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04/03/2008 | MONACO | N°27332

Monaco | Cour d'appel, 4 mars 2008, F. S. c/ SAM Crédit Foncier de Monaco (CFM)


Abstract

Banques

Gestion de comptes de dépôt

Mandat de gestion discrétionnaire confié à la banque - Manquements de la banque à ses obligations d'information et de conseil, prescrits par la loi n° 1.194 du 11 juillet 1997 (art. 5) et l'ordonnance du 19 septembre 1997 (art. 5)

Résumé

Le 20 septembre 2000, F. S. a ouvert sous le n° 103289 un compte de dépôt à la banque Crédit Foncier de Monaco ;

Lors de l'ouverture de ce compte à vue aucun renseignement n'a été recueilli sur la situation de fortune de F. S., ce document mentionnant son do

micile à Rome, son statut de femme divorcée et pour les modalités relatives à la correspondance, la ...

Abstract

Banques

Gestion de comptes de dépôt

Mandat de gestion discrétionnaire confié à la banque - Manquements de la banque à ses obligations d'information et de conseil, prescrits par la loi n° 1.194 du 11 juillet 1997 (art. 5) et l'ordonnance du 19 septembre 1997 (art. 5)

Résumé

Le 20 septembre 2000, F. S. a ouvert sous le n° 103289 un compte de dépôt à la banque Crédit Foncier de Monaco ;

Lors de l'ouverture de ce compte à vue aucun renseignement n'a été recueilli sur la situation de fortune de F. S., ce document mentionnant son domicile à Rome, son statut de femme divorcée et pour les modalités relatives à la correspondance, la mention a) langue : italien, b) périodicité des relevés de compte : mensuelle, et des estimations de portefeuille : trimestrielle ;

Sur ce compte F. S. transférait le 25 septembre 2000 : 25 822,84 euros, le 12 décembre 2000 : 29 240,56 euros ;

Elle plaçait ces fonds sur ce premier compte, de l'avis de M. Charles Bottaccioli, expert comptable, non contredit sur ce point par le Crédit Foncier de Monaco, en étant animée d'un souci de pondération ;

Le 14 décembre 2000, F. S. ouvrait un compte titre n° 103788 et confiait à la banque un mandat de gestion discrétionnaire ;

Elle transférait alors sur ce compte le portefeuille d'actions qu'elle détenait à la Banque du Gothard pour une valeur de 149 980 euros ;

Elle transférait les titres du compte n° 103289 au crédit Foncier de Monaco d'une valeur de 47 919 euros et 23 885 euros en liquidités ;

Le mandat rédigé en langue française, il précisait les titres sur lesquels portaient les opérations et il y était joint un imprimé de profil de gestion signé de la mandante précisant qu'elle optait pour « une gestion dont les investissements en actions ou OPCVM actions françaises, internationales diversifiées et produits structurés sans garantie en capital pouvaient représenter 100 % de la valeur globale du portefeuille, gestion dite dynamique » l'article 6 du mandat, F. S. déclarait « avoir connaissance de l'étendue des risques financiers pouvant découler des opérations exécutées... dont elle déclarait connaître le mécanisme et acceptait à l'avance les conséquences liées à ses risques » ;

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises aux dispositions de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 relative à la gestion de portefeuilles et aux activités boursières et aux dispositions de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 portant sur les sociétés de gestions agréées ;

L'article 5 de la loi dispose que « les sociétés agréées doivent s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs attentes en matière de services et communiquer d'une manière appropriée les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients » ;

L'article 8 dispose que « les mandats donnés par les clients aux sociétés agréées font l'objet de conventions écrites, signées par les parties et conformes aux règles qui sont définies par ordonnance souveraine » ;

L'article 4 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 en sa section III portant sur le mandat de gestion dispose : « toute gestion individuelle de portefeuille doit donner lieu à l'établissement préalable d'une convention écrite définissant les obligations du prestataire vis à vis de son mandant. » ;

L'article 5 dispose : « préalablement à la signature d'un mandat de gestion, la société doit s'enquérir des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement et de la situation financière du mandat. Les prestations proposées doivent être adaptées à la situation financière de ce dernier. » ;

En l'espèce, aucune pièce produite par le Crédit Foncier de Monaco n'établit que les prescriptions de l'article 5 de la loi n° 1.194 du 11 juillet 1997 et de l'article 5 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997, tels qu'ils résultent de leur rédaction à l'époque du contrat, ci-dessus intégralement reproduits, auraient été suivies par cette banque ;

À l'ouverture du compte n° 103289, le 20 septembre 2000, aucune indication ne permettrait de connaître la situation de fortune de F. S. ;

Aucun document sur la situation de fortune de la cliente lors de l'ouverture du compte titre n° 103788 n'est versé aux débats par le Crédit Foncier de Monaco ;

L'article 5 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 met à la charge de l'organisme gestionnaire de portefeuille une obligation d'information sur la situation financière du mandant, sur ses objectifs et son expérience en matière d'investissement ;

Ces informations préalables conduisent le gestionnaire à conseiller le mandant sur une prestation adaptée à sa situation financière ;

Ce texte comporte donc une obligation d'information et une obligation de conseil sur la gestion choisie ;

Le Crédit Foncier de Monaco ne démontre pas qu'il aurait rempli ces deux obligations, par la production d'écrits ayant précédé le contrat.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par F. S. à l'encontre du jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2007,

Considérant les faits suivants :

Le 20 septembre 2000 F. S. ouvrait un compte de dépôt au Crédit Foncier de Monaco sous le n° 103289, sur lequel elle déposait des liquidités pour 23 885 euros.

Le 23 novembre 2000 et le 13 décembre 2000, elle faisait transférer les titres précédemment gérés par la Banque du Gothard au Crédit Foncier de Monaco pour un montant de 149 980 euros et des titres provenant du Crédit Foncier de Monaco agence de Fontvieille pour 47 919 euros.

Le 14 décembre 2000, elle signait au profit du Crédit Foncier de Monaco un mandat de gestion discrétionnaire.

F. S. révoquait ce mandat le 9 octobre 2001, et faisait transférer ses avoirs à la Compagnie Monégasque de Banque les 28, 29 novembre et 13 décembre 2001.

Reprochant au Crédit Foncier de Monaco d'avoir mal assuré la gestion de ses avoirs, elle assignait cette banque par exploit du 20 juillet 2005 aux fins de voir :

– dire et juger que le défendeur avait commis des fautes contractuelles qui sont à l'origine des pertes qu'elle a subies,

– de condamner le Crédit Foncier de Monaco à lui payer la somme de 116 055 euros avec intérêts de 5 % jusqu'à parfait paiement ainsi que la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts supplémentaires.

Elle reprochait au Crédit Foncier de Monaco d'avoir manqué à ses obligations d'information, de lui avoir fait signer un contrat en langue française, langue qu'elle ne maîtrisait pas, de l'avoir laissée opter pour une gestion hautement spéculative alors qu'elle était profane en matière financière et disposait de faibles revenus.

Le Crédit Foncier de Monaco s'opposait, à ses demandes.

Par jugement du 15 février 2007, le Tribunal de première instance a écarté les pièces n° 4 et 5 produites par F. S., l'a déboutée de ses demandes et a rejeté la demande en dommages-intérêts formée par le Crédit Foncier de Monaco.

Par exploit d'appel et d'assignation du 5 avril 2007, F. S. demande à la Cour :

– d'infirmer le jugement,

– de dire et juger que le Crédit Foncier de Monaco a commis des fautes contractuelles à l'origine de son préjudice,

– de condamner la banque à lui payer la somme de 116 055 euros avec intérêts de 5 % jusqu'à parfait paiement, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires et de condamner le Crédit Foncier de Monaco aux dépens.

Elle soutient qu'elle n'a jamais reçu d'information sur les risques que la gestion discrétionnaire qu'elle confiait à la banque, lui faisait courir :

– qu'elle n'a pas accepté le mandat en pleine connaissance de cause,

– que les premiers juges se sont contredits en retenant d'une part que la banque avait manqué à son obligation de conseil et d'autre part qu'il n'existait pas de lien de cause à effet entre le préjudice et ces manquements,

– que le tribunal s'est trompé en affirmant qu'elle détenait déjà à l'agence de Fontvieille de la même banque un portefeuille d'actions et en en déduisant qu'elle avait une bonne connaissance des marchés,

– qu'au contraire, ce portefeuille comme celui de la Banque du Gothard étaient gérés de manière équilibrée et pondérée,

– que d'ailleurs les risques encourus étaient tels que le Crédit Foncier de Monaco a lui-même rectifié sa stratégie de placement en juin 2001.

Le Crédit Foncier de Monaco conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de F. S. à la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

La banque reproche à F. S. de produire le rapport non contradictoire de l'expert comptable M. Bottaccioli, lequel est contestable et n'a aucune valeur probante. Elle demande à la Cour d'écarter ce rapport des débats.

Elle précise que s'il lui incombe de rapporter la preuve des informations qu'elle a dispensées à son client, elle n'a pas d'obligation de produire un écrit, cette preuve pouvant se déduire des circonstances de la cause par simple présomption.

Elle fait observer que F. S. a opté pour une gestion dynamique, c'est à dire très spéculative.

La situation de fortune de l'appelante était supérieure à ce qu'elle soutient.

Elle n'a transféré de la Banque du Gothard que les deux tiers de ses avoirs, et disposait de liquidités sur le compte n° 103289 : 47 919 euros et 23 885 euros.

Elle a versé sur ce compte 101 369,46 euros en huit mois et a investi des fonds sur le compte de gestion.

Il se déduit dès lors de ces éléments que F. S. avait une parfaite connaissance du marché.

L'appelante ne peut sérieusement prétendre ne pas avoir compris le contrat préalablement à sa signature.

La banque soutient encore qu'aucune faute n'a été commise dans la gestion du portefeuille dont le mandat précisait qu'elle était discrétionnaire et que courant juin 2001 les dispositions ont été prises pour réorienter le portefeuille vers des investissements moins spéculatifs.

Enfin, il ne suffit pas que la banque ait manqué à son obligation d'information et de conseil pour se voir imputer la responsabilité de fautes, encore faut-il qu'un lien de cause à effet soit établi entre le manquement constaté et le préjudice.

Sur les opérations acceptées hors mandat, le Crédit Foncier de Monaco soutient qu'il n'a commis aucune faute, et qu'aucun préjudice n'a été enregistré ; aucune demande sur ce point n'a toutefois été formée de ce chef en cause d'appel par F. S.

SUR CE,

Sur le rapport de M. Charles Bottaccioli

Considérant que F. S. a versé aux débats un rapport de son expert comptable qui analyse ses comptes auprès de la banque Crédit Foncier de Monaco pendant la période incriminée ;

Considérant que ce document intitulé rapport d'expertise, n'a pas la valeur d'un rapport d'expertise judiciaire établi au contradictoire des parties ;

Considérant toutefois que cette pièce de F. S. a été soumise à la critique du Crédit Foncier de Monaco dans le cadre de la procédure et qu'il n'y a dès lors pas lieu de l'écarter des débats ;

Sur les rapports contractuels entre les parties

Considérant que le 20 septembre 2000, F. S. a ouvert sous le n° 103289 un compte de dépôt à la banque Crédit Foncier de Monaco ;

Que lors de l'ouverture de ce compte à vue aucun renseignement n'a été recueilli sur la situation de fortune de F. S., ce document mentionnant son domicile à Rome, son statut de femme divorcée et pour les modalités relatives à la correspondance, la mention a) langue : italien, b) périodicité des relevés de compte : mensuelle, et des estimations de portefeuille : trimestrielle ;

Considérant que sur ce compte F. S. transférait le 25 septembre 2000 : 25 822,84 euros, le 12 octobre 2000 : 16 462,72 euros, le 28 novembre 2000 : 15 447,23 euros, le 12 décembre 2000 : 29 240,56 euros ;

Qu'elle plaçait ces fonds sur ce premier compte, de l'avis de M. Charles Bottaccioli expert comptable non contredit sur ce point par le Crédit Foncier de Monaco, en étant animée d'un souci de pondération ;

Considérant que le 14 décembre 2000, F. S. ouvrait un compte titre n° 103788 et confiait à la banque un mandat de gestion discrétionnaire ;

Qu'elle transférait alors sur ce compte le portefeuille d'actions qu'elle détenait à la Banque du Gothard pour une valeur de 149 980 euros ;

Considérant qu'elle transférait les titres du compte n° 103289 au Crédit Foncier de Monaco d'une valeur de 47 919 euros et 23 885 euros en liquidités ;

Considérant que le mandat était rédigé en langue française, qu'il précisait les titres sur lesquels portaient les opérations et il y était joint un imprimé de profil de gestion signé de la mandante précisant qu'elle optait pour « une gestion dont les investissements en actions ou OPCVM – actions françaises, internationales diversifiées et produits structurés sans garantie en capital pouvaient représenter 100 % de la valeur globale du portefeuille, gestion dite dynamique » ;

Considérant qu'à l'article 6 du mandat, F. S. déclarait « avoir connaissance de l'étendue des risques financiers pouvant découler des opérations exécutées... dont elle déclarait connaître le mécanisme et acceptait à l'avance les conséquences liées à ses risques » ;

Les règles légales applicables au contrat

Considérant que les relations contractuelles entre les parties sont soumises aux dispositions de la loi n° 1.194 du 9 juillet 1997 relative à la gestion de portefeuille et aux activités boursières et aux dispositions de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 portant sur les sociétés de gestion agréées ;

Considérant que l'article 5 de la loi dispose que « les sociétés agrées doivent s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissement et de leurs attentes en matière de services et communiquer d'une manière appropriée les informations utiles dans le cadre des négociations avec leurs clients » ;

Que l'article 8 dispose que « les mandats donnés par les clients aux sociétés agréées font l'objet de conventions écrites, signées par les parties et conformes aux règles qui sont définies par ordonnance souveraine » ;

Considérant que l'article 4 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 en sa section III portant sur le mandat de gestion dispose : « toute gestion individuelle de portefeuille doit donner lieu à l'établissement préalable d'une convention écrite définissant les obligations du prestataire vis à vis de son mandant. » ;

Que l'article 5 dispose : « préalablement à la signature d'un mandat de gestion, la société doit s'enquérir des objectifs, de l'expérience en matière d'investissement et de la situation financière du mandant. Les prestations proposées doivent être adaptées à la situation financière de ce dernier. » ;

Considérant qu'en l'espèce, aucune pièce produite par le Crédit Foncier de Monaco n'établit que les prescriptions de l'article 5 de la loi n° 1.194 du 11 juillet 1997 et de l'article 5 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997, tels qu'ils résultent de leur rédaction à l'époque du contrat, ci-dessus intégralement reproduits, auraient été suivies par cette banque ;

Considérant qu'à l'ouverture du compte n° 103289, le 20 septembre 2000, aucune indication ne permettait de connaître la situation de fortune de F. S. ;

Qu'aucun document sur la situation de fortune de la cliente lors de l'ouverture du compte titre n° 103788 n'est versé aux débats par le Crédit Foncier de Monaco ;

Considérant que l'article 5 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997 met à la charge de l'organisme gestionnaire de portefeuille une obligation d'information sur la situation financière du mandant, sur ses objectifs et son expérience en matière d'investissement ;

Que ces informations préalables conduisent le gestionnaire à conseiller le mandant sur une prestation adaptée à sa situation financière ;

Que ce texte comporte donc une obligation d'information et une obligation de conseil sur la gestion choisie ;

Considérant que le Crédit Foncier de Monaco ne démontre pas qu'il aurait rempli ces deux obligations, par la production d'écrits ayant précédé le contrat ;

Que cette banque fait valoir que si le mandat doit répondre à des prescriptions précises et notamment dans sa forme, écrite il n'existe aucune obligation pour la banque de se ménager une preuve écrite que les prescriptions de l'article 5 auraient bien été remplies, et que l'obligation d'information et de conseil mise à sa charge préalablement à la signature du contrat peut se déduire de présomptions et de faits extérieurs au contrat lui-même ;

Considérant que le Crédit Foncier de Monaco tire des versements opérés par F. S. sur son compte la preuve de ce qu'elle aurait eu d'autres revenus que les sommes qu'elle lui a données à gérer ;

Considérant que F. S. a transféré au compte n° 103289 :

– 25 822,84 euros le 25 septembre 2000,

– 15 462,72 euros le 12 octobre 2000,

– 15 447,23 euros le 28 novembre 2000,

– 23 240,56 euros le 12 décembre 2000, soit un total de 79 971,33 euros ;

Qu'elle a ensuite versé sur ses comptes 40 000 francs le 1er février 2001, 5 000 euros le 1er juin 2001, et 10 289,15 euros le 13 juin 2001 ;

Considérant qu'à la date de la signature du mandat de gestion le 14 décembre 2000, l'état de ses avoirs était donc de 79 971,33 euros dont une partie avait été investie dans des titres prudents et transférés ensuite à hauteur de 47 919 euros sur le compte sous mandat de gestion ;

Que sur ce deuxième compte ont été transférés deux tiers des titres qu'elle détenait à la Banque du Gothard pour une valeur de 149 980 euros ;

Que la banque ne peut tirer argument de ces versements antérieurs à la signature du mandat pour exciper d'une situation de fortune de sa cliente qui lui aurait permis de lui conseiller un mandat discrétionnaire dynamique, donc spéculatif ;

Que pour compléter la preuve qu'elle entend rapporter la banque fait état de deux versements postérieurs de F. S. : un versement de 40 000 francs le 1er février 2001, un versement de 5 000 euros le 1er juin 2001 et une « conversion » de 10 289,15 euros le 13 juin 2001 pour établir que sa situation de fortune serait supérieure aux revenus que la mandante déclarait au fisc italien ;

Que ces sommes sont d'un montant peu significatif d'un état de fortune important, permettant à la banque de démontrer que le choix opéré par F. S. serait adapté à sa situation ;

Que la plus grande partie de ces sommes a été affectée au compte sous mandat discrétionnaire « dynamique » très exposé sans que la banque ne démontre qu'elle connaissait la situation de fortune de sa cliente et que ce choix, à le supposer voulu par la cliente, était adapté à sa situation ; qu'au surplus, il ne résulte pas des placements antérieurs de F. S. qu'elle était informée des risques d'une gestion agressive, ses placements étant jusqu'alors pondérés ;

Que la banque a dès lors manqué à son obligation d'information et de conseil lors de l'ouverture du compte de F. S. ;

Sur l'exécution du mandat

Considérant que F. S. soutient que le mandat était rédigé en français et qu'elle n'en a pas compris la teneur ;

Considérant qu'il appartenait à F. S. d'obtenir de son gestionnaire la communication d'un contrat en langue italienne, l'intéressée ayant d'ailleurs pris soin d'obtenir lors de la convention d'ouverture de compte, la communication de ces relevés de compte en langue italienne ;

Qu'elle a donc confié à la banque un mandat discrétionnaire comportant des placements en actions et obligations pour 100 % de son portefeuille ;

Considérant qu'il résulte des conclusions des parties que si jusqu'en juin 2001, la banque a investi le portefeuille d'actions dans des valeurs à haut risque, le portefeuille a été, à compter de juin 2001 orienté vers des investissements plus sûrs au regard de la baisse des valeurs mobilières liées à la haute technologie ;

Considérant que la banque affirme avoir fait une gestion avisée du mandat conféré ;

Considérant que F. S. communique à la banque un rapport de Charles Bottaccioli, expert comptable, lequel retient au titre du préjudice la valeur des pertes subies par le portefeuille de valeurs ;

Que ce rapport est insuffisant à établir que les pertes enregistrées par le portefeuille résulteraient de fautes de gestion de la banque, laquelle est tenue à une obligation de moyen et non à une obligation de résultat ;

Sur le préjudice résultant du manquement à l'obligation d'information et de conseil

Considérant que F. S. relève au titre de son préjudice, les pertes globales enregistrées par son portefeuille, soit la somme de 116 019 euros, sans distinguer les pertes tenant à la mauvaise gestion alléguée du portefeuille et le préjudice résultant directement des manquements du Crédit Foncier de Monaco aux obligations d'information et de conseil lors de la signature du contrat de mandat, la demande en dommages-intérêts visant l'ensemble de ces deux postes de préjudice ;

Considérant qu'une partie du préjudice dont F. S. demande réparation au titre de la perte d'actifs est en relation directe avec le manquement constaté et s'analyse comme la perte d'une chance ;

Considérant toutefois que la confusion de la demande entre le préjudice résultant de la perte d'une telle chance et le préjudice résultant éventuellement de fautes de gestion commises dans l'exécution du mandat, rend nécessaire l'organisation d'une mesure d'expertise aux fins de fournir tous éléments d'appréciation du préjudice résultant pour F. S. de la perte d'une chance d'avoir bénéficié d'un contrat de gestion adapté à sa situation financière ;

Sur les fautes de gestion alléguées dans l'exécution du mandat et le préjudice qui pourrait en résulter

Considérant qu'il y a lieu avant dire droit sur ce point, d'ordonner une expertise et de désigner M. Pierre Colombani, lequel après avoir pris connaissance du mandat de gestion du 14 décembre 2000 :

– examinera les opérations effectuées du 14 décembre 2000 date du mandat au 9 octobre 2001 date de la résiliation,

– dira si le Crédit Foncier de Monaco a mis en œuvre les moyens d'une gestion conforme au mandat conféré par F. S.,

– si tel n'était pas le cas, donnera tous éléments pour chiffrer le préjudice qui résulterait des manquements ;

Considérant que dans l'attente du dépôt des opérations de l'expert, il y a lieu de réserver les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

statuant contradictoirement,

– Reçoit les appels de F. S. et du Crédit Foncier de Monaco,

– Réforme le jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2007,

– Dit que le Crédit Foncier de Monaco a commis un manquement à son obligation d'information et de conseil lors de la signature du mandat de gestion confié par F. S. au Crédit Foncier de Monaco,

– Avant dire droit sur le préjudice résultant de ce manquement,

– Ordonne une expertise confiée à M. Pierre Colombani, expert, demeurant 12 avenue Prince Pierre à Monaco, lequel serment préalablement prêté aux formes de droit, et après avoir pris connaissance des pièces du dossier et du mandat de gestion, fournira tous éléments d'appréciation du préjudice résultant de la perte d'une chance pour F. S. d'avoir bénéficié d'un contrat adapté à sa situation financière,

– Avant dire droit sur la gestion du mandat discrétionnaire confié par F. S. au Crédit Foncier de Monaco le 14 décembre 2000,

– Dit que l'expert commis, après avoir examiné le contrat et les éléments composant la gestion du portefeuille de F. S., de la signature du mandat à sa rupture le 9 octobre 2001, aura pour mission :

* d'examiner les opérations effectuées du 14 décembre 2000 date du mandat au 9 octobre 2001 date de la résiliation,

* de dire si le Crédit Foncier de Monaco a mis en œuvre les moyens d'une gestion conforme au mandat conféré par F. S.,

* de donner le cas échéant tous éléments pour chiffrer le préjudice qui résulterait de ses manquements constatés ;

– Impartit à l'expert ainsi commis un délai de huit jours pour l'acceptation ou le refus de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le greffe général,

– Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, l'expert déposera au Greffe Général un rapport écrit de ses opérations dans les quatre mois du jour où il les aura débutées, à défaut d'avoir pu concilier les parties, ce qu'il lui appartiendra de faire dans toute la mesure du possible,

– Charge Madame C. M., conseiller, du contrôle des opérations d'expertise,

– Dit qu'en cas d'empêchement du magistrat ou de l'expert ainsi commis, il sera procédé à leur remplacement par simple ordonnance,

– Dit que les frais d'expertise seront avancés par F. S. qui sera tenu de verser une provision à l'expert,

– Sursoit à statuer sur les autres chefs de demandes,

– Réserve les dépens.

Composition

Mme François, prem. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Michel et Licari, av. déf.

Note

Cet arrêt réforme le jugement du Tribunal de première instance du 15 février 2007.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27332
Date de la décision : 04/03/2008

Analyses

Responsabilité (Banque, finance)


Parties
Demandeurs : F. S.
Défendeurs : SAM Crédit Foncier de Monaco (CFM)

Références :

article 5 de la loi n° 1.194 du 11 juillet 1997
loi n° 1.194 du 11 juillet 1997
article 4 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997
loi n° 1.194 du 9 juillet 1997
article 5 de l'ordonnance souveraine du 19 septembre 1997
Tribunal de première instance du 15 février 2007
ordonnance du 19 septembre 1997


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2008-03-04;27332 ?

Source

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