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22/10/2007 | MONACO | N°27306

Monaco | Cour d'appel, 22 octobre 2007, M. S. et J. S. c/ C. B.


Abstract

Abandon de famille

Diverses formes d'incriminations : articles 295 et 296 du Code pénal - Abandon physique du foyer (C. pén., art. 295-1°) - Inapplicabilité de ce texte, les époux étant divorcés au moment de l'infraction invoquée - Abandon morale - Défaut de soin ou de direction compromettant gravement la santé, la sécurité ou la moralité des enfants (C. pén., art. 295-3°) - Éléments non caractérisés : l'enfant majeur n'étant pas concerné par ce texte et l'enfant mineur ayant été prise immédiatement en charge médicale Abandon pécuniaire (C. pÃ

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Abstract

Abandon de famille

Diverses formes d'incriminations : articles 295 et 296 du Code pénal - Abandon physique du foyer (C. pén., art. 295-1°) - Inapplicabilité de ce texte, les époux étant divorcés au moment de l'infraction invoquée - Abandon morale - Défaut de soin ou de direction compromettant gravement la santé, la sécurité ou la moralité des enfants (C. pén., art. 295-3°) - Éléments non caractérisés : l'enfant majeur n'étant pas concerné par ce texte et l'enfant mineur ayant été prise immédiatement en charge médicale Abandon pécuniaire (C. pén., art. 296) - L'obligation de verser régulièrement la pension alimentaire aux enfants, fixée par décision de justice a été respectée

Résumé

M. S. a fait citer directement devant le Tribunal correctionnel C. B. afin qu'elle y réponde du délit d'abandon de famille prévu et réprimé par les articles 295 et 296 du Code pénal, lesdits articles étant expressément mentionnés dans la citation directe.

Devant la Cour, M. S. et J. S. ont fait conclure à la déclaration de culpabilité de C. B. et à sa condamnation pénale.

Cependant en l'absence d'appel du ministère public, le jugement de relaxe est devenu définitif et la Cour ne peut que rechercher si les éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille sont réunis afin de se prononcer sur la réparation civile.

L'article 295 du Code pénal dispose que :

« Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 ou de l'une de ces deux peines seulement :

1° le père ou la mère qui abandonne, sans motif grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale et se soustrait à tout ou partie des obligations résultant de la puissance paternelle ou de la tutelle légale, ledit délai ne pouvant être interrompu que par un retour définitif au foyer ;

2° le mari qui, sans motif grave, abandonne volontairement pendant plus de deux mois, sa femme, la sachant enceinte ;

3° les père et mère qui par de mauvais traitements, par des exemples pernicieux d'ivrognerie ou d'inconduite, par un défaut de soin ou de direction, compromettent gravement la santé, la sécurité, ou la moralité de leur enfant.

Dans les cas prévus aux chiffres 1 et 2, la poursuite ne sera exercée, pendant le mariage, que sur la plainte du conjoint ».

Aux termes de l'article 296 du même code :

« Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui, en méconnaissance d'une décision l'ayant condamnée à verser une contribution aux charges du ménage, ou une pension alimentaire à son conjoint, à ses ascendants, à ses descendants, sera volontairement demeurée plus de deux mois sans fournir la totalité des subsides déterminés par le juge ni acquitter le montant intégral de la pension.

Le défaut de paiement sera présumé volontaire sauf preuve contraire.

Toute personne condamnée pour l'un des délits prévus au présent article et à l'article précédent, pourra en outre être frappée, pour cinq ans au moins et dix ans au plus, de l'interdiction des droits mentionnés à l'article 27 du présent code, à compter du jour où elle aura subi sa peine.

Le Tribunal correctionnel connaîtra du délai lorsque la personne qui doit recevoir la pension ou bénéficier des subsides aura sa résidence ou son domicile dans la Principauté ».

Par arrêt du 20 mai 2000, la Cour d'appel a confirmé le jugement du 8 juillet 1999 du Tribunal de première instance qui a prononcé le divorce des époux C. B. / M. S. aux torts et griefs exclusifs du mari, confié au père la garde des enfants communs, E.S. né le 3 mars 1984 et J. S. née le 21 juin 1987, avec un droit de visite et d'hébergement habituel de la mère, et qui a condamné C. B. à verser à M. S. la somme de 2 500 francs par mois et par enfant à titre de contribution à leur entretien et à leur éducation.

Dans sa citation directe M. S. a exposé que C. B. ne s'est pas préoccupée pendant son séjour forcé sur le territoire israélien, d'avril 2004 à décembre 2004, des deux enfants communs qui, à l'issue de leur séjour en Israël ont rejoint le domicile paternel à Monaco et qu'elle se serait ainsi désintéressée de leur sort, de leur état de santé, de leur éducation, de leur sécurité et de leurs besoins quotidiens.

En premier lieu, il convient de constater que E.S. était âgé de 20 ans, et dès lors majeur pendant la période litigieuse du séjour forcé de son père en Israël, en sorte qu'il ne peut être concerné par les dispositions de l'article 295-3° du Code pénal ; par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il est constant que C. B. a régulièrement versé le montant de la pension alimentaire mise à sa charge pour l'entretien et l'éducation des deux enfants, M. S. ayant lui-même reconnu à l'audience de la cour le respect des obligations de son ex-épouse à ce titre.

De même aucune infraction ne peut être reprochée à C. B. sur le fondement des dispositions de l'article 295-1° et 295-2°, compte tenu de ce que M. S. et C. B. étaient, pendant la période litigieuse d'avril 2004 à décembre 2004, déjà divorcés.

Il est constant qu'à son retour d'Israël le 14 avril 2004, J. S., alors âgée de 17 ans, a rejoint, en compagnie de son frère E.S., âgé de 20 ans, le domicile de son père, lequel s'était vu confier la garde de leurs enfants communs.

Selon les appelants, le délit d'abandon de famille serait en l'espèce caractérisé par le défaut de soins ou de direction, lequel aurait gravement compromis la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant J. S.

S'agissant de la cause de cette séparation de J. S. d'avec son père, soit l'interdiction faite à M. S. par les autorités israéliennes de quitter le territoire israélien, laquelle a fait l'objet de longs développements dans les conclusions respectives des parties, il n'appartient pas à la Cour d'apprécier, dans le cadre de l'examen des éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille, la légitimité d'une telle mesure adoptée par lesdites autorités, ni la légitimité de la saisine des autorités judiciaires ou religieuses israéliennes, la cour ne pouvant en l'espèce que constater que M. S. a été retenu en Israël d'avril 2004 à décembre 2004, ce qui a entraîné sa séparation d'avec ses enfants.

Pour démontrer la détresse morale de sa fille et son déséquilibre psychologique pendant cette période de séparation, M. S. a produit notamment trois certificats médicaux du Dr P. N., médecin généraliste exerçant à Nice.

Il résulte de ces certificats médicaux que J. S. a subi de graves troubles psychologiques mais aussi qu'elle a été prise en charge immédiatement sur le plan médical après la séparation d'avec son père le 14 avril 2004.

Ensuite, nonobstant les relations difficiles qu'elle entretenait avec sa fille J. S. dont la garde a été confiée au père, C. B. a saisi, le 8 juin 2004, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nice, d'une requête tendant à ce qu'il soit statué dans l'urgence sur une modification de la résidence habituelle de l'enfant J. S. ainsi que sur sa demande de mise en œuvre d'une mesure de médiation familiale et d'une expertise psychiatrique de l'ensemble des membres de la famille, évoquant à cet égard le « blocage toujours persistant de sa fille à son égard ».

Ainsi C. B. a immédiatement manifesté son intérêt pour la santé, la sécurité et l'équilibre psychologique de sa fille qu'elle savait séparée de son père.

Après la radiation de l'affaire du rôle général du Tribunal de grande instance de Nice le 21 juin 2004, C. B. a adressé le 18 octobre 2004 un courrier au juge tutélaire de Monaco dont elle attirait « l'attention particulière (sur) cette lettre dans laquelle (elle mettait) son dernier espoir ».

Évoquant la radiation de l'affaire au Tribunal de grande instance de Nice, elle informait le juge tutélaire que sa fille J. S., majeure dans quelques mois, vivait seule au domicile de son père depuis 6 mois et qu'elle refusait de communiquer avec elle, ajoutant qu'elle était « terriblement inquiète pour la santé mentale et physique de J. S. et son frère E.S. » et sollicitant son aide d'urgence.

Par un courrier du 26 octobre 2004 le juge tutélaire, se référant à la lettre du 18 octobre 2004, informait C. B. qu'il était compétent pour intervenir lorsque la santé, la moralité, l'éducation ou la sécurité d'un mineur monégasque ou résidant à Monaco semblaient compromises, sollicitant dès lors la communication de l'adresse de la mineure concernée.

Cependant C. B. a adressé audit juge tutélaire le 20 décembre 2004 une lettre pour l'informer que la situation de sa fille J. S. « est bien heureusement rentrée dans l'ordre, suite au retour de son papa à son domicile en date du 8 décembre ».

Il résulte de l'ensemble de ces démarches entreprises par C. B. auprès des autorités judiciaires qu'il ne peut être reproché à celle-ci un défaut de soins ou de direction compromettant gravement la santé, la sécurité, ou la moralité de sa fille J. S., alors âgée de 17 ans, qui malgré sa détresse psychologique a passé avec succès les épreuves du baccalauréat section « S » et qui refusait alors toute communication avec elle.

Dans ces conditions la Cour ne peut que constater que les éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille ne sont pas réunis en sorte que la demande des appelants quant à une réparation civile doit être rejetée, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du passeport de C. B. ni de constater une violation de la Convention relative aux droits de l'enfant faite à New York le 20 novembre 1989.

C'est à bon droit que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, le Tribunal correctionnel a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par C. B.

Motifs

La Cour,

Considérant les faits suivants :

Par ordonnance du 18 février 2005 le président du Tribunal de première instance a autorisé M. S. à citer directement devant le Tribunal correctionnel C. B. afin qu'elle y réponde du délit d'abandon de famille, prévu et réprimé par les articles 295 et 296 du Code pénal.

Dans sa citation directe devant le Tribunal correctionnel de C. B., de nationalité marocaine, chirurgien dentiste, à Monaco, M. S. a exposé que :

– par un arrêt du 30 mai 2000 la Cour d'appel de Monaco a confirmé le jugement rendu le 8 juillet 1999 par le Tribunal de première instance qui a prononcé le divorce des époux C. B. M. S. aux torts et griefs exclusifs du mari, confié au père la garde des enfants communs E. né E. S. le 3 mars 1984 et J. S. née le 21 février 1987 sous réserve du droit de visite de la mère, a condamné celle-ci à verser au père une part contributive de 2 500 francs par mois et par enfant, constaté l'accord des parties quant à la jouissance par l'épouse du domicile conjugal ;

– tous deux étant israélites et mariés selon la loi religieuse, C. B. a sollicité, après le prononcé du divorce par les juridictions monégasques, que lui soit accordé le « gueth » qui correspond, selon la loi Mosaïque à la renonciation, par le mari exclusivement, aux obligations par lui souscrites à l'occasion du mariage religieux, le « gueth » permettant seul, au regard du droit Mosaïque, d'établir la fin du mariage religieux ;

– n'ayant jamais renoncé à la possibilité d'une réconciliation, il s'est opposé à la délivrance du « gueth », en sorte que C. B. a formé devant la juridiction Rabbinique de Jérusalem une demande en divorce religieux ainsi qu'une demande en paiement de pension alimentaire en se prétendant sans ressources, sans logement, sans profession et souhaitant émigrer en Israël ;

– ainsi, alors qu'il s'est rendu en Israël pendant une période de vacances du 5 au 14 avril 2004, avec ses enfants, les autorités israéliennes lui ont interdit de prendre l'avion du retour vers Monaco et de quitter le territoire israélien tandis que les enfants ont été autorisés à rejoindre Monaco ;

– de retour à Monaco, les enfants se sont réinstallés chez lui, et ont été livrés à eux-mêmes alors même que J., mineure, s'apprêtait à passer les épreuves du baccalauréat et qu'E. poursuivait ses études ;

– par décision du 29 novembre 2002, la Cour Suprême de l'État d'Israël a constaté l'incompétence du Tribunal Rabbinique de Jérusalem pour connaître de la demande introduite par C.B. ;

– C. B. a par ailleurs saisi le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nice afin que la garde de J. soit momentanément confiée à ses grands-parents paternels demeurant à Nice.

Selon M. S., C. B. ne s'est pas préoccupée, pendant les huit mois de son séjour forcé sur le territoire israélien, de la situation des enfants communs et notamment de J., mineure, qui devait passer les épreuves du baccalauréat, et n'a pas veillé à leur santé, à leur sécurité, à leur entretien et à leurs conditions d'existence au quotidien, ni à leur équilibre dans un contexte particulièrement délicat, et aurait ainsi commis le délit d'abandon de famille, constitué dès lors que l'on se désintéresse de la situation d'un enfant, de son sort, de son état de santé, de ses besoins quotidiens, de son éducation, et de sa sécurité.

Il a invoqué à l'appui de cette analyse la Convention relative aux droits de l'enfant, faite à New York le 20 novembre 1989 et rendue exécutoire en Principauté par ordonnance n° 11-003 du 1er septembre 1993.

Par conclusions déposées devant le Tribunal correctionnel le 4 janvier 2006, C. B. a conclu à l'irrecevabilité des poursuites engagées à son encontre du chef d'abandon de famille et a sollicité sa relaxe.

Se fondant sur les dispositions des articles 355 et 390 du Code de procédure pénale, elle a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de M. S. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices matériel et moral.

Elle a essentiellement fait valoir que cette citation directe s'inscrit dans le cadre du refus de M. S. de lui délivrer le « Gueth », le divorce religieux dans la confession israélite lui permettant son remariage religieux, en sorte qu'elle a été contrainte de saisir le Tribunal de première instance de Monaco pour obtenir réparation du grave préjudice matériel et moral que M. S. a occasionné délibérément, celui-ci n'ayant pas tenu compte des exhortations du Grand Rabbinat de France et d'Israël pour qu'il lui délivre le « gueth », ni de l'engagement qu'il avait pris devant la Cour Suprême d'Israël, consigné dans l'arrêt du 29 novembre 2004.

Elle a soutenu en outre qu'en tout état de cause, elle ne pouvait faire l'objet de poursuites pour s'être abstenue du règlement des pensions alimentaires dès lors qu'elle s'était acquittée de celles-ci et que s'agissant du délit prévu par l'article 295 du Code pénal M. S. affirmait à tort que c'était sur son instigation à elle qu'il n'aurait pu quitter le territoire israélien alors que l'interdiction avait été prononcée par le Tribunal Rabbinique.

Elle a également indiqué, d'une part, que leur fille J. était alors presque majeure et habitait avec son frère au domicile de leur père à Monaco, et ne pouvait dès lors être considérée comme étant en danger, et d'autre part, que M. S. avait été informé de la saisine le 10 juin 2004 du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nice en vue d'une mesure de médiation familiale, et d'une autorisation de résidence de J. chez ses grands-parents à Nice où elle était scolarisée.

Elle estimait que M. S. avait agi de mauvaise foi en saisissant la juridiction pénale et lui avait ainsi causé des préjudices matériel et moral.

Par conclusions du 4 mai 2006, C. B. concluait à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de J. S. et, en tout état de cause à son rejet, indépendamment de l'absence de toute infraction compte tenu de ce qu'au moment du prétendu fait générateur du préjudice allégué, J., encore mineure, était nécessairement représentée par son père, M. S.

Par le jugement entrepris du 20 juin 2006, le Tribunal correctionnel a renvoyé C. B. des fins de la poursuite sans peine ni dépens et, sur l'action civile, a déclaré la constitution de partie civile de J. S. recevable, débouté M. S. et J. S. de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts, débouté C. B. de sa demande en paiement de dommages-intérêts et condamné M. S. aux frais.

Par conclusions du 3 novembre 2006, M. S., partie civile poursuivante, et J. S. partie civile, concluent à la recevabilité de leur appel, à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la cour de déclarer que les éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille sont bien réunis, de déclarer C. B. coupable du délit d'abandon de famille sur la personne de sa fille J., mineure à l'époque des faits, de statuer ce que de droit sur la sanction pénale, de les déclarer recevables et bien fondés en leur constitution de partie civile, de condamner C. B. à leur payer un euro de dommages-intérêts ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ils font essentiellement valoir que le Tribunal correctionnel a relevé à juste titre le profond attachement des deux enfants E. et J. à leur père, ce qui a rendu d'autant plus insupportable au plan moral et humain la très douloureuse séparation pendant une période de huit mois lorsqu'il se trouvait retenu sur le territoire de l'État d'Israël ;

Que le Tribunal correctionnel n'a cependant tiré aucune conséquence de la radiation de la requête présentée par C. B. au juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nice, C. B. ne s'étant pas préoccupée pendant tout l'été 2004 de J. qui se trouvait alors livrée à elle-même, venant de passer avec succès, « dans des conditions inimaginables », les épreuves du baccalauréat section S ;

Que pendant l'été 2004, C. B. est partie en vacances, et n'a jamais communiqué devant le Tribunal de première instance la copie de son passeport en vigueur en 2004 en sorte qu'il appartient à la cour d'exiger, au besoin par arrêt avant dire droit, la communication par C. B. de son passeport ;

Que ce n'est que quatre mois plus tard, le 19 octobre 2004, que C. B. a saisi le juge tutélaire de Monaco pour lui signaler la situation de sa fille en lui indiquant que celle-ci vivait seule depuis 6 mois au domicile de son père retenu en Israël, lequel refusait de lui délivrer le divorce religieux, que J. refusait de communiquer avec elle et qu'elle était inquiète pour la santé mentale et physique de J. et d'E. ;

Que C. B. n'a donné aucune suite à la lettre du juge tutélaire du 9 novembre 2004 l'invitant à préciser sa requête ; que les certificats médicaux versés aux débats et mentionnés dans le jugement entrepris démontrent que la situation nécessitait des mesures urgentes ;

Qu'ainsi, l'infraction d'abandon de famille est d'autant plus établie que la situation était prévisible dès lors que depuis juillet 2003, et à l'insu de M. S., C. B. avait introduit les procédures auprès des juridictions israéliennes qui devaient conduire à l'interdiction de sortie du territoire de M. S. ;

Que le tribunal n'a relevé la souffrance psychique de J. et les graves répercussions de celle-ci sur son état physique que pour indiquer que la cause de cette souffrance était due à la séparation des enfants avec leur père, cette opération ayant été imposée par le Tribunal rabbinique régional de Jérusalem, saisi par C. B. ;

Que c'est à tort que le Tribunal correctionnel n'a retenu aucune charge à l'encontre de C. B. alors que celle-ci aurait dû prendre immédiatement les mesures nécessaires sous peine de commettre le délit d'abandon de famille ;

Que le Tribunal correctionnel a cru pouvoir considérer que la santé de J. s'était trouvée gravement compromise mais que cette situation n'était nullement la conséquence de mauvais traitements, de défaut de soins ou de direction visés à l'article 295-3° du Code pénal qui serait imputable à C. B. même si celle-ci est à l'origine de la saisine du Tribunal rabbinique régional de Jérusalem.

Que C. B. n'avait pas droit à la passivité mais avait le devoir positif, en tant que mère de J., de prendre les mesures propres à faire face à la situation.

Par conclusions déposées le 29 janvier 2007, C. B. a conclu au rejet de l'appel formé par M. S. et J. S. à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel du 20 juin 2006 et demande à la Cour de dire et juger irrecevables les poursuites sur citation directe de M. S. du 18 février 2005 fondées sur les articles 295 et 296 du Code pénal, et ce par application de l'article 81, alinéa 2, du Code de procédure pénale qui consacre la règle « electa una via » dès lors que pour des faits identiques qu'il a allégués, M. S. a antérieurement saisi la juridiction civile par assignation du 21 octobre 2004 toujours pendante devant le Tribunal de première instance, de rejeter la prétendue violation de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 non invoquée à la citation directe qui a fixé le fondement des poursuites initiées par M. S. et en tout état de cause inapplicable et enfin, eu égard aux faits et circonstances de la cause de rejeter les conclusions des parties appelantes du 3 novembre 2006, le tribunal ayant retenu en équité que la décision rendue par le Tribunal rabbinique régional de Jérusalem qui a interdit à M. S. de quitter le territoire d'Israël a bien été à l'origine des faits qu'il a allégués dans sa citation directe du 18 février 2005, de dire et juger que M. S. a refusé de consigner une somme d'argent ou « le gueth » pour garantir sa comparution aux audiences et être ainsi autorisé à quitter le territoire de l'État d'Israël, de confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il l'a renvoyée des fins de la poursuite sans peine ni dépens et débouté les parties civiles de leur demande en dommages-intérêts, et de condamner solidairement les parties appelantes aux entiers dépens.

Elle a fait essentiellement valoir que dans leurs conclusions déposées devant la cour, les appelants ne formulaient pas véritablement de critiques à l'encontre du jugement entrepris ;

Que le tribunal ne s'est pas prononcé sur l'application de l'article 81 alinéa 2 du Code de procédure pénale dont il avait été régulièrement saisi, l'ayant en définitive renvoyée des fins de la poursuite ;

Que ce moyen est cependant recevable en sorte qu'il y a lieu de faire application de la règle « electa una via » dès lors qu'il y a indiscutablement une similitude flagrante dans la présentation des faits dont la juridiction civile a été saisie en premier et visés par l'exploit d'assignation de M. S. du 21 octobre 2004 et repris dans la citation directe du 18 février 2005 qu'il a délivrée postérieurement ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyée des fins de la poursuite ;

Qu'ainsi que l'a mis en évidence la Haute Cour de Justice d'Israël, le refus de M. S. de délivrer le gueth a créé pour elle une situation particulièrement douloureuse d'une femme « agouna » divorcée au plan civil mais toujours liée par les liens d'un mariage religieux, exhortant M. S. à respecter l'engagement qu'il avait pris pour mettre un terme à une « profonde détresse humaine qu'un tel refus génère » ;

Qu'il ne peut lui être fait grief des diligences persistantes et réitérées pour obtenir des juridictions rabbiniques en France puis en Israël la délivrance du gueth afin de mettre fin à sa situation de femme « agouna » ;

Que nonobstant l'interdiction de sortie du territoire prononcée d'office par les juridictions rabbiniques d'Israël, M. S. aurait pu quitter le territoire israélien pour rejoindre la Principauté de Monaco s'il avait préalablement accepté de consigner une somme d'argent tel que le Tribunal rabbinique le lui avait proposé en avril 2004 pour assurer sa comparution aux audiences et s'il lui avait ultérieurement proposé de déposer le « gueth » entre les mains du « Rav Bazri » désigné en qualité de fidéicommis par la Haute Cour d'Israël ;

Que M. S. a lui-même présenté une requête à la Cour Suprême le 14 septembre 2004 tendant à la mainlevée de l'interdiction de sortie du territoire, laquelle a été rejetée ;

Qu'il ne peut par ailleurs lui être imputé, à elle, le temps nécessaire à la mise en état d'une procédure devant les juridictions israéliennes ;

Qu'elle est ainsi totalement étrangère à cette situation qui, selon M. S. aurait gravement compromis la santé et l'équilibre moral de J. alors même qu'elle vivait avec son frère déjà majeur dans l'appartement de son père à Monaco et qu'elle a par ailleurs brillamment passé son baccalauréat ;

Qu'elle a produit des attestations démontrant qu'elle était soucieuse de la situation de ses enfants, qu'elle a saisi le juge aux affaires familiales en France puis le juge tutélaire à Monaco et a manifesté son affection à ses enfants et plus particulièrement à sa fille J. ;

Qu'enfin, contrairement aux allégations de M. S., elle n'était pas partie en villégiature sans s'inquiéter de la situation d'E. et de J. dont le père était retenu sur le territoire d'Israël, et a produit à cet égard le certificat délivré par le ministère de l'intérieur de l'État d'Israël authentifiant les dates d'entrée et de sortie du territoire d'Israël pour la période du 16 avril 2004 au 4 juin 2006 ;

Par conclusions déposées le 16 mai 2007, M. S. et J. S. font encore valoir que C. B. n'a toujours pas justifié de la copie de son passeport ;

Qu'elle ne conteste pas dans ses écritures n'avoir donné aucune suite à la dernière correspondance du juge tutélaire du 9 novembre 2004 alors que la situation présentait un caractère d'urgence ;

Que s'agissant de la règle « electa una via » invoquée par C. B. selon laquelle il aurait choisi la voie civile et aurait ainsi perdu le droit d'agir au pénal, cette analyse est inexacte dès lors que les faits qui lui sont reprochés en l'espèce sont un abandon de famille consistant à ne pas apporter à J. le soin et l'attention nécessaires pendant la période où elle se trouvait livrée à elle-même, et qu'il n'est pas demandé à la juridiction pénale réparation du préjudice qui lui est causé par la privation de liberté dont il a été victime, une telle action étant portée devant le Tribunal de première instance depuis le 21 octobre 2004, dans laquelle J. n'est nullement partie ;

Par conclusions déposées le 18 juin 2007, M. S. et J. S. demandent à la cour, avant dire droit sur le fond de l'affaire, d'enjoindre à C. B. d'avoir à produire les documents comportant la traduction par traducteur assermenté des pièces qu'elle a versées aux débats avec traduction de M. T. et d'ordonner le renvoi de la cause et des parties à une prochaine audience pour plaidoiries après justification de la production en temps utile des traductions assermentées, et de réserver les dépens ;

Il a indiqué que parmi les pièces visées par le bordereau de communication de pièces du conseil de C. B. figurent des traductions en langue française de pièces hébraïques par M. T. qui n'a pas qualité de traducteur assermenté ainsi que l'a attesté le Consul général de France à Jérusalem, M. T. étant le propre conseil de C. B. devant la juridiction rabbinique ;

À l'audience de la cour, le conseil de M. S. et de J. S. a repris ses conclusions tendant au renvoi de la cause et des parties à une audience ultérieure afin que C. B. produise une traduction par un traducteur assermenté des pièces versées aux débats et traduites par M. T. qui n'était pas habilité à le faire, lesdites pièces étant référencées sur le bordereau de communication de Maître Léandri sous le n° 19 ;

Maître Étienne Léandri, conseil de C. B. a demandé à la cour de joindre l'incident au fond en précisant que la pièce qu'il entend communiquer à la cour est traduite et est référencée sous pièces n° 4 et 12 du dossier de Maître J. Pastor-Bensa, et recommuniquée par lui-même sous le n° 22.

Le ministère public a requis la jonction de l'incident au fond de l'affaire.

La cour a ordonné ladite jonction.

C. B. a contesté les faits reprochés.

M. S. a repris l'argumentation développée dans les conclusions déposées par son conseil en précisant, à la demande de la cour, que les pensions alimentaires mises à la charge de C. B. pour l'entretien et l'éducation des deux enfants E. et J. lui ont été régulièrement versées par C. B.

Maître Paul Guetta a repris ses conclusions, ci-dessus analysées, pour M. S., partie civile poursuivant, et J. S. partie civile.

C. B. quant à elle, a fait plaider la relaxe et la confirmation du jugement entrepris.

Sur l'incident de communication de pièces non traduites par un traducteur assermenté

Considérant que M. S. et J. S. ont fait conclure que la cour ne pouvant se fonder, eu égard aux principes généraux des droits de la défense et des règles du procès équitable, sur une traduction effectuée non par une personne neutre ayant la qualité de traducteur assermenté mais par le propre conseil de C. B., lequel n'est en outre pas traducteur assermenté hébreu/français ;

Considérant qu'en application de l'article 387 du Code de procédure pénale, la preuve des délits se fait par témoins, par procès-verbaux ou rapports, et même par simples présomptions, lorsque les faits qui servent de base à celles-ci, ont été produits dans le débat oral et soumis à la libre discussion des parties ;

Considérant que les pièces produites par une partie ne sont pas des actes de procédure en sorte qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats dès lors qu'elles ont été régulièrement communiquées et débattues à l'audience, ce qui est le cas en l'espèce ;

Que la demande formée à cet égard par M. S. et J. S. doit, par suite, être rejeté ;

Sur le moyen invoqué par C. B., tiré de la règle una via electa, tendant à l'irrecevabilité des poursuites sur citation directe engagées à son encontre par M. S.

Considérant que l'article 81 du Code de procédure pénale dispose que :

« La partie civile qui s'est désistée devant la juridiction répressive ne peut plus porter son action devant la même juridiction, mais conserve la faculté de saisir la juridiction civile. La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en est autrement que si celle-ci est saisie par le ministère public, postérieurement à l'introduction de la demande devant la juridiction civile, et si le désistement de la partie lésée est intervenu avant que les débats ne soient liés devant la juridiction civile. » ;

Considérant que C. B. s'est fondée sur les dispositions sus-rappelées de l'article 81 du Code de procédure pénale pour demander à la cour de déclarer irrecevables les poursuites sur citation directe engagées à son encontre par M. S., en faisant valoir qu'il y a une similitude flagrante dans la présentation des faits dont la juridiction civile a été saisie en premier, visés par l'exploit d'assignation de M. S. du 21 octobre 2004 et repris dans la citation directe qu'il a délivrée postérieurement le 18 février 2005 ;

Considérant cependant que l'application de l'article 81 du Code de procédure pénale est conditionnée non par la similitude de la présentation des faits, mais sur l'identité des demandes formées devant la juridiction civile et devant la juridiction répressive ;

Qu'en l'espèce, il résulte de l'exploit d'assignation de M. S. du 21 octobre 2004 que celui-ci a demandé au tribunal de dire et juger que C. B. lui a causé un très grave dommage par l'atteinte insupportable à sa liberté de circuler, par l'atteinte fondamentale aux conditions d'exercice de sa garde de l'enfant mineure J., et de son droit de subvenir à ses besoins ainsi qu'à ceux d'E. et par le bouleversement complet de l'exercice de ses activités professionnelles, lesdites atteintes justifiant l'allocation de dommages-intérêts d'un million d'euros ;

Que ladite demande est étrangère à celle formée devant la juridiction répressive par M. S. et J. S. qui sollicitent la condamnation de C. B. à leur verser un euro à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice subi du fait de l'infraction d'abandon de famille ;

Considérant par suite que les conclusions de C. B. tendant à l'irrecevabilité des poursuites sur citation directe engagées à son encontre par M. S. doivent être rejetées ;

Au fond,

Considérant que M. S. a fait citer directement devant le Tribunal correctionnel C. B. afin qu'elle y réponde du délit d'abandon de famille prévu et réprimé par les articles 295 et 296 du Code pénal, lesdits articles étant expressément mentionnés dans la citation directe ;

Considérant que devant la Cour, M. S. et J. S. ont fait conclure à la déclaration de culpabilité de C. B. et à sa condamnation pénale ;

Considérant cependant qu'en l'absence d'appel du ministère public, le jugement de relaxe est devenu définitif et la Cour ne peut que rechercher si les éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille sont réunis afin de se prononcer sur la réparation civile ;

Considérant que l'article 295 du Code pénal dispose que :

« Sera puni d'un emprisonnement de trois mois à un an et de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 ou de l'une de ces deux peines seulement :

1° le père ou la mère qui abandonne, sans motif grave, pendant plus de deux mois, la résidence familiale et se soustrait à tout ou partie des obligations résultant de la puissance paternelle ou de la tutelle légale, ledit délai ne pouvant être interrompu que par un retour définitif au foyer ;

2° le mari qui, sans motif grave, abandonne volontairement pendant plus de deux mois, sa femme, la sachant enceinte ;

3° les père et mère qui par de mauvais traitements, par des exemples pernicieux d'ivrognerie ou d'inconduite, par un défaut de soin ou de direction, compromettent gravement la santé, la sécurité, ou la moralité de leur enfant.

Dans les cas prévus aux chiffres 1 et 2, la poursuite ne sera exercée, pendant le mariage, que sur la plainte du conjoint. »

Qu'aux termes de l'article 296 du même code :

« Sera punie d'un emprisonnement de trois mois à un an de l'amende prévue au chiffre 2 de l'article 26 ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui, en méconnaissance d'une décision l'ayant condamnée à verser une contribution aux charges du ménage, ou une pension alimentaire à son conjoint, à ses ascendants, à ses descendants, sera volontairement demeurée plus de deux mois sans fournir la totalité des subsides déterminés par le juge ni acquitter le montant intégral de la pension.

Le défaut de paiement sera présumé volontaire sauf preuve contraire.

Toute personne condamnée pour l'un des délits prévus au présent article et à l'article précédent, pourra en outre être frappée, pour cinq ans au moins et dix ans au plus, de l'interdiction des droits mentionnés à l'article 27 du présent code, à compter du jour où elle aura subi sa peine.

Le Tribunal correctionnel connaîtra du délit lorsque la personne qui doit recevoir la pension ou bénéficier des subsides aura sa résidence ou son domicile dans la Principauté. »

Considérant que par un arrêt du 30 mai 2000, la Cour d'appel a confirmé le jugement du 8 juillet 1999 du Tribunal de première instance qui a prononcé le divorce des époux C. B. M. S. aux torts et griefs exclusifs du mari, confié au père la garde des enfants communs, E. né le 3 mars 1984 et J. née le 21 juin 1987, avec un droit de visite et d'hébergement habituel de la mère, et qui a condamné C. B. à verser à M. S. la somme de 2 500 francs par mois et par enfant à titre de contribution à leur entretien et à leur éducation ;

Considérant que dans sa citation directe M. S. a exposé que C. B. ne s'est préoccupée pendant son séjour forcé sur le territoire israélien, d'avril 2004 à décembre 2004, des deux enfants communs qui, à l'issue de leur séjour en Israël on rejoint le domicile paternel à Monaco et qu'elle se serait ainsi désintéressée de leur sort, de leur état de santé, de leur éducation, de leur sécurité et de leurs besoins quotidiens ;

Considérant en premier lieu qu'il convient de constater que E. S. était âgé de 20 ans, et dès lors majeur pendant la période litigieuse du séjour forcé de son père en Israël, en sorte qu'il ne peut être concerné par les dispositions de l'article 295-3° du Code pénal ; que par ailleurs, et ainsi que l'a relevé le tribunal, il est constant que C. B. a régulièrement versé le montant de la pension alimentaire mise à sa charge pour l'entretien et l'éducation des deux enfants, M. S. ayant lui-même reconnu à l'audience de la cour le respect des obligations de son ex-épouse à ce titre ;

Que, de même aucune infraction ne peut être reprochée à C. B. sur le fondement des dispositions de l'article 295-1° et 295-2°, compte tenu de ce que M. S. et C. B. étaient, pendant la période litigieuse d'avril 2004 à décembre 2004, déjà divorcés ;

Considérant qu'il est constant qu'à son retour d'Israël le 14 avril 2004, J. S., alors âgée de 17 ans, a rejoint, en compagnie de son frère E., âgé de 20 ans, le domicile de son père, lequel s'était vu confier la garde de leurs enfants communs ;

Que selon les appelants, le délit d'abandon de famille serait en l'espèce caractérisé par le défaut de soins ou de direction, lequel aurait gravement compromis la santé, la sécurité ou la moralité de l'enfant J. ;

Considérant que s'agissant de la cause de cette séparation de J. d'avec son père, soit l'interdiction faite à M. S. par les autorités israéliennes de quitter le territoire israélien, laquelle a fait l'objet de longs développements dans les conclusions respectives des parties, il n'appartient pas à la Cour d'apprécier, dans le cadre de l'examen des éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille, la légitimité d'une telle mesure adoptée par lesdites autorités, ni la légitimité de la saisine des autorités judiciaires ou religieuses israéliennes, la Cour ne pouvant en l'espèce que constater que M. S. a été rendu en Israël d'avril 2004 à décembre 2004, ce qui a entraîné sa séparation d'avec ses enfants ;

Considérant que pour démontrer la détresse morale de sa fille et son déséquilibre psychologique pendant cette période de séparation, M. S. a produit notamment trois certificats médicaux du Dr P. N., médecin généraliste exerçant à Nice ;

Que dans son certificat du 14 avril 2004, le Dr N. « reconnaît avoir constaté l'état psychologique déplorable de M. E. S. et de Mlle J. S. encore mieux dans le vol Arkia – Tel-Aviv – Eilat – Nice... » ;

Qu'il a indiqué dans un certificat du 19 avril 2004 qu'il a examiné « Mlle J. S. qui présente un état dépressif sévère, avec repli sur elle-même, pleurs, perte d'appétit. Ces symptômes sont en rapport direct avec la séparation de son père. Il serait nécessaire avec urgence que son père M. S. puisse la rejoindre au plus tôt avant que l'état de santé de Mlle S. J. ne devienne préoccupant » ;

Qu'enfin dans son certificat du 11 mai 2004, il a indiqué que devant la détresse morale de J. S., il l'avait adressée à son confrère, le Dr A. S., psychiatre, lequel avait confirmé une symptomatologie anxio-dépressive qu'il avait lui-même constatée lors de sa dernière consultation, précisant que : « le manque de soutien, le déséquilibre familial dus à l'absence de son père qui est le seul pilier familial » père-mère « amène cette jeune fille à négliger sa santé, à manquer d'entrain, d'appétit et de sommeil à cause de la pression et de l'angoisse qu'elle subit chaque jour et ce depuis le 14 avril dernier » ;

Que par ailleurs le Dr. A. S., psychiatre, a relevé chez J. S., dans un certificat médical du 6 mai 2004 une symptomatologie anxio-dépressive de type névrotico-réactionnel et lui a prescrit un traitement anti-dépresseur ;

Considérant qu'il résulte de ces certificats médicaux que J. S. a subi de graves troubles psychologiques mais aussi qu'elle a été prise en charge immédiatement sur le plan médical après la séparation d'avec son père le 14 avril 2004 ;

Considérant ensuite, que nonobstant les relations difficiles qu'elle entretenait avec sa fille, J. dont la garde a été confiée au père, C. B. a saisi, le 8 juin 2004, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Nice, d'une requête tendant à ce qu'il soit statué dans l'urgence sur une modification de la résidence habituelle de l'enfant J. ainsi que sur sa demande de mise en œuvre d'une mesure de médiation familiale et d'une expertise psychiatrique de l'ensemble des membres de la famille, évoquant à cet égard le « blocage toujours persistant de sa fille à son égard » ;

Qu'ainsi C. B. a immédiatement manifesté son intérêt pour la santé, la sécurité et l'équilibre psychologique de sa fille qu'elle savait séparée de son père ;

Qu'après la radiation de l'affaire du rôle général du Tribunal de grande instance de Nice le 21 juin 2004, C. B. a adressé le 18 octobre 2004 un courrier au juge tutélaire de Monaco dont elle attirait « l'attention particulière (sur) cette lettre dans laquelle (elle mettait) son dernier espoir » ;

Qu'évoquant la radiation de l'affaire au Tribunal de grande instance de Nice, elle informait le juge tutélaire que sa fille J. majeure dans quelques mois, vivait seule au domicile de son père depuis 6 mois et qu'elle refusait de communiquer avec elle, ajoutant qu'elle était « terriblement inquiète pour la santé mentale et physique de J. et son frère E. » et sollicitant son aide d'urgence ;

Que par un courrier du 26 octobre 2004 le juge tutélaire, se référant à la lettre du 18 octobre 2004, informait C. B. qu'il était compétent pour intervenir lorsque la santé, la moralité, l'éducation ou la sécurité d'un mineur monégasque ou résidant à Monaco semblaient compromises, sollicitant dès lors la communication de l'adresse de la mineure concernée ;

Que cependant C. B. a adressé audit juge tutélaire le 20 décembre 2004 une lettre pour l'informer que la situation de sa fille J. « est bien heureusement rentrée dans l'ordre, suite au retour de son papa à son domicile en date du 8 décembre. » ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces démarches entreprises par C. B. auprès des autorités judiciaires qu'il ne peut être reproché à celle-ci un défaut de soins ou de direction compromettant gravement à la santé, la sécurité, ou la moralité de sa fille J., alors âgée de 17 ans, qui malgré sa détresse psychologique a passé avec succès les épreuves du baccalauréat section « S » et qui refusait alors toute communication avec elle ;

Considérant que dans ces conditions la Cour ne peut se constater que les éléments constitutifs de l'infraction d'abandon de famille ne sont pas réunis en sorte que la demande des appelants quant à une réparation civile doit être rejetée, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production du passeport de C. B. ni de constater une violation de la Convention relative aux droits de l'enfant faite à New York le 20 novembre 1989 ;

Considérant que c'est à bon droit que, par des motifs pertinents que la Cour adopte, le Tribunal correctionnel a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts présentée par C. B.;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,

statuant contradictoirement en matière correctionnelle,

Rejette le moyen invoqué par C. B. tendant à l'irrecevabilité des poursuites sur citation directe engagées à son encontre par M. S. le 18 février 2005,

Rejette la demande présentée par M. S. et J. S. tendant à la traduction de pièces,

Constate que le jugement du Tribunal correctionnel du 20 juin 2006 est devenu définitif quant à ses dispositions pénales.

Déboute M. S. et J. S. des fins de leur appel,

Confirme ledit jugement quant aux dispositions civiles,

Condamne M. S. et J. S. aux frais du présent arrêt.

Composition

M. Adam, V. prés. ; M. Dubes, prem. subst. proc. gén. ; Mes Pastor-Bensa et Leandri, av. déf.

Note

L'arrêt de la Cour d'appel a constaté que le jugement du 20 juin 2006, qui avait relaxé les prévenus, était devenu définitif, du fait qu'il n'avait été frappé d'appel que par les parties civiles, le ministère public n'ayant pas usé de cette voie de recours.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 27306
Date de la décision : 22/10/2007

Analyses

Droit de la famille - Autorité parentale et droits de l'enfant ; Infractions contre les personnes


Parties
Demandeurs : M. S. et J. S.
Défendeurs : C. B.

Références :

C. pén., art. 296
article 295 du Code pénal
C. pén., art. 295-3°
C. pén., art. 295-1°
article 81, alinéa 2, du Code de procédure pénale
ordonnance du 18 février 2005
articles 355 et 390 du Code de procédure pénale
article 387 du Code de procédure pénale
ordonnance n° 11-003 du 1er septembre 1993
articles 295 et 296 du Code pénal


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;2007-10-22;27306 ?

Source

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