit du 18 septembre 2006, B. G. a interjeté appel du jugement.

Il a demandé à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable son action, en ce qu'il a dit que la banque J. Safra avait manqué à son obligation de conseil, de loyauté et de diligence, et qu'elle avait procédé à des achats de titres non autorisés,

– de l'infirmer pour le surplus et de condamner la banque J. Safra à lui payer la somme de 1 601 000 euros,

– de dire que les titres acquis par la banque restaient la propriété de celle-ci,

– de l'indemniser des intérêts qu'il aurait perçus si son capital avait été placé en dépôt à terme, depuis leur dépôt,

– de condamner la banque J. Safra à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

À l'appui de son argumentation, il soutient que la banque a géré ses avoirs en outrepassant les pouvoirs qui lui avaient été confiés, qu'aucun ordre n'a été approuvé par lui, qu'elle ne l'a pas informé ni conseillé et a manqué à ses obligations d'efficacité, de loyauté et de diligence, que les achats hors mandat lui sont inopposables, que lui est due, en vertu des conventions le liant à la banque, la restitution de ses avoirs.

La banque soutient l'irrecevabilité de la demande sur le fondement de l'article 5 de la convention liant les parties en ce que les relevés de compte ayant été mis à sa disposition à la banque en vertu de la clause care off, les réclamations devaient être élevées dans le délai de 30 jours ; les premières réclamations datant du 5 août 2002, B. G. est forclos dans ses réclamations.

Sur le fond, elle soutient :

– qu'il appartient à B. G. de prouver, que les ordres ont été passés sans instruction de sa part,

– que l'article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1994 impose à la banque de rapporter la preuve du moment où a été reçu l'ordre et du moment de la transmission de l'ordre, que l'alinéa 2 de l'article 9 n'est pas applicable au cas de B. G., et que la banque n'a aucune obligation d'obtenir la signature du client sur les ordres,

– que le document qu'il a signé intitulé « décharge téléphonique » dispense la banque d'une telle obligation,

– que B. G. a tardé à protester,

– que le mandat de dépôt à terme signé par B. G. est un simple document administratif qui lui permet de déposer ses avoirs,

– que la fiche « profil client » de B. G. démontre qu'il a un profil « potentiel » et une fortune de 10 millions de dollars.

La Banque Safra sollicite l'allocation d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par conclusions postérieures, B. G. :

– développe les arguments de son exploit introductif d'instance,

– réplique que la banque Safra ex Gothard fait une interprétation erronée de l'article 9 de la loi du 9 juillet 1997,

– réplique qu'il ne peut lui être reproché de ne pouvoir établir son préjudice, la banque ayant refusé de lui communiqué ses relevés de compte.

SUR CE,

Sur la recevabilité

Considérant que l'article 5 de la convention signée entre la banque J. Safra et B. G. stipule « Le client reçoit un relevé trimestriel où sont inscrites pour chacun de ses comptes ouverts dans les livres de la banque toutes les écritures passées sur chacun des comptes ouverts dans les livres de la banque... de convention expresse, l'accord du client sur les opérations portées à son compte est supposé acquis en l'absence de réclamation de sa part par écrit dans le délai de 30 jours à compter de la réception de son relevé de compte. Si sur instruction du client les relevés de compte sont conservés à la banque, toute réclamation relative à ces relevés doit être présentée dans les 30 jours à compter du jour où le relevé a été mis à disposition du client dans les locaux de la banque. » ;

Considérant que si la réception sans protestation ni réserve des relevés de compte fait présumer l'existence des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client dans le délai de la prescription de reprocher à celui qui a effectué les opérations de n'avoir pas agi conformément aux ordres reçus ;

Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a retenu que l'article 5 de la convention édicte une présomption simple de la régularité des opérations ;

Que le tribunal a justement déclaré l'action de B. G. recevable ;

Sur le fond

Considérant que lors de l'ouverture de son compte de dépôt le 13 avril 2000, B. G. a signé une convention dite « mandat de gestion pour dépôts à terme » autorisant la banque à effectuer des investissements sous forme de dépôts à terme, le montant, la durée et les conditions de placement étant déterminés à la discrétion de la banque, celle-ci décidant elle-même du bien fondé du renouvellement du dépôt à terme ;

Qu'il a signé le même jour une lettre de décharge portant sur la transmission des ordres par téléphone, télex ou télécopie ;

Qu'il est précisé dans cette convention « il est évident que l'exécution de mes ordres sera effectuée par vos soins, même si elle n'est pas suivie d'une confirmation écrite immédiate, toutefois je m'engage à vous la faire parvenir dans les meilleurs délais, ou la contresigner lors d'une prochaine visite. J'assume tous les risques particulièrement ceux provenant d'une erreur de transmission ou de compréhension résultant de cette manière de procéder et même d'une erreur de votre part quant à mon identité. Je m'engage à renoncer de ce fait à tout recours ou toute procédure juridique envers la Banque, qui pourrait résulter d'une mauvaise transmission d'exécution par téléphone, télex ou télécopie. »

Considérant que la convention intitulée « mandat de gestion pour dépôts à terme » s'analyse en un simple contrat de dépôt qui oblige la banque à la restitution des avoirs déposés augmentés des intérêts des dépôts à termes ;

Considérant que le document dit « décharge téléphonique » n'a d'autre effet que de faire assumer au client la responsabilité d'une erreur dans l'exécution d'un ordre téléphonique ;

Qu'en l'espèce B. G. ne se plaint pas d'erreurs dans la transmission d'ordres téléphoniques, mais de l'absence d'ordres de sa part pour l'exécution des achats et ventes de titres opérés sur son compte sur la période allant du 16 mai 2000 pour les premiers achats au 4 septembre 2000 pour le dernier achat, soit une période de 3 mois et demi, aucune autre opération d'achat ou de vente n'ayant été opérée par la suite ; que la décharge téléphonique n'est donc d'aucune utilité sur ce point si ce n'est qu'il se déduit de ce document que la règle reste l'écrit, le client devant signer l'ordre ou confirmer l'ordre par écrit ;

Considérant que B. G. qui a versé ses fonds les 3 et 15 mai 2000, indique sans être contredit, qu'il avait cherché à joindre A. R. en août 2000 par téléphone sans y parvenir et s'était aperçu fin septembre 2000 en venant à la banque, que celui-ci avait quitté l'établissement ; qu'il avait alors pris connaissance de l'état des investissements sur ses comptes et qu'il lui avait été indiqué qu'une solution allait être trouvée ;

Considérant qu'il lui incombe en raison de la connaissance qu'il avait, en vertu de la clause care off, de l'état de ses avoirs et des investissements, de rapporter la preuve de ce que les investissements ont été faits à son insu ;

Considérant que l'article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 relative à la gestion de portefeuille et des activités boursières ou assimilées dispose : « Toute société agréée pour exercer les activités visées aux chiffres 1 et 2 (2 : la transmission d'ordres sur les marchés financiers) de l'article 1 doit pouvoir apporter la preuve du moment de la réception ainsi que celui de la transmission de chaque ordre » ;

Que l'article 10 de l'ordonnance souveraine du 16 septembre 1999 dispose : « les sociétés agréées doivent mettre en place une organisation interne adéquate permettant de justifier en détail l'origine et la transmission des ordres et notamment l'individualisation des opérations effectuées » ;

Qu'enfin l'article 6 des conditions générales de la convention d'ouverture de compte approuvée par B. G. stipule : « les ordres du client doivent être transmis par écrit. Pour les ordres transmis par tout autre moyen, la banque se réserve la possibilité de surseoir à leur exécution. Tout ordre doit indiquer :

– le sens de l'opération (achat ou vente),

– la désignation précise de la valeur sur laquelle porte la négociation,

– le nombre de titres faisant l'objet de l'opération.

Le client fixe la durée de validité de l'ordre dans les conditions prévues par le règlement du marché sur lequel il intervient ; »

L'article 17 stipule : « l'ordre sera aussitôt horodaté pour être exécuté dans les meilleurs délais » ;

Considérant dès lors qu'il convient d'examiner à la lumière des textes et des conventions les opérations critiquées par B. G. ;

Considérant que B. G. démontre qu'il n'a signé aucune situation patrimoniale, qu'il n'a signé aucun des ordres dont le seul initiateur est A. R. qui en est aussi le seul signataire ; qu'aucun des ordres n'est horodaté ;

Que plusieurs ordres constituent des achats groupés et non des ordres individualisés conformément à la loi, qu'ainsi :

– la fiche 49 de la banque révèle un achat de 50 000 titres TIM RISP pour un montant de 302 770 euros affectés à deux clients soit 25 000 titres à ALF 31 et 25 000 titres à « Coucorucu »,

– la fiche 51 de la banque du Gothard mentionne un achat de 500 000 titres BCA ROMA pour un montant de 692 050 euros affectés pour 250 000 titres au compte ALF 31, 150 000 titres au compte Coucorucu et 100 000 titres au compte Umberto, ce qui suppose au surplus, que les titulaires de ces comptes auraient donné au même moment les mêmes ordres à A. R., pour un achat global de 500 000 titres ;

Considérant enfin que toutes acquisitions et cessions ont cessé le 4 septembre 2000, date proche du départ d'Alberto Romagnolo de la banque, B. G. n'ayant pu le rencontrer fin septembre 2000, fait non contesté par la banque du Gothard, ce qui confirme que B. G. n'était pas l'initiateur des ordres de bourse litigieux ;

Considérant que la banque ne soutient pas qu'elle disposerait d'enregistrements téléphoniques des dits ordres, se retranchant derrière le document de décharge téléphonique pour dire qu'elle n'avait aucune preuve à se ménager ;

Considérant que par l'absence de toute confirmation écrite des ordres de bourse passés par A. R., de toute approbation de cette gestion par B. G., et par l'absence de toute opération boursière postérieure au 4 septembre 2000, B. G. démontre que la banque du Gothard, par son employé A. R., a seule initiée les opérations de bourse sur son compte ;

Considérant que ni la situation de fortune supposée de B. G., attestée par A. R. lors de l'ouverture de compte, ni les conventions qui liaient B. G. à la banque du Gothard n'autorisaient cet établissement à de telles opérations ;

Que les opérations d'achats et de vente de titres opérées par la banque du Gothard sur le compte de B. G. lui sont donc inopposables ;

Sur le préjudice

Considérant que les relations contractuelles entre les parties sont régies par le contrat d'ouverture d'un compte de dépôt et la convention d'autorisation de dépôts à terme ;

Que la banque est tenue sur ce fondement à une obligation de résultat, celle de restituer ses avoirs à B. G. ;

Considérant que ce dernier avait déposé le 15 mai 2000 une somme de 1 600 733,82 euros ; qu'il échet de condamner la banque du Gothard devenue J. Safra au paiement de cette somme ;

Considérant que B. G. a été privé de ces fonds depuis cette date ; qu'il sollicite que lui soit alloué de ce chef à titre de dommages et intérêts complémentaires, les intérêts qu'il aurait perçus si les fonds avaient été investis en dépôt à terme, sans toutefois en préciser le taux ; qu'il sollicitait dans son exploit initial, à ce titre, les intérêts au taux légal ;

Considérant que cette demande apparaît fondée ; qu'en effet, ces fonds placés conformément aux conventions auraient du porter intérêts depuis leur dépôt et qu'il y a lieu en conséquence de condamner la banque du Gothard devenue J. Safra au titre de ce chef de préjudice au paiement des intérêts au taux légal sur la somme de 1 600 733,82 euros à compter du 15 mai 2000 ;

Considérant que la Banque du Gothard devenue J. Safra dont les fautes sont démontrées, a agi de mauvaise foi en résistant au paiement des sommes dues à l'appelant ; qu'il y a lieu de la condamner à payer la somme de 5 000 euros à B. G. à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Qu'il y a lieu de condamner la banque du Gothard devenue J. Safra qui succombe aux dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

statuant contradictoirement,

Reçoit les appels,

– Confirme le jugement du Tribunal de première instance du 30 mars 2006 en ce qu'il a déclaré B. G. recevable en son action,

– Le réforme pour le surplus,

– Déclare inopposables à B. G. les opérations d'achats et de ventes de titres opérées sur son compte bancaire ouvert le 13 avril 2000 à la société Banque du Gothard devenue la Banque J. Safra sous l'intitulé Coucorucu,

– Condamne la société Banque J. Safra à payer à B. G. la somme de 1 600 733,82 euros en restitution de son capital,

– La condamne à lui payer à titre de dommages et intérêts complémentaires les intérêts au taux légal calculés sur la somme du 1 600 733,82 euros à compter du 15 mai 2000,

– Condamne en outre la Banque J. Safra à payer à B. G. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– Rejette toutes autres demandes des parties,

– Condamne la banque J. Safra aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Georges Blot, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Mme François, prem. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Blot et Michel, av. déf. ; Me Lahellec, av. bar. Nice.

Note

Cet arrêt confirme et réforme en partie le jugement du Tribunal de première instance du 30 mars 2006.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27333
Date de la décision : 06/05/2008

Analyses

Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : G. B.
Défendeurs : SAM BANQUE SAFRA (ex Banque du Gothard)

Références :

article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997
Code de procédure civile
article 10 de l'ordonnance souveraine du 16 septembre 1999
article 9 de la loi du 9 juillet 1997
article 9 de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1994


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2008-05-06;27333 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award