La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2008 | MONACO | N°27331

Monaco | Cour d'appel, 29 janvier 2008, La Fondation de droit du Liechtenstein dénommée W. S. c/ S.


Abstract

Intérêt à agir

Condition de recevabilité d'une action - Successible ayant cédé irrévocablement ses droits successoraux - Perte pour le cédant de son intérêt à agir en recourant à une procédure de saisie arrêt à l'encontre d'un prétendu débiteur de la succession - Irrecevabilité de son action d'où : rétractation de l'ordonnance l'autorisant à pratiquer la saisie arrêt et main levée de celle-ci

Résumé

Sur la qualité à agir de J. S., en vertu de la règle de conflit de loi monégasque, la succession mobilière d'A. B. ouverte dans la

Principauté où la défunte était domiciliée et régie par la loi nationale, en l'espèce la loi alleman...

Abstract

Intérêt à agir

Condition de recevabilité d'une action - Successible ayant cédé irrévocablement ses droits successoraux - Perte pour le cédant de son intérêt à agir en recourant à une procédure de saisie arrêt à l'encontre d'un prétendu débiteur de la succession - Irrecevabilité de son action d'où : rétractation de l'ordonnance l'autorisant à pratiquer la saisie arrêt et main levée de celle-ci

Résumé

Sur la qualité à agir de J. S., en vertu de la règle de conflit de loi monégasque, la succession mobilière d'A. B. ouverte dans la Principauté où la défunte était domiciliée et régie par la loi nationale, en l'espèce la loi allemande ;

Au regard de cette loi, J. S., petit-neveu d'A. B., a la qualité de successible venant en rang utile ;

Sur l'intérêt à agir de J. S., au soutien de son moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de J. S. par suite de la cession qu'il aurait faite de ses droits successoraux antérieurement à la présentation de la requête en saisie-arrêt, la fondation W. verse aux débats deux actes établis en la forme sous-seing privé, l'un en date du 13 octobre 2006, intitulé convention mutuelle (pièce n° 46 dossier de Maître Mullot), l'autre en date du 14 novembre 2006 intitulé cession irrévocable (pièce n° 47 dossier de Maître Mullot) ; que ces documents rédigés en langue anglaise ont fait l'objet d'une traduction en langue française dont les termes ne sont pas contestés par J. S. ;

Selon la convention mutuelle du 13 octobre 2006 conclue entre AMP services limited, trustee du W. et A. B. Trust, l'institut W. et J. S., ce dernier cède, transfère et délaisse irrévocablement tous ses droits, titres et participation en sa qualité d'héritier dans les successions de W. et d'A. B. au profit d'AMP services limited en vertu de la cession irrévocable annexée à la convention, contre paiement de 11,5 % du recouvrement mondial brut de tous les actifs des deux successions ; que cette convention précise en son paragraphe 4 qu'AMP Services limited et l'institut W. déclarent et garantissent qu'ils feront chacun de leur mieux pour mener à bien le recouvrement au nom des successions, d'AMP, de l'institut et de J. S. ;

Par l'acte de cession irrévocable qui porte mention « exécutée » le 14 octobre 2006 suivie de la signature de J. S., ce dernier, en contre-partie de valeurs reçues cède irrévocablement à AMP Services limited, cessionnaire, tous ses droits, titres et participations dans les successions de W. et d'A. B. ;

J. S. soutient que ces accords portent sur les conséquences des procédures et ne le privent pas du droit d'agir en justice ;

cependant cette analyse ne résulte pas de la lecture des actes précités desquels il ressort au contraire que J. S. a cédé les droits dont il se prétend titulaire dans la succession d'A. B. en sa qualité de petit-neveu de celle-ci ;

cette cession est intervenue antérieurement à la requête en saisie-arrêt qu'il a présentée le 19 février 2007 ; il ne disposait donc plus à cette date d'un intérêt à agir ; sa requête était dès lors irrecevable ;

Il y a lieu en conséquence de réformer l'ordonnance de référé entreprise à l'égard de la fondation W., d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qu'elle a autorisé la saisie-arrêt à l'encontre de la fondation W. sur le compte Clovis n° 4170 ouvert dans les livres de l'établissement bancaire KB Luxembourg (Monaco), et d'ordonner la main levée de cette saisie-arrêt.

Motifs

La Cour,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

La Cour statue sur l'appel relevé par la fondation de droit liechtensteinois dénommée W. S. à l'encontre d'une ordonnance présidentielle en date du 13 juillet 2007,

Considérant les faits suivants :

J. S. se prévalant de sa qualité de successible en tant que petit-neveu d'A. B. domiciliée à Monaco où elle est décédée le 15 janvier 1999 où elle était domiciliée, en l'état d'un testament olographe en date du 29 août 1996 dont il soutient qu'il n'a réglé le sort que de 70 % des revenus annuels du patrimoine de la testatrice, en sorte qu'il est habile à recevoir les 30 % restants de ces revenus, a obtenu du président du Tribunal de première instance de la Principauté, suivant ordonnance du 27 février 2007, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-arrêt auprès de l'établissement bancaire dénommée KB Luxembourg, 8 avenue de Grande Bretagne à Monaco, à concurrence de 21 564 682 euros sur toutes sommes ou valeurs dues à G. W., P.-M. J., M. S., la fondation W., aux comptes C., D., C. Fondation, D. Fondation, M. Corporation, pour avoir sûreté et paiement de ladite somme.

À la suite de la saisie-arrêt pratiquée le 7 mars 2007, trois actions en rétractation de l'ordonnance susvisée ont été intentées, la première, par les quatre débiteurs saisis précités (assignation du 23 mars 2007 n° de rôle 81), la deuxième, par la fondation W. (assignation du 28 mars 2007 n° de rôle 82), la troisième, par G. W., M. S., P.-M. J. (assignation du 28 mars 2007 n° de rôle 83).

Par l'ordonnance déférée, le premier juge a ordonné la jonction de ces procédures, a rejeté toute demande formulée du chef d'un défaut de qualité ou d'intérêt à agir ou à défendre de J. S., a rétracté partiellement l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qu'elle a autorisé la saisie-arrêt sur les comptes personnels de C. W., M. S., P.-M. J. ainsi que sur les comptes D., C. Fondation, D. Fondation, M. Corporation, a ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée sur ces comptes, a rejeté toute autre demande et a condamné la fondation W. aux dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé pour l'essentiel que J. S. est, en vertu de la loi successorale allemande applicable à la succession mobilière, un successible ayant vocation à venir en rang utile à la succession, qu'il n'est pas établi qu'il aurait disposé de ses droits au point de se retrouver sans qualité ou intérêt à agir, que la créance qu'il invoque apparaît fondée en son principe au regard du testament qui n'a pas réglé le sort du patrimoine successoral dans sa globalité dans la mesure où la testatrice a affecté seulement 70 % de l'usufruit de ses biens aux organismes qu'elle a visés, les 30 % restant n'ayant pas reçu d'affectation spéciale.

La fondation W. a relevé appel de cette ordonnance en ce qu'elle a rejeté le défaut de qualité et d'intérêt à agir de J. S. et a maintenu les effets de la saisie-arrêt.

Elle demande à la Cour de réformer cette décision, de constater que J. S. ne justifie pas d'un principe certain de créance qui résulterait de sa qualité prétendue d'héritier, de rétracter l'ordonnance du 27 février 2007, de constater qu'aucun péril n'existe en la cause, d'ordonner la mainlevée de la saisie-arrêt.

Au soutien de son appel, la fondation fait valoir que :

– J. S. n'a ni qualité, ni intérêt à agir aux motifs :

* qu'il a cédé ses droits et actions à d'autres personnes physiques ou morales qui ont elles-mêmes intenté des procédures dans plusieurs pays à l'effet d'accaparer les biens de la défunte,

* qu'il n'a pas vocation à hériter, tant au regard du droit monégasque puisqu'il n'est ni héritier réservataire ni légataire, qu'au regard du droit allemand puisqu'il ne dispose pas, selon cette législation, de la qualité d'héritier qui seule lui aurait permis de contester l'envoi en possession dont la fondation a été l'objet,

– la testatrice a manifesté une intention claire de disposer de tous ses biens au bénéfice d'organismes de charité, au moyen d'une fondation créée afin de les recevoir et d'en distribuer 70 % des revenus auxdits organismes, les 30 % restants devant assurer les dépenses de fonctionnement de la fondation et la rémunération des administrateurs,

– la volonté de la testatrice n'était assurément pas de permettre à J. S. qu'elle ne connaissait pas, d'hériter même partiellement des revenus de ses biens, car dans le cas contraire, elle n'aurait pas manqué de le spécifier dans son testament,

– les biens légués représentent une valeur très inférieure à celle alléguée, par suite du transfert du vivant de la testatrice de la plupart de ses fonds au profit de la fondation qu'elle a créée et dont elle a été la directrice,

– J. S. n'établit pas l'existence d'un principe certain de créance en l'état du testament et de l'envoi en possession de la fondation comme légataire universelle suivant ordonnance du 6 janvier 2000,

– il n'existe aucun péril en la cause.

J. S. conclut, quant à lui, à la confirmation de l'ordonnance déférée.

Il soutient que :

– sa qualité de successible n'est pas contestable tant en droit allemand qu'en droit monégasque,

– ses droits n'ont pas été cédés et l'accord qu'il a passé avec diverses personnes morales sur les conséquences des procédures ne lui retire pas son droit d'agir en justice,

– son principe de créance résulte du testament qui ne vise que 70 % des revenus annuels du patrimoine de la testatrice,

– le fait que le testament précise qu'il concerne tous les biens permet de définir l'assiette des revenus mais ne signifie pas que la testatrice aurait disposé de tous ses biens,

– la modification d'un premier testament quelques jours seulement après sa rédaction en ce qui concerne certains bénéficiaires éclaire l'influence de G. W. sur la testatrice et rend suspecte l'affirmation de la Fondation W. selon laquelle la testatrice avait voulu faire exclusivement bénéficier des œuvres caritatives soigneusement choisies par les soins de la fondation,

– le règlement intérieur de la fondation donne tous pouvoirs à son conseil qui est libre, selon ce règlement, de disposer à titre personnel, ou par l'intermédiaire de la fondation, du patrimoine de celle-ci, et de la dissoudre sans encourir de responsabilité,

– l'interprétation du testament doit se faire selon le droit monégasque,

– le péril quant au recouvrement de la créance résulte du pouvoir de gestion discrétionnaire des membres du conseil de la fondation.

La SAM dénommée KB Luxembourg (Monaco) tiers-saisi à qui l'assignation a été dénoncée n'a pas comparu, ni constitué avocat-défenseur.

SUR CE,

Considérant que la fondation W. a fait assigner devant la Cour d'appel J. S., en présence de la SAM KB Luxembourg (Monaco) tiers-saisi ;

Que le tiers-saisi, non cité à personne, non représenté par un avocat-défenseur, à l'encontre de qui aucune demande n'est formulée par l'appelant n'est pas partie défenderesse au sens des articles 216 et 217 du Code de procédure civile en sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner sa réassignation ;

Considérant sur la qualité à agir de J. S., qu'en vertu de la règle de conflit de loi monégasque, la succession mobilière d'A. B. ouverte dans la Principauté où la défunte était domiciliée est régie par la loi nationale, en l'espèce la loi allemande ;

Qu'au regard de cette loi, J. S., petit-neveu d'A. B., a la qualité de successible venant en rang utile ;

Considérant sur l'intérêt à agir de J. S., qu'au soutien de son moyen tiré du défaut d'intérêt à agir de J. S. par suite de la cession qu'il aurait faite de ses droits successoraux antérieurement à la présentation de la requête en saisie-arrêt, la fondation W. verse aux débats deux actes établis en la forme sous-seing privé, l'un en date du 13 octobre 2006, intitulé convention mutuelle (pièce n° 46 dossier de Maître Mullot), l'autre en date du 14 novembre 2006 intitulé cession irrévocable (pièce n° 47 dossier de Maître Mullot) ; que ces documents rédigés en langue anglaise ont fait l'objet d'une traduction en langue française dont les termes ne sont pas contestés par J. S. ;

Considérant que selon la convention mutuelle du 13 octobre 2006 conclue entre AMP Services limited, trustee du W. et A. B. Trust, l'institut W. et J. S., ce dernier cède, transfère et délaisse irrévocablement tous ses droits, titres et participation en sa qualité d'héritier dans les successions de W. et d'A. B. au profit d'AMP Services limited en vertu de la cession irrévocable annexée à la convention, contre paiement de 11,5 % du recouvrement mondial brut de tous les actifs des deux successions ; que cette convention précise en son paragraphe 4 qu'AMP Services limited et l'institut W. déclarent et garantissent qu'ils feront chacun de leur mieux pour mener à bien le recouvrement au nom des successions, d'AMP, de l'institut et de J. S. ;

Considérant que par l'acte de cession irrévocable qui porte la mention « exécutée » le 14 octobre 2006 suivie de la signature de J. S., ce dernier, en contre-partie de valeurs reçues cède irrévocablement à AMP Services limited, cessionnaire, tous ses droits, titres et participations dans les successions de W. et d'A. B. ;

Considérant que J. S. soutient que ces accords portent sur les conséquences des procédures et ne le privent pas du droit d'agir en justice ;

Considérant cependant que cette analyse ne résulte pas de la lecture des actes précités desquels il ressort au contraire que J. S. a cédé les droits dont il se prétend titulaire dans la succession d'A. B. en sa qualité de petit-neveu de celle-ci ;

Considérant que cette cession est intervenue antérieurement à la requête en saisie-arrêt il a présentée le 19 février 2007 ; ne disposait donc plus à cette date d'un intérêt à agir ; sa requête était dès lors irrecevable ;

Qu'il y a lieu en conséquence de réformer l'ordonnance de référé entreprise à l'égard de la fondation W., d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qu'elle a autorisé la saisie-arrêt à l'encontre de la fondation W. sur le compte HC n° 4170 ouvert dans les livres de l'établissement bancaire KB Luxembourg (Monaco), et d'ordonner la mainlevée de cette saisie-arrêt ;

Que J. S. qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement,

– Réforme l'ordonnance de référé du 13 juillet 2007 en ce qu'elle a rejeté toute demande formulée du chef d'un défaut de qualité ou d'intérêt à agir ou à défendre de J. S. et en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qui concerne la saisie-arrêt ordonnée à l'encontre de la fondation W. S.,

Statuant à nouveau de ces chefs,

– Dit J. S. irrecevable en sa demande en saisie-arrêt, faute d'intérêt à agir,

– Rétracte l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qu'elle a autorisé la saisie-arrêt à l'encontre de la fondation W. S. sur le compte C n° 4170 ouvert dans les livres de l'établissement bancaire KB Luxembourg (Monaco),

– Ordonne la mainlevée de cette saisie-arrêt pratiquée selon exploit du 7 mars 2007,

– Condamne J. S. aux dépens de première instance et d'appel, distraits au profit de Maître Richard Mullot et Maître Frank Michel, avocats-défenseurs, qui les répartiront entre eux selon leur accord, sous leur due affirmation, chacun en ce qui le concerne,

– Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition

Mme François, premier prés. ; M. Dubes, prem. Subst. Proc. gén. ; Mes Michel et Gazo, av. déf ; Me Manassé, av. bar. Nice.

Note

Cet arrêt a réformé l'ordonnance de référé du 13 juillet 2007 en ce qu'elle a rejeté toute demandé formulée du chef d'un défaut de qualité ou d'intérêt à agir ou à défendre de J. S. et en ce qu'elle a confirmé l'ordonnance du 27 février 2007 en ce qui concerne la saisie-arrêt ordonnée à l'encontre de la fondation W.S., et statuant à nouveau de ces chefs a déclaré S. irrecevable en sa demande en saisie-arrêt, faute d'intérêt à agir a rétracté l'ordonnance du 27 février 2007 autorisant ladite saisie-arrêt et a ordonné la mainlevée de celle-ci.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27331
Date de la décision : 29/01/2008

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités


Parties
Demandeurs : La Fondation de droit du Liechtenstein dénommée W. S.
Défendeurs : S.

Références :

ordonnance du 27 février 2007
ordonnance du 6 janvier 2000
articles 216 et 217 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2008-01-29;27331 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award